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06/05/2022 | FRANCE | N°19/01363

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 06 mai 2022, 19/01363


2ème Chambre





ARRÊT N° 296



N° RG 19/01363 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PSKO





(1)







M. [Y] [K]

M. [H] [M]

M. [OT] [M]

M. [N] [T]

M. [C] [S]

M. [D] [X]

Mme [J] [E]

M. [A] [E]

M. [Z] [E]

Mme [U] [W] ÉPOUSE [E]

Mme [V] [B]

M. [I] [FV]

Mme [G] [KL]

M. [O] [KL]

M. [F] [KL]

Mme [A] [L] EPOUSE [KL]

M. [OJ] [KL]

M. [RE] [PV]

Mme [R] [ZA]

M. [P] [UT]

SELARL FIDES


>C/



SA BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST











Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours





Copie exécutoire délivrée



le :



à :

-Me Dominique LEYER

-Me Christelle FLOC'H











RÉ...

2ème Chambre

ARRÊT N° 296

N° RG 19/01363 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PSKO

(1)

M. [Y] [K]

M. [H] [M]

M. [OT] [M]

M. [N] [T]

M. [C] [S]

M. [D] [X]

Mme [J] [E]

M. [A] [E]

M. [Z] [E]

Mme [U] [W] ÉPOUSE [E]

Mme [V] [B]

M. [I] [FV]

Mme [G] [KL]

M. [O] [KL]

M. [F] [KL]

Mme [A] [L] EPOUSE [KL]

M. [OJ] [KL]

M. [RE] [PV]

Mme [R] [ZA]

M. [P] [UT]

SELARL FIDES

C/

SA BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Dominique LEYER

-Me Christelle FLOC'H

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 MAI 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 08 Mars 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Mai 2022 par mise à disposition au greffe

****

APPELANTS :

Monsieur [Y] [K]

né le [Date naissance 22] 1968 à [Localité 60] Canada

[Adresse 38]

[Localité 36]

Représenté par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Monsieur [H] [M]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 32]

[Adresse 26]

[Localité 32]

Représenté par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Monsieur [OT] [M]

né le [Date naissance 28] 1972 à [Localité 47] COTE D'IVOIRE

[Adresse 40]

[Localité 32]

Représenté par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Monsieur [N] [T]

né le [Date naissance 16] 1975 à [Localité 58]

[Adresse 23]

[Localité 25]

Représenté par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Monsieur [C] [S] 2

né le [Date naissance 3] 1986 à [Localité 50]

[Adresse 35]

[Localité 32]

Représenté par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Monsieur [D] [X]

né le [Date naissance 8] 1966 à [Localité 51]

[Adresse 39]

[Localité 32]

Représenté par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Madame [J] [E]

née le [Date naissance 21] 1974 à [Localité 62]

[Adresse 54]

[Localité 33]

Représentée par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Monsieur [A] [E]

né le [Date naissance 5] 1977 à [Localité 57]

[Adresse 9]

[Localité 32]

Représenté par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Monsieur [Z] [E]

né le [Date naissance 20] 1951 à [Localité 59] (82)

[Adresse 24]

[Localité 32]

Représenté par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Madame [U] [W] ÉPOUSE [E]

née le [Date naissance 29] 1950 à [Localité 63]

[Adresse 24]

[Localité 32]

Représentée par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Madame [V] [B]

née le [Date naissance 14] 1987 à [Localité 61]

[Adresse 19]

[Localité 44]

Représentée par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Monsieur [I] [FV] 3

né le [Date naissance 13] 1987 à [Localité 55] (22)

[Adresse 12]

[Localité 32]

Représenté par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Madame [G] [KL]

née le [Date naissance 15] 1993 à [Localité 62]

[Adresse 27]

[Localité 45]

Représentée par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Monsieur [O] [KL]

né le [Date naissance 10] 1987 à [Localité 62]

[Adresse 27]

[Localité 45]

Représenté par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Monsieur [F] [KL]

né le [Date naissance 4] 1977 à [Localité 49]

[Adresse 18]

[Localité 46]

Représenté par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Madame [A] [L] EPOUSE [KL]

née le [Date naissance 17] 1956 à [Localité 48]

[Adresse 27]

[Localité 45]

Représentée par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Monsieur [OJ] [KL]

né le [Date naissance 34] 1953 à [Localité 52]

[Adresse 27]

[Localité 45]

Représenté par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Monsieur [RE] [PV]

né le [Date naissance 30] 1960 à [Localité 64]

[Adresse 43]

[Localité 31]

Représenté par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

4

Madame [R] [ZA] née le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 32]

[Adresse 7]

[Localité 32]

Représentée par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Monsieur [P] [UT]

né le [Date naissance 6] 1968 à [Localité 53] PAYS- BAS

[Adresse 56]

[Localité 41]

Représenté par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

SELARL FIDES SELARL FIDES , venant aux droits de la SELARL EMJ agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SAS BOOTZER

[Adresse 42]

[Localité 32]

Représentée par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

INTIMÉE :

SA BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST

[Adresse 11]

[Localité 37]

Représentée par Me Christelle FLOC'H de la SELARL LEXOMNIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

5

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Boozter, SAS constituée courant 2004 pour développer des logiciels de classement de données, notamment de courriels, a ouvert un compte courant après de la caisse régionale de Crédit maritime mutuel de Bretagne Normandie (le Crédit maritime) qui lui a consenti le 1er août 2008 un prêt de 100 000 euros remboursable en 60 mensualités destiné au financement d'un programme de recherche, a accepté de mobiliser des créances professionnelles cédées à son profit sous le régime de la loi Dailly et lui a octroyé un crédit de court terme sous la forme d'un billet financier de 165 000 euros à titre d'avance sur son crédit d'impôt recherche.

Par courrier du 4 février 2011, le Crédit maritime a informé la société Boozter de sa décision de ne pas augmenter ses concours de court terme, refusant notamment l'émission d'un nouveau billet financier, et de supprimer 'le concours court terme loi Dailly' de 30 000 euros passé le délai de 60 jours suivant l'envoi de cette lettre.

Par jugement du 9 août 2011, le tribunal de commerce de Brest a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Boozter, cette procédure ayant été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 13 septembre 2011 et la clôture pour insuffisance d'actif ayant été prononcée le 4 novembre 2014.

Faisant valoir que la banque aurait fautivement rompu une autorisation de découvert en compte courant et une convention-cadre de cessions de créances professionnelles à durée indéterminée sans préavis, vingt anciens actionnaires et salariés de la société Boozter ont, par acte en date du 2 février 2016, fait assigner le Crédit maritime devant le tribunal de grande instance de Brest en paiement de dommages-intérêts.

Puis, après reprise de la procédure de liquidation judiciaire de la société Boozter ordonnée par jugement du tribunal de commerce de Brest du 20 juin 2017,la SELARL Fides, agissant ès qualités de liquidateur judiciaire, est intervenue volontairement à l'instance pour se joindre aux prétentions des demandeurs initiaux.

La Banque populaire Grand-Ouest (la BPGO) est également intervenue volontairement à la procédure en déclarant se trouver aux droits du Crédit maritime en vertu d'un traité de fusion du 7 décembre 2017.

Par jugement du 23 janvier 2019, les premiers juges ont :

déclaré l'intervention volontaire de la SELARL Fides, ès qualités de liquidateur de la société Boozter, recevable,

débouté la SELARL Fides, ès qualités, de toutes ses demandes,

déclaré les demandes des anciens actionnaires et salariés irrecevables,

débouté la BPGO du surplus de ses demandes,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

condamné la SELARL Fides et les demandeurs initiaux aux dépens.

Par déclaration du 27 février 2019, la SELARL Fides, M. [Y] [K], M. [H] [M], M. [OT] [M], M. [N] [T], M. [C] [S], M. [D] [X], Mme [J] [E], M. [A] [E], M. [Z] [E], Mme [U] [W] épouse [E], Mme [V] [B], M. [I] [FV], Mme [G] [KL], M. [O] [KL], M. [F] [KL], Mme [A] [L] épouse [KL], M. [OJ] [KL], M. [RE] [PV], Mme [R] [ZA] et M. [P] [UT] ont interjeté appel de ce jugement.

Saisi d'une demande d'expertise par conclusions d'incident des appelants, ainsi que d'une demande de caducité de la déclaration d'appel formée par la BPGO, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 9 juillet 2021, rejeté ces demandes.

Les appelants demandent à la cour de :

dire qu'en ne respectant pas le délai de préavis de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier pour dénoncer les concours par autorisation de découvert en compte courant et convention-cadre de cessions de créances professionnelles, la banque a commis une faute engageant sa responsabilité,

condamner en conséquence la BPGO à payer à la société Fides, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Boozter, la somme totale de 20 millions d'euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de la perte de chance de conclure une cession du fonds de commerce de la 'start-up' à un grand opérateur ou un investisseur,

subsidiairement, condamner la BPGO à payer aux anciens actionnaires et salariés de la société Boozter cette même somme totale de 20 millions d'euros à titre de dommages-intérêts à répartir entre les demandeurs, outre les intérêts à compter du jour de l'assignation,

à titre infiniment subsidiaire, ordonner une mesure d'expertise sur le préjudice,

condamner la BPGO à payer aux demandeurs une indemnité de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

La BPGO conclut quant à elle à la confirmation de la décision attaquée, sauf en ce qu'elle a rejeté sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles de première instance, et elle réclame à ce titre la condamnation solidaire de la SELARL Fides, ès qualités de liquidateur judiciaire, et des anciens associés et actionnaires de la société Boozter au paiement d'une indemnité de 5 000 euros.

Subsidiairement, elle demande à la cour de constater que l'indemnisation sollicitée par les anciens associés et actionnaires de la société Boozter à hauteur d'un montant global de 20 millions d'euros inclut les préjudices allégués en première instance par MM. [Z] [E], [OJ] [KL], [I] [FV] et [RE] [PV], ainsi que par Mme [R] [ZA] pour un montant total de 12 654 693 euros dont la cour d'appel n'est pas saisie, et, en conséquence, de débouter les anciens associés et actionnaires de la société Boozter dont les demandes indemnitaires ne seraient fondées ni en leur principe, ni en leur quantum.

La BPGO sollicite en toute hypothèse le rejet de la demande d'expertise et la condamnation solidaire de la SELARL Fides, ès qualités de liquidateur de la société Boozter, et de l'ensemble des anciens associés et actionnaires de la société Boozter au paiement d'une indemnité complémentaire de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour les appelants le 11 janvier 2022 et pour l'intimée le 4 janvier 2022, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 27 janvier 2022.

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Sur la recevabilité

La demande en paiement de dommages-intérêts dont la cour est saisie a été formée à titre principal par la SELARL Fides, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Boozter, et, à titre subsidiaire, par les associés et salariés de la société.

La BPGO soutient avec raison que les actionnaires et salariés de la société Boozter n'ont pas qualité pour solliciter la réparation du préjudice procédant de la perte d'une chance de céder le fonds de commerce.

Il est en effet de principe que seul le liquidateur d'une société soumise à une procédure de liquidation judiciaire a qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers en vue de reconstituer le patrimoine social, la perte du fonds de commerce exploité par celle-ci, comme celle de la valeur des actions ne constituant pas un dommage personnel distinct de celui subi collectivement par tous les créanciers du fait de l'amoindrissement ou de la disparition de ce patrimoine.

Les premiers juges ont donc à juste titre déclaré irrecevables les demandes des anciens actionnaires et salariés de la société Boozter, ceux-ci n'invoquant aucun préjudice personnel distinct de celui procédant de la disparition du fonds de commerce, élément du patrimoine social.

Sur le fond

La SELARL Fides, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Boozter, fait grief au Crédit maritime, aux droits duquel se trouve la BPGO, d'avoir fautivement rompu sans préavis une autorisation de découvert en compte courant dont bénéficiait, selon elle, la société Boozter ainsi qu'une convention-cadre de cessions de créances professionnelles à durée indéterminée, et même d'avoir refusé de lui octroyer de nouveaux concours sans rationalité économique, précipitant ainsi la ruine de la start-up et lui faisant perdre une chance de céder son fonds de commerce à un grand opérateur ou un investisseur intéressé par le produit innovant qu'elle développait.

Il ne saurait cependant être reproché à la banque d'avoir refusé d'accorder de nouveaux concours, la prétendue absence de rationalité économique de ses décisions n'étant pas de nature à caractériser un abus du Crédit maritime dans son droit d'octroyer ou non un crédit au regard de l'évaluation des risques auxquels elle est tenue de procéder.

Par ailleurs, l'existence d'une autorisation de découvert en compte n'est nullement prouvée, l'appelante ne produisant aucune convention engageant la banque en ce sens et se bornant à se référer à un courriel du 14 décembre 2007 par lequel le chargé de clientèle du Crédit maritime rappelait au dirigeant de la société Boozter que l'intervention de la banque était limitée à 15 000 euros de découvert en compte et 15 000 euros d'escompte en cessions de créances professionnelles.

Toutefois, alors que le courrier de rupture de concours du 4 février 2011 ne mentionne qu'un crédit de trésorerie ponctuel par émission d'un billet financier de 165 000 euros ainsi qu'un concours de court terme par escompte de cessions de créances professionnelles de 30 000 euros, le liquidateur de la société Boozter ne démontre pas que l'autorisation de découvert en compte évoquée trois ans et demi plus tôt existait encore à cette date.

Une telle autorisation ne ressort en effet ni de l'attestation de l'expert-comptable de l'entreprise, qui n'évoque le financement des besoins en fonds de roulement par la banque que par des mobilisations de créances éligibles au régime de la loi Dailly.

Elle ne ressort pas davantage de l'observation de l'historique du compte, le document de synthèse de l'évolution du solde bancaire de la société Boozter ne révélant, au cours de l'année 2010, que de trois passages ponctuels en position débitrice, d'importance très modeste de 774 euros et 204 euros en janvier et mars 2010 puis un peu plus conséquent de 9 554 euros en juillet 2010, caractéristiques de simples facilités de caisses mais non de concours bancaires à durée indéterminée autres qu'occasionnels.

Contrairement à ce que la BPGO prétend et à ce que les premiers juges ont retenu, il avait en revanche été effectivement consenti à la société Boozter un concours à durée indéterminée sous forme d'escompte de cessions de créances professionnelles, ainsi que cela ressort du courriel du 14 décembre 2007 rappelant l'existence dès cette époque d'intervention de la banque à ce titre dans la limite de 15 000 euros puis du courrier de rupture du 4 février 2011 annonçant que 'le concours court terme loi Dailly de 30 000 euros prendra fin à l'expiration d'un délai de 60 jours courant à compter de la date d'envoi de (..cette...) notification' et demandant à la société Boozter de prendre ses dispositions pour rembourser les sommes dont elle pourrait rester débitrice à l'expiration de ce délai.

L'existence d'un tel concours est en outre corroboré par l'attestation de l'expert-comptable de l'entreprise qui souligne que, dans le cadre de ses relations d'affaires avec la société Boozter, le Crédit maritime avait 'régulièrement concouru au financement du besoin en fonds de roulement (..) en mobilisant à compter de l'exercice 2006 les créances éligibles au régime Dailly'.

Néanmoins, il n'était pas interdit à la banque de rompre un tel concours dès lors qu'elle respectait un délai de préavis de 60 jours.

Il résulte en effet de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur avant l'ordonnance du 27 juin 2013, que tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis qui ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours, l'établissement de crédit ou la société de financement devant fournir, sur demande de l'entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption.

La SELARL Fides, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Boozter, fait toutefois grief au Crédit maritime de ne pas avoir exactement respecté le délai minimum de 60 jours prévu par la loi, celui accordé par la banque expirant 60 jours après l'envoi du courrier du 4 février 2011 sans tenir compte de son délai d'acheminement, et de ne pas avoir motivé le retrait de son concours.

Les motifs de la rupture n'ont cependant, selon le texte précité, pas à figurer sur le courrier de dénonciation, mais seulement à être communiqués au client à la demande de celui-ci.

Or, il ressort des termes du formulaire de saisine du médiateur du crédit du 2 août 2011 que le dirigeant social de la société Boozter était parfaitement informé du motif de la rupture puisqu'il indique lui-même que la dénonciation de la ligne d'escompte de cessions de créances du 4 février 2011 était motivée par des 'tensions de trésorerie liées au retard de versement du crédit d'impôt recherche', et qu'il indiquait au demeurant effectivement à la banque dans son courriel de contestation de la dénonciation en date du 9 février 2011 que les difficultés de trésorerie de l'entreprise étaient en effet liées au versement, toujours attendu, du crédit d'impôt recherche ayant donné lieu à l'avance par émission d'un billet financier de 165 000 euros mais dont le versement avait subi des retards administratifs.

Par ailleurs, s'agissant de la computation du délai de préavis de 60 jours donné par le Crédit maritime, rien ne démontre, à supposer même que celui-ci n'aurait dû courir qu'à réception du courrier de dénonciation, que la banque n'ait pas, dans les faits, tenu compte de ce délai d'acheminement postal, la SELARL Fides ne démontrant pas que la société Boozter ait vainement tenté de mobiliser des créances professionnelles avant le 9 février 2011, date à laquelle son dirigeant social a pris acte de la dénonciation.

Au surplus, il sera observé qu'il n'y a pas de lien causal certain entre les prétendues insuffisances de motivation et de durée de préavis de la dénonciation du concours par escompte de cessions de créances professionnelles et la perte du fonds de commerce exploité par la société Boozter, cette dernière ayant été créée en 2005 pour développer et commercialiser un logiciel de classement de données et ayant été mise en liquidation judiciaire le 9 août 2011 sans que le projet aboutisse, alors que, selon les documents comptables produits, ses résultats s'étaient notablement dégradés au cours de l'exercice 2010 et que les organes de la procédure collective n'ont pu ni redresser l'entreprise, ni la céder, ou à tout le moins céder son fonds de commerce ou des brevets qu'elle aurait déposés.

La SELARL Fides, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Boozter, soutient par ailleurs que le Crédit maritime aurait en définitive renoncé à rompre ses relations avec sa cliente en acceptant, postérieurement à son courrier de dénonciation, de régler des chèques en dépit d'une insuffisance de provision ou de mobiliser des créances professionnelles cédées sous le régime de la loi Dailly, de sorte qu'elle aurait ensuite fautivement rejeté d'autres chèques ou refusé de mobiliser d'autres créances sans avoir préalablement notifier une nouvelle dénonciation respectant un nouveau préavis de 60 jours.

Le liquidateur produit pourtant lui-même divers courriels ou courriers adressés par la banque au cours de cette période rappelant les termes de son courrier de dénonciation du 4 février 2011 dont elle s'est donc toujours prévalue.

Il ressort de mêmes des pièces produites que les opérations ponctuellement acceptées ne peuvent s'analyser que comme des facilités de caisse occasionnelles, et non comme l'octroi, fût-il tacite, de nouveaux crédits à durée indéterminés qui auraient dû donner lieu, en cas de retrait, à dénonciations moyennant un préavis de 60 jours.

Pour ces motifs et ceux, non contraires, des premiers juges, il convient donc de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté la SELARL Fides, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Boozter, de sa demande en paiement de dommages-intérêts.

Sur les frais irrépétibles

C'est par d'exactes considérations d'équité que les premiers juges ont par ailleurs débouté la banque de sa demande en indemnisation de ses frais irrépétibles de première instance.

En revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge de la BPGO l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme le jugement rendu le 23 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Brest en toutes ses dispositions ;

Condamne in solidum la société Fides, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Boozter, ainsi que M. [Y] [K], M. [H] [M], M. [OT] [M], M. [N] [T], M. [C] [S], M. [D] [X], Mme [J] [E], M. [A] [E], M. [Z] [E], Mme [U] [W] épouse [E], Mme [V] [B], M. [I] [FV], Mme [G] [KL], M. [O] [KL], M. [F] [KL], Mme [A] [L] épouse [KL], M. [OJ] [KL], M. [RE] [PV], Mme [R] [ZA] et M. [P] [UT] à payer à la Banque poplaire Grand-Ouest une somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société Fides, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Boozter, ainsi que M. [Y] [K], M. [H] [M], M. [OT] [M], M. [N] [T], M. [C] [S], M. [D] [X], Mme [J] [E], M. [A] [E], M. [Z] [E], Mme [U] [W] épouse [E], Mme [V] [B], M. [I] [FV], Mme [G] [KL], M. [O] [KL], M. [F] [KL], Mme [A] [L] épouse [KL], M. [OJ] [KL], M. [RE] [PV], Mme [R] [ZA] et M. [P] [UT] aux dépens d'appel ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/01363
Date de la décision : 06/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-06;19.01363 ?
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