La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/05/2022 | FRANCE | N°19/01331

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 13 mai 2022, 19/01331


2ème Chambre





ARRÊT N°302



N° RG 19/01331

N° Portalis DBVL-V-B7D-PSFZ













M. [T] [U]



C/



Société BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours













Copie exécutoire délivrée



le :



à :

- Me RINEAU

- Me L

E BERRE BOIVIN



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 MAI 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène...

2ème Chambre

ARRÊT N°302

N° RG 19/01331

N° Portalis DBVL-V-B7D-PSFZ

M. [T] [U]

C/

Société BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me RINEAU

- Me LE BERRE BOIVIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 MAI 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 Février 2022,

devant Madame Hélène BARTHE-NARI, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Mai 2022, après prorogation, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [T] [U]

né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Bernard RINEAU de la SELARL RINEAU & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST

anciennement dénommée BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Jean-Philippe RIOU de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, plaidant, avocat au barreau de NANTES

EXPOSE DU LITIGE

Suivant convention de compte de dépôt et offre de contrat de crédit, toutes deux en date du 17 juillet 2014, la Banque populaire Grand Ouest ( ci-après la BPGO) a ouvert un compte de dépôt n°[XXXXXXXXXX03] à M. [T] [U], déjà client chez elle, et lui a consenti une autorisation de découvert d'un montant de 100 000 euros pour une durée indéterminée, donnant lieu à la perception d'intérêts débiteurs à taux variable de 19,10 % au jour du contrat.

Par courrier du 21 avril 2015, la BPGO a prononcé la déchéance du terme de l'autorisation de découvert et a mis M. [U] en demeure de payer la somme de 110 950,54 euros.

Par acte du 18 février 2016, la BPGO a assigné devant le tribunal de grande instance de Nantes M. [T] [U] aux fins d'obtenir sa condamnation en paiement. L'incompétence du tribunal a été constatée par ordonnance du 12 janvier 2017 au profit du tribunal d'instance de Nantes.

Par jugement du 22 janvier 2019, le tribunal a :

-dit que la société Banque populaire Grand Ouest est déchue de son droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat accepté le 17 juillet 2014,

- condamné M. [T] [U] à payer à la société Banque populaire Grand Ouest la somme de 97 881,53 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2015,

- rappelé qu'en cas de mise en place d'une procédure de surendettement, la créance sera remboursée selon les termes et conditions fixées dans ladite procédure,

- condamné M. [T] [U] aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.

Par acte du 26 février 2019, M. [U] a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 7 février 2020, le conseiller de la mise en état, saisi aux fins de radiation sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable, a dit n'y avoir lieu à radiation du rôle de la cour de l'appel formé par M. [U], l'exécution provisoire du jugement déféré ayant des conséquences manifestement excessives en cas de réformation.

Selon ses dernières conclusions signifiées le 20 janvier 2022, M. [U] demande à la cour de :

- le juger recevable et bien fondé en son appel ;

Y faisant droit,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Nantes le 22 janvier 2019, portant le n° de rôle 11 17-000436, en ce qu'il a condamné M. [T] [U] à payer à la société Banque populaire grand ouest la somme de 97 881,53 € avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2015, condamné M. [T] [U] aux dépens et ordonné l'exécution provisoire de la décision,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que la Banque populaire Grand Ouest a manqué à ses obligations de conseil et de mise en garde,

- dire et juger que la Banque populaire Grand Ouest a fait preuve de déloyauté en proposant frauduleusement à M. [U] de souscrire une autorisation de découvert destinée à préserver ses seuls intérêts,

- dire et juger que la Banque populaire Grand Ouest a commis des manquements de nature à engager sa responsabilité,

En conséquence,

- condamner la Banque populaire Grand Ouest à payer à M. [T] [U] la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- ordonner la compensation des condamnations respectives,

En toute hypothèse,

- confirmer la déchéance de la Banque populaire Grand Ouest de son droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat accepté le 17 juillet 2014,

- condamner la société Banque populaire Grand Ouest à payer à M. [T] [U] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Banque populaire Grand Ouest aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au vu de ses dernières conclusions notifiées le 21 janvier 2022, la BPGO demande à la cour de: Rejetant l'appel, le disant mal fondé,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter M. [T] [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,

Très subsidiairement, fixer l'indemnisation du prétendu préjudice à la somme de 1euro,

- condamner M. [T] [U] à payer à la Banque populaire Grand Ouest la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [T] [U] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 27 janvier 2022.

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur le manquement de la banque à ses obligations de conseil et de diligence, de mise en garde et de loyauté:

M. [U] reproche au tribunal de l'avoir débouté de sa demande en dommages-intérêts en retenant qu'il avait la qualité d'emprunteur averti de sorte que la banque n'avait aucune obligation de mise en garde à son égard puisqu'il était à même d'apprécier la portée de l'obligation de remboursement qu'il avait contractée le 17 juillet 2014.

Contestant être un emprunteur averti, il soutient que la banque avait à son égard un devoir de conseil, de diligence et de vigilance, l'obligeant à le guider dans les choix à opérer, à vérifier sa solvabilité et à lui proposer des produits ou des opérations bancaires adaptés à sa situation. Or, il fait valoir que le prêt litigieux n'était pas adapté à ses capacités financières et comportait des risques d'endettement. Il prétend que son diplôme en finances et commerce international, pas plus que ses expériences professionnelles, ne lui conféraient une connaissance particulière en matière financière et qu'il ne pouvait être qualifié d'emprunteur averti que la banque n'avait pas besoin de mettre en garde lors de l'octroi du prêt en raison de ses

compétences.

M. [U] soutient de surcroît, que le montage financier consistant à lui faire souscrire personnellement une autorisation de découvert, du fait de la situation obérée de la société Irepolia qui ne pouvait souscrire de nouveaux prêt, a été imaginé et proposé par la BPGO, qui, détenant les comptes bancaires de la société Irepolia et lui ayant consenti un prêt de 140 000 euros en mai 2011, connaissait ses difficultés. Soulignant que les fonds prêtés ont été immédiatement virés sur le compte de la société Irepolia, que la clôture des comptes et la déchéance du terme ont été prononcées neuf mois après l'autorisation de découvert et que la société Irepolia a été mise en liquidation judiciaire rapidement après ce financement, M. [U] prétend que la BPGO aurait dû l'alerter et surtout ne pas lui proposer d'autorisation de découvert. Il sollicite la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour sa perte de chance de ne pas contracter une autorisation de découvert inadaptée et inappropriée.

A tout le moins, il considère que la banque a manqué à son obligation de loyauté, en préservant ses propres intérêts au détriment de ceux de son client puisque, en lui proposant de souscrire un concours à titre personnel, après avoir refusé à la société Irepolia de la financer directement, elle s'assurait ainsi d'un remboursement maximal grâce au bien immobilier propriété de M. [U] et de son épouse et un avantage certain sur les autres créanciers de la société. L'appelant fait enfin valoir que le concours souscrit s'est au surplus révélé insuffisant et qu'il a été contraint de contracter le mois suivant un nouveau prêt professionnel de 40 000 euros auprès d'un autre organisme bancaire.

Il sera rappelé toutefois que si l'établissement de crédit est effectivement tenu d'une obligation de mise en garde à l'égard de l'emprunteur non averti, consistant à l'alerter sur l'adaptation du prêt à ses capacités financières et le risque d'endettement résultant de son octroi, cette obligation ne porte pas sur l'opportunité ou les risques de l'opération immobilière financée, le banquier n'étant pas tenu d'un devoir de conseil envers son client et devant, en outre, s'abstenir de s'immiscer dans la gestion de ses affaires. Il n'est tenu que d'une obligation d'information sur les caractéristiques du prêt qu'il propose pour permettre à son client de s'engager en toute connaissance de cause. Par ailleurs, l'emprunteur averti c'est à dire celui disposant des compétences nécessaire pour apprécier le contenu, la portée et les risques liés au concours consenti, ne peut se prévaloir d'un devoir de mise en garde de la banque à son égard sauf à démontrer que celle-ci détenait sur sa situation financière des informations que lui-même ignorait.

En l'espèce, comme le souligne la banque, et comme l'a justement relevé le premier juge, M. [U] était titulaire d'un diplôme d'études supérieures spécialisées en finance et commerce international, récompensant cinq années d'études supérieures, et doté d'une expérience professionnelle de plusieurs années en tant qu'ingénieur commercial avec un portefeuille de clients qualifiés, selon ses propres écritures, ' Grands comptes' chez Veolia Suez et Johnson Controls, puis comme consultant indépendant dans le cadre d'une franchise Prospactive et président de la société Irepolia, qu'il a décidée de racheter en 2011 après l'avoir diagnostiquée dans le cadre de son activité de consultant. Même si ses fonctions professionnelles étaient essentiellement commerciales et de management, il disposait des compétences nécessaires pour appréhender la portée et les risques d'une autorisation de découvert à hauteur de 100 000 euros avec un taux d'intérêt variable de 19, 10 %, s'agissant en outre d'une opération bancaire simple.

C'est donc à juste titre que le tribunal a considéré que la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde à son égard.

Par ailleurs, il ne peut être conclu que le crédit octroyé sous forme d'autorisation de découvert, qui ne comporte effectivement pas de stipulation d'affectation, puisse être considéré comme un soutien abusif de la société Irepolia par le simple fait que les fonds prêtés ont été virés sur le compte de celle-ci. A supposer que ce fut le cas, ainsi que le premier juge l'a évoqué dans son jugement, M. [U], qui souligne que la banque connaissait la situation compromise de la société Irepolia, pour détenir ses comptes bancaires dans ses livres, n'allègue ni ne démontre qu'elle disposait de renseignements dont il n'avait pas connaissance en sa qualité de président de cette société depuis plusieurs années.

S'agissant d'un manquement à une obligation de loyauté invoqué par M. [U], il convient de souligner que celui-ci repose sur l'allégation que l'autorisation de découvert avait pour but de soutenir financièrement la société Irepolia tout en réservant à la banque la possibilité de s'assurer du paiement du prêt sur les revenus et patrimoine de M. [U], sans entrer en concurrence avec les autres créanciers. Or, outre le fait que la BPGO conteste cette affectation déguisée du prêt qui n'est au surplus, pas établie, M. [U] ne soutient nullement que son consentement au prêt ait été vicié ou contraint. Il apparaît au contraire que c'est en toute connaissance de cause qu'il a accepté l'autorisation de découvert, choisi d'affecter les fonds prêtés à la société Irepolia dont il connaissait les difficultés financières et recouru à un autre prêt professionnel de 40 000 euros auprès d'un autre établissement bancaire, le mois suivant. Aucune faute de la banque n'étant démontrée, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts.

Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Tout en soulignant que l'absence d'information précontractuelle n'est pas sanctionnée par la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts, la BPGO, qui précise qu'elle n'acquiesce pas au jugement sur ce point, n'en sollicite pas l'infirmation mais la confirmation dans un souci d'apaisement.

M. [U] conclut également à la confirmation du jugement sur ce point.

En conséquence, le jugement rendu par le tribunal d'instance de Nantes le 22 janvier 2019 sera confirmé en toutes ses dispositions, y compris sur la charge des dépens.

M. [U] qui succombe en son appel supportera la charge des dépens d'appel.

Il n'y a enfin pas matière à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 janvier 2019 par le tribunal d'instance de Nantes,

Condamne M. [T] [U] aux dépens d'appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/01331
Date de la décision : 13/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-13;19.01331 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award