9ème Ch Sécurité Sociale
ARRÊT N°
N° RG 19/08188 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QK4X
LES CELLULOSES DE BROCELIANDE
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 3]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 MAI 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 Mars 2022
devant Madame Elisabeth SERRIN, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Mai 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 16 Septembre 2019
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Tribunal de Grande Instance de VANNES - Pôle Social
****
APPELANTE :
LA SAS [2]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par Me Carine BAILLY-LACRESSE, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Mme [B] [Y] en vertu d'un pouvoir spécial
EXPOSÉ DU LITIGE
[D] [E], salarié de la société « [2] » (la société) depuis le 12 novembre 1990 en qualité de conducteur de véhicules et d'engins lourds de levage et de man'uvre est décédé le 24 juillet 2017 à 8h15, après avoir fait un malaise à 7h10.
Sur la déclaration d'accident du travail régularisée par l'employeur, et après avoir diligenté une enquête, la caisse primaire d'assurance du [Localité 3] (la caisse) a, par décision du 20 octobre 2017, notifié son accord de prise en charge de l'accident mortel au titre de la législation du travail.
Contestant l'opposabilité de cette décision, la société a saisi la commission de recours amiable le 14 décembre 2017 et en l'absence de décision, elle a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du [Localité 3].
Parallèlement, lors de sa séance du 23 février 2018, la commission de recours amiable a rejeté sa contestation.
Par jugement du 16 septembre 2019, le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu pôle social du tribunal de grande instance de Vannes, a rejeté la demande de la société et l'a condamnée aux dépens.
Par déclaration adressée le 25 octobre 2019, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 1er octobre 2019.
Par ses écritures déposées au greffe le 22 janvier 2021auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, elle demande à la cour de :
- déclarer son appel recevable et bien fondé ;
- réformer en toutes ses dispositions le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande ;
Statuant à nouveau :
- dire et juger que le décès de [D] [E] n'a aucun lien avec son activité professionnelle ;
- dire et juger que la caisse n'apporte pas la preuve que le décès de [D] [E] est lié à son activité professionnelle ;
- en conséquence, déclarer inopposable à la société la décision de prise en charge du décès de [D] [E] au titre de la législation professionnelle, avec toutes conséquences de droit.
A l'audience, elle ajoute au soutien de sa demande d'inopposabilité le grief tiré de l'absence d'autopsie par la caisse.
Par ses écritures parvenues au greffe le 4 mai 2021 auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, la caisse demande à la cour de rejeter l'ensemble des demandes de la société et de la condamner aux entiers dépens.
Oralement, elle reproche à la société de n'avoir pas développé son moyen tiré de l'absence d'autopsie dans ses écritures.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La déclaration d'accident du travail établie le 24 juillet 2017 par la société est ainsi renseignée :
- date: 24/07/2017 ; heure: 7h10 ;
- horaire de travail le jour de l'accident : de 5h00 à 13h00 ;
- lieu de l'accident : Celluloses de Brocéliande [Adresse 4] ; lieu habituel de travail ;
- activité de la victime lors de l'accident : la victime revenait de sa pause pour se rendre dans son vestiaire afin d'y déposer ses effets personnels ;
- nature de l'accident : dans les vestiaires, la victime a fait un malaise et est tombée au sol ;
- éventuelles réserves motivées : son malaise n'est pas en lien avec son activité professionnelle ;
- siège des lésions : coeur ;
- nature des lésions : arrêts cardio-ventilatoire.
Pour s'opposer à l'opposabilité à son égard de la reconnaissance du caractère professionnel du décès de [D] [E], la société rappelle que le salarié a été victime d'un malaise à 7h10, soit 2 heures après sa prise de poste et alors qu'il revenait de sa pause.
Elle ajoute qu'il était arrivé au travail en parfaite santé, que le médecin du travail l'avait déclaré apte sans restriction, que le contexte professionnel ne permet pas d'expliquer la survenue du malaise et qu'il n'était soumis à aucun stress ou grande fatigue au moment de la survenance du malaise mortel, en sorte qu'il n'est établi aucun lien entre ce malaise et l'activité professionnelle.
Elle rappelle que [D] [E] est décédé d'un arrêt cardiorespiratoire, ce qui est une urgence vitale et que rien ne permet de le rattacher à son activité professionnelle.
Elle souligne que s'agissant d'une cause naturelle de décès, la jurisprudence doit évoluer. Elle s'appuie sur un jugement du 11 mars 2015 du tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil et reproche oralement à la caisse de ne pas avoir fait faire d'autopsie.
Si la caisse ne tire aucune conséquence de ce moyen nouveau développé à l'audience quant à l'absence d'autopsie, elle rappelle à bon droit la présomption d'imputabilité résultant des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale aux termes duquel 'Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise'.
Au cas particulier, l'employeur ne conteste pas que le salarié était soumis à son autorité et à sa surveillance lorsque est survenu le malaise à l'origine de son décès.
La Cour de cassation juge de longue date que si l'employeur peut contester la décision de prise en charge de la caisse, il lui appartient, comme à cet organisme, de détruire la présomption d'imputabilité qui s'attache à toute lésion, quelle qu'elle soit, survenue brusquement au temps et au lieu du travail, en apportant la preuve que cette lésion a une cause totalement étrangère au travail. » (Soc., 24 mars 1986, pourvoi n°84-16.764, Bull. 1986, V, n° 110 ; 2 octobre 1995, no 93-18.395, Bull.1995, V, no 276).
Pour une application récente : 2ème Civ., 29 mai 2019, no 18-16.183 ; 2e Civ., 11 juillet 2019, pourvoi n° 18-19.160.
La caisse rapportant la preuve de la survenance d'une lésion conséquence d'un événement survenu au temps et au lieu du travail, est bien fondée à se prévaloir de présomption d'imputabilité.
L'obligation incombant à l'organisme social, en application de l'article L. 441-3 du code de la sécurité sociale, de faire procéder aux constatations nécessaires dès qu'il a eu connaissance d'un accident du travail, ne saurait faire obstacle, motif tiré de l'insuffisance de l'enquête menée, au jeu de la présomption d'imputabilité dans les conditions rappelées ci-dessus.
Il incombe à l'employeur, une fois acquise la présomption d'imputabilité, de la renverser en établissant qu'une cause totalement étrangère au travail est à l'origine de la lésion.
A cet égard l'existence d'une telle cause ne saurait s'induire de la seule affirmation de l'existence d'un état pathologique préexistant, affirmation qui n'est en l'espèce corroborée par aucun élément médical probant.
Il s'ensuit que le jugement entrepris sera confirmé. La société étant déboutée de ses demandes, la décision de prise en charge lui sera déclarée opposable.
S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.
En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance.
PAR CES MOTIFS :
La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement du pôle social du tribunal de grande instance de Vannes du 16 septembre 2019 ;
Y ajoutant :
Déclare opposable à la société « [2] » la décision du 20 octobre 2017 de prise en charge au titre des risques professionnels de l'accident de [D] [E] du 24 juillet 2017 ;
Condamne la société « [2] » aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT