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06/05/2022 | FRANCE | N°19/01079

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 06 mai 2022, 19/01079


2ème Chambre





ARRÊT N°284



N° RG 19/01079

N° Portalis DBVL-V-B7D-PRJS





(2)







SA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARI S ET ILE DE FRANCE



C/



Mme [M] [O]



















Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :



à :

- Me LECLERCQ

- Me COROLLER-BEQUET









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 MAI 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Mons...

2ème Chambre

ARRÊT N°284

N° RG 19/01079

N° Portalis DBVL-V-B7D-PRJS

(2)

SA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARI S ET ILE DE FRANCE

C/

Mme [M] [O]

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me LECLERCQ

- Me COROLLER-BEQUET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 MAI 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et Madame Aïchat ASSOUMANI lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 01 Mars 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Mai 2022, après prorogation, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARI S ET ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Erwan LECLERCQ de la SCP LECLERCQ & CASTRES, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Francis BONNET des TUVES, plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Madame [M] [O]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Alain COROLLER-BEQUET de la SELARL ALEMA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

2

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant acte sous-seing-privé en date du 28 octobre 2014, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Île-de-France (ci-après la banque) a consenti à la société Gret restauration un prêt n° 453893 d'un montant de 327 353,85 € au taux de 2,55 % l'an remboursable en 84 mensualités pour l'acquisition d'un fonds de commerce.

Suivant jugement en date du 10 mai 2016, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la liquidation judiciaire de la société Gret restauration.

Suivant acte d'huissier en date du 13 octobre 2016, la banque a assigné Mme [M] [O] en paiement en qualité de caution devant le tribunal de grande instance de Quimper.

Suivant jugement en date du 8 janvier 2019, le tribunal a :

Déclaré nul l'acte de cautionnement.

Rejeté les demandes de la banque.

Condamné la banque à payer à Mme [M] [O] la somme de 4 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamné la banque aux dépens.

Suivant déclaration en date du 15 février 2019, la banque a interjeté appel.

En ses dernières conclusions en date du 30 décembre 2021, la banque demande à la cour de :

La dire recevable et bien fondée en son appel.

Dire Mme [M] [O] mal fondée en ses demandes, fins et conclusions.

L'en débouter.

Infirmer le jugement déféré.

Statuant à nouveau,

Condamner Mme [M] [O] à lui payer la somme de 106 390 € outre les intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2016 date de la mise en demeure jusqu'à parfait paiement.

La condamner à lui payer la somme de 5 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux dépens.

En ses dernières conclusions en date du 23 décembre 2021, Mme [M] [O] demande à la cour de :

Vu l'article 1324 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce,

Confirmer le jugement déféré.

Statuant sur les prétentions de la banque,

Dire que les deux premiers feuillets de l'acte présenté comme son engagement de caution ne lui sont pas opposables.

Vu les articles 2288, 2292 et 1134 du code civil dans leur rédaction applicable à l'espèce,

Vu l'article L. 341-2 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce,

Débouter la banque de sa demande en paiement.

Subsidiairement,

Vu l'article 1116 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce,

Annuler son engagement de caution et débouter la banque de sa demande en paiement.

Plus subsidiairement,

Vu les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation,

Dire la banque déchue du droit d'invoquer son engagement et la débouter de sa demande en paiement.

Dire conformément aux dispositions des articles 1134, 1162 et 2292 du code civil dans leur rédaction applicable à l'espèce que la banque ne peut réclamer que le paiement d'une somme en principal de 81 838 €.

Dire la banque déchue du droit de réclamer les intérêts sur les années 2017 et 2018 conformément à l'article L. 341-6 du code de la consommation.

Dire que la banque ne peut pour le surplus réclamer des intérêts qu'au taux de 2,55 %.

Dire conformément à l'article 1147 du code civil et aux principes généraux du droit que la banque a manqué à son obligation de mise en garde et qu'elle a engagé sa responsabilité.

Dire conformément à l'article 1147 du code civil et aux principes généraux du droit qu'elle a commis une faute en accordant à la société Gret restauration le prêt de 327 350 €.

La condamner à lui payer la somme de 95 751 € à titre de dommages et intérêts et ordonner la compensation entre cette somme et celles qui seraient laissées à sa charge.

Confirmer le jugement qui a condamné la banque aux dépens de première instance et au paiement des frais irrépétibles.

Y ajoutant la condamner aux dépens de l'appel et à lui payer la somme de 4 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

La banque fait valoir que suivant acte sous seing privé en date du 1er août 2014, Mme [M] [O] s'est portée caution personnelle et solidaire des engagements de la société Gret restauration sans bénéfice de discussion au titre du prêt n° 453893 dans la limite de 106 390 € couvrant le principal, les intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard pour une durée de 108 mois.

Mme [M] [O] rappelle que l'acte de cautionnement se présente en plusieurs feuillets. Elle conteste avoir apposé des mentions manuscrites sur le premier feuillet et avoir paraphé l'ensemble des feuillets. Elle ajoute que le document qu'elle a signé était destiné à obtenir un financement dont ni le montant, ni le prêteur n'étaient encore déterminés. Surtout, il n'avait pas vocation à être maintenu car il devait être remplacé par un compte courant d'associé bloqué. Elle conclut que l'acte de cautionnement n'est pas valable. Elle considère avoir été victime de man'uvres dolosives en raison de la présentation de différentes pièces comme un document unique, certaines d'entre elles étant falsifiées.

Mme [M] [O] ne conteste cependant pas avoir apposé sur le feuillet n° 3 les mentions manuscrites suivantes suivies de sa signature :

« En me portant caution de SARL Gret restauration, dans la limite de la somme de 106 390 € couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 108 mois, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si SARL Gret restauration n'y satisfait pas elle-même.

En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec SARL Gret restauration, je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement SARL Gret restauration ».

Le moyen tiré du défaut d'authenticité des mentions manuscrites apposées sur le feuillet n° 1 ou des paraphes est inopérant dès lors que par les mentions susmentionnées suivies de sa signature dont l'authenticité ne sont pas discutées, Mme [M] [O] a manifesté la volonté non équivoque de s'engager en qualité de caution pour un montant, une durée et un débiteur déterminés. Les cautionnements de dettes futures sont valables dès lors qu'ils sont limités dans leur montant et que le débiteur est identifié.

Le cautionnement est régulier au regard des dispositions de l'article 2292 du code civil et des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à l'espèce.

Mme [M] [O] ne démontre aucunement que son engagement de caution n'avait pas vocation à être maintenu et que devait s'y substituer une garantie consistant dans le blocage d'un compte courant d'associé. La banque affirme que le cautionnement constituait au contraire une garantie complémentaire. Il ne saurait lui être reproché l'impossibilité pour la caution de se substituer aux droits du créancier alors que l'extinction de la garantie consistant dans le blocage d'un compte courant d'associé ne résulte pas de sa faute.

Elle n'est pas plus fondée à soutenir que son consentement a été surpris par dol alors qu'elle ne conteste pas l'authenticité des mentions susmentionnées et que la réunion des trois feuillets de l'acte de cautionnement, à la supposer frauduleuse, n'a pu intervenir que postérieurement à son engagement.

Mme [M] [O] évalue son patrimoine au moment de son engagement à la somme de 518 388 €. Elle fait valoir qu'elle s'était engagée par ailleurs en qualité de caution le 23 septembre 2013 au profit de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère à hauteur de la somme de 455 000 €. Elle conclut que son engament de caution était manifestement disproportionné.

La banque relève que Mme [M] [O] était à la date de son engagement détentrice d'un contrat d'assurance-vie d'un montant de 127 561,65 € et de parts sociales de la société La Licorne et de la société ADOC ingénierie. Elle ajoute que les comptes courants d'associés de ces sociétés s'élevaient respectivement en 2017 à la somme de 173 530,15 € et de 596 151,31 €.

Mme [M] [O] n'a pas justifié de la valorisation des parts sociales dont elle était détentrice et du solde de ses comptes courants d'associée à la date de son engagement.

La banque  relève également que Mme [M] [O] était propriétaire pour moitié d'un bien immobilier à [Localité 7] qui a été vendu en 2017 au prix de 520 000 € et qu'elle est toujours propriétaire en indivision, en nue-propriété et/ou en usufruit, de biens immobiliers à la Seyne-sur-Mer acquis en 2006 et 2010 au prix de 85 000 € et de 21 500 € et d'un bien immobilier à [Localité 8] acquis en 2011 au prix de 155 920 €. Elle évalue le patrimoine et les revenus de Mme [M] [O] au jour de son engagement à la somme de 560 107,65 € hors valorisation des parts sociales des sociétés ADOC ingénierie et La Licorne et hors solde des comptes courants d'associés.

Mme [M] [O] n'apporte pas d'éléments quant à la valorisation de son patrimoine immobilier et surtout mobilier. Elle ne démontre aucunement que son engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus et qu'elle était dans l'impossibilité d'y faire face.

La banque indique, que dans le cadre de l'étude du plan de financement de la société Gret restauration, des documents faisant état de la grande expérience de Mme [M] [O] dans la gestion de sociétés lui ont été communiqués. Son curriculum vitae mentionne une activité de consultante et des compétences en matière de gestion et de comptabilité. La société La Licorne dont Mme [M] [O] est associée, société par ailleurs associée majoritaire de la société Gret restauration, a pour activité la prestation de services en matière de création ou de mutation d'entreprise ce qui est conforme à son objet social à savoir le conseil pour les affaires et autres conseils de gestion.

Compte tenu de son parcours professionnel, de ses compétences et de son implication dans l'activité de la société Gret restauration au travers de la participation en capital de la société La Licorne, l'autre associé principal de la société La Licorne étant d'ailleurs le gérant de la société Gret restauration, Mme [M] [O] devait être considérée comme une caution particulièrement avertie ne relevant pas du devoir de mise en garde quant au risque d'endettement excessif du débiteur principal ou quant à son propre risque d'endettement, étant ajouté qu'il n'est pas démontré ni même allégué que la banque disposait d'informations ignorées de la caution.

La demande de dommages-intérêts de Mme [M] [O] ne peut prospérer.

Mme [M] [O] fait valoir à tort par ailleurs qu'elle serait recevable à invoquer le manquement de la banque à son devoir de mise en garde à l'égard de la société Gret restauration, cette action appartenant aux organes de la procédure collective.

Mme [M] [O] conteste le montant de la somme qui lui est réclamée par la banque. Elle fait valoir que l'engagement de la caution est fixé dans l'acte de prêt à 130 % du capital cautionné dans la limite de 106 390 € et en déduit qu'elle ne saurait être tenue qu'au paiement de la somme de 81 838 €.

La banque justifie que sa créance à l'égard de la société Gret restauration s'élève à la somme de 270 129,27 €. Elle est fondée à solliciter la condamnation de Mme [M] [O], conformément à son engagement de caution, à lui payer la somme de 106 390 € qui reste inférieure au ratio de 130 % du capital restant dû soit la somme de 265 729,62 €.

Mme [M] [O] soutient que la banque ne démontre pas avoir satisfait à son obligation d'information annuelle de la caution et qu'elle doit être déchue de son droit aux intérêts pour les années 2017 et 2018 et qu'un taux d'intérêt maximal de 2,55 % devrait être appliqué.

La banque soutient qu'elle a respecté son obligation d'information annuelle de la caution et ajoute qu'elle ne réclame en toute hypothèse que le paiement des intérêts au taux légal.

Les dispositions de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable à l'espèce sont opposables à la banque. Il incombe à celle-ci de prouver qu'elle a satisfait à son obligation d'information. Or la production de la copie des lettres d'information ne suffit pas à justifier de leur envoi. Pour l'année 2019 et les années postérieures, il n'est au demeurant produit aucune copie des lettres d'information.

La banque qui ne démontre pas avoir satisfait à son obligation d'information doit être déchue du droit aux intérêts. Il faut préciser à cet égard que le débiteur principal n'a pu effectuer aucun paiement en 2017 et 2018 en raison de l'ouverture de la procédure collective. La déchéance du droit aux intérêts ne dispense pas la caution du paiement des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer qui lui avait été adressée. Le taux sera limité à 2,55 % l'an à compter du 1er janvier 2017, conformément à la demande de Mme [M] [O], car si le taux légal était intégralement appliqué, les montants perçus par la banque déchue de son droit aux intérêts seraient significativement supérieurs à ceux dont elle aurait bénéficié si elle avait respecté ses obligations.

Mme [M] [O] sera condamnée à payer à la banque la somme de 106 390 € outre les intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2016, date de la mise en demeure, puis les intérêts au taux de 2,55 % l'an à compter du 1er janvier 2017.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [M] [O] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Quimper en date du 8 janvier 2019 en toute ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Condamne Mme [M] [O] à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Île-de-France la somme de 106 390 € outre les intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2016 puis les intérêts au taux de 2,55 % l'an à compter du 1er janvier 2017.

Condamne Mme [M] [O] aux dépens de première instance et d'appel.

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/01079
Date de la décision : 06/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-06;19.01079 ?
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