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04/05/2022 | FRANCE | N°19/08199

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 04 mai 2022, 19/08199


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 19/08199 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QK55













[6]



C/



CPAM DU MORBIHAN

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FR

ANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 MAI 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du pron...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 19/08199 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QK55

[6]

C/

CPAM DU MORBIHAN

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 MAI 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 Mars 2022

devant Madame Elisabeth SERRIN, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Mai 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 16 Septembre 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de VANNES - Pôle Social

****

APPELANTE :

LASociété [6]

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Carine BAILLY-LACRESSE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN

[Adresse 8]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Mme [D] [A] en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

La déclaration complétée par la société « [6] » (la société) employeur de M. [T] le 7 novembre 2016 fait état d'un accident survenu au salarié dans les circonstances suivantes :

date : 4 novembre 2016 ; heure : 12h

lieu de l'accident : [6], [Adresse 7]

lieu de travail habituel

horaire de travail de la victime le jour de l'accident : de 8h à 12h et de 14h à 18h ;

activité de la victime lors de l'accident : travail habituel au bureau

nature de l'accident : choc émotionnel lié à l'annonce de son licenciement

siège des lésions : charge émotionnelle

nature des lésions : stress aigu

accident connu le 7 novembre 2016 à 9 h, décrit par la victime.

Le certificat médical initial établi par le docteur [C], le 4 novembre 2016 fait état d'un 'syndrome anxio-dépressif et état de stress suite à un entretien professionnel avec son supérieur hiérarchique' avec prescription d'un arrêt de travail jusqu'au 20 novembre 2016.

Par décision du 3 février 2017, la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan (la caisse) a reconnu le caractère professionnel de cet accident.

Contestant cette décision, la société a saisi le 30 mars 2017 la commission de recours amiable de la caisse, laquelle, lors de sa séance du 26 juillet 2017, lui a déclaré la décision de prise en charge opposable.

Par lettre recommandée adressée le 30 août 2017, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Morbihan.

Par jugement du 16 septembre 2019, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Vannes, a rejeté les demandes de la société et l'a condamnée aux dépens.

Par déclaration adressée le 25 octobre 2019, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 1er octobre 2019.

Par ses écritures parvenues au greffe le 25 janvier 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, elle demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé ;

- réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté ses demandes ;

Statuant à nouveau :

- dire et juger que la décision prise par la caisse de reconnaître le caractère professionnel de l'accident déclaré par M. [T] le 4 novembre 2016 est inopposable à la société avec toutes conséquences de droit.

Par ses écritures déposées au greffe le 7 mai 2021 auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, la caisse demande à la cour de rejeter l'ensemble des prétentions de la société, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement et de condamner la société aux dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale qu'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle ci (Soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768 ; 2e Civ 9 juillet 2020, n° 19-13.852).

La survenance d'une lésion alors que la victime était au temps et au lieu du travail est présumée accident du travail. Dans le cas contraire, il appartient à la victime - à la caisse, substituée dans les droits de la victime dans ses rapports avec l'employeur- d'établir le lien de causalité entre le travail et l'accident.

Au cas particulier, il convient de relever que l'accident (choc émotionnel lié à l'annonce de son licenciement) survenu à M. [T] au temps (12h) et au lieu du travail (au siège de la société, lieu habituel de travail) à l'origine d'une lésion (charge émotionnelle, stress aigu) a été déclaré sans réserve par l'employeur et bénéficie en conséquence de la présomption d'imputabilité.

Néanmoins, la caisse a diligenté une enquête au cours de laquelle notamment M. [U] [L], PDG de la société, a été entendu par un agent assermenté.

Ce dernier a établi un procès-verbal dans lequel, après avoir retracé l'historique des difficultés imputées à M. [T] et au contexte de perte de confiance envers son collaborateur, justifiant que « face à son équipe, il clarifie la situation », mais sans preuve de malversations de la part de ce dernier, il retient que M. [U] [L] a décidé de convoquer M.[T] le 4 novembre 2016.

Selon M. [L], au cours de cette rencontre, il lui a précisé qu'il avait trahi sa confiance, que M. [T] a tenté de se justifier mais que chacun est resté sur sa position. Les échanges ont été polis. Le ton est demeuré posé et correct.

M. [L] reconnaît avoir fait part de ses sentiments à M. [T], sans avoir pris de décision quant à la suite qu'il donnerait à cette situation, notamment quant à une procédure de mise à pied.

Néanmoins, il reconnaît avoir effectivement récupéré l'ordinateur de M.[T], lequel a été confié à l'informaticien.

Il ajoute qu'en début d'après-midi, M. [T] a déposé ses collègues sur le parking de l'entreprise et il est resté dans sa voiture. Mme [S], directrice financière, qui revenait de déjeuner, est allée le saluer. Puis M. [T] est ensuite parti avec son véhicule.

M. [L] a expliqué que suite à ce départ, il se devait de réagir et que c'est dans ces circonstances que dans l'après-midi, il a réuni ses collaborateurs pour échanger sur la procédure qu'il allait mener compte tenu de la situation. C'est selon lui dans l'émotion qu'il a décidé qu'il enverrait un mail à tous ses collaborateurs, mail dont M. [T] n'aurait pas dû être destinataire.

Entendue le 22 décembre 2016, Mme [S] a confirmé qu'elle était allée saluer M. [T] qui se trouvait dans sa voiture, sachant qu'il avait été convoqué en fin de matinée dans le bureau du directeur général. Selon elle, à ce moment-là, il n'était absolument pas abattu.

C'est dans ces circonstances que les collaborateurs ont reçu à 14h49 le mail susvisé, adressé à l'adresse générique du groupe des chefs de service, et dont M. [T] a été par conséquent rendu destinataire également.

Ce message qui émane de Mme [G], responsable des ressources humaines et porte en objet « Communication de la part de [U] [L] » est ainsi libellé :

« Cher vous tous, je vous transmets une communication de la part de [U]. Bien cordialement.

"J'ai dû après 42 ans de collaboration avec [O] [T] me séparer de lui pour des raisons d'éthique. C'est un moment dur pour moi-même, ses collaborateurs et l'entreprise en général, mais je n'avais pas d'autre choix que de mettre un terme à notre collaboration. Il fera toujours partie pour moi de mon aventure personnelle et cela depuis le début en 1974.»

[U] [L] ».

Aucun des éléments versés au dossier ne corrobore les déclarations de M. [L] selon lequel c'est M. [T] qui a souhaité mettre fin à l'entretien, ou encore qu'il est parti ensuite déjeuner avec le sourire, accompagné de deux collègues.

Ne sont pas davantage corroborées les déclarations de M. [T] selon lequel après son entretien avec M. [L], il a informé ses collaborateurs de la décision de mettre fin à son contrat de travail et de leur réaction, certains d'entre eux étant décrits comme « étant en larmes ».

En revanche, il est établi par les déclarations concordantes des parties, que M. [L] et M. [T] se connaissent de longue date.

Dans son historique de leurs relations, M. [T] a indiqué à l'agent enquêteur que c'est en 1974 que M. [U] [L] a créé, avec un associé, M. [F] [X], beau-frère de M. [T], une société de distribution d'accessoires en hypermarchés. C'est dans ce cadre qu'il a embauché M.[T] début mai 1975 comme commercial.

Comme l'a écrit M. [P] [L] dans un mail du 31 janvier 2017, après avoir consulté le dossier constitué par la caisse, « M. [T] est un compagnon de longue date de M. [U] [L], fondateur historique et président d'[6], qu'il s'agisse de leurs 42 ans de collaboration professionnelle ou, en 2011 du cumul emploi/retraite dont il a bénéficié. »

Mais contrairement à ce que soutient M. [U] [L] et comme le soutient M. [T], c'est bien au cours de l'entretien du midi, dont il convient de relever que M. [T] y a été convoqué sans préavis, que ce dernier a appris de M. [U] [L] qu'il était licencié.

Outre le fait qu'il a été dans l'obligation de remettre immédiatement son ordinateur, l'analyse du mail adressé aux collaborateurs permet de retenir que dans l'après-midi ceux-ci ont été dûment informés de la décision qui avait été prise. Ils n'ont donc pas été réunis par M. [L] « pour échanger sur la procédure qu'il allait mener ».

La seule déclaration de Mme [S] qui n'aurait constaté aucun état émotionnel particulier chez M. [T] à 14h ne peut suffire à remettre en cause les constatations d'un état de stress aigu objectivé par le médecin traitant le jour même.

Au surplus, ne sont pas précisés les motifs pour lesquels M. [T] aurait pu se confier à Mme [S], non plus que les motifs pour lesquels l'intéressée est venue s'enquérir sur le parking des suites de l'entretien du matin entre son collègue et le directeur général.

La caisse rapportant la preuve de la survenance d'une lésion conséquence d'un événement survenu au temps et au lieu du travail, est bien fondée à se prévaloir de la présomption d'imputabilité.

L'obligation incombant à l'organisme social, en application de l'article L. 441-3 du code de la sécurité sociale, de faire procéder aux constatations nécessaires dès qu'il a eu connaissance d'un accident du travail, ne saurait faire obstacle, motif tiré de l'insuffisance alléguée de l'enquête menée, au jeu de la présomption d'imputabilité dans les conditions rappelées ci-dessus.

Il incombe à l'employeur, une fois acquise la présomption d'imputabilité, de la renverser en établissant qu'une cause totalement étrangère au travail est à l'origine de la lésion, ce qu'il ne fait pas.

Sont inopérants les moyens tirés de ce que la décision de se séparer de M.[T] aurait été justifiée.

Il s'ensuit que la décision entreprise sera confirmée.

Y ajoutant, il sera jugé, que contrairement à ce que demande la société, la décision prise par la caisse de reconnaître le caractère professionnel de l'accident déclaré par M. [T] le 4 novembre 2016 lui est opposable.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale étant abrogé depuis le 1er janvier 2019, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement du pôle social du tribunal de grande instance de Vannes du 16 septembre 2019 ;

Y ajoutant :

Dit que la décision prise par la caisse de reconnaître le caractère professionnel de l'accident déclaré par M. [T] le 4 novembre 2016 est opposable à la société « [6] » ;

Condamne la société « [6] » aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/08199
Date de la décision : 04/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-04;19.08199 ?
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