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13/05/2022 | FRANCE | N°18/07949

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 13 mai 2022, 18/07949


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°239



N° RG 18/07949 -

N° Portalis DBVL-V-B7C-PLWA













SA CREDIT MUTUEL ARKEA



C/



Mme [G] [B]

















Infirmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 M

AI 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique du 27 J...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°239

N° RG 18/07949 -

N° Portalis DBVL-V-B7C-PLWA

SA CREDIT MUTUEL ARKEA

C/

Mme [G] [B]

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 MAI 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 Janvier 2022

devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET et Madame Gaëlle DEJOIE, magistrats tenant l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Mai 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SA CREDIT MUTUEL ARKEA prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :

1 rue Louis Lichou

29480 LE RELECQ KERHUON

Représentée par Me Frédérick DANIEL, Avocat au Barreau de BREST

INTIMÉE et appelante à titre incident :

Madame [G] [B]

née le 17 Janvier 1959 à LORIENT (56)

demeurant 13 rue du Port

56570 LOCMIQUELIC

Représentée par Me Elisabeth GERVOIS substituant à l'audience Me Dominique LE GUILLOU-RODRIGUES, Avocats au Barreau de QUIMPER

.../...

INTERVENANT VOLONTAIRE :

L'Institut National Public POLE EMPLOI BRETAGNE pris en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

36 rue de Léon

35053 RENNES CEDEX

Représentée par Me Charles PIOT substituant à l'audience Me Mélanie VOISINE de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, Avocats au Barreau de RENNES

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

Mme [G] [B] a été embauchée le 21 avril 1981par la S.A. CREDIT MUTUEL ARKEA dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de Guichetière-secrétaire.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la Convention collective de branche du Crédit Mutuel et la Convention collective UES Arkade, Mme [B] occupait les fonctions de Responsable de clientèle de particuliers, statut cadre et ce, depuis 2000.

Le 26 novembre 2013, Mme [B] a été reconnue travailleur handicapé par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du Morbihan.

A l'issue de la visite médicale du 13 février 2015, le médecin du travail a déclaré la salariée 'apte avec aménagement de poste' et formulé les préconisation suivantes: 'fauteuil réglable, souris et clavier adaptés. L'état de santé actuel justifie une réduction du temps de travail de 20% dans le cadre de l'accord handicap'.

Mme [B] a bénéficié d'un congé sans solde du 19 mars 2016 au 16 septembre 2016.

Le 19 septembre 2016, Mme [B] a été placée en arrêt de travail par son médecin traitant jusqu'au 1er octobre 2016, prolongé jusqu'au 26 octobre 2016.

A l'issue de la visite de reprise du 3 novembre 2016, le médecin du travail a déclaré la salariée 'Apte : à reprendre une activité à temps partiel (environ 19 heures semaine) et ce, en date du mardi 8 novembre 2016.'

Le 8 novembre 2016, Mme [B] a été affectée temporairement sur un poste à temps partiel au sein de l'agence de Lorient Sévigné.

Le 18 novembre 2016, elle a été informée de son intégration aux effectifs de la Caisse de Guidel à compter du 6 décembre 2016.

Le 6 décembre 2016, Mme [B] ne s'est pas présentée à ce poste.

Le 21 décembre 2016, Mme [B] a fait l'objet d'une convocation à entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 29 décembre 2016, assortie d'une mise à pied à titre conservatoire.

Le conseil de discipline s'est réuni le 26 janvier 2017.

Par courrier du 27 janvier 2017, Mme [B] a été licenciée pour faute grave en raison d'un abandon de poste.

Le 7 mars 2017, Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Brest aux fins de voir:

' Dire que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

' Condamner la SA CREDIT MUTUEL ARKEA à lui verser les sommes suivantes :

- 7.647,74 € brut à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,

- 764,77 € brut au titre des congés payés afférents,

- 13.236,48 € brut à titre d'indemnité de préavis,

- 1.323,64 € brut au titre des congés payés afférents,

- 92.655,36 € net à titre d'indemnité de licenciement,

- 4.412,16 € net à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de procédure,

- 150.000 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5.000 € net à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et vexatoire,

- 5.000 € net à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

' Ordonner la remise du certificat de travail, de l'attestation Pôle Emploi et des bulletins de paie rectifiés au regard de la décision à intervenir, dans le délai de 15 jours à compter de la notification de la décision sous astreinte de 80 € par jour de retard, le conseil se réservant la faculté de liquider cette astreinte,

' Dire que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

' Dire que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

' Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile.

La cour est saisie de l'appel régulièrement formé le 11 décembre 2018 par la S.A. CREDIT MUTUEL ARKEA contre le jugement du 30 novembre 2018 notifié le 4 décembre 2018, par lequel le conseil de prud'hommes de Brest a :

' En la forme, reçu Mme [B] en sa requête,

' Dit et jugé que le licenciement de Mme [B] n'est pas justifié par une faute grave mais repose sur une cause réelle et sérieuse,

' Condamné la SA CREDIT MUTUEL ARKEA à verser à Mme [B] les sommes suivantes :

- 7.647,74 € brut à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,

- 764,77 € brut au titre des congés payés afférents,

- 13.236,48 € brut à titre d'indemnité de préavis,

- 1.323,64 € brut au titre des congés payés afférents,

- 92.655,36 € net à titre d'indemnité de licenciement,

- 5.000 € net à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' Disposé que les sommes allouées seront porteuses des intérêts de droit à compter de la demande en justice pour les montants à caractère salarial (date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la partie défenderesse, soit le 14 mars 2017), à compter de la notification de la décision pour les dommages-intérêts en vertu des dispositions de l'article 1231-7 du code civil,

' Rappelé l'exécution provisoire de droit (article R.1454-28 du code du travail) à laquelle sera assorti le présent jugement, et fixé le salaire moyen mensuel brut à la somme de 4.412,16 €,

' Rappelé qu'en application des dispositions de l'article R.1235-1 du code du travail, copie du jugement sera transmise par le greffe à l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage dans les conditions de l'article R.1235-2 du code du travail,

' Ordonné la remise du certificat de travail, l'attestation Pôle Emploi, et les bulletins de paie rectifiés, dans le délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il soit besoin d'assortir cette remise d'une astreinte,

' Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

' Condamné la SA CREDIT MUTUEL ARKEA aux dépens, y compris en cas d'exécution forcée, les éventuels honoraires et frais d'huissier.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 14 janvier 2022, suivant lesquelles la S.A. CREDIT MUTUEL ARKEA demande à la cour de :

Principalement,

' Infirmer le jugement entrepris et débouter Mme [B] de l'intégralité de ses demandes,

' La condamner à payer la somme de 3.000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Subsidiairement,

' Infirmer le jugement entrepris et fixer le montant des condamnations aux sommes suivantes :

- 2.402,58'€'brut à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,

- 240,26'€'brut au titre des congés payés afférents,

- 72.494,88'€ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 5.844,12'€'brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 584,41'€'brut au titre des congés payés afférents,

' La condamner aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 14 janvier 2022, suivant lesquelles Mme [B] demande à la cour de :

' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que le licenciement n'est pas justifié par une faute grave,

' Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

' Dire que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

' Condamner la SA CREDIT MUTUEL à verser à Mme [B] les sommes suivantes :

- 7.647,74 € brut à titre de rappel de salaire (mise à pied conservatoire),

- 764,77 € brut au titre des congés payés afférents,

- 13.236,48 € brut à titre d'indemnité de préavis,

- 1.323,64 € brut au titre des congés payés afférents,

- 92.655,36 € net à titre d'indemnité de licenciement,

- 4.412,16 € net à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de procédure,

- 150.000 € net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5.000 € net à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et vexatoire,

- 5.000 € net à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité,

' Ordonner la remise du certificat de travail, l'attestation Pôle Emploi, et les bulletins de paie rectifiés au regard de la décision à intervenir, dans le délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 80 € par jour de retard, le conseil se réservant la faculté de liquider cette astreinte,

' Dire que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes,

' Dire que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

' Condamner la SA CREDIT MUTUEL ARKEA à verser à Mme [B] la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 14 juin 2019, suivant lesquelles Pôle Emploi demande à la cour de :

' Condamner la SA CREDIT MUTUEL ARKEA à rembourser auprès de Pôle Emploi les indemnités versées à Mme [B], soit 9.765,13 €,

' Condamner la SA CREDIT MUTUEL ARKEA à verser à Pôle Emploi la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 20 janvier 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail :

- Quant à l'obligation de sécurité :

Pour infirmation à ce titre, la société CREDIT MUTUEL ARKEA soutient qu'elle a toujours suivi les préconisations du médecin du travail ; qu'il est constant qu'après avoir conclu un accord sur les risques psychosociaux, elle a mis en place un dispositif extrêmement élaboré pour lutter contre ces derniers et que son document unique d'évaluation des risques était à jour et particulièrement consistant.

Poursuivant la confirmation du jugement entrepris sur ce point, Mme [B] fait valoir que la société CREDIT MUTUEL ARKEA n'a mis en place aucune politique de prévention des risques au sein de l'entreprise et qu'elle ne produit aucun document unique de prévention des risques professionnels de janvier 2017; que l'attitude de l'employeur à son égard a eu des conséquences sur son état de santé, déjà fragilisé et qu'il en résulte un manquement à l'obligation de sécurité lui incombant.

Selon l'article L.4121-1 du code du travail, en sa rédaction applicable au litige :

'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'

En l'espèce, l'employeur verse au débat un accord sur la prévention des risques sociaux (pièce 27) visant à définir les différentes formes de risques psychosociaux, les mesures de prévention associées au sein de l'entreprise ainsi que les axes qui composent le plan d'action.

L'employeur produit également un document unique d'évaluation des risques pour l'année 2016 dans lequel il est procédé à l'évaluation des risques psychosociaux - répartis en trois volets, stress post -traumatique; harcèlement et stress au travail - par unité de travail (pièce 28).

La salariée ne produit aucune autre pièce au débat permettant de caractériser un quelconque manquement de l'employeur à ses obligations en matière de santé et de sécurité.

Dans ces circonstances, le jugement entrepris sera infirmé de ce chef et la salariée déboutée de la demande formulée à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail :

- Quant au bien fondé du licenciement :

Pour infirmation et bien fondé du licenciement pour faute grave, la société CREDIT MUTUEL ARKEA soutient que le licenciement de Mme [B] est particulièrement justifié eu égard à son choix délibéré et injustifié de ne pas se présenter à son nouveau poste de travail, que l'affectation de la salariée à la Caisse de GUIDEL a été décidée pour mettre en oeuvre les préconisations du médecin du travail, que les Caisses de GUIDEL et QUEVEN sont situées dans le même secteur géographique de l'agglomération lorientais et séparées uniquement par 8 kilomètres, que la nouvelle affectation pouvait donc intervenir sans l'accord de la salariée et qu'en tout état de cause, Mme [B] avait, dès son embauche, accepté une clause de mobilité.

L'employeur entend en outre faire observer que la mise à pied prononcée à titre conservatoire a duré le seul temps nécessaire à la réunion du Conseil de discipline dont la salariée a sollicité la convocation par courriel du 10 janvier 2017, que l'instance disciplinaire a été parfaitement instruite de la situation soumise à son appréciation et que tous les délais légaux ont été respectés, le licenciement étant notifié dès le lendemain de la réunion du Conseil de discipline.

Mme [B] rétorque essentiellement que son licenciement n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et a fortiori sur une faute grave, qu'elle a été mutée à l'agence de GUIDEL en méconnaissance des préconisations du Médecin du travail eu égard à l'inadéquation de ce poste à ses difficultés ainsi qu'à la distance qui le séparait de son domicile; que d'autres solutions d'affectation conformes à sa situation pouvaient être envisagées et qu'elle a justifié son absence d'un certificat médical soulignant la nécessité de sa présence auprès de sa mère en fin de vie ; qu'il en résulte que son absence était parfaitement justifiée.

La salariée soutient en outre que la durée excessive de la mise à pied conservatoire permet de requalifier le caractère conservatoire de la mise à pied en caractère disciplinaire et emporte le caractère abusif du licenciement dans la mesure où aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction ; que son employeur ne justifie pas de l'envoi de la lettre de licenciement disciplinaire dans le mois suivant l'entretien préalable et n'a pas respecté la procédure conventionnelle de licenciement, que ce dernier est dès lors inopérant.

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle fait obstacle au maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En application des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mes qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur ures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l'article 12 du Code de procédure civile ; qu'en conséquence, si le juge ne peut ajouter d'autres faits à ceux invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l'employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En l'espèce, la lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige et qui lie le juge, est ainsi rédigée :

« Suite à notre entretien du 29 décembre et à ma lettre en date du 4 janvier 2017, vous avez demandé la réunion du Conseil de discipline.

Celle-ci s'est tenue le 26 janvier 2017. Les conclusions du Conseil ont été transmises au Directeur Général qui m'a fait part de sa décision de maintenir la sanction envisagée.

En application de cette décision, je vous notifie par la présente votre licenciement sans indemnité ni préavis.

Cette mesure est motivée par votre absence irrégulière depuis le 6 décembre.

En effet, à la suite des préconisations du médecin du travail, nous vous avons notifié une nouvelle affectation sur un poste correspondant à ces préconisations, mais, à la date du 6 décembre, où vous deviez rejoindre cette nouvelle affectation, vous ne vous êtes pas présentée au travail et, par la suite, vous n'avez pas répondu à notre demande de fourniture de justificatifs de votre absence.

La rupture de votre contrat prend effet à la date d'aujourd'hui.

Bien entendu, la période d'absence depuis le 6 décembre 2019 ne donne pas lieu à rémunération. ['] ».

A l'issue de la visite de reprise du 3 novembre 2016, le médecin du travail a préconisé « une activité à temps partiel (environ 19 heures) et ce, en date du mardi 8 novembre 2016 » (pièce 8 employeur).

Le 8 novembre 2016, Mme [B] a délivré son accord pour un passage à temps partiel de 19,75 heures hebdomadaires (pièce 10 de l'employeur).

Le 18 novembre 2016, elle a été informée de son affectation définitive à la Caisse de GUIDEL, dans des fonctions de Responsable de Clientèle Particuliers (pièce 11 de l'employeur).

Par un courriel du 24 novembre 2016, Mme [B] indiquait « je ne suis pas en mesure d'accepter ce poste compte tenu de mes problèmes de santé » (pièce 12 de l'employeur).

Il résulte des pièces versées au débat que le nouveau lieu de travail de la salariée se situait à 8 kilomètres de l'ancien lieu d'exécution du contrat ; en réaction à cette nouvelle affectation, le médecin du travail indiquait dans un courrier du 28 novembre 2016:

« Suite à des problèmes de santé et à un congé de six mois, les conditions de reprise seraient telles [que la salariée] se dit incapable de les assumer.

Cette situation interroge, pour le moins, sur les obligations de l'entreprise relatives à la prévention prescrite par les articles R4121-1 et suivants du Code du travail.

Une étude de cette situation me parait nécessaire et je sollicite un contact dans ce sens »,

L'employeur ne produit aucun élément permettant d'établir qu'il a répondu à cette sollicitation.

Par ailleurs, il ressort du compte rendu du conseil de discipline (pièce 37 de la salariée) que 'dans un rayon de la moitié du temps de trajet domicile Guidel, il existe une dizaine d'agence dont certaines en tension où Mme [B] aurait pu exercer utilement ses compétences'. Au cours de la réunion, M. [K], défenseur de la salariée, indique également que 'différentes solutions existent, notamment une ou plusieurs affectations temporaires afin que Mme [B] soit mise en instance d'affectation pour laisser le temps à la Direction, de trouver un poste adéquat, voire, comme confirmé par le collège représentants des salariés, être affectée en renfort dans certaines agences sur des durées courtes, compte tenu de la surcharge de travail qui existe dans le réseau en lieu et place des itinérants qui interviennent régulièrement sur ce secteur.'

M. [L] représentant du personnel, dans un courriel du 29 novembre 2017 destiné à Mme [B], souligne en outre que 'compte tenu du maillage du territoire dans le pays de Lorient, une solution alliant proximité et temps de travail aurait pu être trouvée par l'employeur, d'autant que le site de Guidel faisait l'objet de travaux de rénovation importants' (pièce 36 de la salariée).

Dans ces circonstances, la salariée est fondée à faire valoir que d'autres solutions d'affectation conforme à la situation d'une salariée déclarée apte avec pour préconisation une réduction de son temps de travail, pouvaient être envisagées, ce dont il s'évince qu'en affectant à GUIDEL à l'ouest de LORIENT dans une agence en cours de rénovation, plus éloignée de son domicile que son poste précédent et lui imposant de traverser plusieurs portions de quatre voies encombrées alors que des emplois étaient disponibles dans l'Est de la rade de LORIENT, sans justifier de l'impossibilité de l'affecter sur un tel poste à temps partiel, l'employeur n'a pas procédé à une recherche loyale d'un poste de travail adapté à l'état de santé de Mme [B] et conforme aux préconisations formulées par le médecin du travail.

Ce manquement de l'employeur a pour effet de priver de caractère fautif le refus de la salariée de se présenter au poste attribué à GUIDEL.

Dans ces conditions, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres critiques formulées par le salarié.

Le jugement entrepris devra en conséquence être infirmé de ce chef.

- Quant à la régularité de la procédure :

Pour infirmation à ce titre, la salariée entend faire observer que l'entretien préalable au licenciement a été particulièrement expéditif, l'employeur ne l'ayant pas laissée s'exprimer ni remettre ses documents justificatifs, ce qui justifie une demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement.

Poursuivant la confirmation du jugement sur ce point, la société CREDIT MUTUEL ARKEA rétorque l'allégation de la salariée selon laquelle il ne lui aurait pas été permis de s'exprimer revêt un caractère purement fantaisiste.

En application de l'article L. 1235-2 du code du travail: 'Lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.'

En l'espèce, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, les dispositions susvisées ne sont pas applicables, le préjudice résultant d'une éventuelle irrégularité de la procédure étant compris dans l'indemnisation des conséquences du licenciement, de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur les conséquences de la rupture :

- Quant à l'indemnisation du préjudice résultant de la rupture :

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise, de la perte d'une ancienneté de 35 ans et 9 mois d'ancienneté pour une salariée âgée de 58 ans lors du licenciement ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, en particulier des difficultés avérées à retrouver un emploi, étant demeurée inscrite à Pôle emploi avant de faire valoir ses droits à la retraite en février 2021ainsi que cela résulte des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 une somme de 95.000 € net à titre de dommages-intérêts, la décision entreprise étant infirmée de ce chef ;

Selon l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, ou si l'inexécution résulte du commun accord des parties, à une indemnité compensatrice.

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut donc prétendre au rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et aux indemnités de licenciement, compensatrice de préavis et de congés afférents.

L'employeur entend remettre en cause l'assiette de calcul des indemnités et rappel de salaire précités, arguant de ce que la salariée était à temps partiel et entend faire valoir que le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement est plafonné à 21 mois.

Se fondant sur les mêmes dispositions conventionnelles, la salariée soutient qu'elle a une ancienneté de 36 ans, que le salaire de référence est celui du mois de décembre 2016 qui ne peut être réduit au salaire brut de référence dans la mesure où les bulletins de salaire font apparaître un maintien de salaire AH, que son salaire de base est donc de 2.856,94 € sur 13 mois, soit un salaire mensuel brut de référence d'au minimum 3.077,75 €, que le montant de l'indemnité de licenciement n'a pas été contesté en première instance.

L'article 4-11-13 de la convention collective concernant le calcul de l'indemnité de licenciement dispose que "Sous réserve des conditions prévues à l'alinéa 3-9-3, le Salarié titulaire licencié se voit attribuer une indemnité de licenciement tenant compte de son temps de présence effectif dans l'Entreprise ou dans une Société adhérente à l'Office Central.

Le calcul est effectué sur la base de la date effective d'entrée dans l'Entreprise, ou dans la Société adhérente à l'Office Central.

Cette indemnité sera calculée sur la base de trois quarts (3/4) de mois par année de présence avec toutefois un maximum de 21 mois.

Le traitement pris en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement sera le traitement du dernier mois précédant la notification du licenciement comprenant le total des points ainsi que 1/12 ème des compléments de rémunération tels que définis en 4-6-1".

En l'espèce, Mme [B] a été licenciée pour faute grave en raison d'un abandon de poste par courrier du 27 janvier 2017, de sorte qu'en application des dispositions susvisées, c'est le traitement du mois de décembre 2016 qui doit être pris en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement dans la limite de 21 mois.

En décembre 2016, Mme [G] [B] a perçu un traitement brut de 4.412, 16 € sur lequel il n'y a pas lieu d'opérer la moindre retenue pour l'application des dispositions conventionnelles précitées, cependant à défaut de modalités de calcul suffisamment précisées par la salariée, le montant de l'indemnité obtenu sur cette base est inférieure au montant reconnu par l'employeur à hauteur de 72.494,88 €, de sorte qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris dans cette limite.

En ce qui concerne le calcul de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et du rappel de salaire sur la mise à pied compensatoire, c'est la moyenne des trois derniers mois complets de son emploi à plein temps, décembre 2015, janvier et février 2016 pondérée au titre de la rémunération sur 14,5 mois, soit 2.865,53 €.

En application des dispositions de l'article L 5213-9 du code du travail qui dispose qu' "en cas de licenciement, la durée du préavis déterminée en application de l'article L. 1234-1 est doublée pour les bénéficiaires du chapitre II, sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis (...)" il y a lieu de condamner l'employeur à verser à Mme [G] [B] la somme de 8.596,59 € outre 859,65 € au titre des congés payés afférents, la décision entreprise étant réformée dans cette limite.

Il y a lieu en outre d'allouer la somme de 7.420,45 € à Mme [G] [B] à titre du rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, outre 742,45 € au titre des congés payés afférents, la décision entreprise étant réformée dans cette limite.

- Quant au préjudice résultant du caractère abusif et vexatoire de la rupture :

Pour infirmation à ce titre, Mme [B] soutient que les circonstances brutales et vexatoires de la rupture, tenant notamment à l'attitude inadaptée de l'employeur à son encontre et le caractère expéditif de la procédure de licenciement avec une mise à pied particulièrement longue, justifient une indemnisation spécifique au titre du préjudice moral sur le fondement de l'article 1240 du Code Civil eu égard à la durée excessive de la mise à pied et à l'absence de rémunération en résultant.

Hormis une référence au caractère strictement utile de la durée de la mise à pied conservatoire et de l'attention qu'il a porté à la situation de la salariée, l'employeur ne développe aucun argument à l'encontre de ceux de la salariée à ce titre.

En l'espèce, il résulte des éléments produits aux débats qu'après avoir été temporairement affectée dans une agence de Lorient, l'employeur a fait le choix de ne pas la réaffecter dans l'agence où elle était précédemment employée sans justifier de l'impossibilité de l'y affecter, en l'éloignant encore plus de son domicile sans prendre en compte son état de santé qui imposait une réduction de son temps de travail, sans rechercher de solution alternative ainsi que l'ont relevé les membres de la commission de discipline. Une telle indifférence à la situation personnelle de la salariée dans les circonstances rapportées suffit à conférer au licenciement de l'intéressée dont l'employeur ne pouvait qu'anticiper le refus, un caractère vexatoire.

Par ailleurs, la salariée étant provisoirement affectée dans une agence de Lorient, la justification de la mise à pied conservatoire dans ces circonstances n'apparaît pas justifiée et ce, nonobstant les délais pour réunir la commission de discipline.

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de condamner la SA CREDIT MUTUEL ARKEA à verser à Mme [G] [B] la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qui en est résulté, la décision entreprise étant infirmée de ce chef.

Sur la remise des documents sociaux

La demande de remise de documents sociaux conformes est fondée, la décision entreprise sera confirmée.

Sur le remboursement des indemnités de chômage:

Par application combinée des articles L.1235-3 et L.1235-4 du code du travail, lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Sur ce fondement, il y a lieu de condamner la société CREDIT MUTUEL ARKEA à rembourser à Pôle Emploi les indemnités payées à Mme [B] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois d'indemnités à concurrence de 9.765,13 €.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société appelante qui succombe en appel, doit être débouté de la demande formulée à ce titre et condamné à indemniser la salarié intimée et Pôle Emploi des frais irrépétibles qu'ils ont pu exposer pour assurer leur défense en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

DÉCLARE le licenciement de Mme [G] [B] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SA CREDIT MUTUEL ARKEA à payer à Mme [G] [B] :

- 95.000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 8.596,59 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 859,65 € brut au titre des congés payés afférents,

- 72.494,88 € net à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 7.420,45 € brut à titre du rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,

- 742,45 € brut au titre des congés payés afférents,

- 2.000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

DEBOUTE Mme [G] [B] de sa demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

CONDAMNE la SA CREDIT MUTUEL ARKEA à payer à Pôle Emploi les indemnités payées à Mme [B] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois d'indemnités à concurrence de 9.765,13 €,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

et y ajoutant,

CONDAMNE la SA CREDIT MUTUEL ARKEA à payer à Mme [G] [B] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la SA CREDIT MUTUEL ARKEA à verser à Pôle Emploi la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la SA CREDIT MUTUEL ARKEA aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 18/07949
Date de la décision : 13/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-13;18.07949 ?
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