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13/05/2022 | FRANCE | N°19/01578

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 13 mai 2022, 19/01578


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°241



N° RG 19/01578 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-PS6O













M. [W] [P]



C/



SARL PARE BRISE

















Infirmation partielle















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 M

AI 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°241

N° RG 19/01578 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-PS6O

M. [W] [P]

C/

SARL PARE BRISE

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 MAI 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 Janvier 2022

En présence de Madame [K] [R], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Mai 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [W] [P]

né le 17 Août 1984 à MIGENNES (89)

demeurant 10 Lieu-dit la Poulinière SAINT FLORENT LE VIEIL

49410 MAUGES SUR LOIRE

Représenté par Me Anne-Laure BELLANGER, Avocat au Barreau de NANTES

INTIMÉE :

La SARL PARE BRISE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

3 Route de Paris

44300 NANTES

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Vincent SEQUEVAL, Avocat plaidant du Barreau de NANTES

M. [W] [P] a été embauché le 11 février 2013 par la SARL PARE BRISE dans le cadre d'un CDI en qualité de Technicien polyvalent, échelon 3, niveau 1, statut ouvrier de la Convention collective des services de l'automobile.

Le 18 novembre 2015, M. [P] a été victime d'un accident de travail et s'est vu prescrire un arrêt de travail.

Le 12 février 2016 au cours d'un entretien professionnel auquel M. [W] [P] avait été convoqué, la perspective d'une rupture conventionnelle a été évoquée.

Du 16 février 2016 au mois de juillet 2016, M. [P] souffrant de problèmes de dos attribués à une hernie discale, a été placé en arrêt maladie.

Par courrier du 28 avril 2016, M. [W] [P] a demandé à son employeur de pouvoir bénéficier d'une rupture conventionnelle.

Le 17 mai 2016, l'employeur a refusé à M. [W] [P] le bénéfice de la rupture conventionnelle sollicitée.

A l'issue de la visite de reprise du 22 juin 2016, le médecin du travail a déclaré M. [P] inapte à son poste de travail dans les termes suivants :

« Première visite de reprise dans le cadre de l'article R.4624-31 du code du travail : suite aux éléments médicaux portés à ma connaissance, de la spécificité du poste occupé, de l'étude du poste effectué (sic) dans sa globalité, je statue ce jour sur une inaptitude médicale à son poste de poseur de parebrise en atelier et à domicile et à tout autre poste dans l'entreprise. Sera revu en deuxième visite réglementaire le 7 juillet 2016 à 10H50 ».

Le 7 juillet 2016, le médecin du travail a confirmé l'inaptitude de M. [W] [P] de la manière suivante : « Deuxième visite médicale dans le cadre de l'article R.4624-31 du code du travail, je confirme ce jour l'inaptitude médicale à son poste de poseur de parebrise en atelier et à domicile des clients et à tout autre poste dans l'entreprise ».

Par courrier du 16 septembre 2016, M. [P] a fait l'objet d'une convocation à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement qui s'est déroulé le 4 octobre 2016, avant d'être licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier en date du 7 octobre 2016.

Le 3 août 2017, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de voir:

' Dire que le licenciement pour inaptitude en date du 7 octobre 2016 constitue un licenciement nul ou à titre subsidiaire, un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' Fixer le salaire moyen mensuel brut à la somme de 2.003,84 € et le préciser dans la décision à intervenir,

' Condamner la SARL PARE BRISE au paiement des sommes suivantes :

- 4.007,68 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 400,76 € brut au titre des congés payés sur préavis,

- 24.000 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul (subsidiairement sans cause réelle et sérieuse),

- 10.000 € net à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 2.003,84 € net à titre de dommages-intérêts pour critères d'attribution discriminants,

- 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens et frais d'exécution forcée,

' Intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil pour les condamnations à caractère salarial et à compter du jugement pour les condamnations à caractère indemnitaire, avec capitalisation des intérêts,

' Exécution provisoire (article 515 du code de procédure civile).

La cour est saisie de l'appel régulièrement formé par M. [W] [P] le 7 mars 2019 contre le jugement du 29 janvier 2019 notifié le19 février 2019 par lequel le conseil de prud'hommes de Nantes a :

' Débouté M. [P] de l'intégralité de ses demandes,

' Débouté la SARL PARE BRISE de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamné M. [P] aux dépens éventuels de l'instance.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 5 juin 2019, suivant lesquelles M. [P] demande à la cour de :

' Réformer le jugement entrepris,

' Dire que le licenciement pour inaptitude en date du 7 octobre 2016 constitue un licenciement nul, ou à titre subsidiaire, un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' Condamner la SARL PARE BRISE à verser à M. [P] les sommes suivantes :

- 4.007,68 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 400,76 € brut au titre des congés payés sur préavis,

- 30.000 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul (subsidiairement sans cause réelle et sérieuse),

- 10.000 € net à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 2.003,84 € net à titre de dommages-intérêts pour critères d'attribution discriminants,

- 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens et frais d'exécution forcée,

' Intérêts de droit pour les condamnations à caractère salarial à compter de la saisine du conseil et pour les condamnations à caractère indemnitaire, à compter du jugement, avec application de l'article 1154 du code civil,

' Exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 16 juillet 2019, suivant lesquelles la SARL PARE BRISE demande à la cour de :

' Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la SARL PARE BRISE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

' Condamner M. [P] à payer à la SARL PARE BRISE la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour d'appel.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 13 janvier 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du licenciement :

Pour infirmation du jugement entrepris et nullité de son licenciement ou à titre subsidiaire, absence de cause réelle et sérieuse, M. [W] [P] soutient que son licenciement pour inaptitude est nul car il trouve son origine dans les fautes de l'employeur, en particulier du fait du harcèlement moral et de la discrimination liée à l'état de santé subis ainsi que du manquement à l'obligation de sécurité.

M. [W] [P] expose qu'en toute hypothèse, son inaptitude trouve sa cause directe, dans les agissements gravement fautifs commis par l'employeur à l'origine de la dégradation de son état de santé. A titre subsidiaire, M. [W] [P] reproche à son employeur de ne pas démontrer avoir satisfait à son obligation de reclassement.

Contre la remise en cause du bien fondé du licenciement de M. [W] [P], la SARL PARE BRISE soutient à titre principal, que le licenciement de l'intéressé n'est pas nul dès lors que le salarié ne prouve pas les actes de harcèlement, discrimination et manquement à l'obligation de sécurité qu'il lui impute et qu'au contraire la preuve de la bonne foi de l'employeur est rapportée.

La SARL PARE BRISE fait en outre valoir à titre subsidiaire, que le licenciement ne peut être dénué de cause réelle et sérieuse dès lors que la preuve est rapportée qu'il a respecté son obligation de reclassement.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, le juge doit apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que les faits en cause ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

L'article L.1152-4 du même code oblige l'employeur à prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ;

L'article 26 de la Charte sociale européenne dispose que :

« En vue d'assurer l'exercice effectif du droit de tous les travailleurs à la protection de leur dignité au travail, les Parties s'engagent, en consultation avec les organisations d'employeurs et de travailleurs :

[...]

2. à promouvoir la sensibilisation, l'information et la prévention en matière d'actes condamnables ou explicitement hostiles et offensifs de façon répétée contre tout salarié sur le lieu de travail ou en relation avec le travail, et à prendre toute mesure appropriée pour protéger les travailleurs contre de tels comportements ».

Il suit de ces dispositions que l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment de harcèlement moral ; l'absence de faute de sa part ou le comportement fautif d'un autre salarié de l'entreprise ne peuvent l'exonérer de sa responsabilité à ce titre ; les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique ne peuvent caractériser un harcèlement moral que si elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposé, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap ; en cas de litige cette personne doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments la partie défenderesse doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instructions qu'il estime utiles ;

De même le salarié qui se prétend lésé par une discrimination salariale, une atteinte au principe général "à travail égal, salaire égal", doit soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement et il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination justifiant l'inégalité de traitement dont se plaint le salarié ;

Il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié qui a soumis au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de rémunération, d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En ce qui concerne le harcèlement, M. [W] [P] fait état de difficultés d'ordre professionnel, tenant à l'absence de transmission d'une copie de l'avenant concernant sa promotion en qualité de chef d'équipe, la répétition de reproches injustifiés, l'absence de démarche de son employeur concernant sa déclaration d'accident du travail, les pressions exercées à l'égard des salariés lors et à la suite du débriefing de la convention de Chateaubriand, produit aux débats, la convocation pour lui proposer une rupture conventionnelle puis le refus qui lui a été opposé, l'absence de communication d'un compte rendu de cet entretien malgré les relances, l'envoi de courriels particulièrement déplacés et grossiers le qualifiant notamment d'élément nuisible et malsain, l'envoi d'une fiche de fonction rajoutant une multitude de tâches et des reproches sur son travail alors qu'il est en arrêt, la prise à témoins des autres salariés de sa réclamation concernant le défaut de déclaration de son accident à la prévoyance et l'invitation à présenter sa démission ainsi que le refus discriminatoire de lui verser une prime.

Etant relevé que les courriels invoqués par le salarié sont la reproduction de contenus de courriels sans reprise des éléments relatifs à l'émetteur comme au destinataire, cette circonstance n'est pas suffisante pour en remettre en cause la réalité qui n'est pas véritablement discutée.

Ceci étant, il n'apparaît pas que le courriel intitulé "plein les fesses" adressé à tous les salariés dans lequel l'employeur manifeste son agacement concernant le non respect de consignes, avant de répéter à deux reprises "plein les fesses" ait été adressé à M. [W] [P] et puisse porter sur des reproches le concernant en particulier, de sorte que s'il donne une coloration particulière au management de l'employeur, il ne peut en soi être invoqué par M. [W] [P] comme constituant un élément pouvant être pris en compte concernant l'appréciation du harcèlement qu'il invoque.

Les autres éléments invoqués et documentés par le salarié, qu'il s'agisse de l'exigence de l'employeur à la suite de la convention de Chateaubriand de se transformer en technicien commercial au travers de gestes promotionnels, de détection de situations justifiant une offre de prestation ou de diffusion d'imprimés sur les pares-brise, l'absence de communication de l'avenant de promotion au poste de chef d'équipe ou du compte rendu de l'entretien de proposition de rupture conventionnelle, comme la prise à témoin à deux reprises des autres salariés par des courriels au contenu pouvant recevoir une autre qualification mais dont il n'était pas lui-même destinataire, même pris dans leur ensemble, ne laissent pas en revanche présumer l'existence d'un harcèlement moral à l'égard de M. [W] [P].

Seuls le refus opposé par l'employeur à l'acceptation par le salarié de la proposition de rupture conventionnelle qui lui avait été faite et l'invitation à démissionner ainsi que le refus de lui verser une prime en raison de son absence, pourraient laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Le refus d'acceptation de la rupture conventionnelle et l'invitation à démissionner ont été adressés au salarié dans le cadre du même courrier sont justifiés par l'employeur par le fait que l'aval du salarié soit intervenu bien au delà du délai imparti au salarié pour y répondre, ce qui constitue en soi un élément objectif étranger à tout harcèlement.

De la même manière, l'invitation à démissionner adressée au salarié, pour inélégante qu'elle soit, se borne à tirer les conséquences de la volonté exprimée du salarié de quitter l'entreprise et du refus d'accéder à son acceptation tardive de la rupture conventionnelle, de sorte qu'elle est justifiée par un élément objectif étranger à tout harcèlement.

S'il ressort explicitement du courrier de l'employeur du 14 septembre 2016 (pièce 31 salarié) que des primes exceptionnelles qu'il n'a pas perçues ont été versées à ses collègues du fait de son absence, leur versement n'apparaît pas discriminatoire à l'inverse de ce que soutient le salarié mais fondé sur un élément objectif étranger à tout harcèlement, tenant à l'investissement supplémentaire de leur part lors de l'ouverture de nouveaux sites, du fait d'un moindre effectif.

En conséquence, la réalité de ce grief imputé à ce titre à l'employeur n'est pas établie.

En application de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des

circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L.4121-3 du même code précise que l'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe.

A la suite de cette évaluation, l'employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement.

Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l'application du présent article doivent faire l'objet d'une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat après avis des organisations professionnelles concernées.

Si la charge de la preuve incombe à l'employeur en ce qui concerne l'obligation de sécurité, encore faut il qu'il soit rapporté un élément permettant d'établir un fait susceptible de caractériser le manquement qui lui est imputé.

En l'espèce, il est établi que le 18 novembre 2015, M. [P] a été victime d'un accident de travail et s'est vu prescrire un arrêt de travail évoquant des douleurs dorsales pour sa partie à peine lisible mais qu'il ne justifie pas avoir communiqué à son employeur, ayant renoncé à en bénéficier.

Il est également établi que le 12 février 2016 au cours d'un entretien professionnel l'employeur a proposé à M. [W] [P] de bénéficier une rupture conventionnelle mais qu'il a été placé en arrêt de travail dès le 16 février 2016 en raison de problèmes de dos attribués à une hernie discale et n'a jamais repris son poste, ayant été licencié pour inaptitude le 7 octobre 2016 à la suite de deux visites de reprise l'ayant déclaré inapte à son poste et à tout poste dans l'entreprise.

Hormis la carence de l'employeur concernant la justification de l'envoi de la déclaration d'accident du travail, il n'est rapporté l'existence d'aucun fait imputable à l'employeur et la renonciation du salarié au bénéfice de son arrêt de travail pour une durée que le document produit ne permet pas de déterminer, fait obstacle au grief non autrement explicité concernant l'absence d'éventuel aménagement de poste pour la période comprise entre le 18 novembre 2015 et le 16 février 2016, date à laquelle il a été placé en arrêt de travail et l'existence de tout lien entre le seul manquement établi et la dégradation de l'état de santé du salarié.

Il résulte des développements qui précèdent qu'il n'est pas établi que l'inaptitude de M. [W] [P] résulte des manquements précités que le salarié impute à l'employeur. Il y a lieu par conséquent de le débouter de la demande formulée à ce titre.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

En application des dispositions de l'article L. 1222-1 du Code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l'exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l'invoque.

Les éléments ci-dessus rapportés par le salarié et pour l'essentiel non discutés ou non justifiés par l'employeur s'ils ne permettent pas de prononcer la nullité de licenciement, procèdent effectivement d'une exécution déloyale du contrat de travail de M. [W] [P], de la part de l'employeur.

En effet, suffisent à caractériser l'exécution déloyale du contrat de travail, l'absence de remise au salarié de l'avenant à son contrat de travail portant promotion au poste de chef d'équipe, l'absence de justification de la déclaration d'accident du travail, la prise à témoin de l'ensemble des salariés au travers de deux courriels qualifiant pour l'un le salarié en l'occurrence absent, d'individu malsain et nuisible, en exprimant le regret de ne pas pouvoir s'en débarrasser et pour l'autre, en transmettant assorti de commentaires particulièrement sentencieux, le contenu d'un courriel par lequel le salarié adressait une réclamation concernant la mise en oeuvre du régime de prévoyance, la circonstance que M. [W] [P] salarié d'une entreprise comportant moins de dix salariés n'ait pas été lui-même directement destinataire de ces courriels étant à cet égard indifférente.

De même, le fait de consulter les salariés présents pour décider s'il y a lieu de verser à M. [W] [P] absent une prime exceptionnelle dont la décision relève de son pouvoir de direction, procède d'une exécution déloyale du contrat de travail.

Il y a lieu par conséquent d'infirmer le jugement entrepris de ce chef et de condamner la SARL PARE BRISE à verser à M. [W] [P] la somme de 6.000 € à ce titre.

Sur le bien fondé du licenciement pour inaptitude :

En application de l'article L. 1226-2 du code du travail, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ; l'employeur ne peut prononcer le licenciement que s'il justifie soit de l'impossibilité où il se trouve de proposer un emploi dans les conditions prévues ci-dessus, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions.

En l'espèce, pour justifier du caractère loyal et sérieux de ses recherches de reclassement, la SARL PARE BRISE produit une note d'information du 18 août 2016 adressée à 'Centres FRANCE PARE BRISE prioritaires', intitulée en majuscules 'RECLASSEMENT', ainsi rédigée :

« Cher (e) adhérent (e),

Dans le cadre d'une procédure de reclassement, concernant M. [W] [P], actuellement technicien ' poseur au centre de Saint-Herblain (44), nous mettons son CV à votre disposition.

Il est visible sur la partie privée du site Internet France PARE BRISE, rubrique « Informations des centres » ' Onglet « CV ' Thèque» ' catégorie « reclassement ».

Nous vous invitons à consulter dans le cadre vous pourriez avoir besoin de ses services un poste autre que technicien vitrage.

Vous remerciant (') »

L'employeur produit également le courriel du 14 septembre 2016 par lequel le médecin du travail confirmant qu'elle n'entrevoyait pas de reclassement possible 'pour ce monsieur par un quelconque aménagement ou réduction de temps de travail' en réponse à un courrier de M. [N] du 06 août 2016 qui n'est pas produit ainsi qu'un courriel du 31 août 2016 émanant de FRANCE PARE BRISE LAVAL indiquant 'suite à votre demande de reclassement conçernant (sic) MR [P] [W], je ne peux donner suite a (re-sic) celle ci.'

En se bornant à produire une note destinée aux agences du groupe FRANCE PARE BRISE dont la diffusion n'est corroborée que par le courriel de l'agence de LAVAL, renvoyant les adhérents à aller rechercher sur le site Internet FRANCE PARE BRISE, jusqu'à la catégorie 'reclassement' au travers d'une rubrique et d'un onglet, le curriculum vitae du salarié qui n'est pas plus produit que l'éventuelle copie d'écran, a fortiori en plein mois d'août, l'employeur ne démontre pas avoir procédé loyalement aux recherches de reclassement qui lui incombaient, ce dont atteste l'unique réponse dont il peut justifier au regard de l'importance du réseau FRANCE PARE BRISE.

Au surplus, dans sa réponse du 14 septembre 2016, le médecin du travail fait état du 'courrier du 06 08 2016 et des démarches de reclassement que vous avez déjà entrepris au sein des différentes entités de votre entreprise' dont la société ne justifie pas et en contradiction manifeste avec la note du 18 août 2016 qui lui est postérieure, de sorte que la recherche de reclassement alléguée est dépourvue de caractère sérieux.

Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris de ce chef et de déclarer le licenciement de M. [W] [P] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

***

Sur les conséquences du licenciement :

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise, de la perte d'une ancienneté de 3 ans et 8 mois pour un salarié âgé de 32 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à l'égard de l'intéressé qui justifie de son inscription à Pôle Emploi jusqu'en septembre 2017, du suivi de formation pour opérer une reconversion professionnelle d'abord en qualité de vacataire à temps partiel puis de remplaçant en contrat à durée déterminée et enfin en qualité de contractuel avec une rémunération brute de 1.899,51€, inférieure au salaire antérieurement perçu ainsi que cela résulte des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 une somme de 16.000 € net à titre de dommages-intérêts ;

Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.

Selon l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, ou si l'inexécution résulte du commun accord des parties, à une indemnité compensatrice.

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut donc prétendre aux indemnités de licenciement, compensatrice de préavis et de congés afférents tel qu'il est dit au dispositif, pour les sommes non autrement contestées.

Sur la capitalisation des intérêts :

En application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée ; il doit être fait droit à cette demande';

Sur le remboursement ASSEDIC

En application de l'article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées

Les conditions d'application de l'article L 1235-4 du Code du travail étant réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur fautif, est de droit ; ce remboursement sera ordonné tel qu'il est dit au dispositif ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser le salarié des frais irrépétibles qu'il a pu exposer pour assurer sa défense en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

DÉCLARE le licenciement de M. [W] [P] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SARL PARE BRISE à payer à M. [W] [P] :

- 16.000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 4.007,68 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 400,76 € brut au titre des congés afférents ;

- 6.000 € net à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

et y ajoutant,

CONDAMNE la SARL PARE BRISE à payer à M. [W] [P] 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE le remboursement par la SARL PARE BRISE à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à M. [W] [P] dans les limites de trois mois en application de l'article L 1235-4 du code du travail.

CONDAMNE la SARL PARE BRISE aux entiers dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/01578
Date de la décision : 13/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-13;19.01578 ?
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