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29/04/2022 | FRANCE | N°19/00680

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 29 avril 2022, 19/00680


2ème Chambre





ARRÊT N°252



N° RG 19/00680

N° Portalis DBVL-V-B7D-PP5T





(3)







Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 6]



C/



Mme [F] [O]



















Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :



à :

-

Me SVITOUXHKOFF

- Me LAROZE-LE PORTZ











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 29 AVRIL 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD...

2ème Chambre

ARRÊT N°252

N° RG 19/00680

N° Portalis DBVL-V-B7D-PP5T

(3)

Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 6]

C/

Mme [F] [O]

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me SVITOUXHKOFF

- Me LAROZE-LE PORTZ

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 29 AVRIL 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Madame Ludivine MARTIN, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Février 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 29 Avril 2022, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Grégory SVITOUXHKOFF de la SELARL SELARL D'AVOCATS MAIRE - TANGUY - SVITOUXHKOFF - HUVELIN - G OURDIN - NIVAULT - GOMBAUD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES

INTIMÉE :

Madame [F] [O]

née le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 5] (44) ([Localité 5])

c/o M et Mme [H] [Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Isabelle LAROZE- LE PORTZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte sous seing privé en date du 11 février 2010, la Caisse de Crédit mutuel de Grand-Champ ( ci-après le Crédit mutuel) a consenti à la société An Heol Breizh deux prêts professionnels pour un montant total de 315 000 euros remboursable sur douze ans.

Par acte du même jour, Mme [F] [O] et M. [C] [N] se sont portés chacun caution solidaire de ces crédits à hauteur de 157 500 euros pour une durée de 168 mois.

A compter du 31 janvier 2012, la société An Heol Breizh a cessé de payer les échéances du prêt. Par courrier recommandé avec accusé de réception du 8 janvier 2013, la banque a prononcé la déchéance du terme et mis en demeure la société débitrice de régler sa dette.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 26 août 2015, elle a mis en demeure Mme [O] en sa qualité de caution solidaire.

Par acte d'huissier en date du 28 septembre 2016, le Crédit mutuel a fait assigner en paiement Mme [O] devant le tribunal de grande instance de Vannes.

Par jugement en date du 5 novembre 2018, le tribunal a :

- déclaré recevable la demande en paiement de la Caisse de crédit mutuel [Localité 6] à l'encontre de Mme [F] [O],

- débouté la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] de sa demande en paiement contre Mme [O] en qualité de caution personnelle et solidaire des prêts n°09293040986 03 et n° 0929 3040986 04,

- déclaré irrecevable la demande reconventionnelle formée par Mme [F] [O] à l'encontre de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6],

- condamné la Caisse de crédit mutuel [Localité 6] à verser à Mme [F] [O] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la Caisse de crédit mutuel [Localité 6] de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Caisse de crédit mutuel [Localité 6] aux dépens.

Par déclaration en date du 31 janvier 2019, le Crédit mutuel a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 17 mars 2021, il demande à la cour de :

Vu les articles 1103, 2288 et 2298 du code civil,

- dire et juger la Caisse de crédit mutuel recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit :

- voir condamner Mme [F] [O], en sa qualité de caution solidaire de la société An Heol Breizh au titre des deux crédits n°09293040986 03 et n° 0929 3040986 04, au paiement de la somme de 157 500 euros, montant de son engagement de caution, augmentée jusqu'à parfait paiement des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- voir condamner la même au paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- voir condamner Mme [F] [O] divorcée [N] au entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 7 décembre 2021, Mme [O] demande à la cour de :

Vu l'article L. 332-1 du code de la consommation,

- débouter la Caisse de crédit mutuel de Grand-Champ de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

débouté la Caisse de crédit mutuel de Grand-Champ de sa demande en paiement contre Mme [O] en qualité de caution personnelle et solidaire des prêts n°09293040986 03 et n° 0929 3040986 04,

déclaré irrecevable la demande reconventionnelle formée par Mme [F] [O] à l'encontre de la Caisse de crédit mutuel de Grand-Champ,

condamné la Caisse de crédit mutuel de Grand-Champ à verser à Mme [F] [O] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté la Caisse de crédit mutuel de Grand-Champ de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la Caisse de crédit mutuel de Grand-Champ aux dépens,

- condamner la Caisse de crédit mutuel de Grand-Champ à régler à Mme [O] une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en cause d'appel, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Caisse de crédit mutuel de Grand-Champ aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations du jugement ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 13 janvier 2022.

EXPOSE DES MOTIFS :

A titre liminaire, il sera constaté que Mme [O] ne soulève pas en appel de fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement de la banque. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré recevable la demande en paiement du Crédit mutuel.

Sur la disproportion :

Aux termes de l'article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution ne lui permette de faire face à ses obligations au moment où elle est appelée.

Il appartient à la caution qui oppose au créancier le caractère disproportionné de son engagement au moment où elle s'est engagée de le prouver alors que c'est au créancier d'établir que la caution peut faire face à son engagement au moment où elle est appelée.

Le Crédit mutuel reproche au tribunal de l'avoir débouté de sa demande en paiement en estimant que l'engagement de caution de Mme [O] était disproportionné à ses biens et revenus, notamment en appréciant la situation patrimoniale de Mme [O] au regard de ses biens revenus propres.

Il s'avère en effet que le premier juge n'a, pour apprécier le caractère disproportionné de l'engagement de caution de Mme [O], qu'examiné le montant de ses revenus au mois de février 2010, à savoir les allocations versées par Pôle Emploi à hauteur de 1 600 euros par mois, Mme [O] étant sans emploi au moment de la conclusion du contrat de cautionnement, tout en soulignant qu'elle n'avait acquis des parts sociales dans la société Thermacote qu'au moment de l'immatriculation de celle-ci le 9 novembre 2012, qu'elle n'était pas encore gérante de la SCI Belenos, immatriculée le 7 avril 2011 et que si elle était gérante de la SCI juxel, celle-ci venait de conclure un contrat de prêt le 9 février 2010 en vue de l'acquisition d'un terrain le 9 mars 2010.

Or, la disproportion de l'engagement de la caution commune en biens s'apprécie non seulement par rapport à ses biens et revenus mais également sur les biens et revenus communs, incluant les revenus de son conjoint. En effet, les biens communs demeurent disponibles pour l'époux qui peut y puiser ce qui est nécessaire à l'acquittement de son engagement. Au surplus, comme le fait valoir à juste titre, au soutien de son appel, le Crédit mutuel, Mme [O], à l'époque épouse [N] et M. [C] [N] ont souscrit simultanément des engagements de caution en des termes identiques sur le même acte pour la garantie de la même dette et chacun pour le même montant.

Pour soutenir que l'engagement de caution pris par Mme [O] pour garantir la dette de la société An Heol Breizh n'était pas disproportionné, la banque se base sur des fiches de renseignements complétées par M. [N] en octobre 2009 et les 6 mai et 3 décembre 2010 ainsi que sur la déclaration du couple lors de la souscription du prêt contracté le 11 février 2010.

Mme [O] considère que la fiche individuelle de renseignement est dénuée de toute force probante, n'étant ni signée ni certifiée conforme par les époux. Elle fait valoir en outre qu'elle est antérieure à l'engagement de caution et ne peut rapporter la preuve de ses capacités financières au moment où elle s'est engagée en tant que caution. S'agissant des fiches de mai et décembre 2010, elle souligne qu'elles sont au nom de son ex-mari et postérieures à son engagement de caution. Quant à la déclaration des époux lors de la souscription du prêt, elle soutient qu'elle est également dénuée de force probante, n'étant ni datée ni signée et son auteur demeurant inconnu. Elle en conclut que le Crédit mutuel est dans l'incapacité de justifier qu'il a vérifié qu'elle bénéficiait de moyens financiers pour souscrire un engagement de caution à hauteur de 157 500 euros.

Pour établir la preuve qui lui incombe de la disproportion de son engagement, Mme [O] indique qu'elle était sans emploi au moment de l'acte de cautionnement, indemnisée par Pôle Emploi à raison de 1 600 euros par mois, que le couple avait deux enfants à charge et réglait un loyer de 1 082,46 euros par mois, que le capital social de la SCI Juxel dont elle était gérante s'élevait à 500 euros, qu'à la date du 11 février 2010, cette société n'était propriétaire d'aucun terrain mais était redevable d'un crédit de trésorerie de 10 000 euros et qu'en outre, elle s'était portée caution de cette société le 27 janvier 2010 à hauteur de 25 000 euros. Elle en conclut que même en prenant en considération les biens communs des époux, son engagement était manifestement disproportionné à ses ressources.

Cependant, d'une part, il est de principe que pour déterminer si le cautionnement est ou non disproportionné, il doit être tenu compte de l'ensemble des revenus et patrimoine de la caution à la date de sa souscription, ce qui inclut notamment les parts sociales et les créances inscrites en compte courant d'associés dont celle-ci est titulaire. D'autre part, si les fiches individuelles de renseignement produites par la banque, dont l'absence de toute anomalie n'entrainait aucune nécessité de vérification de sa part, ne datent effectivement pas de l'acte de cautionnement mais ont été établies en octobre 2009, mai 2010 et décembre 2010, soit quelques mois avant et après celui-ci, il n'est pas démontré par Mme [O] que le montant des biens et des revenus du couple dont elles font respectivement état, soit 92 570,76 euros et 93 360 euros pour les revenus comprenant les salaires de chacun des époux et des remboursements de frais kilométriques et de compte courant, et 423 105,27 euros et 385 205 euros pour leur patrimoine comprenant notamment un compte courant d'associé au nom de M. [N] dans la société One Network de 243 600,27 euros, n'était pas de cet ordre-là au moment du cautionnement. Il s'ensuit que les biens et revenus du couple étaient supérieurs à leur engagement de sorte que l'acte de cautionnement pris par l'intimée à hauteur de 157 500 euros le 11 février 2010 était proportionné à ses capacités financières.

C'est donc à tort que le tribunal a retenu la disproportion de cet engagement et débouté le Crédit mutuel de sa demande en paiement pour ce motif. Le jugement sera infirmé sur ce point. Le montant de la créance de la banque sur la société An Heol Breizh, soit la somme totale au titre des deux prêts de 326 832,08 euros, n'étant pas contesté, Mme [O] sera condamnée au paiement de la somme de 157 500 euros en sa qualité de caution, avec intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 28 septembre 2016, date de l'assignation.

Sur les demandes accessoires :

Mme [O] qui succombe en ses demandes, devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge du Crédit mutuel les frais, non compris dans les dépens, qu'il a dû exposer à l'occasion de l'instance d'appel. Aussi, Mme [O] sera condamnée à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Vannes le 5 novembre 2018 sauf en ce qu'il a déclaré recevable la demande en paiement de la Caisse de Crédit mutuel de Grand-Champ à l'encontre de Mme [F] [O],

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Condamne Mme [F] [O] à verser à la Caisse de crédit mutuel de Grand- Champ la somme de 157 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2016, date de l'assignation, au titre de son engagement de caution,

Condamne Mme [F] [O] à payer à la Caisse de crédit mutuel de Grand Champ la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [F] [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/00680
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;19.00680 ?
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