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04/05/2022 | FRANCE | N°19/07576

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 04 mai 2022, 19/07576


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRET N°



N° RG 19/07576 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QIS7













[6]



C/



CPAM DE [Localité 5]

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE

FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 MAI 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Mme Adeline TIREL, lors des débats, et Monsieur Philippe...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRET N°

N° RG 19/07576 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QIS7

[6]

C/

CPAM DE [Localité 5]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 MAI 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Adeline TIREL, lors des débats, et Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 01 Mars 2022

devant Madame Aurélie GUEROULT, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Mai 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 27 Septembre 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de NANTES - Pôle Social

****

APPELANTE :

La Société [6], SAS immatriculée au RCS de Nantes sous le numéro B [N° SIREN/SIRET 2],

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Antony VANHAECKE de la SELARL VANHAECKE & BENTZ, avocat au barreau de LYON substitué par Me Audrey MOYSAN, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 5]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Mme [X] [D] en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [R] [L] est salarié de la société [6] (la société) en qualité de d'ouvrier qualifié.

Le 14 septembre 2015 l'employeur a régularisé une déclaration d'accident du travail en mentionnant les circonstances suivantes : M. [L] talochait les marches d'un escalier coulé le matin même - douleur dans le dos. L'employeur a mentionné une réserve sur cette déclaration.

Le certificat médical initial établi par le docteur [T], le 11 septembre 2015 fait état d'une lombalgie-lumbago suite à un sévère effort de soulèvement. Aucune irradiation névralgique.

Le 13 novembre 2015, après instruction, la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique (la caisse) a reconnu le caractère professionnel de l'accident dont a été victime M. [L].

Contestant l'opposabilité de cette décision de prise en charge, la société a saisi le 11 janvier 2016, par l'intermédiaire de son conseil, la commission de recours amiable de la caisse.

Se prévalant d'une décision implicite de rejet, par lettre recommandée adressée le 7 avril 2016, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes.

Par jugement du 27 septembre 2019, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Nantes a :

- dit que le sinistre du 11 septembre 2015 dont a été victime M. [L] est un accident du travail ;

- constaté que la procédure d'instruction menée par la caisse a respecté l'ensemble des exigences du code de la sécurité sociale ;

- constaté que le signataire de la décision de prise en charge disposait d'une délégation de signature valable ;

- constaté que la caisse rapporte la preuve de la continuité des symptômes et soins ;

- en conséquence, débouté la société de sa demande d'inopposabilité ;

- débouté la société de sa demande d'expertise ;

- débouté la société de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société, qui succombe, aux entiers dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Par déclaration adressée le 19 octobre 2019, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 2 octobre 2019.

Par ses écritures parvenues au greffe le 1er septembre 2020 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel ;

- réformer le jugement en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal :

- déclarer inopposable à la société la décision du 13 novembre 2015 de prise en charge de l'accident du travail de M. [L] au titre de la législation du travail ;

- déclarer que l'ensemble des conséquences financières résultant de la prise en charge du sinistre déclaré par M. [L] ne soit pas à la charge de la société et ne doit notamment pas figurer à son compte employeur.

A titre subsidiaire :

- déclarer inopposables à la société les arrêts et soins prescrits et pris en charge au titre de la législation professionnelle après le 2 octobre 2015 ;

A titre infiniment subsidiaire :

- ordonner une mesure d'expertise médicale judiciaire, l'expert ayant pour mission :

. de dire si les arrêts de travail et soins prescrits à M. [L] sont en relation directe, certaine et exclusive avec l'accident du travail déclaré le 11 septembre 2015 ;

. dans l'hypothèse où une partie seulement serait imputable à l'accident, de détailler ces arrêts et soins en relation avec l'accident et fournir tous renseignements utiles sur celle-ci et sur l'éventualité d'un état pathologique préexistant ou indépendant de l'accident et évoluant pour son propre compte;

. de fixer la durée de l'arrêt de travail en rapport avec cet état pathologique antérieur et fixer celle ayant un lien direct et exclusif avec l'accident initial;

. de fixer la date de consolidation de M. [L] ;

- dire et juger que les frais d'expertise seront assumés par la caisse primaire compétente du régime général ;

En toute hypothèse :

- condamner la caisse à verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la caisse aux entiers frais et dépens de l'instance.

Par ses écritures parvenues au greffe le 17 mai 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- décerner acte à la concluante de ce qu'elle a fait une exacte application des textes en vigueur ;

- confirmer purement et simplement le jugement ;

- débouter toutes conclusions, fins et prétentions plus amples ou contraires de la société ;

- si par extraordinaire, il devait être fait droit à la demande d'expertise, mettre les frais d'expertise à la charge de l'employeur ;

- condamner la partie adverse aux entiers dépens ainsi qu'à une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la régularité de la procédure d'instruction

a) le respect des délais fixés aux articles R 441-10 et R 441-14

La société soutient que la caisse l'a informée de la mise en oeuvre d'un délai complémentaire le 19 octobre 2015, soit 4 jours après la fin du délai réglementaire de 30 jours, de sorte qu'une prise en charge implicite est intervenue le 15 octobre 2015.

La cour reprend la motivation des premiers juges qui rappellent exactement au visa des articles R 441-10 et R 441-14 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable à l'espèce que la déclaration de l'accident du travail est du 14 septembre 2015 mais que le CMI du 11 septembre 2015 n'a été réceptionné par la caisse que le 24 septembre 2015, que c'est dès lors à cette date que le délai d'instruction de 30 jours a commencé à courir et qu'en avisant l'employeur du délai complémentaire le 19 octobre 2015, elle a respecté les délais prévus par le code de la sécurité sociale.

Il convient d'ajouter que contrairement à ce qu'indique la société la certitude de la date de réception est rapportée par la copie d'écran du site de la caisse qui mentionne la date de celle-ci le 24 septembre 2015 avec à coté le certificat médical scanné.

Les premiers juges ont donc à bon droit écarté ce moyen.

b) sur l'instruction menée

Se prévalant de la charte des accidents du travail et des maladies professionnelles de la Cnamts du 19 juillet 2001, la société soutient que la caisse a mené une instruction insuffisante et incomplète en ne répondant pas à ses réserves sur l'origine professionnelle de la douleur déclarée par son salarié et notamment sur l'existence d'un état pathologique antérieur alors qu'elle signalait des antécédents médicaux liés à son dos pour ce dernier, mais également sur la matérialité de l'accident ; que des contradictions existaient pourtant entre les déclarations du salarié et de l'employeur et que ni le témoin direct, ni la première personne avisée n'ont été entendus ou questionnés.

L'article R.441-11 III du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige dispose que :

En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.

Force est de constater que ce texte offre à la caisse le choix de déterminer le contenu de sa mesure d'information. L'employeur mentionnait dans sa déclaration que le caractère accidentel n'est pas avéré. Les informations sont du salarié qui nous a signalé qu'il est fragile du dos. La caisse a choisi de recueillir les éléments nécessaires à l'instruction du dossier par le biais de questionnaires adressés tant à l'assuré qu'à l'employeur. Dans le questionnaire qu'il a rempli, l'employeur n'a mentionné aucun élément contradictoire quant à la matérialité de l'accident, se contentant d'évoquer les antécédents médicaux antérieurs et de répondre non à la question de savoir si le salarié avait du fournir un effort exceptionnel. En outre, sur la déclaration d'accident du travail, il indiquait que l'accident décrit par la victime a été constaté par ses préposés le 11 septembre 2015 à 11 heures, ce qui conforte les déclarations du salarié, soit au jour et à l'heure de sa survenance, et il n'est pas fait obligation à la caisse d'entendre les témoins. Enfin les mentions du certificat médical étaient concordantes avec les circonstances décrites par le salarié, nonobstant l'existence éventuelle d'un état antérieur.

Dès lors que la caisse a mis en oeuvre l'un des procédés d'enquête visés par les dispositions précitées, la société ne saurait utilement invoquer le caractère insuffisant de l'instruction au prétexte qu'elle ne répondait pas aux prescriptions de la charte des accidents du travail et des maladies professionnelles de la Cnamts du 19 juillet 2001, texte n'ayant d'ailleurs aucune valeur normative.

Ce moyen a donc été écarté à juste titre par les premiers juges.

c) sur la motivation de la décision de prise en charge

La société soutient que la décision de prise en charge est un courrier type, non personnalisé, dénué de tout fondement, ne comportant pas les considérations de fait ou de droit retenues par la caisse et n'apportant aucun élément de compréhension nouveau par rapport à ceux qu'elle connaît déjà au cours de l'instruction.

Il est constant que le 13 novembre 2015, la caisse a adressé à la société la notification de sa décision de prise en charge de l'accident. Après en avoir rappelé en marge les références : accident du 11 septembre 2015 et le nom du salarié ([R] [L] ) avec son numéro de sécurité sociale et le numéro du dossier, elle indique :

Madame, Monsieur,

Je vous informe que les éléments en ma possession me permettent de reconnaître le caractère professionnel du sinistre survenu à votre salarié(e) cité(e) en référence.

En effet, les circonstances du sinistre déclaré permettent d'établir que l'accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail conformément aux conditions posées par l'article L. 411-1 du CSS.

Si toutefois, vous estimez devoir contester cette décision, vous devez adresser votre réclamation (suit l'indication des voies et délai de recours de 2 mois devant la CRA).

Selon l'article R.441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 applicable au litige, la décision de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute n'est pas reconnu ou à l'employeur dans le cas contraire.

Toutefois le défaut ou le caractère insuffisant de la motivation de la caisse, à le supposer établi, permet seulement à son destinataire d'en contester le bien-fondé devant le juge, sans conditions de délai et ne saurait constituer en soi un manquement sanctionné par l'inopposabilité de la décision à l'égard de l'employeur. (2e Civ., 9 novembre 2017, pourvoi n° 16-21.793, Bull. 2017, II, n° 210).

En conséquence, c'est à tort que la société se prévaut de l'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle au seul motif de l'absence de motivation de la décision, laquelle au surplus n'est pas avérée.

C'est également à bon droit que ce moyen inopérant a été écarté par les premiers juges.

2- Sur le caractère professionnel de l'accident du 11 septembre 2015

La société soutient que la preuve de l'existence d'un accident survenu au temps et lieu du travail n'est pas rapportée, ne peut résulter des seules allégations du salarié imprécises et qui se contredisent, qu'il ne peut être déduit de l'effort de soulèvement indiqué par le médecin en méconnaissance de ses obligations déontologiques ; que la seule douleur n'est pas physiquement objectivable, que M. [L] est fragile du dos avec une pathologie ancienne évoluant pour son propre compte, que c'est à la caisse d'apporter la preuve de l'événement accidentel et non à la société de rapporter la preuve du caractère non professionnel.

La caisse réplique qu'il existe bien un fait accidentel, l'action de déplacer des seaux ayant généré la lésion, médicalement constatée sur un certificat médical du même jour et le médecin conseil a répondu positivement à l'imputabilité des lésions à l'accident, qu'il existe des présomptions graves précises et concordantes, que la présomption d'imputabilité s'applique et que l'employeur ne rapporte aucune preuve que l'accident a une cause totalement étrangère au travail.

Sur ce,

L'article L.411-1 du code de la sécurité sociale dispose que :

Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle ci. (Soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768 ; 2e Civ 9 juillet 2020, n° 19-13.852)

Il appartient à la caisse, substituée dans les droits de la victime dans ses rapports avec l'employeur, de rapporter la preuve de la survenance d'une lésion en conséquence d'un événement survenu au temps et au lieu du travail. S'agissant de la preuve d'un fait juridique, cette preuve est libre et peut donc être rapportée par tous moyens, notamment par des présomptions graves, précises et concordantes.

S'agissant de la preuve d'un fait juridique, cette preuve est libre et peut donc être rapportée par tous moyens, notamment par des présomptions graves, précises et concordantes.

La qualification d'accident du travail ne dépend pas de la pathologie dont est atteint le salarié mais des conditions dans lesquelles elle a été contractée.

Dès lors qu'elle apparaît de manière soudaine, toute lésion caractérise un accident visé à l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, même si le geste incriminé ne fait que déclencher un épisode aigu d'un état persistant, ce seul fait ne suffisant pas à enlever aux lésions leur caractère professionnel ( Soc., 15 novembre 1990, pourvoi n° 89-10.028).

Un accident étant caractérisé par une lésion soudaine, il importe peu qu'il ne soit pas possible de déterminer un fait accidentel précis à l'origine de celle-ci ( 2e Civ., 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-13.852), que la cause de la lésion demeure inconnue ( 2e Civ., 24 novembre 2016, pourvoi n°15-29.365) ou que la cause de la lésion soudaine soit la conséquence de mouvements répétitifs. (2e Civ., 8 novembre 2018, pourvoi n° 17-26.842).

Cette extension de la notion d'accident ne remet pas en cause la distinction avec la maladie caractérisée par une lésion à évolution lente.

Le critère de distinction demeure le caractère soudain ou progressif de l'apparition de la lésion, peu important l'exposition répétée au même fait générateur (pourvoi 17-26.842 et pourvoi 04-30.352).

Si la déclaration d'accident du travail rédigée le 14 septembre 2015 par l'employeur ne vaut évidement pas reconnaissance de l'accident du travail, il n'en demeure pas moins qu'elle mentionne que l'accident a été constaté le 11 septembre 2015 à 11 heures par ses préposés et qu'il a été décrit par la victime comme en atteste les cases cochées sur la déclaration, et avec mention des date et heure de l'accident. Elle indique également que M.[O] est témoin de l'accident.

Lors de l'enquête, M. [L] a exposé s'agissant des circonstances et de la réalisation de l'accident que celui-ci est en effet intervenu le 11 septembre 2015 à 11 heures, que M. [O], un collègue en a été le témoin direct et que la première personne avisée a été le chargé d'opération, M. [S] [C].

Il a indiqué avoir effectué des opérations de manutention de seaux remplis de béton dans un lieu exigu dans le but de couler du béton pour la construction d'un escalier, déplacé des seaux remplis de béton placés derrière lui pour les ramener devant lui en effectuant une rotation sur lui-même, que la lésion est apparue au moment où il effectuait le geste de tourner sur lui-même pour ramener le seau vers lui, que l'action de pivoter additionnée au poids du seau est selon lui à l'origine de la lésion.

Le certificat médical initial visant la lombalgie-lumbago avec absence d'irradiation névralgique a été établi le même jour et le fait que le médecin rédacteur ait mentionné qu'elle était consécutive à un sévère effort de soulèvement permet en effet de supposer qu'il rapporte les dires du salarié mais ne permet pas de conclure à des versions contradictoires de l'assuré.

Au contraire, l'effort de soulèvement est à rattacher au port de seaux évoqué par le salarié dans son questionnaire et le fait que la déclaration mentionne l'activité du salarié lors de l'accident à savoir qu'il talonnait les marches d'un escalier coulé le matin même conforte le fait que M. [L] a coulé du béton et porté ou déplacé des seaux en contenant et il s'agit d'un élément déterminé.

Le fait que la fiche d'aptitude du salarié datée du 8 juillet 2014 mentionne une aptitude avec restrictions, en l'espèce éviter les manutentions au-delà de 25 kg et le marteau piqueur pour une durée prolongée supérieure à une heure par jour et ne pas conduire une minipelle plus d'une heure par jour, n'emporte aucune conséquence, le port de seaux d'un poids inférieur à 25 kg étant suffisant à entraîner la lésion. En outre le docteur [V] lui-même dans sa note au soutien du recours de l'employeur admet que le salarié a présenté un lumbago d'effort.

Dès lors que les déclarations de la victime sont corroborées par des éléments objectifs, il convient de retenir que la caisse établit par des présomptions graves, précises et concordantes la matérialité de l'accident survenu au temps et au lieu du travail, dont a été victime M. [L], peu important l'absence de témoins, de sorte que la présomption d'imputabilité de la lésion au travail doit s'appliquer.

Il incombe à l'employeur, une fois acquise la présomption d'imputabilité, de la renverser en établissant qu'une cause totalement étrangère au travail est à l'origine de la lésion.

En l'espèce, la société n'allègue ni ne démontre l'existence d'une cause totalement étrangère.

Il convient en conséquence de déclarer l'accident du travail opposable à la société.

3- Sur l'opposabilité des soins et arrêts de travail pris en charge

La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire (2e Civ., 9 juillet 2020, n° 19-17.626).

La présomption s'applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident, mais également aux lésions nouvelles apparues dans les suites de l'accident dès lors qu'il existe une continuité de soins et de symptômes.

A défaut de présomption, il convient de rechercher s'il est établi que les arrêts et soins sont néanmoins imputables à l'accident.

La Cour de cassation rappelle que les éléments médicaux sont couverts par le secret médical de sorte que les caisses ne sont en aucun cas tenues de communiquer à l'employeur les certificats médicaux.

La société conteste la prise en charge des conséquences médicales de l'accident s'agissant des soins et arrêts de travail.

Elle soutient à cet égard que les certificats médicaux font état de lésions différentes, que les arrêts et soins prescrits après le 2 octobre 2015 ne sont pas en lien avec le sinistre initial, ce qu'elle établit avec le rapport de son médecin de recours, le docteur [V], et que le tribunal n'a même pas mentionné. Il existe la présence certaine d'un état antérieur indépendant et évoluant pour son propre compte concernant une pathologie du dos.

La caisse réplique qu'il existe une parfaite continuité de symptômes pour M.[L] qui a bénéficié en lien avec son accident d'arrêts de travail et/ou soins successifs du 11 septembre 2015 au 10 avril 2016, date de sa guérison. En outre, le médecin conseil a considéré les arrêts de travail justifiés. Enfin, la société ne démontre pas l'existence d'une cause totalement étrangère.

Le médecin ayant établi le certificat médical initial le 11 septembre 2015 a constaté que la lombalgie-lumbago nécessitait un arrêt de travail à compter du même jour jusqu'au 18 septembre 2015. L'arrêt de travail a ensuite été prolongé par certificats médicaux :

- du 18 septembre jusqu'au 3 octobre 2015 pour une lombo-sciatique gauche hyperalgique ++,

- du 2 octobre 2015 jusqu'au 16 octobre pour lombo-sciatique droite et gauche, I.R.M.= Hernie protrusive- conflit S1 droit ++ supérieure à gauche,

- du 13 octobre 2015 jusqu'au 13 novembre 2015 pour hernie discale L5 S1 déficitaire,

- du 13 novembre 2015 au 4 janvier 2016 pour hernie discale L5S1,

- du 30 décembre 2015 au 31 janvier 2016 pour lombo-sciatique droite'$gt; hernie discale L5S1 opérée'$gt; persistance d'une lombalgie droite ;

- du 28 janvier 2016 au 14 février 2016 pour une cure de hernie lombaire octobre 2015 (lombo- sciatique droite déficitaire (Amélioration progressive (kiné, balnéo) ;

- le 11 février 2016 jusqu'au 26 février 2016 pour une lombo-sciatique droite et gauche '$gt; prise en charge chirurgicale ;

- le 24 février 2016 jusqu'au 11 mars 2016 pour une cure de hernie lombaire pour lombo- sciatique droite ;

- le 11 mars 2016 a été prévu une reprise de travail le 14 mars 2016 avec des soins jusqu'au 10 avril 2016 pour cure de hernie lombaire pour lombo sciatique droite, date de guérison.

Il y a lieu de rajouter que la caisse justifie au surplus que l'arrêt de travail a été contrôlé par le médecin conseil de la caisse le 28 octobre 2015 et le 10 mars 2016.

Force est de constater que la caisse justifie du caractère ininterrompu des arrêts de travail pour la période susvisée et bénéficie donc de la présomption d'imputabilité.

Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, à savoir celle de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.

La société invoque la durée excessive des arrêts de travail représentant un total de 183 jours et se prévaut de la note technique rédigée le 4 juillet 2019 par son médecin conseil le docteur [V] le 4 juillet 2019 qui indique dans sa partie Discussion médico légale :

La pathologie présentée au départ le 11/09/2015 est un simple lumbago d'effort survenu, le salarié bénéficiant d'un poste adapté depuis 2014.

D'un banal lumbago on va passer à une lombo-sciatique gauche puis droite donc bilatérale, pour déboucher sur une hernie discale L5S1 déficitaire

( au 30/10/2015).

L'I.R.M. effectuée en 2015 montre la présence d'une hernie protrusive avec un conflit S1 droit, il s'agit d'une discopathie dégénérative avec protrusion médiane en L5S1.

Il ne s'agit absolument pas d'une hernie post traumatique.

Au total le lumbago d'effort n'est plus en cause à partir du 02/10/2015 date d'apparition d'une lombo-sciatique bilatérale avec conflit S1 droit.

Conclusion :

À partir du 02/10/2015 les soins et arrêts de travail ne sont plus en liaison directe et certaine avec l'accident du travail du 11/09/2015 mais avec un état antérieur connu et traité donnant lieu à un poste de travail aménagé depuis le 08/07/2014.

Il convient de retenir que cette note technique du docteur [V] fait mention d'un état antérieur, soit une hernie protrusive avec un conflit S1 droit, il s'agit d'une discopathie dégénérative avec protrusion médiane en L5S1.

Cet élément apparaît de nature à accréditer ou créer un doute quant à l'existence d'une cause propre à renverser la présomption d'imputabilité qui s'attache à la lésion initiale de l'accident, à ses suites et à ses complications survenues ultérieurement et justifie l'organisation d'une mesure d'expertise médicale afin de déterminer l'imputabilité des arrêts de travail et soins à l'accident du travail du 11 septembre 2015.

Il y a lieu pour le surplus de surseoir à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le sinistre du 11 septembre 2015 est un accident du travail ;

Y ajoutant :

DIT que la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident du travail dont a été victime M. [L] le 11 septembre 2015 est opposable à la société [6] ;

INFIRME ledit jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise médicale ;

AVANT DIRE DROIT pour le surplus,

ORDONNE une expertise sur pièces et désigne le docteur [J] [Courriel 4] pour y procéder avec mission de :

- Se faire communiquer tous documents, notamment médicaux en la possession de la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique ou par le service du contrôle médical afférents aux prestations prises en charge par la caisse du chef de l'accident du travail,

- Déterminer si tout ou partie des soins et arrêts retenus par la caisse comme étant en lien avec l'accident déclaré le 11 septembre 2015 résulte avec certitude d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident, ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs ; dans l'affirmative, préciser les soins et arrêts résultant d'un état pathologique préexistant ou d'une cause postérieure totalement étrangère ;

- Soumettre aux parties un pré-rapport en leur impartissant un délai raisonnable pour formuler leurs observations écrites auxquelles il devra être répondu dans le rapport définitif, le tout dans les conditions prévues par l'article 276 du code de procédure civile qui dispose :

« L'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.

Toutefois, lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge.

Lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties.

L'expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu'il aura donnée aux observations ou réclamations présentées.»

DIT que l'expert devra déposer son rapport au greffe en double exemplaire dans les six mois de sa saisine et le notifier directement aux parties ;

DIT que la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique devra communiquer au docteur [V], médecin de recours de l'employeur, l'ensemble des éléments médicaux en sa possession parallèlement transmis à l'expert ;

DESIGNE le président de chambre ou tout autre magistrat de la chambre sociale chargé de l'instruction des affaires pour surveiller les opérations d'expertise ;

DIT qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du magistrat susvisé ;

DIT que la société [6] devra consigner la somme de 1 500 euros auprès du régisseur de la cour d'appel, dans le mois de la présente décision ;

SURSOIT à statuer sur l'ensemble des demandes jusqu'au dépôt du rapport d'expertise ;

ORDONNE la radiation du dossier des affaires en cours et dit que les débats seront repris à la demande de la partie la plus diligente, sous réserve du dépôt de ses conclusions et de la justification de leur notification préalable à la partie adverse.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/07576
Date de la décision : 04/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-04;19.07576 ?
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