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06/05/2022 | FRANCE | N°19/01141

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 06 mai 2022, 19/01141


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°228



N° RG 19/01141 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-PRPX













SA BUFFALO GRILL



C/



Mme [O] [Y] [E]

















Infirmation partielle















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT D

U 06 MAI 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience pu...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°228

N° RG 19/01141 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-PRPX

SA BUFFALO GRILL

C/

Mme [O] [Y] [E]

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 MAI 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 24 Février 2022

En présence de Madame [H] [R], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Mai 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

La SA BUFFALO GRILL prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :

5 Boulevard du Général de Gaulle

92120 MONTROUGE

Ayant Me Antoine CHEVALIER de la SCP CHEVALIER MERLY & ASSOCIÉS,Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représentée à l'audience par Me Frédéric SAUVAIN, Avocat plaidant du Barreau de PARIS

INTIMÉE :

Madame [O] [Y] [E]

née le 02 Juillet 1978 à TOULON (83)

demeurant 95 chemin des Communes

18000 BOURGES

Représentée par Me Amaury EMERIAU substituant à l'audience Me Cyril DUBREIL de la SCP OUEST AVOCATS CONSEILS, Avocats au Barreau de NANTES

Mme [Y] a été embauchée par la SA BUFFALO GRILL selon contrat à durée indéterminée du 21 juin 2011 en qualité de Responsable de salle, puis d'Assistante responsable à compter du 29 novembre 2012.

Par lettre recommandée en date du 11 mars 2014, la SA BUFFALO GRILL a convoqué Mme [Y] [E] à un entretien préalable fixé au 28 mars 2014.

Le 17 avril 2014, la SA BUFFALO GRILL a notifié à Mme [Y] [E] son licenciement.

Le 19 décembre 2014 puis le 25 août 2016 après radiation, Mme [Y] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :

' Dire ses demandes, fins et conclusions recevables et bien fondées,

' Dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

' Dire qu'elle n'a pas bénéficié du temps de repos quotidien conventionnellement prévu,

' Condamner la SA BUFFALO GRILL au paiement des sommes suivantes :

- 28.820 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 17.291 € net à titre de dommages-intérêts pour non-respect du repos quotidien,

- 1.965 € au titre du remboursement des frais de déplacement,

- 1.500 € à titre de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,

- 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Remise de la fiche de pénibilité et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant le prononcé du jugement à intervenir,

' Intérêts au taux légal, outre l'anatocisme,

' Exécution provisoire du jugement à intervenir,

' Capitalisation des intérêts (article 1154 du code civil).

La cour est saisie d'un appel régulièrement formé par la SA BUFFALO GRILL le 18 février 2019 du jugement du 24 janvier 2019 par lequel le conseil de prud'hommes de Nantes a :

' Dit que la SA BUFFALO GRILL n'a pas respecté les dispositions légales en matière de repos quotidien à l'égard de Mme [Y] [E],

' Dit que le licenciement de Mme [Y] [E] prononcé le 17 avril 2014 est dénué de cause réelle et sérieuse,

' Condamné la SA BUFFALO GRILL à payer à Mme [Y] [E] les sommes suivantes:

- 983 € net à titre de remboursement de frais de déplacement,

- 3.000 € net à titre de dommages-intérêts pour non-respect du repos quotidien,

- 200 € net à titre de dommages-intérêts pour absence de remise de la fiche de prévention,

- 20.000 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Lesdites condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la notification du présent jugement,

' Lesdits intérêts produisant eux-mêmes intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,

' Ordonné la remise par la SA BUFFALO GRILL à Mme [Y] [E] de la fiche de prévention mentionnée à l'article D.4161-1-l du code du travail, sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard à compter du 30ème jour jusqu'au 60ème jour suivant la notification du jugement,

' Dit que le conseil réserve sa compétence pour liquider ladite astreinte,

' Ordonné l'exécution provisoire du jugement à hauteur de la moitié des sommes allouées à titre indemnitaire,

' Fixé en tant que de besoin, la moyenne mensuelle brute des salaires à 2.882 €,

' Ordonné le remboursement par la SA BUFFALO GRILL à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement payées à Mme [Y] [E] du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de trois mois d'indemnités,

' Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

' Condamné la SA BUFFALO GRILL aux dépens de l'instance et dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire devront être supportées par la SA BUFFALO GRILL.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 24 avril 2019, suivant lesquelles la SA BUFFALO GRILL demande à la cour de :

' La recevoir en ses écritures, fins et conclusions,

' Infirmer le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau,

' Juger que le licenciement de Mme [Y] [E] n'est pas sans cause réelle et sérieuse,

' Débouter Mme [Y] [E] de l'ensemble de ses demandes,

' Condamner Mme [Y] [E] à verser à la SA BUFFALO GRILL la somme globale de 2.500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 17 juin 2019, suivant lesquelles Mme [Y] [E] demande à la cour de :

' La recevoir en ses écritures d'appel et y faire droit,

' Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

' Condamner la SA BUFFALO GRILL prise en la personne de son représentant légal à verser à Mme [Y] [E] la somme de 3.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 17 février 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur le bien fondé du licenciement

Pour infirmation, la SA BUFFALO GRILL soutient que le licenciement est parfaitement motivé par des soustractions de liquidités et fausses déclarations faites par la salariée. Elle souligne la contrariété de défense que croit pouvoir adopter Mme [Y] [E] qui indique qu'il n'y a eu aucune soustraction d'argent avant d'indiquer 'qu'il est probable qu'un autre salarié ait pu procéder à des changements sur la feuille de caisse', de sorte qu'elle reconnaît qu'il y a eu soustraction de liquidités. Elle ajoute quant à l'imputabilité de ces faits que chacune des fiches de caisse produites indique que c'est Madame [Y] [E] qui était en charge de ladite caisse.

Pour confirmation, Mme [Y] [E] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que la matérialité des faits reprochés n'est pas prouvée.

Par application de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement du 17 avril 2014 (pièce n°6 de Mme [Y] [E]) est ainsi rédigée':

«'(')

Après étude de votre dossier, nous avons décidé de prononcer à votre encontre un licenciement (sic) pour cause réelle et sérieuse motivé par les faits suivants.

Nous avons constaté que sur les caisses du 1er, 5, 11 et 14 février 2014, des modifications ont été apportés (sic) sur les mouvements cartes bleues sur la feuille de caisse. En effet, le rapprochement bancaire fait avec les télécollectées met en évidence une différence avec la feuille de caisse.

Vous étiez la responsable en charge de la fermeture de caisse sur les 4 journées d'anomalie de caisse.

Or, ces anomalies n'ont pu être générées que manuellement. En effet, le suivi de caisse, à renseigner lors de la clôture de caisse, ne correspond pas aux télécollectes de carte bleue réalisé (sic) par les clients.

Seul le responsable de fermeture, qui renseigne les éléments de la feuille de caisse avec les données recueillies notamment de la télécollecte carte bleue, a pu mentionner intentionnellement un montant erroné de carte bleue avant de valider la clôture de caisse.

Lors de 1'entretien du 28 mars 2014, vous avez reconnu avoir été la responsable en charge de la fermeture de la caisse sur les journées du 1er, 5, 11 et 14 février 2014.

Par ailleurs, étonnement suspicieux (sic),1e montant des espèces figurant sur la feuille de caisse correspond à la différence de carte bleue constaté, et (sic) ne correspond nullement au montant réel des recettes espèces de ces journées.

Il ainsi été relevé (sic) une différence de :

- 65,10 euros sur la caisse du 01/02/2014

- 50 euros sur la caisse du 05/02/2014

- 50 euros sur la caisse du 11/02/2014

- 40 euros sur la caisse du 14/02/2014.

Votre comportement constitue une escroquerie pure et simple, et un abus de confiance.

Ceci est totalement inacceptable et ne saurait être toléré au sein de l'entreprise.

Vous ne pouvez ignorer que votre conduite s'apparente à un vol qualifié, délit répréhensible.

En agissant de la sorte, vous avez fait fi des procédures internes applicables à l'entreprise.

Nous vous rappelons que vous deviez rigoureusement vous y conformer. Cependant non seulement, il apparaît que vous ne les avez pas respectez (sic) mais plus grave encore, que vous les avez détourné (sic) à votre profit.

Vous n'êtes pas sans savoir qu'une obligation de loyauté est inhérente à toute relation contractuelle et incombe aussi bien à l'employeur qu'au salarié.

Au vu de l'ensemble des éléments ci-dessus évoqués, votre comportement témoigne, de manière manifeste, de votre mauvaise foi caractérisée.

Votre attitude ne peut que remettre en cause la confiance qui a pu vous être accordé (sic) par la société.

Vos agissements sont constitutifs d'une faute grave dans1'exercice de vos missions.

Lors de l'entretien du 28 mars 2014, vous avez reconnu vous être chargé de la fermeture de caisse, mais sans pour autant apporter des explications quant à ces manipulations pour le moins inadmissible (sic).

Au vu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, décision a été prise de notifier à votre encontre un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Votre licenciement deviendra effectif à l'échéance de votre préavis de 2 mois, débutera a la date de première présentation du présent courrier.

Nous vous rappelons que vous êtes tenue durant la période de préavis de l'ensemble (sic) de vos obligations contractuelles.

Votre solde de tout compte (')'».

La société BUFFALO GRILL soutient en l'espèce que Mme [Y] [E], chargée sur les quatre dates du mois de février 2014 mentionnées dans la lettre de licenciement de «'valider la caisse», aurait déclaré en chiffre d'affaires un montant surévalué de recettes au titre des cartes bancaires afin de pouvoir détourner la différence en liquidités.

La société appelante verse au soutien de ses prétentions':

- sa pièce n°1': des reçus de carte bancaire pour les dates considérées, faisant état pour chacune de ces dates':

* d'un «'MONTANT EN EUR'» d'«'Achats'»'(par exemple pour le 01/02/2014': 411,80),

* d'une mention manuscrite rectifiant ce montant (par ex.': «'Déclare 476,90 au lieu de 411,80'»)

* d'une mention également manuscrite de «'Différence'» (par ex.': «'- 65,10'»)';

- sa pièce n°2': les «'Tableaux récapitulatifs des chiffres d'affaires'» de ces mêmes dates, indiquant pour chaque journée les montants totaux des espèces, chèques, cartes bancaires, et détaillant pour les espèces le montant de la «'Remise espèces théorique'», des «'espèces remises en Bque'» et de la «'différence de caisse'».

Il convient de relever d'abord que les pièces précitées ne portent que la mention dactylographiée du nom de Mme [Y] [E] en qualité de signataire, sans que la société appelante explique ce qui permet d'attribuer de manière certaine à l'intéressée la finalisation de ces documents. Il convient de relever ensuite que les mentions rectificatives sur lesquelles sont basées les accusations ne sont que manuscrites et ne sont étayées par aucun autre élément. Force est surtout de constater que la société BUFFALO GRIL ne relève de différences que sur les paiements par cartes bancaires'; elle affiche ainsi'sur la base des pièces susvisées :

- le 1er février 2014 une déclaration de 476,90 € au titre des recettes de cartes bancaires alors qu'en réalité seuls 411,80 € auraient été réalisés, ce dont elle retient une différence de 65,10 €.

- le 5 février 2014, une déclaration de 2058,20 € au titre des recettes de cartes bancaires au lieu de 2008,20 € réellement réalisés, soit une différence de 50 euros.

- le 11 février 2014, une déclaration de180 € pour un montant réel des cartes bancaires de 130 €, soit une différence de 50 €.

- le 14 février 2014, une déclaration de 892,70 € au lieu de 852,70 €, soit une différence de 40 €.

Or il ressort de l'examen approfondi des «'tableaux récapitulatifs'» susvisés et de leur comparaison avec les listings de remise des espèces sur les mêmes journées (pièces n°7 de l'intimée) que la somme des espèces remises en banque est non seulement parfaitement conforme à celle figurant sur les tableaux qu'il est reproché à Mme [Y] [E] d'avoir falsifiés, mais également parfaitement cohérente avec celle des espèces de la «'remise théorique'» après déduction des dépenses en espèces du total des entrées en espèces, sous réserve de la «'différence de caisse'» dont les montants sont parfaitement apparents sur les tableaux concernés (pour des sommes allant de 0,82€ à 4,39 € qui ne correspondent pas forcément à une erreur de caisse mais peuvent s'intégrer au fond de caisse).

La société BUFFALO GRILL, qui ne procède toujours que par affirmation, n'explique pas dans ces conditions comment Mme [Y] [E] aurait pu soustraire sur ces quatre dates des sommes comprises entre 40 € et de 65,10 € sous forme de liquidités sans que le montant des espèces encaissées et de celles remises en banque ne fassent pas apparaître ces mêmes écarts.

Ainsi la société appelante ne justifie pas la matérialité des faits invoqués, pas plus que leur imputabilité à Mme [Y] [E] qui, contrairement à ce qui est allégué, en conteste toujours la responsabilité.

Au regard de ces éléments, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Madame [Y] [E] n'était fondé sur aucune cause réelle et sérieuse.

Madame [Y] [E] était âgée de 36 ans à la date du licenciement et aurait compté une ancienneté de trois années à l'issue de la période de préavis. Son salaire mensuel au sein de la SA BUFFALO GRILL était de 2 882 €. Elle ne justifie pas d'éléments relatifs à sa situation depuis le licenciement. Au vu de ces éléments, c'est à juste titre que lui a été allouée une indemnité de 20.000 € nets pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du Code du Travail.

Sur les demandes relatives au temps de travail

La société BUFFALO GRILL soutient pour infirmation que Mme [Y] [E], licenciée par lettre du 17 avril 2014, a fondé cette demande sur un courrier du Contrôleur du Travail que la salariée avait interrogé «'sur la possibilité d'obtenir des preuves » énonçant des tâches qu'elle aurait effectuées entre le 17 avril et le 30 avril 2014 ; qu'aucune demande n'a été faite sur l'année 2013, ni même sur l'année 2012 et que les demandes sur 2011 sont prescrites'; qu'il est donc évident que Mme [Y] [E] s'est volontairement maintenue tardivement dans l'entreprise après la notification de son licenciement du 17 avril 2014 pour tenter de faire croire que BUFFALO GRILL violait les dispositions conventionnelles sur le repos quotidien'; que cette prétendue violation relève d'un acte volontaire de la salariée ; qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris et de débouter Mme [Y] [E] de sa demande d'indemnité.

Pour confirmation, Mme [Y] [E] rétorque qu'il est amplement démontré qu'à de nombreuses reprises elle n'a pas bénéficié d'un temps de repos quotidien suffisant'; que cette violation de la convention collective cause un préjudice à Mme [Y] [E] qui est fondée à en demander réparation'; qu'il ne saurait lui être sérieusement reproché de s'être maintenue dans l'entreprise dans le seul but de voir son employeur condamné sur le fondement des dispositions conventionnelles relatives au temps de repos, alors que Mme [Y] [E] était totalement tributaire de l'arrivée et du départ de la clientèle du restaurant'; que contrairement à ce qu'affirme l'appelante des manquements à la réglementation sur le temps de repos ont été relevées au cours de toutes les années depuis son embauche.

En l'espèce, le contrat de travail signé le 21 juin 2011 (pièce n°1 de la salariée) et l'avenant du 29 septembre 2012 (pièce n°2) indiquent que la durée du travail est de 39 heures hebdomadaires soit 169 heures mensuelles mais ne comporte aucune indication relative aux horaires de travail de Mme [Y] [E] ; il est seulement indiqué que le travail est organisé 'en horaire tournant et en fonction des contraintes organisationnelles liées à notre profession. Cet horaire de travail peut être modifié en fonction des nécessités de service'. La rémunération prévue est de 1.800 € 'mensuelle base brute garantie' avec une distinction entre d'une part la rémunération du 'service en tant que responsable' calculée sur la base d'un pourcentage du chiffre d'affaires en fonction de sa présence et d'autre part la rémunération du 'service en salle' calculée en pourcentage de chiffre d'affaires en fonction du nombre d'heures mensuelles. Au titre des repos il est prévu 'deux jours de repos hebdomadaire'.

L'article 21.4 de la Convention Collective des Hôtels, Cafés, Restaurants (HCR) du 30 avril 1997 applicable en l'espèce dispose :

« Le temps de repos entre deux jours de travail est fixé pour l'ensemble du personnel à 11 heures consécutives et 12 heures consécutives pour les jeunes de moins de 18 ans.(...) »

Mme [Y] [E] verse aux débats un courrier du contrôleur du travail du 2 septembre 2014 (sa pièce n°10) qui énonce notamment «Vous noterez que la limite de 13 heures d'amplitude est dépassée le 26 avril. Le repos quotidien de 11 heures n'est pas respecté entre le 26 et le 27 avril. Le temps maximal quotidien de 11h30 est dépassé le 23 et 27 avril. ».

La société employeur ne produit au soutien de sa contestation sur ces journées qu'une seule pièce (n°4) constituée du «'Relevé horaires du 21 au 27 avril 2014'» de Mme [Y] [E] qui ne contredit nullement les l'analyse de l'inspecteur du travail dans le courrier précité, étant précisé que les observations de ce dernier était faites sur la base «'des émargements de la semaine du 21 au 30 avril 2014 [concernant Mme [Y] [E]] qui [lui] avaient été envoyés par [son] entreprise'».

Mme [Y] [E] produit également des feuilles d'émargement hebdomadaires la concernant (pièce n°11) allant du 20 juin 2011 au 20 avril 2014 qui font apparaître des temps de repos inférieur au minimum conventionnel à plusieurs reprises en 2011 et notamment entre le 3 et le 4 décembre 2011, le 16 et le 17 mars 2012, le 5 et 6 mai 2012, le 18 et le 19 mai 2013, le 31 mai et le 1er juin 2013, le 25 et le 26 juin 2013, le 3 et le 4 août 2013, le 31 août et le 1er septembre 2013.

La société BUFALLO GRILL, qui affirme à tort que Mme [Y] [E] aurait fondé sa demande sur quatre jours uniquement et tous inclus dans la période de son préavis et se contente de prétendre que Mme [Y] [E] aurait usé d'un «'subterfuge'» en sollicitant l'avis de l'inspecteur du travail, ne produit strictement aucun élément de nature à contredire l'argumentation de sa salariée et à justifier du respect sur toutes les périodes considérées des dispositions conventionnelles précitées concernant précisément la durée du repos entre deux journées de travail.

Mme [Y] [E] justifie que le défaut de respect du repos quotidien de onze heures lui a causé un préjudice spécifique résultant de l'absence de temps nécessaire pour préserver sa santé, de sorte que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a alloué de ce chef à Mme [Y] [E] la somme de 3.000€.

Sur le remboursement des frais de déplacement

Pour infirmation, la société BUFALLO GRILL fait valoir que Madame [Y] [E] ne produit aucune pièce pour justifier les calculs mentionnés dans ses écritures (page 7) ni pour démontrer qu'elle aurait travaillé sur l'unité de Vertou aux périodes indiquées'; que le contrat de Mme [Y] [E] mentionnait une clause de mobilité et mutation au terme de laquelle elle pouvait être amenée à changer de lieu de travail dans les départements limitrophes du lieu d'exécution ou être appelée en renfort sur d'autres établissements existants ou à venir'; que Mme [Y] [E] n'est donc pas fondée à solliciter un remboursement de frais de déplacement pour se rendre avec son véhicule personnel vers son lieu de travail désigné pour une période limitée.

Pour confirmation, Mme [Y] [E] soutient qu'elle a été amenée dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail à travailler sur l'unité de VERTOU, représentant un trajet aller-retour de 44 kilomètres, dont il appartenait à la société BUFALLO GRILL de lui rembourser les frais.

Mme [Y] [E], qui affirme avoir été amenée à travailler sur l'unité de Vertou, représentant 44 kilomètres aller-retour, ne produit au soutien de ses demandes'que :

- le détail de l'itinéraire extrait de MAPPY pour se rendre de son domicile à Indre jusqu'à VERTOU (pièce n°17),

- une attestation de M. [C], ancien employé de la Société BUFFALO GRILL, qui précise que le salarié effectuant un dépannage dans un autre établissement que celui pour lequel il dépend est indemnisé en fonction du barème prévu par la société (pièce n°15), et une attestation de Mme [D] qui indique avoir bénéficié d'un tel dispositif (pièce n°18) mais dont aucun n'évoque la situation de Mme [Y] [E],

- ses bulletins de salaire de décembre 2012 à avril 2013 mentionnant une ligne intitulée « Maintien Mensuel de salaire » ou « Complément ex salaire » dont elle indique qu'elle correspond aux périodes de son détachement (Pièce n°16)'; il convient d'observer que ces bulletins de salaire sont délivrés à l'en-tête de BUFFALO GRILL d'Orvault (route de Vannes),

- les feuilles d'émargement qui font également état sur ce qu'elle désigne comme «'la période revendiquée'» de cette période de dépannage par la mention en face de son nom de la formule 'DEP' (pièce n°19)'; il doit être observé d'une part que ces feuilles ne portent pas sur la même période que les bulletins de salaire puisqu'elles concernent la semaine du 20 au 26 février 2012 puis la période du 26 mars au 29 avril 2012'; d'autre part ces 'feuilles «'d'émargement hebdomadaire'» font apparaître concernant Mme [Y] [E] la seule mention «'DEP'» sans autre précision ni indication hormis une mention manuscrite en haut de chaque page de «'dépannage à Pau'» ou «'dépannage à Vannes'» qui ne semblent pas concerner l'intimée et qui ne justifient pas en tout état de cause de son «'détachement'» à Vertou';

- la carte grise de son véhicule (pièce n°12)

- une fiche de note de frais établissant l'indemnisation au kilomètre en fonction de la puissance du véhicule (pièce n°13).

Mme [Y] [E] ne justifie par aucune des pièces qu'elle produit avoir travaillé dans l'unité de Vertou au lieu de celle d'Orvault ni avoir dans ces conditions été contrainte d'effectuer pour les besoins de son activité professionnelle un total de 4 004 kilomètres, de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande de remboursement de ses frais de déplacement et que le jugement entrepris qui a fait droit à cette demande «'dans la limite de la différence de distance domicile-travail entre le lieu de travail contractualisé à Orvault et celui de Vertou'» doit être infirmé.

Sur la remise tardive des documents de fin de contrat

Pour infirmation, la société BUFFALO GRILL soutient que Mme [Y] [E] n'a pas rapporté la preuve de ses allégations concernant le fait d'avoir effectué plus de 280 heures de travail de nuit par année civile et ne justifie pas la demande d'indemnisation de la non communication de la fiche de prévention des expositions au risque considéré.

Mme [Y] [E] soutient qu'elle justifie par les pièces versées aux débats avoir effectué du travail de nuit au sens des dispositions légales et conventionnelles applicables, de sorte que le jugement doit être confirmé.

L'accord du 11 juillet 2013 relatif à la santé au travail et à l'emploi des seniors auquel se réfère l'intimée, texte attaché à la convention collective applicable, prévoit en son article 1er qu'il «'concerne l'ensemble des salariés et les salariés embauchés sous contrat de formation en alternance des entreprises relevant du champ d'application de la convention collective nationale des HCR en date du 30 avril 1997'» et dispose dans son article 4.3° a) que :

« Les facteurs de risques mentionnés à l'article L. 4121-3-1 du code du travail sont ['] :

3° Au titre de certains rythmes de travail :

a) Le travail de nuit dans les conditions fixées aux articles L. 3122-29 à L. 3122-31 du code

du travail ; [']

Selon l'avenant n°2 du 5 février 2007 relatif à l'aménagement du temps de travail également attaché à cette Convention Collective des Hôtels, Cafés, Restaurants'(reprenant l'article 16 de l'Avenant n° 1 du 13 juillet 2004 relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail, aux congés payés, au travail de nuit et à la prévoyance) :

«'12.1. Définition du travail de nuit'

Conformément aux dispositions de l'article L. 213-1-1 alinéa 2 du code du travail, tout travail entre 22 heures et 7 heures est considéré comme travail de nuit.'

12.2. Définition du travailleur de nuit.

Est considéré comme travailleur de nuit celui qui accomplit pendant la période de nuit définie à l'article 12.1 :

(...)

- soit au moins 280 heures de travail effectif dans la plage « horaire de nuit » pour les établissements permanents sur l'année civile (...) ».

En 1'espèce, les feuilles d'émargement hebdomadaires produites par la salariée et dont il a déjà été dit qu'elles n'étaient pas contredites par les pièces produites par la société employeur font apparaître le nombre d'heures de nuit cumulées sur chaque semaine et permettent d'établir que Mme [Y] [E] a effectué plus de 280 heures de nuit par année civile concernée (pièce n°11 précitée de l'intimée).

Mme [Y] [E] ne justifie pour autant par aucun élément du préjudice qu'elle se contente de qualifier de 'certain' dont elle ne peut en conséquence obtenir l'indemnisation. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les frais irrépétibles

Par suite du principal, la SA BUFFALO GRILL doit être déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et tenue au paiement des frais irrépétibles que Mme [Y] [E] a dû exposer en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la SA BUFFALO GRILL à payer à Mme [Y] [E] les sommes de 983 € net à titre de remboursement de frais de déplacement et de 200 € à titre de dommages et intérêts résultant du défaut de remise d'une fiche de prévention ;

Statuant de ces seuls chefs,

DÉBOUTE Mme [Y] [E] de sa demande de remboursement de frais de déplacement;

DEBOUTE Mme [Y] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour remise tardive de documents de fin de contrat ;

Et y ajoutant,

CONDAMNE la SA BUFFALO GRILL à payer à Mme [F] [E] la somme de 2.000€ au titre l'article 700 du code de procédure civile';

DÉBOUTE la SA BUFFALO GRILL de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA BUFFALO GRILL aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/01141
Date de la décision : 06/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-06;19.01141 ?
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