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29/04/2022 | FRANCE | N°19/00225

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 29 avril 2022, 19/00225


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°213



N° RG 19/00225 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-POK4













SAS CELTAT



C/



Mme [Z] [O]

















Réforrmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 29 AVRIL 2022<

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COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de la chambre,

Assesseur : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé





...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°213

N° RG 19/00225 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-POK4

SAS CELTAT

C/

Mme [Z] [O]

Réforrmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 29 AVRIL 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de la chambre,

Assesseur : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Janvier 2022

devant Messieurs Rémy LE DONGE L'HENORET et Philippe BELLOIR, magistrats tenant l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [M] [V], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 29 Avril 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SAS CELTAT prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

4 rue de Haute Bretagne

35140 SAINT AUBIN DU CORMIER

Représentée par Me Audrey LETERTRE substituant à l'audience Me Bruno LOUVEL de la SELARL PHENIX, Avocats au Barreau de RENNES

INTIMÉE et appelante à titre incident :

Madame [Z] [O]

née le 11 Mai 1978 à PONTIVY (56)

demeurant 23 rue du Calvaire

56920 KERFOURN

Représentée par Me Thomas NAUDIN de la SELARL ARVOR AVOCATS ASSOCIÉS, Avocat au Barreau de RENNES

INTERVENANT VOLONTAIRE :

L'Institut National Public POLE EMPLOI BRETAGNE pris en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

36 rue de Léon

35053 RENNES CEDEX

Représentée par Me Charles PIOT substituant à l'audience Me Mélanie VOISINE de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, Avocats au Barreau de RENNES

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

Mme [Z] [O] a été embauchée à compter du 16 septembre 1999 par la Société VET D'ARMOR aux droits de laquelle vient la SAS CELTAT, selon plusieurs contrats à durée déterminée conclus du 16 septembre 1999 au 30 septembre 1999 puis selon contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 1999, d'abord en qualité de vendeuse, puis en qualité de Responsable de magasin, statut agent de maîtrise à compter du 1er décembre 2002. Deux avenants successifs au contrat à durée indéterminée de responsable de magasin ont été signés entre la société CELTAT et Mme [O] le premier du 20 février 2009 supprimant la clause de non concurrence et insérant une clause intitulée «'absence de concurrence déloyale'», le second du 31 décembre 2010 modifiant les clauses relatives à la rémunération et à la mobilité.

De septembre 2012 à septembre 2015, Mme [O] a bénéficié d'un congé parental d'éducation.

Un entretien de reprise s'est tenu le 9 juillet 2015.

L'employeur a informé la salariée qu'elle avait l'obligation de suivre une formation préalablement à la reprise de son activité. Mme [O] a indiqué qu'elle ne pouvait pas suivre cette formation du fait de ses contraintes familiales.

Mme [O] a été placée en arrêt de travail du 1er au 16 septembre 2015.

Une visite médicale de reprise s'est tenue le 22 septembre 2015 au cours de laquelle Mme [O] a été déclarée apte.

Le jour même, la salariée s'est présentée au magasin de Pontivy. Le responsable de la SAS CELTAT lui a fait part de sa décision immédiate de mise à pied dans l'attente de la convocation à un entretien préalable.

Par courrier du 22 septembre 2015, la SAS CELTAT a convoqué Mme [O] à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave fixé au 2 octobre 2015.

Par courrier du 13 octobre 2015, la SAS CELTAT a notifié à Mme [O] son licenciement pour faute grave.

Le 23 mars 2017, Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Lorient aux fins de voir':

Sur le licenciement,

A titre principal,

' Dire le licenciement prononcé le 13 octobre 2015 discriminatoire,

' Prononcer la nullité du licenciement et de la mise à pied conservatoire du 22 septembre 2015 au 13 octobre 2015,

A titre subsidiaire,

' Dire le licenciement prononcé le 13 octobre 2015 dénué de cause réelle et sérieuse,

' Annuler la mise à pied conservatoire du 22 septembre 2015 au 13 octobre 2015,

' Condamner la SAS CELTAT au versement des sommes suivantes :

- 45.000 € à titre de dommages-intérêts à titre principal en réparation du licenciement nul, à titre subsidiaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 6.747,42 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 3.766 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 376,60 € au titre des congés payés afférents,

- 1.365,88 € brut à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,

- 136,58 € au titre des congés payés afférents,

Sur la clause de non-concurrence,

' Prononcer la nullité de la clause de non-concurrence mentionnée au contrat de travail,

' Subsidiairement requalifier la clause de non-concurrence déloyale stipulée par avenant en clause de non-concurrence et en prononcer la nullité,

' Condamner la SAS CELTAT au paiement de la somme de 22.596 € à titre de dommages-intérêts,

Sur les documents de fin de contrat,

' Condamner la SAS CELTAT au paiement d'une somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la remise tardive des documents de fin de contrat rectifiés,

' Condamner la SAS CELTAT à remettre à Mme [O] les bulletins de salaires et documents de fin de contrat rectifiés dans les quinze jours du prononcé de la décision, et sous astreinte de 50 € par jour de retard jusqu'à parfaite exécution,

En tout état de cause,

' Condamner la SAS CELTAT au versement d'une somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

' Ordonner l'exécution provisoire de l'intégralité de la décision à intervenir.

La cour est saisie d'un appel régulièrement formé par la SAS CELTAT le 11 janvier 2019 du jugement de départage du 19 décembre 2018 par lequel le conseil de prud'hommes de Lorient a :

' Déclaré que le licenciement pour faute grave de Mme [O] est nul,

' Condamné la SAS CELTAT à payer à Mme [O] les sommes de :

- 30.000 € net à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la rupture illicite,

- 6.747,42 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 3.766 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 376,60 € brut pour les congés payés afférents,

- 1.365,88 € brut de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,

- 136,58 € brut pour les congés payés afférents,

' Débouté Mme [O] de ses demandes au titre de la clause de non-concurrence,

' Débouté Mme [O] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la remise tardive des documents de fin de contrat,

' Ordonné à la SAS CELTAT de remettre à Mme [O] dans le délai de 15 jours suivant la date de notification de la présente décision à un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un bulletin de salaire rectifiés,

' Dit qu'à défaut de respecter cette obligation la SAS CELTAT y sera contrainte, par astreinte de 90 € par jour de retard, pendant 120 jours,

' Ordonné le remboursement par la SAS CELTAT des indemnités de chômage éventuellement versées par les organismes sociaux à Mme [O] dans la limite de six mois d'indemnités,

' Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

' Condamné la SAS CELTAT à payer à Mme [O] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamné la SAS CELTAT aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 16 mars 2020, suivant lesquelles la SAS CELTAT demande à la cour de :

' La déclarer'recevable'et'bien'fondée'dans'son'appel,

Confirmant'partiellement le'jugement'entrepris,

' Débouter'Mme'[O]'de'ses'demandes'au'titre'de'la'clause'de'non-concurrence,'

' Débouter Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la remise tardive des documents de fin de contrat,

Pour'le'surplus,'infirmant'et'statuant'à'nouveau':'

' Dire'que'le'licenciement'de'Mme'[O]'est'étranger'à'toute'discrimination,

'Dire'que'le'licenciement'de'Mme'[O]'repose'sur'une'faute'grave,'à'défaut'sur une cause réelle et sérieuse,

' Débouter'Mme'[O]'de'l'ensemble'de'ses'demandes,'fins'et'conclusions,

' Débouter'Pôle Emploi Bretagne'de'sa'demande,

' Condamner'Mme'[O]'au'paiement'de'la'somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 8 août 2019, suivant lesquelles Mme [O] demande à la cour de :

' La dire recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

' Recevoir Mme [O] en son appel incident,

' Débouter intégralement la SAS CELTAT,

Sur le licenciement, à titre principal,

' Confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement discriminatoire,

' Prononcer la nullité du licenciement et de la mise à pied conservatoire,

' Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS CELTAT au paiement d'une somme de 30.000 € net à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la rupture illicite,

' Faisant droit à l'appel incident, condamner la SAS CELTAT à lui verser une somme de 45.000 € net à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au licenciement nul,

' Confirmer le jugement entrepris au titre des autres condamnations, à savoir :

- 6.747,42 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 3.766 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 376,60 € à titre des congés payés afférents,

- 1.365,88 € brut de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,

- 136,58 € au titre des congés payés afférents,

Sur le licenciement, à titre subsidiaire,

' Dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

' Annuler la mise à pied conservatoire,

' Condamner la SAS CELTAT au versement des mêmes sommes,

En tout état de cause

' Confirmer le jugement entrepris au titre de la condamnation pour les frais irrépétibles de première instance,

' Condamner la SAS CELTAT au paiement de la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, outre les entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 21 juin 2019, suivant lesquelles Pôle Emploi Bretagne demande à la cour de :

' Condamner la SAS CELTAT à rembourser auprès de Pôle Emploi Bretagne les indemnités versées à Mme [O], dans la limite de 6 mois d'allocations, soit 6.949,20€,

' Condamner la SAS CELTAT à verser à Pôle Emploi Bretagne la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La clôture a été prononcée le 16 décembre 2021.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

Pour infirmation à ce titre, la société appelante soutient essentiellement que Mme [O] ne démontre pas avoir subi un traitement particulier à son détriment et que le licenciement a été prononcé en raison de son refus de suivre une formation rendue nécessaire pour permettre sa reprise d'activité à l'issue de son absence de plus de trois années'; que son remplacement par une salariée en contrat à durée indéterminée pendant son congé parental était parfaitement licite, se justifiait au regard de la situation du magasin dont Mme [O] avait la charge'; que d'autres salariées en congé parental à temps complet prolongé ont été également remplacées dans les mêmes conditions'; que la proposition faite à Mme [O] d'un poste similaire, à [I], n'était pas discriminatoire et l'employeur a tenu compte du refus de sa salariée puisque ce projet a été rapidement abandonné face au refus catégorique de l'intéressée et compte tenu de la volonté de l'entreprise de la maintenir dans ses effectifs'; que l'employeur devait satisfaire à son obligation de formation à l'égard de sa salariée au retour de celle-ci d'une absence prolongée et alors que l'organisation des magasins avait largement évolué depuis son départ'; que la nécessité d'une telle formation a été évoquée dès le premier entretien de Mme [O] avec sa responsable avant son retour de congé'; que d'autres salariées attestent des formations dont elles ont bénéficié et dont l'organisation a tenu compte de leurs contraintes personnelles'; que le refus de Mme [O] de suivre la formation était donc constitutif d'une faute grave justifiant son licenciement.

Pour confirmation, Mme [O] soutient que la décision de mettre un terme à son contrat avait été prise par l'employeur bien avant la fin de son congé parental ; qu'en effet son poste avait été pourvu de façon définitive par une autre salariée'; que l'employeur lui a proposé, à son retour de congé parental, un poste situé dans un autre établissement à plusieurs kilomètres de distance ; que devant le refus de la salariée, il a finalement évoqué la nécessité de suivre une formation longue d'un mois dans un établissement situé à plus de 150 kilomètres de son domicile'; que la société CELTAT est pour autant incapable de justifier de la nécessité de la formation exigée'; qu'en outre Mme [O] n'a pas refusé de suivre une formation mais a indiqué à son employeur u'elle ne pouvait pas s'organiser en si peu de temps pour suivre une formation si éloignée de son domicile.

Par application de l'article L.1132-1 du code du travail en sa rédaction applicable au litige, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations:

- Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,

- Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- La discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce Mme [O] avance différents éléments caractérisant selon elle les agissements discriminatoires de la part de la société CELTAT à son égard':

- son remplacement par une salariée en contrat à durée indéterminée sur son poste au magasin de PONTIVY pendant son congé parental,

- la proposition faite à son retour de congé parental d'un poste au magasin de [I], poste qui avait en même temps était proposé à une autre salariée finalement licenciée pour inaptitude,

- l'exigence de la part de l'employeur de lui faire suivre une formation d'une durée d'un mois dans un magasin très éloigné de son domicile.

Aux termes de l'article L1225-55 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 1er mai 2008':

A l'issue du congé parental d'éducation ou de la période de travail à temps partiel ou dans le mois qui suit la demande motivée de reprise de l'activité initiale mentionnée à l'article L. 1225-52, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente.

Si comme l'a retenu le jugement attaqué il n'était pas illicite de la part de la société CELTAT, au regard des dispositions de ce texte, d'avoir remplacé Mme [O] sur son poste de responsable du magasin de PONTIVY par une salariée en contrat à durée indéterminée, cet élément doit pour autant être apprécié au regard des circonstances et dans le contexte des autres faits allégués par la salariée comme laissant présumer une discrimination.

Il est établi d'une part le transfert de Mme [O] sur le poste de [I] aurait nécessité une modification de son contrat de travail du fait du changement d'employeur, ce magasin appartenant à la société SAMAG distincte de la société CELTAT, toutes deux n'appartenant qu'à une même unité économique et sociale.

Il ressort également des éléments produits que cette modification aurait eu des conséquences sur la rémunération de Mme [O] au regard de la taille du magasin de [I] comparé à celui de PONTIVY, en application des dispositions relatives au calcul de la part variable de la rémunération basée sur le chiffre d'affaires du magasin'; ainsi la société CELTAT précise (ses écritures page 10) que le magasin de PONTIVY, contrairement à celui de [I], était référencé 'magasin +' depuis 2011, en raison d'une 'plus grande fréquentation et donc d'un CA plus important que les autres magasins de l'enseigne'.

C'est ainsi par une juste analyse de cette première proposition faite par la société CELTAT à Mme [O] que les premiers juges ont retenu que cette proposition n'entrait pas dans les exigences de l'article L 1225-55 du code du travail s'agissant d'un poste au moins «'similaire'» à celui qu'elle occupait avant son congé.

Mme [O] justifie en outre qu'une autre salariée, Mme [D], salariée du groupe depuis août 2006 et qui occupait en juin 2015 le poste de responsable du magasin de PLOERMEL, s'est vu notifier sa mutation sur le magasin de [I], en tant que responsable, à compter du 1er juillet 2015 (pièce n°26), soit le même poste que celui proposé à Mme [O] huit jours plus tard ' et alors que Mme [D] n'a finalement été licenciée pour inaptitude que le 18 septembre 2015.

Il est établi que la société CELTAT a exigé de Mme [O] le suivi d'une formation de remise à niveau préalable à sa reprise. Mme [O] invoque la tardiveté de l'annonce de la nécessité de cette formation ainsi que de sa durée'; la société invoque la nécessité de cette formation qui avait été proposée à la salariée suffisamment tôt avant sa reprise pour lui permettre de s'organiser et dont tous les frais étaient pris en charge.

Il ressort de l'ensemble des pièces produites, en particulier des courriers échangés entre Mme [O] et la responsable des ressources humaines de la société CELTAT Mme [A] (notamment pièces n°5 à 10 de l'intimée'; pièces n°8 à 20 de l'appelante) que contrairement a ce qu'affirme Mme [O] l'information sur la nécessité d'effectuer une formation à la suite de son «'absence nécessita[n]t une mise à niveau'» lui a été donnée dès son entretien du 9 juillet 2015 comme elle l'indique elle-même dans son courrier du 22 août 2015 (sa pièce n°9).

Le jugement critiqué a pour autant relevé à juste titre que si le principe de la formation lui était effectivement connu à cette date, il n'est pas démontré que Mme [O] ait alors été informée de la durée, de la date et des modalités pratiques de cette formation avant le courrier de la société du 23 juillet 2015 (pièce n°13 dd l'appelante) soit postérieurement au refus de Mme [O] d'accepter le poste de responsable à [I] ; l'attestation de Mme [A] (pièce n°12 de la société appelante) ne faisant état en particulier s'agissant de l'information qui aurait été délivrée le 9 juillet 2015 que de sa durée, de 4 semaines, sans indication du jeu géographique très éloigné de la formation, alors que cet élément était manifestement essentiel au regard de la situation de la salariée.

Pris dans leur ensemble, les éléments de fait présentés par Mme [O] laissent ainsi présumer l'existence d'une discrimination au sens des dispositions légales précitées.

Il incombe donc à l'employeur de prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Or à ce titre, la société CELTAT justifie sa décision d'exiger de sa salariée une formation d'un mois dans un magasin situé à FOUGERES-LECOUSSE par les nombreuses mutations survenues sur les méthodes de travail et les procédures en vigueur au sein de l'ensemble des magasins au cours des trois années de congé parental de Mme [O] et fait valoir le devoir d'adaptation des salariés à leur poste de travail qui incombe à l'employeur en application de l'article L 6321-1 du code du travail.

La société CELTAT évoque les évolutions internes tenant à l'organisation des magasins incluant la gestion des stocks, l'organisation du e-commerce, les méthodes de vente, la mise en 'uvre de logiciels informatiques (libre office), l'évolution des procédures managériales (entretiens annuels) et leur répercussion directe sur les fonctions de responsable de magasin.

Ainsi que l'a déjà retenu le jugement attaqué, l'objectif de la société CELTAT concernant la mise à jour des compétences de sa salariée apparaît légitime'; il convient néanmoins d'étudier les moyens utilisés.

La société CELTAT affirme la nécessité que la formation de Mme [O] s'effectue sur une période d'un mois de manière continue, mais ne démontre pas en quoi la nature des enseignements exigeaient ce format et ne fournit aucun plan précis de formation correspondant aux mises à jour des compétences qu'elle évoque elle-même. En particulier, alors que le jugement critiqué a déjà relevé que les pièces produites consistant en des plans et thèmes de formation étant parfois obsolètes comme datant de mai 2012 soit avant même le départ de Mme [O] en congé parental ou paraissaient inadaptées aux besoins de l'intéressée, la société appelante ne produit toujours que des documents décrivant un plan de formation datant de 2012 et des fiches décrivant les modules de formation (pièces n°58 à 64) dont elle indique qu'il correspondent à ceux sur la base desquels la formation aurait été dispensée à Mme [O], sans davantage d'explication.

Par ailleurs la société CELTAT, qui fait valoir que 108 responsables de magasin et responsables adjointes ont bénéficié depuis 2012 d'un congé parental d'éducation, dont 49 congés parentaux d'éducation à temps complet, ne fournit aucun exemple de responsable de magasin qui aurait suivi une formation d'un mois entier en magasin école avant sa reprise de fonction.

Ainsi la société CELTAT produit'les attestations :

- de'Mme [H] (pièce n°72) qui n'a bénéficié que d'une formation de 15 jours au retour de son congé parental de 3 ans alors qu'elle était responsable adjointe,

- de Mme [R] (pièce n°79) qui n'évoque pas la nécessité d'une formation après son retour de congé parental sur un poste d'adjointe responsable de magasin,

- de Mme [Y] (pièce n°81) qui n'évoque pas la nécessité d'une formation lors de son retour sur un poste de responsable de magasin après un congé parental de 6 mois,

- de Mme [F] (pièce n°71) et de Mme [N] (pièce n°74) qui n'évoquent pas la nécessité d'une formation après leur congé de trois mois,

- de Mme [K] (pièce n°73) qui n'évoque pas la durée de son congé parental,

- de Mme [T] (pièce n°86) qui indique avoir bénéficié d'une formation de 15 jours lors de sa prise de poste d'adjointe, sans que cela fasse suite à une interruption pour un congé parental de l'exercice de sa fonction,

- de Mme [P] (pièce n°85) qui évoque avoir suivi après une longue absence pour maladie une formation de responsable de magasin «'sur plusieurs semaines'» sans précision du lieu de «'magasin formateur'» auquel elle fait référence ni de l'éloignement de celui-ci par rapport à son domicile.

La société produit également un courrier adressé à Mme [X] (sa pièce n°68), de retour de congé parental de 3 ans postérieurement au licenciement de Mme [O] et qui s'est vu proposer le suivi d'une formation d'un mois. Outre que cette formation lui a été proposée deux mois avant sa reprise comme l'a relevé le jugement, force est de constater que Mme [X] expose, dans son attestation produite par Mme [O] (pièce n°29), avoir «'pris l'initiative de faire un abandon de poste'au 1er septembre 2017 » en raison de l'éloignement de la formation (178 km de son domicile soit 3 heures aller-retour) et avoir été licenciée le 17 octobre 2017.

La société CELTAT ne précise pas si une formation a été exigée des salariées suivantes qu'elle cite dans ses écritures (page 9) comme ayant bénéficié d'un congé parental d'éducation alors qu'elles étaient responsables de magasin (Mmes [E], [G], [U], [B]) et ne fournit pas leurs témoignages. Les autres attestations produites par l'appelante (de Mmes [W], [S], [J], etc.) décrivent les situations de salariées qui n'ont pas bénéficié d'un congé parental.

La société CELTAT, sur qui repose la charge de la preuve de la nécessité pour Mme [O] d'une formation conforme à ses exigences ' sous la forme d'un mois plein en magasin 'école'» ' ne précise pas enfin les spécificités propres à un tel 'magasin école' rendant la formation en leur sein plus pertinente. La société CELTAT affirme (page 17 de ses écritures) qu'il en existe uniquement six qu'elle liste mais ne fournit aucun document justificatif et ne produit que des «'fiches procédure RH'» (sa pièce n°50) qui n'expliquent pas davantage la nécessité d'une formation uniquement dans les magasins cités, ni ne démontrent qu'aucun lieu de formation plus proche du domicile de Mme [O] ne pouvait être retenu.

La référence enfin qu'à une seule autre salariée responsable de magasin dont la formation devait se dispenser sur le même magasin de FOUGERES-LECOUSSE dont la société fournit les feuilles d'émargement (pièce 88) n'est pas probant à cet égard, étant observé que son ancienneté n'est pas précisée, que ne sont pas précisées les conditions dans lesquelles a été rendu nécessaire cette formation, qui n'est pas de même durée (du 7 septembre 2015 au 17 octobre 2015) que celle de Mme [O].

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est par des motifs pertinents que le jugement attaqué a retenu que la société CELTAT, en imposant à Mme [O] de retour de son congé parental de trois ans une formation d'un mois à plus de 150 kilomètres de son domicile, sans envisager les possibilités d'aménagement de cette formation et sans justification objective, a procédé à une discrimination directe de sa salariée.

Le jugement entrepris doit ainsi être confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'une situation de discrimination subie par Mme [O], en relation avec sa situation familiale.

Cette discrimination justifie que le licenciement prononcé pour faute grave soit annulé.

Mme [O] a été licenciée à l'âge de 37 ans avec 16 ans et 1 mois d'ancienneté dans une entreprise employant plus de onze salariés. Son salaire brut moyen s'élevait à 1883,00€.

Elle fait valoir qu'elle avait toujours travaillé dans cette entreprise, où elle avait débuté après y avoir fait son apprentissage, qu'il lui a donc été particulièrement douloureux de subir un licenciement pour une faute grave inexistante, que le contexte lui a créé un stress important ayant nécessité son placement sous anxiolytiques et qu'il lui a été impossible de retrouver un emploi stable et a multiplié les périodes de chômage. Mme [O] communique ses avis d'imposition sur ses revenus 2016 et 2017 et souligne la baisse significative de ses revenus dans les mois qui ont suivi son licenciement

Le préjudice de Mme [O] doit ainsi être évalué en prenant en compte ces différents éléments et sera réparé par l'octroi d'une somme de 35.000 € net.

Mme [O], licenciée pour faute grave, est également fondée à solliciter, pour des montants non autrement contestés :

- au titre de son indemnité de licenciement la somme de 6.747,42 €,

- au titre du rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire du 22 septembre 2015 au 13 octobre 2015, une somme de 1.365,88 € brut augmentée de 136,58 € de congés payés,

- au titre de l'indemnité de préavis la somme de 3.766 € brut augmentée de 376,60 € de congés payes afférents.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Par application combinée des articles L.1235-3 et L.1235-4 du code du travail, lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Sur ce fondement, il y a lieu de condamner la société CELTAT à rembourser à Pôle Emploi les indemnités payées à Mme [O] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois d'indemnités à concurrence de 6.649,20 € suivant le décompte produit, visant la période de novembre 2015 à juillet 2016 (pièce n°1), non discuté par l'appelante.

Le jugement entrepris sera donc réformé seulement en ce que les premiers juges, ayant fixé la limite de cette indemnisation à six mois, n'en avaient pas pu en déterminer le montant.

Sur les frais irrépétibles

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf sur le montant des dommages et intérêts versés à Mme [O] des suites du licenciement nul et du montant des indemnités de chômage perçues par Mme [O] et à rembourser à Pôle Emploi ;

Statuant à nouveau de ces seuls chefs,

CONDAMNE la société CELTAT à verser à Mme [O] à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de son licenciement nul'la somme de 35.000 € net ;

CONDAMNE la société CELTAT à payer à Pôle Emploi la somme de 6.649,20 € à titre de remboursement des indemnités de chômage perçues par Mme [O] par suite de son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Et y ajoutant,

CONDAMNE la société CELTAT à payer à Mme [L] [O] la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE la société CELTAT à payer à Pôle Emploi la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

DÉBOUTE la société CELTAT de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société CELTAT aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/00225
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;19.00225 ?
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