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04/05/2022 | FRANCE | N°19/05404

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 04 mai 2022, 19/05404


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 19/05404 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QAWL













SAS [6]



C/



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FR

ANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 MAI 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUD...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 19/05404 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QAWL

SAS [6]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 MAI 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 Mars 2022

devant Madame Elisabeth SERRIN, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Mai 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 01 Juillet 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de VANNES - Pôle Social

****

APPELANTE :

LA Société [6]

[Adresse 2]

[Localité 3]

non comparante, dispensée de comparaître

INTIMÉE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Mme [B] [A] en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

La déclaration d'accident du travail complétée le 3 octobre 2014 par la société [6], employeur de M.[E] [R], mentionne les circonstances suivantes :

date : 1er octobre 2014 ; heure : 16 h 45

horaire de travail de la victime le jour de l'accident : de 8h à 12h et de 14h à 17h

lieu de l'accident : entrepôt [8] Logistique Plumagoar FRIGO

circonstances détaillées de l'accident : selon les dires de l'intérimaire, la victime était en train de scanner une étiquette sur une pile de cartons. En reculant son bras, elle aurait été percutée par une palette sur un chariot élévateur (en) mouvement conduit par une autre personne. Nous émettons des réserves sur les circonstances de l'accident (courrier joint)

siège des lésions : bras droit

nature des lésions : douleurs

accident connu le 1er octobre 2014 à 17h30 ; décrit par la victime

sans arrêt de travail

l'accident a-t-il été causé par un tiers ' Oui : [S] [U] [D].

Le certificat médical initial établi le 2 octobre 2014 par le docteur [K] fait état d'un 'trauma du bras droit, doul du plexus-brachial suite trauma' et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 8 octobre 2014.

Par lettre du 9 janvier 2015, la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan (la caisse) a informé la société de la clôture de l'instruction et de la possibilité qui lui était offerte de venir consulter les pièces constitutives du dossier préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de l'accident qu'elle annonçait pour le 30 janvier 2015.

Par lettre du 30 janvier 2015, elle a notifié sa décision de prendre en charge l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

Contestant cette reconnaissance, la société a saisi la commission de recours amiable le 31 mars 2015, laquelle, dans sa séance du 26 juin 2015, lui a déclaré la décision opposable.

Par lettre recommandée postée le 27 août 2015, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Morbihan.

Par jugement du 1er juillet 2019, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Vannes, a :

- déclaré le recours de la société recevable mais mal fondé ;

- rejeté la demande d'inopposabilité à la société de la décision de prise en charge, au titre de la lésion professionnelle, de l'accident dont a été victime M. [R] le 1er octobre 2014 ;

- condamné la société aux dépens.

Par déclaration adressée le 30 juillet 2019, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 8 juillet 2019.

Par ses écritures parvenues au greffe le 17 février 2021, la société demande à la cour au visa des articles L. 142-1 et suivants, L. 411-1, R. 441-10 et suivants du code de la sécurité sociale, de :

- déclarer recevable et bien fondé son recours ;

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- constater que la matérialité du fait accidentel qui serait survenu le 1er octobre 2014 à M. [R] n'est pas établie ;

- constater que la présomption d'imputabilité ne s'appliquait pas en l'espèce ;

- constater que la caisse n'a pas permis à la société de consulter tous les éléments lui faisant grief, notamment l'avis du médecin-conseil ;

- constater que l'enquête de la caisse est incomplète et ne permet pas de lever les doutes sur la matérialité de l'accident ;

- constater, en tout état de cause, que la caisse n'a pas respecté le principe du contradictoire préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de l'accident de M. [R] et ce, en violation des dispositions des articles R. 441-10 et suivants du code de la sécurité sociale ;

En conséquence,

- dire et juger que la décision de la caisse de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle l'accident du travail déclaré par M. [R] comme étant survenu le 1er octobre 2014, est inopposable à la concluante ;

- débouter la caisse de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société.

Par ses écritures parvenues au greffe le 7 mai 2021 auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, la caisse demande à la cour de rejeter l'ensemble des prétentions de la société, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de la condamner aux dépens.

A l'audience du 2 mars 2022, il a été fait droit à la demande de dispense de comparution présentée par l'appelante, la caisse ne s'y étant pas opposée.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale qu'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Ce texte ne donnant qu'une définition générale de l'accident du travail, la jurisprudence a précisé les contours de la notion.

Si les critères retenus ont évolué, en droit positif constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle (Soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768 ; 2e Civ 9 juillet 2020, n° 19-13.852).

Ainsi, l'accident du travail se définit-il par la réunion de trois critères :

- un événement à une date certaine,

- une lésion corporelle,

- un fait lié au travail.

Si l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale instaure une présomption d'imputabilité de l'accident du travail, il appartient à la caisse, substituée dans les droits de la victime dans ses rapports avec l'employeur, de rapporter la preuve de la survenance d'une lésion conséquence d'un événement survenu au temps et au lieu du travail. S'agissant de la preuve d'un fait juridique, cette preuve est libre et peut donc être rapportée par tous moyens, notamment par des présomptions graves, précises et concordantes.

Il incombe à l'employeur, une fois acquise la présomption d'imputabilité, de la renverser en établissant qu'une cause totalement étrangère au travail est à l'origine de la lésion.

Au cas particulier, la société a contesté dès l'origine la matérialité de l'accident. Les réserves accompagnant sa déclaration d'accident mentionnent que celui-ci s'est déroulé sans témoin oculaire ou auditif, ou que le seul témoin invoqué serait en fait le tiers à l'origine de l'accident, lequel ne confirme pas les dires du salarié.

C'est M. [S] [I], responsable de l'agence d'intérim de [Localité 7], qui est le signataire de la déclaration d'accident du travail du 3 octobre 2014 comme du questionnaire adressé par la caisse à l'employeur.

Ainsi qu'il indique dans la déclaration initiale, il a bien été informé le 1er octobre 2014 à 17h30, sur la description que lui en a fait la victime, d'un accident du travail. Il a bien porté sur cette déclaration le nom d'un tiers qui serait à l'origine de cet accident, un choc sur le bras avec une palette placée sur un chariot élévateur en mouvement, ainsi que des lésions affectant le bras droit, de type « douleurs ».

Contrairement à ce qu'il indique sur cette déclaration faite à la date du 3 octobre 2014, au vu du certificat médical initial du 2 octobre 2014, il y a bien un certificat médical prescrivant un arrêt de travail (jusqu'au 8 octobre 2014).

Il est possible de retenir de ce certificat médical le constat objectif par le médecin rédacteur des lésions suivantes : un traumatisme du bras droit et des douleurs affectant le plexus brachial suite au traumatisme.

Il convient de relever que le salarié qui a été mis à disposition de la société [8] à [D], dans le département des Côtes-d'Armor, est domicilié dans le Morbihan à [Localité 5].

Il ne peut donc être retenu que la consultation médicale était tardive, compte tenu de la distance entre le domicile et le lieu de mission et compte tenu de ce que l'accident est survenu en fin de journée, soit à 16h45.

Selon les renseignements qu'il a portés sur le questionnaire que lui a adressé la caisse (pièce 3 de l'intimée), M. [I] ne fait plus mention d'un chariot élévateur en mouvement mais seulement d'un choc décrit ainsi : « en voulant scanner une étiquette sur une palette, la victime aurait percuté son bras droit sur une autre palette en retirant son bras ».

Il ne fait plus non plus référence à un témoin ou à un autre salarié impliqué. Il précise que la surface de l'entrepôt (plus de 5 000 m²) et la présence de seulement quatre permanents de l'entreprise utilisatrice ne permettent pas de tout surveiller.

Il ajoute que l'accident n'est pas à l'origine de blessures, à la question « le blessé a fait constater ses blessures ' », M. [I] a répondu : « non, car pas de blessures apparentes puisque la victime a décrit un choc au bras ».

Enfin il précise qu'il a été informé par téléphone le 1er octobre 2014 à 17h10 de cet accident par M. [T] (dont les qualités ne sont pas précisées).

Selon les énonciations de la décision de la commission de recours amiable, la société utilisatrice a également établi une déclaration d'accident du travail le 3 octobre 2014. Cette déclaration n'est pas versée au dossier mais il est possible de retenir que selon la commission, la société [8] a déclaré que l'accident est survenu dans les circonstances suivantes : « M. [E] [R] chargeait un camion, en voulant tirer l'étiquette qu'il devait scanner, il s'est cogné le coude sur une palette qui était située derrière lui à proximité ».

Il n'est produit aux débats aucun questionnaire qui aurait été adressé au salarié. Des énonciations de la décision entreprise, il est possible de retenir que la caisse a adressé un questionnaire à l'employeur et à l'entreprise utilisatrice uniquement.

Dans ces conditions, il n'est possible de vérifier, ni la version que donne ou qu'a donné des faits le salarié, ni de rechercher si les blessures et lésions objectivées par le médecin traitant sont en cohérence avec le mécanisme lésionnel décrit par l'intéressé lui-même.

En outre, sur le certificat médical établi le 7 octobre 2014 par le même médecin, prescrivant une prolongation de l'arrêt de travail jusqu'au 26 octobre 2014, il n'est plus fait mention d'un traumatisme du bras droit, mais d'un traumatisme de l'épaule droite et du cou, d'une NCB droite et d'une pathologie de la coiffe faisant l'objet d'exploration, en sorte que le siège des lésions est différent.

À la demande du service administratif de la caisse, adressée au service médical et sur le point de savoir s'il existe de nouvelles lésions, le médecin-conseil a répondu « non » mais avec la précision : « on attend le résultat des explorations ».

En l'état de ces éléments, il doit être retenu que la preuve n'est pas rapportée d'une relation entre un événement soudain survenu au temps et au lieu du travail et les différentes affections objectivées sur les deux certificats produits.

Il s'ensuit que la décision entreprise sera infirmée et que la décision de la caisse sera déclarée inopposable à l'employeur.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale étant abrogé depuis le 1er janvier 2019, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la caisse qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement du pôle social du tribunal de grande instance de Vannes du 1er juillet 2019 ;

Statuant à nouveau :

Déclare inopposable à la société [6] la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident dont a été victime M. [R] le 1er octobre 2014 ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/05404
Date de la décision : 04/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-04;19.05404 ?
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