La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/04/2022 | FRANCE | N°21/07140

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 27 avril 2022, 21/07140


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 21/07140 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SGYS













CPAM DU FINISTERE



C/



Mme [J] [T] épouse [Z]































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM

DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 AVRIL 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Mme Adeline TIREL, lors des débats, et M...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 21/07140 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SGYS

CPAM DU FINISTERE

C/

Mme [J] [T] épouse [Z]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 AVRIL 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Adeline TIREL, lors des débats, et Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 Février 2022

devant Madame Véronique PUJES, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Avril 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 20 Juillet 2020

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de QUIMPER

****

APPELANTE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU FINISTERE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Mme [B] [C] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE :

Madame [J] [T] épouse [Z]

[Adresse 7]

[Localité 3]

représentée par Me Bernard RIOU, avocat au barreau de QUIMPER substitué par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, avocat au barreau de RENNES

EXPOSE DU LITIGE

Mme [J] [T] épouse [Z], née le 13 février 1954 et domiciliée à [Localité 8] (29) a fait parvenir à la caisse d'assurance maladie du Finistère (la caisse), une demande d'entente préalable établie le 18 octobre 2018, concernant des transports assis professionnalisés (en avion), pour se rendre de son domicile à l'Institut [5] de [Localité 12] (94).

Par lettre du 26 octobre 2018, la caisse a informé Mme [Z] de la limitation du remboursement des déplacements de son domicile à [Localité 4], au motif que c'est dans cette ville que se situe la structure de soins appropriée la plus proche.

Mme [Z] a sollicité la mise en oeuvre d'une expertise médicale technique aux fins de contester cette limitation de prise en charge. Les opérations d'expertise se sont déroulées le 4 juillet 2019 à l'issue desquelles l'expert, le docteur [K], a conclu que 'les soins requis pour Mme [Z] [J] peuvent être dispensés au CHU de [Localité 4]'.

En conséquence, par notification du 14 février suivant, la caisse a informé l'assurée qu'elle maintenait sa décision initiale.

Mme [Z] a saisi la commission de recours amiable, laquelle, lors de sa séance du 25 juillet 2019, a 'confirmé le principe de limitation de prise en charge des frais de transport sur la base de [Localité 4]'.

Le 30 septembre 2019, Mme [Z] a porté sa contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire de Quimper.

Par jugement avant-dire droit du 23 mars 2020, ce tribunal a annulé le rapport d'expertise et a ordonné une nouvelle expertise technique confiée au docteur [H].

Ce médecin a procédé aux opérations d'expertise le 18 mai 2020 et a transmis son rapport le 8 juin suivant.

Par jugement du 20 juillet 2020, le tribunal a :

- déclaré recevable et bien fondé le recours de Mme [Z] ;

- dit que la caisse doit prendre en charge les frais de transports aller et retour de Mme [Z] entre son domicile sis à [Adresse 9] et l'Institut [5] de [Localité 12] dans le cadre des soins en lien avec ses pathologies cancéreuses ;

- condamné la caisse à verser la somme de 800 euros à Mme [Z] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la caisse aux dépens.

Le 7 août 2020, la caisse a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié à une date qui ne peut être connue en l'état du dossier, avec néanmoins cette précision que cet appel a été en tout état de cause effectué dans le mois du jugement.

L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 20/03946.

Par ordonnance du 20 avril 2021, le Premier président de la cour d'appel de Rennes a :

- ordonné la radiation de l'affaire ;

- dit que cette affaire pourra être réenrôlée à nouveau, sur son autorisation, et après justification de l'exécution ;

- condamné la caisse aux dépens.

Par ordonnance du 26 octobre 2021 constatant l'exécution du jugement par la caisse, le Premier président de la cour d'appel de Rennes a autorisé le ré-enrôlement du dossier et laissé les dépens de l'incident à la charge de la caisse.

L'affaire a été ré-enrôlée sous le numéro RG 21/07140.

Par ses écritures additionnelles et récapitulatives parvenues au greffe le 6 janvier 2022 auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, la caisse demande à la cour, au visa des articles L. 141-1 et suivants, R. 322-10-5 et suivants du code de la sécurité sociale :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté les conclusions d'expertise ;

- de constater que les formalités de l'expertise médicale du docteur [H] ont été respectées et que son avis est clair et sans équivoque ;

- de juger, en conséquence, au regard des conclusions d'expertise, que Mme [Z] pouvait recevoir des soins appropriés à son état dans une structure de soins plus proche de son domicile, en l'occurrence à [Localité 4] ou [Localité 11] ;

- de confirmer le principe de la limitation de la prise en charge des frais de transports et condamner Mme [Z] à lui rembourser les frais avancés en exécution du jugement ;

- de déclarer Mme [Z] mal fondée dans ses prétentions pour la débouter de son recours.

Par ses écritures parvenues au greffe le 18 janvier 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, Mme [Z] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- débouter la caisse de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;

En conséquence,

- déclarer recevable et bien fondé son recours ;

- infirmer la décision de rejet de la commission de recours amiable du 31 juillet 2019 ;

- juger que la caisse doit prendre en charge ses frais de transports aller et retour entre son domicile à [Adresse 9] et l'Institut [5] de [Localité 12] dans le cadre des soins en lien avec ses pathologies cancéreuses ;

- ordonner l'exécution provisoire ;

- condamner la caisse au versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la caisse aux dépens de première instance et d'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article L.141-2 du code de la sécurité sociale dispose que : ' Quand l'avis technique de l'expert ou du comité prévu pour certaines catégories de cas a été pris dans les conditions fixées par le décret en Conseil d'Etat auquel il est renvoyé à l'article L. 141-1, il s'impose à l'intéressé comme à la caisse. Au vu de l'avis technique, le juge peut, sur demande d'une partie, ordonner une nouvelle expertise'.

Ainsi, les conclusions de l'expert, lorsqu'elles sont motivées, claires, précises et dépourvues d'ambiguïté, s'imposent aux parties ainsi qu'au juge tant que la régularité de l'avis de l'expert n'est pas contestée et qu'aucune partie n'a demandé une nouvelle expertise.

Le juge qui n'estime pas nécessaire d'ordonner un complément d'expertise ou, sur demande des parties, une nouvelle expertise, est lié par les conclusions de l'expert (2e Civ 9 juillet 2015, n°14-17.063 ; 2e Civ., 12 octobre 2017, n°16-19.056).

En l'espèce, le tribunal, dans un jugement du 23 mars 2020, a ordonné une expertise médiale technique confiée au docteur [H], avec mission de dire si Mme [Z] pouvait recevoir des soins appropriés à son état dans une structure de soins plus proche de son domicile que l'Institut [5] de [Localité 12] en région parisienne et se prononcer sur la nécessité de poursuivre le protocole cancéreux établi par cet institut au sein de ce dernier.

L'expert, au terme de son rapport du 8 juin 2020, a conclu comme suit :

'Madame [T] pouvait recevoir les soins appropriés à son état, au moins depuis 2014, dans une structure de soins oncologiques plus proche de son domicile tel que le centre hospitalier de [Localité 11] ou le CHRU de [Localité 4].

Le centre hospitalier de [Localité 11] étant le plus proche.

Il n'y a pas de nécessité médicale, autre que le lien de confiance établi avec l'équipe de l'[6], à poursuivre le protocole cancéreux à l'IGR de [Localité 10]'.

Aux termes dudit jugement, le tribunal n'a pas suivi l'avis de l'expert et a décidé que la caisse devait prendre en charge les frais de transport aller-retour de l'assurée entre son domicile et l'Institut [5] de [Localité 12].

Or, le tribunal, quels que soient les éléments de fait et de preuve soumis par les parties, ne pouvait trancher lui-même la difficulté médicale qui lui était soumise. S'il estimait que les conclusions de l'expert technique, dont la régularité n'était pas contestée par les parties, n'étaient pas claires et précises, il lui appartenait de recourir à un complément d'expertise ou, sur demande d'une partie, à une nouvelle expertise.

Force est donc de constater qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal a excédé ses pouvoirs.

Quoiqu'il en soit, il appartient désormais à la cour de statuer sur la question en litige.

L'article R. 322-10-5 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable depuis le 27 février 2015 dispose :

'I.-Le remboursement des frais de transport mentionnés aux b à f du 1° de l'article R. 322-10 est calculé sur la base de la distance séparant le point de prise en charge du malade de la structure de soins prescrite appropriée la plus proche.'

En l'espèce, l'expert rappelle que Mme [Z] présente un cancer du sein depuis 1998, diagnostiqué par l'[6]; qu'elle a subi une intervention chirurgicale, une chimiothérapie, une radiothérapie et une hormonothérapie puis a bénéficié d'un suivi régulier progressivement espacé jusqu'en novembre 2010, date à laquelle a été mise en évidence une lésion secondaire osseuse au niveau du bassin nécessitant une nouvelle radiothérapie puis une cryothérapie en juin 2012 ; qu'elle a bénéficié depuis lors de nouveau d'un suivi régulier soit en Bretagne soit à [Localité 12] jusqu'en septembre 2019, date à laquelle a été découverte une nouvelle lésion osseuse pour laquelle elle restait en attente d'une décision thérapeutique non définie à la date de l'expertise.

Pour conclure que la structure de soins appropriée la plus proche du domicile de l'assurée était le centre hospitalier de [Localité 11], l'expert observe que :

- le plan cancer 2003 a établi la tenue de réunions de concertation pluridisciplinaire visant à améliorer la qualité de la prise en charge des patients et favoriser l'accès aux innovations thérapeutiques ; que ces équipes adressent si nécessaire les patients à des équipes oncologiques plus spécialisées pour un accès à des techniques particulières ou pour être inclus dans des essais thérapeutiques menés par des équipes référentes;

- Mme [Z] a rapporté ne pas être incluse dans un essai thérapeutique ou protocole de soins particulier ;

- le traitement suivi par l'assurée à l'époque de l'expertise (juin 2020) associant [W] et [R] était le même depuis 2011 ; qu'il s'agit de molécules couramment utilisées en oncologie dans la pathologie dont est atteinte Mme [Z] et prescrites par l'ensemble des équipes spécialisées notamment celles de [Localité 11] et de [Localité 4] ;

- le suivi actuel et passé de la pathologie du sein gauche de Mme [Z] ne relève d'aucune orientation médicale mais d'un choix de l'intéressée, reconnu par celle-ci, fondé sur la réputation de l'[6] qu'elle connaissait avant d'arriver en Bretagne à laquelle s'ajoute une perte de confiance dans les équipes médicales du Finistère auxquelles elle reproche au moins une erreur de diagnostic en 2010.

Les conclusions de l'expert sont claires, précises et non équivoques quant à la structure de soins appropriée la plus proche. S'il émet une réserve quant à la prise en charge de la lésion osseuse diagnostiquée en 2010 ayant justifié une cryothérapie en juin 2012, technique dont Mme [Z] indiquait qu'elle n'existait qu'à [Localité 10] à cette époque, la cour observe que cette information est en tout état de cause inopérante s'agissant d'un examen pratiqué antérieurement à la demande d'entente préalable en litige et que l'assurée ne justifie pas avoir ou devoir subir de nouveau ce type d'examen.

Sans remettre en cause l'importance de la relation de confiance entre le patient et l'équipe soignante, la cour retient qu'aucun élément d'ordre médical ne vient contredire les conclusions de l'expert sur la difficulté d'ordre médical en litige. Le certificat médical établi le 4 mai 2020 par le docteur [P] de l'[6], dont l'expert a pris connaissance, indiquant que Mme [Z] 'est prise en charge par l'Institut pour un carcinome canalaire infiltrant du sein métastatique au niveau osseux actuellement sous [R] et [W]' et 'nécessite de continuer sa prise en charge à Gustave Roussy' est à cet égard insuffisant en ce qu'il ne remet nullement en cause l'avis de l'expert et ne caractérise pas en quoi l'Institut serait une structure plus appropriée que le centre hospitalier de [Localité 11] ou encore le CHRU de [Localité 4] pour suivre Mme [Z].

Le principe de la limitation opposée par la caisse à Mme [Z] sera dans ces conditions entériné sur la base d'un trajet entre d'une part le domicile de l'assurée et d'autre part [Localité 4] ou [Localité 11] comme accepté par la caisse dans ses écritures soutenues à l'audience.

Le jugement entrepris sera dès lors infirmé et Mme [Z] déboutée de ses demandes.

Le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement. Il s'ensuit qu'il n' y a pas lieu de statuer sur la demande de remboursement de la caisse.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de Mme [Z] qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il déclare le recours de Mme [Z] recevable ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que la structure de soins appropriée la plus proche du domicile de Mme [Z] est celle de [Localité 4] ou de [Localité 11] ;

Dit en conséquence que les frais de transport de Mme [Z] seront pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère sur la base des trajets entre le domicile de Mme [Z] et l'une ou l'autre des structures de soins suivantes : CHRU de [Localité 4] ou centre hospitalier de [Localité 11] ;

Déboute Mme [Z] de toutes ses demandes ;

Condamne Mme [Z] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 21/07140
Date de la décision : 27/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-27;21.07140 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award