1ère Chambre
ARRÊT N°168/2022
N° RG 18/04858 - N° Portalis DBVL-V-B7C-PAOK
Mme [M] [L] divorcée [A]
C/
Mme [X] [O] [L]
M. [V] [I] [L]
Mme [S] [K] [L]
M. [D] [C] [L]
M. [Z] [V] [D] [L]
Mme [T] [P] [W] [U] [L] épouse [E]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 03 MAI 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre entendue en son rapport,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Février 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Mai 2022 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 26 avril 2022 à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [M] [L] divorcée [A]
née le 11 Juin 1953 à [Localité 16] (CAMEROUN)
[Adresse 1]
[Localité 11]
Représentée par Me Myriam GOBBÉ de la SCP AVOCATS LIBERTÉ GLON-GOBBE- BROUILLET-AUBRY-TESSIER, avocat au barreau de RENNES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/012043 du 08/01/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉS :
Madame [X] [O] [L]
née le 22 Octobre 1951 à [Localité 20] (35)
[Adresse 10]
[Localité 12]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES
Madame [S] [K] [L]
née le 05 Mars 1976 à [Localité 20] (35)
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES
Monsieur [D] [C] [L]
né le 22 Janvier 1974 à [Localité 20] (35)
[Adresse 14]
[Localité 9]
Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES
Monsieur [Z] [V] [D] [L],
né le 30 Janvier 1983 à [Localité 20] (35)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 7]
sous curatelle renforcé, assisté de son curateur
Monsieur [V] [I] [L],
né le 26 Avril 1972 à [Localité 20] (35)
[Adresse 17]
[Localité 8]
tous deux représentés par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES
Madame [T] [P] [W] [U] [L] épouse [E]
née le 07 Novembre 1943 à [Localité 18] (35)
[Adresse 15]
[Adresse 15]
[Localité 11]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES
FAITS ET PROCÉDURE
Les époux [U] [L], décédé le 10 novembre 2010, et [O] [Y], décédée le 30 novembre 2013, ont laissé pour leur succéder leurs trois enfants :
-Mme [T] [L] épouse [E],
-Mme [X] [L],
-Mme [M] [L] divorcée de M. [A],
ainsi que leurs quatre petits-enfants venant en représentation de leur père décédé le 20 octobre 2009, M. [C] [L] :
-Mme [S] [L],
-M. [D] [L],
-M. [V] [L],
-M. [Z] [L].
Le 27 octobre 1986, chacun des époux avait fait un testament dans des termes similaires, mentionnant : «'En conséquence, si au jour de mon décès, cette somme de 206 506,76 francs ne m'a pas été remboursée par ma fille [M], à charge pour elle d'en justifier, elle devra s'imputer sur ses droits réservataires dans ma succession. Jusqu'à remboursement intégral, cette somme de 206 506,76 euros versée pour le compte de ma fille [M], sera considérée comme une avance sur sa part de succession. En outre, en raison des soucis et des difficultés financières que ces remboursements m'ont causés, je déclare priver ma fille [M] de tout droit dans la qualité disponible de ma succession.'».
Le 15 juillet 2011, Mme [Y] a fait un autre testament révoquant toute disposition antérieure.
Maître [F] [B], notaire à [Localité 19], a été saisi pour procéder au partage amiable des successions.
Le 28 juillet 2016, aucun accord amiable n'ayant pu intervenir, Mme [T] [L] épouse [E], Mme [X] [L], Mme [S] [L], M. [V] [L], M. [D] [L] et M. [Z] [L], assisté de son curateur, M. [V] [L] (les consorts [L]) ont assigné en partage devant le tribunal de grande instance de Rennes Mme [M] [L].
Par jugement du 19 juin 2018, le tribunal de grande instance de Rennes a :
-ordonné les opérations de comptes, liquidation et partage judiciaire de la communauté ayant existé entre les époux [L]-[Y] et de leurs successions respectives,
-désigné Maître [F] [B], notaire au Pont-de-Cens, commune d'Orvault, pour y procéder, sous le contrôle du juge de la mise en état de la seconde chambre civile du tribunal,
-rappelé que chaque partie peut toujours se faire assister du notaire de son choix devant le notaire liquidateur désigné par le juge,
-dit que les notaire et magistrat désignés pourront être remplacés par ordonnance rendue sur simple requête,
-constaté l'accord des parties sur la vente du bien immobilier situé [Adresse 4], cadastré section AH n°[Localité 13] à Mme [X] [L] au prix de 165 000 euros,
-dit que Mme [X] [L] est redevable envers l'indivision successorale, à compter du 30 novembre 2013, d'une indemnité d'occupation pour la maison située [Adresse 4], à raison de 500 euros par mois,
-dit que Mme [M] [L] doit le rapport pour la moitié de la somme de 30 112,28 euros à chacune des successions de [U] [L] et [O] [Y], avec imputation sur sa part réservataire,
-rejeté la demande tendant à voir dire que l'indivision successorale est redevable de la somme de 1692,18 euros à l'égard de Mme [T] [L],
-dit que Mme [M] [L] est privée de tous ses droits dans la quotité disponible de la succession de son père [U] [L],
-débouté les demandeurs de leur demande tendant à voir dire que Mme [M] [L] est privée de tous ses droits dans la quotité disponible de la succession de sa mère [O] [Y],
-débouté Mme [M] [L] de sa demande de réalisation d'un inventaire et de sa demande relative à la communication du compte de succession et des factures se rapportant aux dépenses figurant audit compte,
-condamné Mme [M] [L] à payer aux consorts [L] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouté Mme [M] [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné Mme [M] [L] au paiement des dépens de l'instance,
-débouté les parties du surplus de leurs demandes,
-ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Mme [M] [L] [A] a fait appel, par trois déclarations d'appel distinctes, les 17 et 26 juillet 2018. Les trois procédures ont été jointes par le conseiller de la mise en état.
Par arrêt du 9 juin 2020, rectifié le 14 septembre 2020, la cour d'appel de Rennes a :
-infirmé le jugement sur la dette de la succession vis à vis de Mme [T] [L],
-dit que la succession de [U] [L] et de [O] [Y] est redevable de la somme de 1692,18 euros à l'égard de Mme [T] [L],
-confirmé le jugement sur le rejet des demandes concernant la désignation du notaire, la réalisation d'une expertise de la maison, la réalisation d'un inventaire, la production de factures et l'établissement des comptes et sur l'autorisation de vendre amiablement le bien situé [Adresse 3],
-avant dire droit sur le rapport à succession et la quotité disponible :
*enjoint aux parties de préciser quel était le régime matrimonial des époux [A]-[L] et de dire si Mme [M] [L] a été soumise à une procédure collective en qualité de commerçante de fait et, dans l'affirmative, quelle en a été l'issue,
*enjoint aux parties de produire les originaux des offres de prêt BCE et BPBO,
*ordonné une expertise en écritures et désigné Mme [N] [R], mis la consignation à valoir sur la rémunération de l'expert à la charge de Mme [M] [L],
*fixé la mission de l'expert ainsi : analyser la signature se trouvant sur les prêts consentis par la BPBO et la BCE imputée à Mme [M] [L], après avoir invité les parties à lui remettre les originaux des actes de prêts, et dire si cette signature peut être imputée à Mme [M] [L], après avoir invité celle-ci à remettre tout document utile et faire le cas échéant tout exercice d'écriture utile à cette fin,
*sursis à statuer sur la demande relative au rapport à succession et à la quotité disponible, sur l'indemnité pour frais irrépétibles,
*réservé les dépens.
L'expert a déposé son rapport le 25 juin 2021. Elle conclut qu'elle n'a pas pu mener sa mission à bien aux motifs que :
-l'offre de prêt de la BCE datée du 22 juillet 1982, reproduite de façon incomplète et sans possibilité aucune selon les parties et la banque, d'obtenir une copie complète ou le document original ne permet pas l'expertise,
-l'offre de prêt de la BPO, non transmise en copie, et sans possibilité aucune selon les parties et la banque d'obtenir l'original, ne permet pas non plus l'expertise.
Mme [M] [L] expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 15 octobre 2021 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Elle demande à la cour de :
-infirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'elle doit le rapport de la somme de 30 112,28 euros à chaque succession, pour moitié chacune,
-débouter les consorts [L] de cette demande,
-déclarer en toute hypothèse prescrites les demandes de rapport de dettes à la succession,
-condamner les consorts [L] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les consorts [L] exposent leurs moyens et leurs demandes dans leurs dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 8 novembre 2021 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Ils demandent à la cour de :
-les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes et en leur appel incident,
-infirmer partiellement le jugement,
-dire que Mme [M] [L] sera privée de tous ses droits sur la quotité disponible de la succession de sa mère [O] [L],
-confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,
-ajoutant au jugement, condamner Mme [M] [L] à rapporter le surplus de la somme dans l'hypothèse où le règlement en moins prenant ne serait pas possible car excédant ses droits à réserve,
-en tout état de cause, déclarer Mme [M] [L] irrecevable en ses moyens et prétentions du chef de la prescription,
-la débouter de toutes ses demandes,
-la condamner aux entiers dépens et à leur payer la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1) Sur la demande de rapport de la somme de 30 112,28 euros
Le tribunal a jugé que Mme [M] [L] doit le rapport pour la moitié de la somme de 30 112,28 euros à chacune des successions de ses parents, avec imputation sur sa part héréditaire.
Cette somme correspond aux montants suivants :
1) -15 000 francs (2286,74 euros) remis à Mme [M] [L] en espèces par ses parents entre le 22 novembre 1983 et le 23 mars 1894, encaissés par elle sur son compte à la Banque de Bretagne,
-13 164,02 francs (2006,84 euros) payés directement à un organisme de recouvrement de créances pour le compte de la BCE par ses parents,
-ces sommes ont remises ou payées afin de l'aider, elle et son époux, à rembourser un prêt souscrit le 27 juillet 1982 auprès de la Banque pour la construction et l'équipement (BCE ou CGIB), et cautionné par [U] [L],
2) -169 359,60 francs (25 818,70 euros) payés par les époux [L] à la Banque populaire de l'ouest (BPO), en leur qualité de caution de l'époux de Mme [M] [L].
Les consorts [L] fondent leur demande de rapport à la succession sur les dispositions de l'article 843 du code civil : «'Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ».
Ils doivent donc rapporter la preuve que Mme [M] [L] a reçu de ses parents la somme de 30 112,28 euros, à titre de donation directe ou indirecte.
Mme [M] [L] ne conteste pas les sommes payées par ses parents mais elle soutient que la demande formée à son encontre est une demande de rapport de dette. En premier lieu, elle soutient qu'elle ne doit pas la somme litigieuse et en second lieu, que l'action est prescrite car il s'agit d'une action subrogatoire et les époux [L] n'ont pas agi en remboursement dans le délai de 5 ans après le paiement des sommes litigieuses. Elle en déduit qu'à l'ouverture des successions la dette était prescrite.
Dans son testament daté du 27 octobre 1986, [U] [L] déclare avoir payé ces sommes pour le compte de sa fille et de son gendre et précise que si au jour de son décès ces sommes ne lui ont pas été remboursées, elles devront s'imputer sur ses droits réservataires dans sa succession.
Il en ressort que [U] [L], qui a fait son testament le 27 octobre 1986 après avoir soldé le 22 juin 1984 le prêt CGIB et alors qu'il s'était engagé par courrier du 28 mars 1986 à payer le solde du prêt BPO (60 billets à ordre de 2822,66 francs à échéance au 1er avril 1986 au 31 mars 1991), n'avait pas l'intention de donner cette somme à sa fille, car il en attendait le remboursement avant son décès et celui de son épouse.
L'intention libérale des époux [L] n'étant pas prouvée, les dispositions de l'article 843 du code civil ne sont pas applicables et la demande de rapport à ce titre doit être rejetée.
Les consorts [L] invoquent également dans leurs conclusions les dispositions de l'article 864 du code civil sur le rapport des dettes des copartageants à la masse partageable.
Il ressort de plusieurs pièces de la procédure que les époux [L] ont remboursé les créanciers de leur fille et de leur gendre parce que [U] [L] s'était porté caution. Dans ses écrits [U] [L] indique bien que pour aider «'ses enfants'», il a cautionné les deux prêts, que les banques lui ont demandé de payer les sommes dues et l'ont menacé de saisie, qu'il a «'remis'» de l'argent en espèces à sa fille (15 000 euros) pour qu'elle complète les remboursements mensuels et qu'il a réglé directement la dernière échéance du prêt BCE et la dette de M. [A], placé en liquidation judiciaire en 1985, envers la BPO par l'émission de billets à ordre payables jusqu'en 2012. Il précise qu'il a emprunté 30 000 francs pour éviter la saisie de ses biens. Les menaces de saisie auxquelles il a dû faire face ressortent notamment de la pièce 13 des intimés.
Mme [M] [L] conteste avoir signé le contrat de prêt BCE du 27 juillet 1982 et le contrat de prêt BPO.
Les époux [A]-[L] étaient mariées sous le régime de la communauté légale. M. [J] [A] était commerçant, seul inscrit au registre du commerce comme commerçant exerçant une activité de débit de boissons.
Le prêt BCE (ou CGIB), dont une copie est versée à la procédure, n'a été consenti qu'à M. [J] [A]. En bas à droite du formulaire, il comprend un encart «'Acceptation de l'offre préalable » , qui comporte deux signatures, attribuées à M. [A] et à Mme [A]. Ainsi que la cour l'a déjà relevé dans son arrêt du 9 juin 2020, la comparaison des écritures n'est pas possible, la copie de l'offre de prêt de la BCE étant difficilement lisible, la signature imputée à Mme [M] [L] alors épouse [A] n'étant pas photocopiée en entier, et il ne peut être fait de comparaison utile entre les différentes pièces produites. L'expertise n'ayant pu être réalisée, la cour ne peut que constater qu'il n'est pas établi, contrairement à ce que le tribunal a retenu, que Mme [M] [L] est bien signataire du prêt accordé par la BCE le 27 juillet 1982.
Ce prêt n'a pas été contracté pour les besoins du ménage et à défaut de preuve de son accord, n'a pas engagé Mme [M] [L]. Il n'est donc pas établi que celle-ci était tenue de rembourser le prêt accordé à son époux.
Quand au contrat de prêt BPO (qui aurait pris effet le 31 mai 1980 selon les écrits de [U] [L]), il n'est pas versé à la procédure et la cour ignore les conditions dans lesquelles il a été souscrit, sinon que [U] [L] s'est porté également caution. Il ne ressort d'aucune pièce de la procédure que Mme [M] [L] était concernée par ce prêt. Le courrier de la BPO du 12 mai 1992 fait d'ailleurs état d'un prêt de 185 000 francs accordé à M. [J] [A] et ne mentionne pas son épouse. Par ailleurs, il ne peut être déduit du seul fait que Mme [M] [L] tenait le commerce avec son époux qu'elle était engagée au titre du prêt BPO.
En conséquence, s'agissant des sommes payées directement par les époux [L] aux établissements de crédit, qui l'ont été parce que [U] [L] s'était porté caution de M. [A], il n'est pas démontré que Mme [M] [L] était débitrice envers eux, au titre de l'action subrogatoire de la caution qui s'est acquittée de la dette du débiteur principal.
Ceci étant, Mme [M] [L] ne conteste pas avoir reçu, directement sur son compte bancaire, la somme de 15 000 francs versée par ses parents, dont elle a pu disposer comme elle l'entendait. Il y a lieu de considérer que cette somme lui a été remise à titre de prêt, à défaut d'intention libérale, et qu'elle était donc tenue personnellement de la rembourser à ses parents.
Mme [M] [L] soutient que cette dette était prescrite avant le décès de ses parents. Les consorts [L] répondent que ses prétentions à ce titre ne sont pas recevables.
Il ressort du jugement que le premier juge a écarté le moyen tiré de la prescription. Il a fait droit à l'ensemble des demandes des consorts [L] sans toutefois statuer par une disposition spéciale sur la recevabilité de la demande dans le dispositif du jugement.
Mme [M] [L] a fait appel du chef du jugement qui accueille la demande de rapport des consorts [L] et du chef du jugement qui déboute les parties du surplus de leurs demandes. Elle a donc bien fait appel de la décision du tribunal qui a rejeté le moyen tiré de la prescription. En application de l'article 562 du code de procédure civile, la cour est bien saisie de la fin de non recevoir tirée de la prescription, contrairement à ce que soutiennent les consorts [L].
Cependant, comme ils le soutiennent également, Mme [M] [L] n'a pas, dans le dispositif de ses conclusions, fait de demande d'irrecevabilité de la demande des consorts [L]. En effet, elle demande à la cour de «' dire et juger qu'en toute hypothèse, les demandes de rapport de dettes à la succession présentées par les consorts [L] à l'encontre de Mme [M] [L] sont prescrites.'». La cour n'est donc pas saisie d'une demande ou prétention, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, d'irrecevabilité de la demande de rapport formée par les consorts [L] et n'est donc pas tenue d'examiner le moyen tiré de la prescription.
Aucune échéance n'avait été convenue pour le remboursement du prêt de 15 000 francs, les époux [L] ayant seulement prévu que si la dette n'était pas remboursée à leur décès, elle devait être payée par déduction sur la part réservataire de leur fille.
Les dispositions de l'article 864 du code civil, sur les dettes des copartageants, s'appliquent.
En conséquence, après infirmation du jugement, il ne sera fait droit à la demande de rapport qu'à hauteur de la somme de 2286,74 euros correspondant aux versements en espèces suivants :
-1000 francs le 22 novembre 1983,
-2000 francs le 8 décembre 1983,
-6000 francs le 21 février 1984,
-5000 francs le 20 mars 1984,
-1000 francs le 23 mars 1984.
La dette de Mme [M] [L] envers les époux [L] doit être partagée en deux, soit la somme de 1143,37 euros due à chacune des successions.
Enfin, la demande des consorts [L] (nouvelle devant la cour) de condamner Mme [M] [L] à rapporter le surplus de la somme due dans l'hypothèse où le règlement en moins prenant ne serait pas possible car excédant ses droits à réserve, sera rejetée, compte-tenu du montant peu élevé de la somme à rapporter et de l'actif des successions.
2) Sur les droits de Mme [M] [L] dans la quotité disponible
Comme le tribunal l'a relevé, [U] [L] dans son testament, a voulu priver Mme [M] [L] de tout droit dans la quotité disponible de sa succession.
Mme [M] [L], qui a fait appel du chef du jugement disant qu'elle est privée de tous ses droits dans la quotité disponible de la succession de son père, ne forme aucune demande à ce titre dans ses conclusions. Ce chef du jugement, contre lequel aucun moyen n'est invoqué, sera donc confirmé.
Le testament de Mme [O] [L] du 27 octobre 1986 qui contenait une disposition identique a été révoqué par le testament du 15 juillet 2011.
Les consorts [L] ont fait appel du chef du jugement rejetant leur demande tendant à voir dire que Mme [M] [L] est privée de tous ses droits dans la quotité disponible de la succession de sa mère.
S'ils invoquent le fait que leur mère était affectée et affaiblie quand elle a rédigé son second testament, ils n'en demandent pas la nullité. Aussi, c'est à juste titre, qu'en application du testament du 15 juillet 2011 qui révoque clairement et sans condition toutes dispositions testamentaires antérieures, le tribunal a rejeté la demande des consorts [L]. Le jugement sera confirmé de ce chef.
3) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Le jugement sera infirmé de ces deux chefs sauf en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [M] [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise, seront compris dans les frais de partage.
Il n'est pas inéquitable de rejeter les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Vu l'arrêt du 9 juin 2020,
Constate que la cour n'est pas saisie d'une demande d'irrecevabilité de la demande de rapport fondée sur la prescription,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
-dit que Mme [M] [L] est privée de tous ses droits dans la quotité disponible de la succession de son père [U] [L],
-débouté les demandeurs de leur demande tendant à voir dire que Mme [M] [L] est privée de tous ses droits dans la quotité disponible de la succession de sa mère [O] [Y],
-débouté Mme [M] [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :
-dit que Mme [M] [L] doit le rapport pour la moitié de la somme de 30 112,28 euros à chacune des successions de [U] [L] et [O] [Y], avec imputation sur sa part réservataire,
-condamné Mme [M] [L] à payer aux consorts [L] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné Mme [M] [L] au paiement des dépens de l'instance,
Statuant à nouveau,
Dit que Mme [M] [L] doit le rapport pour la moitié de la somme de 2286,74 euros à chacune des successions de [U] [L] et de [O] [Y] épouse [L], avec imputation sur sa part réservataire,
Déboute Mme [T] [L] épouse [E], Mme [X] [L], Mme [S] [L], M. [V] [L], M. [D] [L] et M. [Z] [L], assisté de son curateur, M. [V] [L] du surplus de leur demande au titre du rapport aux successions,
Rejette les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise, seront compris dans les frais de partage.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE