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03/05/2022 | FRANCE | N°19/06505

France | France, Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 03 mai 2022, 19/06505


3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N°269



N° RG 19/06505 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QEMS



Apres jonction avec le RG 19/7552 le 03.09.2020











Société BREIZH ALGAE INVEST

Société MS FOODS LIMITED



C/



SELARL FIDES

CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE METROPOLITAINE BRETAGNE OUEST

S.A.S. AMADEITE







































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Copie exécutoire délivrée



le :



à : Me CHAUDET

Me GRENARD

Me VERRANDO

Me LHERMITTE











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 MAI 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : M...

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°269

N° RG 19/06505 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QEMS

Apres jonction avec le RG 19/7552 le 03.09.2020

Société BREIZH ALGAE INVEST

Société MS FOODS LIMITED

C/

SELARL FIDES

CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE METROPOLITAINE BRETAGNE OUEST

S.A.S. AMADEITE

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me CHAUDET

Me GRENARD

Me VERRANDO

Me LHERMITTE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 MAI 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, Rapporteur

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Mars 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Mai 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTES ET INTIMÉES :

Société BREIZH ALGAE INVEST Société par Actions Simplifiées -immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Vannes sous le numéro 808 009 682, prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 10]

[Localité 6]

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Quentin LANCIAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Société MS FOODS LIMITED Société de droit anglais, immatriculée au Register of compagnies of England and Wales sous le numéro 0318076, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Karim BENT-MOHAMED de la SELARL RACCAT FALIH ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

SELARL FIDES (anciennement dénommée EMJ), prise en la personne de Maître [W] [T], Mandataire judiciaire,

Agissant en qualité de Liquidateur Judiciaire de la société TILLY

SABCO BRETAGNE, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Brest sous le numéro 808 571 178 , désignée à ces fonctions par jugement du Tribunal de commerce de Brest du 16 décembre 2016,

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Antoine DIESBECQ de la SELARL RACINE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE METROPOLITAINE BRETAGNE OUEST (CCIMBO) organisme consulaire dont l'identifiant SIREN est 130 022 932 en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Olivier POMIES de la SELARL SOCIETE JUDICIAIRE DE L'ATLANTIQUE - SJA, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

PARTIE ASSIGNÉE EN APPEL PROVOQUÉ :

S.A.S. AMADEITE, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Vannes sous le numéro 401 208 772, prise en la personne de ses représentants légaux,[Adresse 12]

[Localité 6]

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Quentin LANCIAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

assignée par acte d'huissier en date du 25 mars 2020, remis à personne habilitée

*******

La société TILLY SABCO a été créée en I997. Elle développait les activités suivantes :

- à hauteur de 80 % (environ) de son chiffre d'affaires : I'abattage, la transformation, le conditionnement et la commercialisation de poulets congelés entiers à destination principalement des pays de la péninsule arabique,

- à hauteur de 20 % (environ) de son chiffre d'affaires : la transformation et la distribution d'autres produits à base de poulets (saucisses).

La société TILLY SABCO a fait l'objet d'une premiére procédure collective courant 2006, le Tribunal de commerce de MORLAIX l'ayant admise au bénéfice d'une procédure de redressement judiciaire.

Cette procédure collective a abouti à l'arrêté , par un jugement du Tribunal de commerce de MORLAIX du 28 décembre 2007, d'un plan de redressement prévoyant l'apurement de la totalité du passif de la société TILLY SABCO en dix annuités.

Courant 2014 la société TILLY SABCO a connu de nouvelles difficultés financières qui l'ont conduite à régulariser une déclaration de cessation des paiements et à solliciter une nouvelle fois la protection du Tribunal de commerce.

Par un jugement du 30 septembre 2014, le Tribunal de commerce de BREST a prononcé la résolution du plan de redressement de la société TILLY SABCO, ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de cette société et autorisé la poursuite de I'activité pour une durée de deux mois afin qu'un appel d'offres portant sur le plan de cession du fonds de commerce de l'entreprise soit lancé.

A I'issue de l'appel d'offres mis en 'uvre par l'administrateur judiciaire de la société et en considération des engagements souscrits par leurs auteurs, le Tribunal de commerce de BREST a, par un jugement du 05 décembre 2014, retenu l'offre conjointe des sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOODS LIMITED et arrêté le plan de cession de l'entreprise exploitée par la société TILLY SABCO a leur profit.

Dans son jugement, le tribunal précisait que "tous les engagements pris par le cessionnaire sont déterminants de I'acceptatlon par le Tribunal, et que le non-respect d'un seul d'entre eux sera susceptible de fonder la mise en 'uvre des sanctions prévues par la loi en cas d'inexécution par le cessionnaire de tout ou partie de ses engagements".

La proposition de plan de cession des sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOODS LIMITED garantie par la société AMADEITE reposait sur le constat que le marché export de poulets congelés vers les pays du Moyen-Orient, qui représentait plus de 80 % du chiffre d'affaires de la société TILLY SABCO, n'était plus viable économiquement compte tenu de la concurrence internationale.

Dans le même temps, les cesslonnaires relevaient que :

(I) d'une part, le marché de la volaille fraîche de type "halal" était en plein développement en France, au Royaume-Uni et en Belgique.

(Ii) d'autre part, les marchés asiatiques présentaient également des perspectives de débouchés importants à la condition de produire et de commercialiser des produits de haute qualité, sans antibiotiques et conçus à base de protéines d'algues.

Le projet industriel et commercial des sociétés BREIZH ALGAE INVEST (ou BAI) et MS FOODK LIMITED résidait ainsi dans la réorientation de l'activité de la société Tl Y SABCO de la production de volailles surgelées à la production de volailles fraîches et le développement de produits de haute qualité sanitaire reposant sur I'uti|isation de produits alimentaires issus du retraitement des algues.

Pour cette raison que l'offre conjointe des sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOODS LIMITED comportait l'engagement de ces dernières de créer et développer une ligne de production nouvelle, la production de volailles fraîches, destinée à produire et commercialiser des volailles fraîches de type halal et des volailles fraîches dites 'premium' transformées, sans antibiotiques.

Afin de permettre le redéploiement de l'activité de l'entreprise, la ligne de production de volailles fraiches devait être opérationnelle rapidement et programmée par les repreneurs pour l'être effectivement au cours du quatrième mois d'activité, soit courant avril 2015.

La société MS FOODS LIMITED, qui souhaitait disposer d'un site de production dédié, s'était en outre expressément engagée à s'approvisionner auprès du site de production de [Localité 9] pour satisfaire partiellement à son besoin propre évalué à 250 000 unités par semaine, assurant ainsi à la société TILLY SABCO BRETAGNE, un chiffre d'affaires significatif.

Pour permettre la mise en 'uvre de leur projet industriel et commercial, les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOODS LIMITED avaient le projet d'adopter et de moderniser I'outil industriel existant qui ne permettait pas de produire des volailles fraiches, la société TILLY SABCO ne produisant alors que des volailles surgelées.

Ainsi, les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOODS LIMITED s'étaient-elles engagées à réaliser dès le début de l'exercice 2015 les investissements nouveaux indispensables au développement de la production de volailles fraîches de haute qualité et a en assurer le financement.

Ces investissements nouveaux étaient programmés, selon le prévisionnel d'activité et de financement joint à l'offre aux sommes suivantes:

- 2 000 000 euros au cours de l'exercice 2015,

- 500 000 euros au cours de l'exercice 2016,

- 1 000 000 euros au cours de l'exercice 2017,

- 500 000 euros au cours de l'exercice 2018,

- 1 000 000 euros au cours de l'exercice 2019.

Le financement nécessaire à la réalisation de ces investissements devait être assuré par un prêt bancaire, les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOODS LIMITED s'étant engagées à faire financer ces investissements par la société AMADEITE, sur ses fonds propres, dans l'hypothèse où le financement bancaire ne serait pas obtenu.

La société AMADEITE avait a cet égard confirmé au Tribunal son engagement de financement aux termes d'une note signée par sa Présidente en exercice et communiquée lors du délibéré, le 27 novembre 2014.

Conformément à leur proposition conjointe d'acquisition et au jugement du Tribunal de commerce de BREST du O5 décembre 2014, les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOODS LIMITED ont constitué, avec la Chambre de Commerce et d'Industrie de MORLAIX qui avait soutenu leur projet, la société TILLY SABCO BRETAGNE afin de mener à bien l'exécution de leurs engagements au titre du plan de cession d'entreprise.

La société TILLY SABCO BRETAGNE a été constituée suivant statuts en date du 18 décembre 2014 sous la forme d'une société par actions simplifiée au capital social de 1.500.000 euros, réparti ainsi entre ses trois sociétés associées:

- MS FOODS LIMITED 1 33,33 %,

- BREIZH ALGAE INVEST: 33,33 %,

- CCI de MORLAIX: 33,33%.

Le capital social a été souscrit et libéré en totalité par les trois associés à hauteur de la somme de 500 000 euros chacun.

Par la suite, la société TILLY SABCO BRETAGNE n'a pas mis en 'uvre les mesures prévues par le plan de cession. En effet, les investissements nécessaires au redéploiement de I'activité par la mise en place et le développement de la ligne nouvelle de production de volailles fraîches n'ont pas été réalisés.

En outre, en l'absence de mise en place de la nouvelle ligne de production, la société MS FOODS LIMITED n'a pas non plus respecté son engagement d'approvisionnement auprès de la société TILLY SABCO BRETAGNE et l'a ainsi privée du chiffre d'affaires minimum attendu.

Enfin, aux termes d'un protocole d'accord conclu en date du 09 novembre 2015, les sociétés BREIZH ALGAE INVEST, MS FOODS LIMITED, AMADEITE, TILLY SABCO BRETAGNE, ainsi que la Chambre de Commerce et d'Industrie de MORLAIX ont organisé la cession de la totalité des titres sociaux de TILLY SABCO BRETAGNE détenus par la société BREIZH ALGAE INVEST au profit de la CCI de MORLAIX.

Par suite de ce protocole d'accord, Monsieur [Z] [D] a démissionné de son mandat de Président de la société TILLY SABCO BRETAGNE et Monsieur [K] [M] a été nommé pour le remplacer dans ses fonctions, selon un procès-verbal de I'assemblée générale en date du 10 novembre 2015.

La poursuite de l'activité de la société TILLY SABCO BRETAGNE sans la restructuration des activités et les investissements nécessaires n'a fait que générer des pertes.

Le 08 janvier 2016 le commissaire aux comptes de la société TILLY SABCO BRETAGNE a alors diligenté la procédure d'aIerte prévue aux articles L. 234-I du Code de commerce.

Le 02 février 2016, le commissaire aux comptes a sollicité la tenue d'une assemblée générale des associés de la société TILLY SABCO BRETAGNE.

Celle-ci a été réunie le 16 février 2016, et les associés ont décidé la mise en place de diverses mesures pour assurer la pérennité de I'activité :

- le soutien financier des sociétés associées,

- la mise en place d'un Iease-back pour financer les investissements,

- un carnet de commandes assuré par la société MS FOOD LIMITED afin de garantir à la société TILLY SABCO BRETAGNE un niveau d`activité suffisant lui permettant ainsi d'atteindre I'équilibre fin 2016 et un retour aux bénéfices en 2017.

Au vu de ces mesures, le commissaire aux comptes n'a pas poursuivi la procédure d'alerte, la société MS FOOD LIMITED s'étant par la suite engagée a :

- souscrire à une augmentation du capital de la société TILLY SABCO BRETAGNE pour la somme de 1.000.000 d'euros,

- organiser le financement des investissements indispensables à la réorientation de I'activité a hauteur d'un montant de 2 000 000 euros en fournissant une contre-garantie bancaire.

Ces nouveaux engagements n'ont pas été tenus, ce qui a conduit le commissaire aux comptes de la société TILLY SABCO BRETAGNE à reprendre le I6 juin 2016 la procédure d'alerte qu'il avait arrêtée.

Le 04 juillet 2016, Monsieur [K] [M] a démissionné de son mandat de Président.

Par requête en date du I8 juillet 2016, les associés de la société TILLY SABCO BRETAGNE ont saisi le Président du Tribunal de commerce de BREST afin qu'il désigne un administrateur provisoire avec pour mission de gérer et d'administrer la société et de régulariser une déclaration de cessation des paiements.

Par ordonnance en date du 20 juillet 2016, le Président du Tribunal de commerce de BREST a désigné la SELARL AJIRE en la personne de Maître [J] [P], en qualité d'administrateur provisoire avec cette mission.

La SELARL AJIRE en la personne de Maître [J] [P], ès qualités d'administrateur provisoire, a régularisé le 28 juillet 2016 une déclaration de cessation des paiements pour la société TILLY SABCO BRETAGNE.

Par un jugement du 29 juillet 2016, le Tribunal de commerce de BREST a constaté l'état de cessation des paiements de la société TILLY SABCO BRETAGNE et admis cette société au bénéfice d'une procédure de redressement judiciaire.

Aux termes de ce même jugement, le Tribunal a désigné :

- la SELARL AJIRE, en la personne de Maître [J] [P] en qualité d'administrateur judiciaire avec une mission de représentation,

- la SELARL FIDES (anciennement dénommée EMJ), en la personne de Maître [W] [T], en qualité de mandataire judiciaire,

- a fixé la date de cessation des paiements de la société TILLY SABCO BRETAGNE au 3I août 2015.

Par un jugement en date du 16 décembre 2016, le Tribunal de commerce de BREST a arrêté le plan de cession de d'entreprise précédemment exploitée par la société TILLY SABCO BRETAGNE au profit de la société WEDGAM FOOD LINK BV.

Par ce même jugement, le Tribunal de commerce de BREST a prononcé la liquidation judiciaire de la société TILLY SABCO BRETAGNE, la SELARL FIDES, en la personne de Maître [W] [T], ayant été désignée en qualité de liquidateurjudiciaire.

Le montant total de créances déclarées entre les mains de la SELARL FIDES, en la personne de Maître [W] [T], ès qualités, s'élève à la somme de 10.333.549,99 euros, dont :

- 259.068,97 euros à titre super privilégié,

- 6.337.192,10 euros à titre privilégié,

- 3.422.920, 24 euros à titre chirographaire.

Les produits de la réalisation des actifs de la procédure collective ne permettront pas, même partiellement. de désintéresser les créanciers.

Par acte introductif d'instance en date du 16 mars 2017, la SELARL FIDES, en la personne de Maître [W] [T], es qualité de Iiquidateur judicíaire de la société TILLY SABCO BRETAGNE, a assigné en responsabilité les sociétés MS FOODS LIMITED et BREIZH ALGAE INVEST et AMADEITE devant le Tribunal de commerce de BREST pour voir :

- prononcer la nullité du protocole d'accord transactionnel conclu le 09 novembre 2015 en période suspecte,

- condamner solidairement les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOODS LIMITED à payer à la SELARL FIDES, en la personne de Maitre [T], ès qualités, la somme de 8.260.000 euros ou, à tout le moins, la somme de 2.500.000 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la collectivité des créanciers de la société TILLY SABCO BRETAGNE en raison de l'inexécution des dispositions du plan de cession d'entreprise de la société TILLYSABCO.

- condamner la société AMADEITE in solidum avec les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOODS LIMITED au paiement de la condamnation prononcée à leur égard, à hauteur et dans la limite de la somme de 2.500.000 euros, au titre de l'inexécution de son engagement

de financement souscrit devant le Tribunal de commerce,

- majorer les condamnations en paiement prononcées des intérêts au taux légal, avec anatocisme, à compter de la délivrance de la présente assignation, et condamner les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOODS LIMITED et AMADEITE au paiement de ces intérêts.

La Chambre de Commerce et d'Industrie ayant été appelée à la procédure, le Premier Président de la Cour d'appel de Rennes, à la demande du Président du tribunal de commerce de Brest, a renvoyé l'affaire devant le Tribunal de commerce de Rennes.

Par jugement du 19 septembre 2019, le tribunal de commerce de Rennes a :

- pris acte de ce que les sociétés BAI et AMADEITE renonçaient à leur exception d'incompétence,

- s'est déclaré compétent,

- dit qu'il n'a pas lieu de faire application de l'article R. 642-18 du Code de commerce,

- dit que la SELARL FIDES prise en la personne de Maître [T] ès qualités de liquidateur de TILLY SABCO BRETAGNE, est bien recevable en ses demandes,

- déclaré nul le protocole transactionnel du 09 novembre 2015,

- débouté la société BREIZH ALGAE INVEST de toutes ses demandes formulées en garantie auprès de MS FOOD LIMITED et de la CCI MBO au titre de ce protocole transactionnel,

- condamné la société BREIZH ALGAE INVEST à restituer la somme de

500 000 euros à la CCI MBO en reversement du prix des titres sociaux de la société TILLY SABCO BRETAGNE acquises par la CCI de MORLAIX et payées par cette dernière conformément à ce protocole transactionnel,

- condamné la société BREIZH ALGAE INVEST à reverser à la Selarl FIDES prise en la personne de Me [T] ès qualités de liquidateur de la société TILLY SABCO BRETAGNE, la somme de 100.000 euros perçue par elle au titre du remboursement de son compte courant et ce, conformément aux termes de l°accord transactionnel du 09 novembre 2015,

- fixé en conséquence, au passif de la liquidation de la société TILLY SABCO BRETAGNE une nouvelle dette au profit de BREIZH ALGAE INVEST pour un montant de 100 000 euros,

- dit que les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOODS LIMITED ont commis une faute conduisant à un préjudice à l`encontre des créanciers de la société TILLY SABCO BRETAGNE,

- condamné les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOODS LIMITED solidairement au paiement de la somme de 1 033 355 € à la SELARL FIDES prise en la persorme de Maître [T] ès qualités de liquidateur de TILLY SABCO BRETAGNE,

- condamné in solidum les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOODS LIMITED, pour moitié du quantum chacune, à payer la somme de 5 000 euros à la SELARL FIDES prise en la persomie de Me [T] ès qualités de liquidateur de TILLY SABCO BRETAGNE, et 5 000 euros à la CCI MBO, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge conjointe et solidaire des sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOODS LIMITED qui succombent.

Les sociétés BAI et MS FOOD LIMITED ont fait appel de ce jugement.

Par conclusions du 14 août 2020, la société BREIZH ALGAE INVEST a demandé que la Cour :

- à titre principal, annule le jugement,

- à titre subsidiaire, l'infirme dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau:

- dise la SELARL FIDES ès qualité, représentée par Maître [W] [T], irrecevable en ses demandes ;

- à titre très subsidiaire :

- dise que le protocole du 9 novembre 2015 a été régulièrement conclu,

- dise la SELARL FIDES ès qualité, représentée par Maître [W] [T], mal fondée en ses demandes,

- déboute la SELARL FIDES ès qualité, représentée par Maître [W] [T], de ses demandes, fins et conclusions,

- à titre infiniment subsidiaire, condamne la société MS FOODS et la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE METROPOLITAINE BRETAGNE OUEST à relever indemnes et garantir les sociétés AMADEITE et BREIZH ALGAE INVEST des condamnations mises à leur charge,

en tout état de cause :

- condamne la SELARL FIDES ès qualité, représentée par Maître [W] [T], à payer la somme de 20.000 euros à chacune des sociétés BREIZH ALGAE INVEST et AMADEITE, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamne la SELARL FIDES ès qualité, représentée par Maître [W]

[T], aux entiers dépens.

Par conclusions du 22 juin 2020, la société MS FOOD LIMITED a demandé que la Cour :

- juge la société MS FOODS LIMITED recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- juge que la société MS FOODS LIMITED n'a pas souscrit les engagements invoqués par le Liquidateur Judiciaire conformément à l'offre conjointe de MS FOODS LIMITED et BREIZH ALGAE INVEST, soutenue financièrement par AMADEITE et la CCI de Morlaix, et au jugement du Tribunal de commerce de BREST en date du 05 décembre 2014,

- juge que la perte de chance pour les créanciers d'être réglés en totalité, invoquée par le Liquidateur Judiciaire, n'est pas caractérisée,

- juge que la promesse de porte-fort de la société MS FOODS LIMITED prévue dans le protocole du 09 novembre 2015 ne saurait avoir pour conséquence l'absence de mise en cause de la responsabilité des sociétés BREIZH ALGAE INVEST et AMADEITE,

- infirme le jugement du 19 septembre 2019 (RG N°2018F00362) rendu par le Tribunal de commerce de RENNES en ce qu'il a :

' Dit qu'il n'y avait pas lieu de faire application de l'article R. 642-18 du Code de commerce,

' Dit que la SELARL FIDES, prise en la personne de Maître [T], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société TILLY SABCO BRETAGNE, est bien recevable en ses demandes,

' Déclaré nul le protocole transactionnel du 09 novembre 2015,

' Dit que les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOODS LIMITED ont commis une faute conduisant à un préjudice à l'encontre des créanciers de la société TILLY SABCO BRETAGNE,

' Condamné les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOODS LIMITED solidairement au paiement de la somme de 1.033.355 euros à la SELARL FIDES, prise en la personne de Maître [T], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société TILLY SABCO BRETAGNE,

' Condamné in solidum les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOODS LIMITED pour moitié du quantum chacune à payer la somme de 5.000 euros à la SELARL FIDES prise en la personne de Maître [T] ès-qualités de liquidateur de la société TILLY SABCO BRETAGNE et 5.000 euros à la CCI MBO au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

' Débouté la société MS FOODS LMITED de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,

' Mis les dépens à la charge conjointe et solidaire des sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOODS LIMITED qui succombent,

- déboute la SELARL EMJ, prise en la personne de Maître [W] [T], ès-qualités de Liquidateur Judiciaire de TILLY SABCO BRETAGNE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- déboute BREIZH ALGAE INVEST et AMADEITE de leur demande de condamnation de la société MS FOODS LIMITED à les garantir des éventuelles condamnations mises à leur charge, et plus généralement de toutes demandes formulées à l'encontre de MS FOODS LIMITED ;

- condamne in solidum la SELARL EMJ, prise en la personne de Maître [W] [T], ès-qualités de Liquidateur Judiciaire de TILLY SABCO BRETAGNE, BREIZH ALGAE INVEST et AMADEITE à payer à MS FOODS LIMITED la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dont distraction sera faite à la SELARL FALIH & BENT-MOHAMED ASSOCIÉS, ainsi qu'au paiement des entiers dépens.

Par conclusions du 17 août 2020, la Chambre de Commerce et d'Industrie Métropolitaine Bretagne OUEST (la CCI MBO) a demandé que la Cour:

- confirme le jugement en toutes ses dispositions,

- déboute la société MS FOODS LIMITED de ses demandes en appel,

- subsidiairement, dises irrecevables les demandes des sociétés BREIZH ALGAE INVEST et AMADEITE,

- très subsidiairement, déboute les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et AMADEITE de leurs demandes mal fondées,

- condamne les sociétés BREIZH ALGAE INVEST, AMADEITE et MS FOOD à verser la somme de 20 000 euros à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE METROPOLITAINE BRETAGNE OUEST (CCIMBO) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- les condamne aux dépens.

Par conclusions du 13 août 2020, la SELARL FIDES prise en la personne de Me [W] [T] mandataire judiciaire, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société TILLY SABCO BRETAGNE a demandé que la Cour :

- déclare les sociétés BREIZH ALGAE INVEST, AMADEITE et M S FOODS LIMITED, non fondées en leurs appels principaux et incidents, les déclarer irrecevables et en tout cas non fondées en l'ensemble de leurs moyens et demandes, les en débouter,

- confirme le jugement du Tribunal de commerce de Rennes du 19 septembre 2019 n°RG2018F00362 en ce qu'il a :

- Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article R.642-18 du Code de commerce,

- Dit que la SELARL FIDES prise en la personne de Maître [T] ès qualités de liquidateur de TILLY SABCO BRETAGNE, est bien recevable en ses demandes,

- Déclaré nul le protocole transactionnel du 9 novembre 2015,

- Débouté les sociétés AMADEITE et BREIZH ALGAE INVEST de toutes leurs demandes formulées en garantie auprès de MS FOODS LIMITED et de la CCI MBO au titre de ce protocole transactionnel,

- Dit que les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOODS LIMITED ont commis une faute conduisant à un préjudice à l'encontre des créanciers de la société TILLY SABCO BRETAGNE,

- Condamné la société BREIZH ALGAE INVEST à restituer la somme de 500.000 euros à la CCI MBO en reversement du prix des titres sociaux de la société TILLY SABCO BRETAGNE acquises par la CCI de MORLAIX et payées par cette dernière conformément à ce protocole transactionnel,

- Condamné la société BREIZH ALGAE INVEST à reverser à la SELALR FIDES prise en la personne de Me [T] ès qualités de liquidateur de la société TILLY SABCO BRETAGNE, la somme de 100.000 euros perçue par elle au titre du remboursement de son compte courant et ce, conformément aux termes de l'accord transactionnel du 9 novembre 2015,

- Fixé, en conséquence, au passif de la liquidation de la société TILLY SABCO BRETAGNE une nouvelle dette au profit de BREIZH ALGAE INVEST pour un montant de 100.000 euros,

- infirme partiellement le jugement du Tribunal de commerce de Rennes du 19 septembre 2019, en ce qu'il a fixé le préjudice subi à hauteur de 10% du montant du passif de la liquidation judiciaire de la société TILLY SABCO BRETAGNE , soit à la somme de 1.033.355 euros,

- fixe le montant du préjudice subi à hauteur de 80 % du montant du passif de la liquidation judiciaire de la société TILLY SABCO BRETAGNE, soit à hauteur d'une somme qui sera fixée à 8.260.000 euros,

- dise en toutes hypothèses, que le montant du préjudice subi par la collectivité des créanciers de la société TILLY SABCO BRETAGNE est à tout le moins égal à la somme de 2.500.000 euros, correspondant au montant des investissements prévus par le plan de cession d'entreprise et dont l'acquisition devaient être financée sur les fonds propres de la société AMADEITE à hauteur dudit montant de 2.500.000 euros,

- dise que la société AMADEITE a également engagé sa responsabilité civile délictuelle à l'égard de la collectivité des créanciers de la société TILLY SABCO BRETAGNE à raison de l'inexécution de son engagement de financer les investissements stratégiques à hauteur de ce montant de 2.500.000 euros,

- condamne solidairement les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et M S FOODS LIMITED à payer à la SELARL FIDES, en la personne de Maître [T], ès qualités, une somme qui sera fixée à 8.260.000 euros ou, à tout le moins, la somme de 2.500.000 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la collectivité des créanciers de la société TILLY SABCO BRETAGNE à raison de l'inexécution des dispositions du plan de cession d'entreprise de la société TILLY SABCO,

- condamne la société AMADEITE in solidum avec les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et M S FOODS LIMITED au paiement de la condamnation prononcée à leur égard, à hauteur et dans la limite de la somme de 2.500.000 euros, au titre de l'inexécution de son engagement de financement souscrit devant le Tribunal de commerce de céans.

- majore les condamnations en paiement prononcées des intérêts au taux légal l'an, avec anatocisme, à compter de la délivrance de la présente assignation, et condamne les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et M S FOODS LIMITED et AMADEITE au paiement de ces intérêts,

- condamne in solidum les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et M S FOODS LIMITED et AMADEITE au paiement à la SELARL FIDES en la personne de maitre [T] ès-qualités de la somme de 30.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamne les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les exceptions de procédure :

Les exceptions soulevées par la société BAI procèdent en premier lieu du même fondement, à savoir que Maître [T] ès-qualités de liquidateur de la société TILLY SABCO BRETAGNE aurait dû agir en qualité de liquidateur de la société TILLY SABCO, tandis que le tribunal saisi aurait dû appliquer les dispositions combinées des articles L642-11 et R642-18 du code de commerce.

Les dispositions du jugement arrêtant le plan de cession d'une entreprise sont opposables à tous, et ainsi, toute personne qui a intérêt au respect d'un engagement pris unilatéralement est recevable à agir sur le fondement de l'article 1240 du Code civil, en invoquant la faute du cessionnaire qui méconnaît une obligation contractée dans le cadre du plan.

Les dispositions de l'article L642-11 du code de commerce prévoient ainsi que 'toute personne intéressée' peut demander la résolution peut demander la résolution d'un plan de cession, sans préjudice de dommages et intérêts, si le cessionnaire n'exécute pas ses engagements.

En l'espèce, Me [T] ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société TILLY SABCO BRETAGNE (TSB) est un tiers au plan de cession de la société TILLY SABCO et fonde son action sur les dispositions de l'article 1240 du code civil.

Il ne demande pas la résolution du plan mais uniquement des dommages et intérêts.

Les dispositions invoquées par la société BAI sont par conséquent inapplicables au cas d'espèce et l'action de Me [T] ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société TSB est recevable tandis qu'il n'y a pas lieu d'annuler le jugement déféré.

S'agissant de la fin de non recevoir tirée du protocole du 10 novembre 2015, elle est soumise à l'examen de la validité de cet acte, qui va être examinée plus bas.

Les prétentions de Me [T] ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société TSB :

Maître [T] ès-qualités soutient qu'en ne réalisant pas les investissements mentionnés dans leur offre, les sociétés AMADEITE, BAI et MS FOOD ont laissé se poursuivre une activité déficitaire qui a créé un nouveau passif, celui-ci étant la conséquence directe de l'irrespect de leurs engagements.

Il soutient aussi que le protocole du 10 novembre 2015, signé entre TSB, MS FOOD, AMADEITE, BAI et la CCI de MORLAIX est nul comme comprenant un paiement effectué en période suspecte et comprenant des modifications essentielles du plan qui devaient être validées par le tribunal de commerce.

Les engagements immédiatements consécutifs au jugement ont été respectés par les sociétés MS FOOD et BAI en ce sens que le prix de cession a été payé et tous les contrats qui devaient l'être ont été repris.

La société TSB a été créée et son capital, d'un montant de 1,5 million d'euros, a immédiatement été libéré par les sociétés BAI et MS FOOD, ainsi que par la CCI de MORLAIX, à hauteur d'un tiers chacune, permettant le redémarrage immédiat de l'activité.

Il est acquis aux débats que les investissements nécessaires à la restructuration de l'appareil de production, afin de permettre la production de poulets frais premiums et de poulets HALAL, n'ont pas été réalisés.

Ces investissements étaient évoqués dans l'offre, sans être autrement précisés que par la nécessité de mettre en place un mode de refroidissement appelé 'ressuage', ainsi que dans une annexe, intitulée 'prévisionnel d'activité et de financement' qui précisait son montant, soit deux millions d'euros pour l'année 2015.

D'autres devaient suivre les années suivantes.

Me [T] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société TSB, doit démontrer que l'absence de réalisation des investissements est imputable à une faute des cessionnaires, qui se seraient volontairement abstenus de les réaliser, et non à une succession d'évènements de toute nature, qui auraient rendus ces investissements, inclus dans le 'prévisionnel d'activité' impossibles à réaliser.

Or, il est absolument patent que l'ensemble des parties au litige s'est évertué à ce que la cour n'ait pas connaissance, pour la période antérieure au 09 novembre 2015, des motifs ayant conduit à ce que les investissements ne soient pas réalisés.

Aux termes de ses statuts, la société TSB était dirigée par un Président, devant obtenir l'autorisation d'un Directoire 'pour toute décision ayant une conséquence, directe ou indirecte, sur l'activité de la société sur le marché premium ou le marché Halal'.

Le Directoire était dirigé par un conseil de surveillance.

Pendant une durée de onze mois, de la date de la création de la société TSB à celle de la signature du protocole du 10 novembre 2015, la société TSB a eu comme président M. [D] (dirigeant BAI), et le directoire a été composé de M. [M] (dirigeant MS FOOD) et de M. [O] (ancien directeur de la société TILLY SABCO).

Le conseil de surveillance comprenait notamment M. [V], président de la CCI de MORLAIX.

Dans les conclusions des parties et dans le protocole sont évoqués des désaccords entre les associés sur la stratégie de l'entreprise et les investissements devant être réalisés.

Les sociétés BAI et AMADEITE concluent qu'en raison d'une reprise des cours du poulet congelé, la société MS FOOD, soutenue en cela par la CCI DE MORLAIX, demandait l'abandon du projet de poulet premium nourri aux algues et une reprise du type de production antérieure.

La société MS FOOD et la CCI DE MORLAIX soutiennent que les sociétés BAI et AMADEITE ont refusé de faire les investissements prévus et de démarcher les banques.

Il est permis à la Cour de penser que ces désaccords ont dû, durant ces onze mois,être évoqués dans des procès-verbaux et à défauts des courriels et courriers.

Pas un seul n'est versé aux débats, y compris par Me [T], sur lequel repose la charge de la preuve et alors qu'en sa qualité de liquidateur judicaire de la société TSB, il dispose des archives de la société.

Notamment, aucune des parties ne commente les conséquences devant être tirées d'un courrier versé aux débats par les sociétés BAI et AMADEITE et qui émane du Ministère de l'Agriculture, à la demande de la Direction Départementale de la Protection des Populations du Finistère.

Cette note est datée du 16 février 2015, soit de moins de deux mois après le prononcé du plan de la société TILLY SABCO, et indique que d'importantes difficultés sont à prévoir sur l'application de la réglementation en matière de protection animale, dans le cadre de la mise en oeuvre du nouveau projet industriel de TSB, prévoyant à partir du 15 mars 2015 'la reprise de l'activité d'abattage sur l'une des deux chaînes pour la production de poulets congelés export certifiés Halal, abattus avec étourdissement réversible des animaux, devant être remplacée en mai 2015 par une nouvelle activité de poulets frais réfrigérés certifiés Halal destinée au Royaume Uni pour la découpe et abattus sans étourdissement'.

Il était rappelé que la réglementation actuelle impose un étourdissement des animaux avant l'abattage, et que compte tenu des cadences de l'abattoir de TSB, des investissements lourds seraient nécessaires pour permettre l'immobilisation des animaux jusqu'à la perte de conscience, qu'en l'absence de ces investissements la dérogation ne pourrait être accordée et qu'en tout état de cause, ces dérogations conduisaient à des vagues de protestation très importantes des associations de protection animale, en rendant l'issue incertaine.

Or, l'offre présentée au tribunal de commerce prévoyait un approvisionnement immédiat de la société MS FOOD en poulets TSB, manifestement compromis au regard de ce courrier.

Cette difficulté, ainsi que toutes celles qui ont pu survenir avant le 09 novembre 2015 ne font donc l'objet d'aucun commentaire ni pièce, et la cour a seulement en sa possession un échange de courriels du 30 octobre 2015 entre Messieurs [D] et [M] dans lequel chacun impute à l'autre l'échec du projet.

Elle dispose aussi d'un courriel de l'avocat de la société BAI adressant au président du tribunal de commerce de Brest, le 22 octobre 2015, une requête visant à la nomination d'un administrateur ad hoc, qui a conduit ce dernier à réunir dans son bureau tous les acteurs de la société TSB, sans faire droit à la requête, malgré une demande réitérée de la société BAI en ce sens.

Il doit être souligné qu'à cette date, la société TSB était déjà en cessation des paiements selon le jugement prononcé par le tribunal de commerce le 29 juillet 2016.

La signature du protocole du 09 novembre 2015 est immédiatement consécutive à l'échec de la tentative de médiation menée par le Président du tribunal de commerce de Brest.

Ce protocole a été conclu entre la société BAI d'une part, la CCI de MORLAIX d'autre part, la société MS FOOD LIMITEND de troisième part, la société AMADEITE de quatrième part, la société TSB de cinquième part.

Il avait été préparé en amont par la CCI DE MORLAIX, qui ne peut raisonnablement soutenir désormais avoir vu son consentement surpris, par une demande d'autorisation de le signer formulée auprès du Préfet de la Région de Bretagne et l'organisation à cette fin d'une assemble générale de ses membres.

Il contenait un préambule faisant état du désaccord stratégique entre les sociétés BAI et AMADEITE d'une part et MS FOOD et la CCI de MORLAIX d'autre part (les motifs précis du désaccord ne sont pas précisés).

Il prévoyait que la société BAI, qui possédait 500.000 actions de la société TSB les cédait à la CCI DE MORLAIX, avec l'agrément de la société MS FOOD.

Il prévoyait aussi que la société TSB s'engageait à rembourser BAI de sa créance en compte courant d'un montant de 100.000 euros, avec promesse de porte fort de cet engagement par la CCI de MORLAIX et la société MS FOOD.

Ensuite, il était dit que les sociétés TBS et MS FOOD ansi que la CCI de MORLAIX renoncent en leur nom propre et se portent fort de la renonciation de tout tiers 'à toute action ou demande de quelque nature que ce soit à l'encontre des sociétés AMADEITE et BAI en lien avec le plan de cession arrêté par le jugement du tribunal de commerce de Brest le 05 décembre 2014, notamment 'relativement à l'exécution ou non dudit plan, aux engagements qu'ils auraient pu prendre, à quelque titre que ce soit, à l'occasion de la préparation, de la présentation ou depuis l'arrêté du plan, ainsi qu'à l'engagement conditionnel pris par AMADEITE devant le tribunal de commerce de BREST de financer sur ses fonds propres les investissements initialement prévus en cas de refus des établissements bancaires de financer ces investissements'.

Quoique comportant, ainsi qu'il sera dit plus bas, des modifications substantielles du plan de cession, ce protocole n'a pas été autorisé par le tribunal de commerce, mais n'en a pas moins, à la demande des sociétés BAI et MS FOOD, été homologué par le Président dudit Tribunal de commerce.

Suite à la signature du protocole, M. [M] est devenu président de TSB et M. [O] a démissionné de ses fonctions de membre du directoire.

Une procédure d'alerte a été envisagée en janvier 2016 par le commissaire aux comptes, qui relevait la situation financière très dégradée de la société TSB, qu'il expliquait notamment par le fait que celle-ci avait perdu courant 2015 l'un de ses principaux clients (18% de CA), que des foyers de grippe aviaire en France avait entraîné la fermeture de différents marchés à l'exportation, qu'après un premier trimestre 2015 de hausse des prix avicoles, ceux-ci étaient de nouveau en forte baisse.

Elle conduira à la réponse suivante de M. [M]: 'comme vous l'avez judicieusement observé, le retard de mise en oeuvre des investissements dans une ligne de ressuage permettant le repositionnement commercial de l'entreprise a considérablement affaibli l'entreprise (...) La proposition formulée et présentée aux pouvoirs publics à l'occasion d'une réunion qui s'est tenue la semaine passée au Ministère de l'Agriculture à [Localité 11] intègre le financement de TSB pour faire face à la fois au déficit d'exploitation 2015 et à celui anticipé pour 2016, ainsi que la première tranche de travaux concernant l'implantation de la ligne de ressuage qui permettrait immédiatement à l'entreprise de se défaire de son marché historique vis MS FOOD (...)'.

Le 17 février 2016 se tiendra une délibération de l'assemblée générale extraordinaire de la société TSB en présence du commissaire aux comptes, durant laquelle, M. [M] a rappelé 'l'attitude d'obstruction systématique du président antérieur M. [D], ayant entraîné le rachat des titres de BAI par la CCI de MORLAIX', tandis que M. [V] a lui-même rappelé les raison de la présence au capital de la CCI de MORLAIX 'surtout liées aux difficultés du secteur agroalimentaire qui ont frappé le secteur morlaisien en impactant durement son tissu social'.

M. [M] a ensuite indiqué pouvoir rapidement mettre en oeuvre une ligne de poulet frais, en louant le matériel idoine pour un coût réduit de 100 à 150 KF, le financement de la ligne de ressuage étant assuré par une opération de refinancement l'immobilier (Lease Back).

Une nouvelle alerte sera émise en juin 2016, le commissaire aux comptes constatant que les prévisions émises en février 2016 n'avaient pas été réalisées, conduisant le 04 juillet suivant à la démission de M. [M], indiquant n'avoir 'jamais eu les moyens financiers d'accomplir sa mission depuis sa nomination en novembre 2015", et rappelant que 'à la suite de l'échec constaté au cours du 1er trimestre 2016 des discussions engagées avec AgroMousquetaires, je suis parvenu à obtenir des accords de règlement avec la société NNA et les autres principaux créanciers de la société afin de restructurer la dette. La société n'a jamais été en mesure d'obtenir le financement de 3MF indispensable à la poursuite de son activité et au respect des engagements pris'.

A la suite de cette démission, la société MS FOOD et la CCI de MORLAIX demanderont par requête au président du tribunal de commerce la désignation d'un administrateur ad hoc, et celui-ci une fois désigné déposera une déclaration de cessation des paiements.

Il résulte de l'ensemble de ces considérations que les raisons exactes pour lesquelles les investissements mentionnés dans l'annexe de l'offre soumise au tribunal de commerce n'ont pas été réalisés restent inconnues de la Cour, ou à tout le moins non démontrées, et se sont insérées dans un contexte difficile de compatibilité du plan avec la réglementation sur la protection animale, de perte de clients, de variation des prix et de fermeture des marchés à l'export.

Le préjudice invoqué par Me [T] ès-qualité de représentant des créanciers de la société TSB, soit la création d'un passif propre à la société TSB postérieurement au prononcé du plan de cession de la société TILLY SABCO n'apparaît pas relié par un lien de causalité certain avec le comportement des sociétés BAI, AMADEITE et MS FOOD.

D'une part, il reste à démontrer que la fermeture 'sèche' de l'abattoir pouvait s'envisager en décembre 2014 au regard de ses conséquences sur le tissu économique et social du bassin d'emploi de Morlaix et plus précisément pour les éleveurs fournissant l'abattoir, d'autre part un déficit d'exploitation important était en tout état de cause inclus dans le prévisionnel soumis à l'appréciation du tribunal de commerce de Morlaix, ensuite les facteurs exogènes relevés par le commissaire aux comptes ont rendu la gestion du projet encore plus délicate, enfin les différents signaux d'alerte n'ont pas conduit les acteurs publics à remettre en question la poursuite du projet.

Consécutivement, Me [T] est débouté de sa demande en dommages et intérêts et le jugement déféré est infirmé de ce chef.

Pour autant, il reste à examiner la validité du protocole conclu le 09 novembre 2015.

En effet, la date de cessation des paiements de la société TSB a été fixée par le jugement du 29 juillet 2016 à la date du 31 août 2015.

En vertu des dispositions de l'article L642-6 du code de commerce, une modification subtantielle dans les objectifs et les moyens du plan ne peut être décidée que par le tribunal, à la demande du cessionnaire.

Contrairement à ce qu'affirment les sociétés BAI et AMADEITE, le protocole contenait une modification substantielle de l'un des objectifs du plan en ce que, nécessairement, il impliquait l'abandon du développement de la filière de poulet premium nourris aux algues à destination des marchés européens et asiatiques, qui étaient l'un des objectifs de l'offre acceptée par le tribunal et consécutivement l'un des objectifs et du plan de cession, devant aboutir au maintien d'une part importante de l'activité cédée, dont tous savaient qu'à défaut d'être réorientée, elle était structurellement déficitaire.

D'autre part, il est inexact que le protocole imposait à la CCI de reprendre les obligations souscrites par les sociétés BAI et AMADEITE au motif qu'elle rachetait les parts sociales de la société TSB: la création de la société TSB, postérieure au jugement 05 décembre 2014, avait été simplement l'un des moyens par lequel les sociétés BAI et AMADEITE, ainsi que les autres cessionnaires, devaient accomplir les engagements souscrits dans leur offre.

La société TSB elle-même n'était pas tenue par le jugement du 05 décembre 2014 et la transmission de ses parts sociales ne contenait aucune obligation pour la CCI de MORLAIX de reprendre à son compte les obligations des sociétés AMADEITE et BAI.

En revanche, par cette cession, la société TSB perdait les moyens que les sociétés AMADEITE et BAI s'étaient engagées à lui fournir, alors que la fourniture de ces moyens ressortait de l'exécution du plan de cession.

A l'évidence, l'ensemble du protocole était soumis à autorisation du tribunal de commerce et à défaut, sa nullité doit être prononcé, s'agissant de la violation caractérisée d'une disposition d'ordre public.

En conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du protocole,

- débouté la société BAI de toutes ses demandes en garantie formée au titre dudit protocole,

- condamné la société BAI à restituer la somme de 500.000 euros à la CCI DE MORLAIX en restitution du prix des parts sociales de la société TSB acquises en vertu du dit protocole,

- condamné la société BAI à reverser à la SARL FIDES prise en la personne de Me [T] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société TSB la somme de 100.000 euros obtenue au titre du remboursement de son compte courant prévu par le protocole,

- fixe en conséquence au passif de la liquidation de la société TSB une nouvelle dette au profit de BAI, d'un montant de 100.000 euros.

Sur les frais irrépétible et les dépens :

Chaque partie gardera à sa charge ses frais et dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que les sociétés BREIZH ALGAE INVEST et MS FOOD LIMITED ont commis une faute conduisant à un préjudice à l'encontre des créanciers de la société TILLY SABCO BRETAGNE et les a condamnées solidairement à payer la somme de 1.033.355 euros à la SELARL FIDES représentée par Me [T] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société TILLY SABCO BRETAGNE.

Statuant à nouveau :

Déboute la SELARL FIDES représentée par Me [T] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société TILLY SABCO BRETAGNE de sa demande de dommages et intérêts.

Confirme pour le solde le jugement déféré.

Y ajoutant:

Rappelle que consécutivement à l'annulation du protocole du 09 novembre 2015, la société BREIZH ALGAE INVEST redevient propriétaire des parts sociales de la société TILLY SABCO BRETAGNE qu'elle avait vendu à la CCI de MORLAIX.

Dit que chaque partie gardera à sa charge ses propres frais et dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 3ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19/06505
Date de la décision : 03/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-03;19.06505 ?
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