2ème Chambre
ARRÊT N° 297
N° RG 19/01432 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PSQH
(1)
Mme [O] [C]
M. [G] [C]
C/
BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
-Me Aurélie FOURNARD
-Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 MAI 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Mme [Y] [F], lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Mars 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Mai 2022 par mise à disposition au greffe
****
APPELANTS :
Madame [O] [C]
née le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 7] (44)
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Aurélie FOURNARD, Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
Représentée par Me Julien SABOS, Plaidant, avocat au barreau de DUNKERQUE
Monsieur [G] [C]
né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 7]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représenté par Me Aurélie FOURNARD, Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
Représenté par Me Julien SABOS, Plaidant, avocat au barreau de DUNKERQUE
INTIMÉE :
BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST anciennement dénommée BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Jean-Philippe RIOU, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
2
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon offre préalable de crédit immobilier acceptée le 26 octobre 2011, la Banque populaire Atlantique (la BPA) a, en vue de financer l'acquisition d'une résidence secondaire, consenti aux époux [C] un prêt de 141 027 euros au taux de 4,03 % l'an, remboursable en 220 mensualités de 907,77 euros, hors assurance emprunteur.
Par avenant du 20 octobre 2014, le taux d'intérêts a été renégocié à 3,19 % l'an.
Prétendant que les intérêts auraient été illicitement calculés sur la base d'une année de 360 jours, que le taux effectif global (TEG) de 4,18 % et de 3,24 % mentionné dans l'offre et dans l'avenant serait inexact comme ne prenant pas en compte le coût de l'assurance emprunteur, et que le taux de période ne serait pas mentionné dans l'avenant, les époux [C] ont, par acte du 31 août 2016, fait assigner la BPA devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire en annulation de la stipulation d'intérêts et substitution du taux légal au taux contractuel, ou subsidiairement en déchéance du droit du prêteur aux intérêts.
Par jugement du 24 janvier 2019, le premier juge a :
débouté les époux [C] de leurs demandes,
condamné solidairement les époux [C] au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné solidairement les époux [C] aux dépens.
Les époux [C] ont relevé appel de cette décision le 28 février 2019, pour demander à la cour de l'infirmer et de :
à titre principal, annuler le taux d'intérêts contractuel stipulés dans le prêt initial du 11 octobre 2011 et dans l'avenant du 7 octobre 2014,
ordonner en conséquence la substitution du taux contractuel par le taux légal en vigueur à la date de l'offre initial puis de l'avenant,
dire qu'en toute hypothèse le taux légal retenu ne pourra jamais dépasser le taux initialement stipulé,
dire que le taux légal dont il sera fait application ne sera pas majoré en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier,
condamner la Banque populaire à restituer aux époux [C] la différence entre les intérêts conventionnels perçus et ceux calculés au taux légal applicable,
dire que les intérêts indûment perçus produiront eux-mêmes intérêts au taux légal à compter de leur date de perception,
condamner la Banque populaire à émettre et communiquer aux époux [C] un nouveau tableau d'amortissement pour les intérêts à échoir, tenant compte du taux légal en cours, avec actualisation en fonction des variations semestrielles de ce taux,
subsidiairement, prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêteur pour le prêt initial du 11 octobre 2011 et pour l'avenant du 7 octobre 2014,
en toute hypothèse, condamner la Banque populaire au paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La BPA, devenue Banque populaire Grand-Ouest (BPGO) par suite d'un changement de dénomination sociale, conclut quant à elle à la confirmation du jugement attaqué et sollicite la condamnation des époux [C] au paiement d'une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour les époux [C] le 14 mai 2019 et pour la BPGO le 5 octobre 2021, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 13 janvier 2022.
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Aux termes de la clause de 'conditions financières' des conditions générales du contrat de prêt,'les intérêts seront calculés sur le montant du capital restant dû au taux fixé aux conditions particulières sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours'.
Les époux [C] soutiennent qu'une telle clause serait illicite et sanctionnable en tant que telle par la nullité de la stipulation d'intérêts sans qu'ils aient à établir un écart d'intérêts en leur défaveur, et moins encore que celui-ci induirait une erreur de TEG supérieure à la marge d'erreur d'une décimale prévue par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, dont les dispositions ne seraient pas applicables aux prêt immobiliers.
La BPGO prétend quant à elle que la demande d'annulation de la stipulation d'intérêts serait irrecevable, la seule sanction applicable étant la déchéance du droit du prêteur aux intérêts, et que cette clause ne constituerait qu'une règle d'équivalence financière produisant un calcul d'intérêts strictement identique à celui résultant de l'utilisation de l'année civile.
La question de la nature de la sanction applicable au prêteur en cas d'inexactitude du TEG ou de calcul des intérêts conventionnels sur une base autre que l'année civile relève du débat au fond, et non d'une fin de non-recevoir.
La fin de non-recevoir soulevée à ce titre par la BPGO sera donc écartée.
Par ailleurs, si, dans un contrat de prêt conclu avec un emprunteur non professionnel, les intérêts conventionnels et le TEG doivent en effet être calculés sur la base de l'année civile, il demeure que, contrairement à ce que soutiennent les époux [C], la seule existence de cette clause ne saurait suffire à justifier l'annulation de la stipulation d'intérêts ou la déchéance du droit du prêteur aux intérêts, étant de principe qu'il leur appartient d'établir que l'application de la clause litigieuse a pu concrètement affecter l'exactitude du TEG mentionné dans l'offre et jouer en leur défaveur.
Or, la BPGO fait à juste titre observer que, pour le calcul du TEG d'un prêt à périodicité mensuelle, la détermination du taux de période en lui appliquant le rapport d'un mois de 30 jours sur une année de 360 jours, produit un résultat mathématique strictement équivalent à l'application du rapport du mois normalisé de 30,41666 jours sur une année civile de 365 jours prescrit par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause, dont, contrairement à ce que prétendent les époux [C], aucune disposition n'exclut l'application aux prêts autres que ceux dont le TEG est calculé selon la méthode d'équivalence.
D'autre part, si, même en présence d'un prêt à périodicité mensuelle, la réalisation d'un tel calcul sur la base d'une année de 360 jours peut, lorsqu'il existe des intérêts intercalaires produits par les portions du crédit débloquées par tranches successives ou par le capital libéré à une date autre que la date d'échéance prévue par le tableau d'amortissement, être de nature à affecter le coût du crédit et, partant, le TEG, les époux [C] n'établissent pas, et n'allèguent au demeurant pas même, qu'il existerait en l'occurrence de telles échéances brisées qui, du fait de l'application de la clause litigieuse, auraient été de nature à provoquer une erreur de TEG au delà de la marge d'erreur d'une décimale prévue par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation ou, en tous cas, un écart d'intérêts suffisamment significatif pour générer un préjudice indemnisable.
Les époux [C] font encore grief au prêteur d'avoir omis d'indiquer le taux de période dans l'avenant du 20 octobre 2014.
Les dispositions de l'article L. 312-14-1, devenu L. 313-39, alinéas 1 à 3, du code de la consommation prescrivent à cet égard qu'en cas de renégociation du prêt, les modifications au contrat initial sont apportées sous la seule forme d'un avenant comprenant, d'une part, un échéancier des amortissements détaillant pour chaque échéance le capital restant dû en cas de remboursement anticipé, et, d'autre part, le TEG ainsi que le coût du crédit calculés sur la base des seuls échéances et frais à venir.
Dès lors, il résulte de ce texte et d'une jurisprudence établie que, dans ce cas, la communication du taux et de la durée de la période n'est pas exigée.
Les époux [C] soutiennent enfin que le TEG mentionné dans l'offre et dans l'avenant serait inexact, comme n'ayant pas tenu compte du coût de l'assurance emprunteur, tandis que la BPGO ne conteste pas que le TEG mentionné dans ses actes s'entend hors incidence de l'assurance emprunteur, mais soutient néanmoins que, facultative, elle n'avait pas à être prise en compte dans le calcul du TEG.
À cet égard, si, comme le soulignent les époux [C], il ressort des conditions particulières de l'offre que les emprunteurs ont adhéré à l'assurance de groupe décès, perte d'autonomie et incapacité de travail proposée par le prêteur, et s'il est stipulé aux conditions générales du prêt que la conclusion du contrat est subordonnée à 'la réalisation de toutes les conditions assurances et garanties prévues aux conditions particulières', ses mêmes conditions générales indiquent aussi expressément que l'adhésion à l'assurance 'est facultative (et que l'emprunteur a) le choix d'adhérer à cette assurance ou d'y renoncer'.
De surcroît, les conditions particulières précisent que l'emprunteur qui n'a pas souscrit à l'assurance de groupe proposée par la banque, soit qu'il refuse d'être assuré soit qu'il propose un contrat personnel, reconnaît qu'il a sciemment demandé à ne pas adhérer et que son intention a été attirée par la banque sur les conséquences de sa décision en cas de sinistre.
Il s'en évince que l'assurance est facultative, l'emprunteur ayant eu le choix d'adhérer au contrat d'assurance de groupe souscrit par le prêteur, de souscrire son propre contrat d'assurance ou de renoncer à toute assurance, de sorte que la banque, qui n'a pas conditionné l'octroi de son concours à l'existence d'une assurance, n'avait pas à inclure le coût de celle-ci dans l'assiette de calcul du TEG.
Pour ces motifs et ceux-ci, non contraires, du premier juge, il convient par conséquent de confirmer le jugement attaqué en tous points.
Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la BPGO l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Confirme le jugement rendu le 24 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire en toutes ses dispositions ;
Condamne les époux [C] à payer à la Banque populaire Grand-Ouest une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne les époux [C] aux dépens d'appel ;
Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT