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27/04/2022 | FRANCE | N°19/07907

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 27 avril 2022, 19/07907


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRET N°



N° RG 19/07907 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QJ3U













SAS RANDSTAD



C/



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU FINISTERE





















Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 AVRIL 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Adeline TIREL, lors de...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRET N°

N° RG 19/07907 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QJ3U

SAS RANDSTAD

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU FINISTERE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 AVRIL 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Adeline TIREL, lors des débats, et Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 Février 2022

devant Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Avril 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 18 Septembre 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Pôle social du Tribunal de Grande Instance de BREST

****

APPELANTE :

SAS RANDSTAD

Service AT

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Philippe BODIN, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU FINISTERE

Service contentieux

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Mme [R] [U], en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 17 février 2017, la société Randstad (la société) a complété une déclaration d'accident de travail concernant son salarié M. [B], mis à la disposition de la société Triskalia, en mentionnant les circonstances suivantes : 'M. [B] est sur un poste de micro-dosage. En tirant sur le transpalette manuel, il aurait ressenti une douleur au dos.'

Le certificat médical initial établi par le docteur [F] le 17 février 2017, fait état d'un 'lumbago'.

Le 27 février 2017, la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère (la caisse) a reconnu le caractère professionnel de l'accident dont a été victime M. [B].

Contestant l'opposabilité de cette décision de prise en charge et l'ensemble des conséquences financières en découlant, la société a saisi le 8 août 2017 la commission de recours amiable de la caisse, laquelle a, lors de sa séance du 23 novembre 2017, rejeté sa demande.

Le 4 octobre 2017, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest.

Par jugement du 18 septembre 2019, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Brest, a :

- débouté la société de son recours ;

- condamné la société aux dépens.

Par déclaration adressée le 24 avril 2019, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 8 avril 2019.

Par ses écritures parvenues au greffe le 22 mars 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

A titre principal :

- constater qu'il existe une rupture dans la continuité des symptômes ;

- déclarer inopposables à la société les arrêts prescrits à M. [B] à compter du 24 mars 2017, sans relation de causalité avec l'accident du 17 février 2017 ;

A titre subsidiaire, avant-dire droit,

- ordonner la mise en oeuvre d'une expertise médicale judiciaire sur pièces ;

- nommer un expert ayant pour mission de :

* retracer l'évolution des lésions de M. [B] ;

* dire si l'ensemble des lésions de M. [B] sont en lien unique et direct avec l'accident de travail initial survenu le 17 février 2017 ;

* dire si l'évolution des lésions de M. [B] est due à un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte, à un nouveau fait accidentel, ou un état séquellaire ;

* déterminer quels sont les arrêts de travail et les lésions de M. [B] directement et uniquement imputables à l'accident du travail initial du 17 février 2017 ;

* fixer une nouvelle date de consolidation, si les arrêts de travail ne sont pas la conséquence directe de l'accident du 17 février 2017 ;

* dire que l'expert convoquera les parties à une réunion contradictoire, afin de recueillir leurs éventuelles observations ;

* dire que le service médical de la caisse devra communiquer l'entier dossier médical à l'expert pour l'accomplissement de sa mission ;

- enjoindre au service médical de la caisse de communiquer l'ensemble des documents médicaux constituant le dossier de M. [B] à l'expert qui sera désigné par vos soins.

Par ses écritures parvenues au greffe le 30 décembre 2020auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour, au visa des articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et de leur application jurisprudentielle, de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- constater que dans ses rapports avec la société la caisse établit la relation et la justification des arrêts prescrits à M. [B] à la suite de son accident du travail, pendant toute la période d'incapacité jusqu'au 20 janvier 2018, date de la consolidation, que la présomption d'imputabilité s'applique et qu'elle n'est aucunement détruite par l'employeur par la preuve que le travail n'a joué aucun rôle de facteur déclenchant ;

- confirmer, en conséquence, l'opposabilité à l'égard de la société de la décision de prise en charge de l'ensemble des conséquences médicales de l'accident du travail du 17 février 2017 ;

- rejeter la demande d'expertise médicale judiciaire en l'absence d'éléments médicaux permettant de la justifier ;

- dans l'hypothèse où une expertise médicale serait ordonnée, condamner la société à en assumer les frais ;

- déclarer la société mal fondée dans ses prétentions pour la débouter de son recours.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 - Sur l'opposabilité à la société des arrêts et soins pris en charge par la caisse :

Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime (2e Civ., 17 février 2011, n° 10-14.981).

Cette présomption trouve à s'appliquer même en l'absence de production par la caisse en phase contentieuse des certificats d'arrêts de travail ou plus généralement des pièces du dossier médical du salarié dès lors que l'arrêt a été prolongé de manière ininterrompue.

La présomption s'applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident, mais également aux lésions nouvelles apparues dans les suites de l'accident dès lors qu'il existe une continuité de soins et de symptômes.

La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire (2e Civ., 9 juillet 2020, n° 19-17.626).

En l'espèce, le docteur [F], aux termes du certificat médical initial du 17 février 2017, a prescrit un arrêt de travail jusqu'au 24 février 2017, prolongé ensuite de manière continue jusqu'au 20 janvier 2018, date de la consolidation.

Le docteur [V], médecin de recours de la société, n'a d'ailleurs pas fait mention dans sa note technique (pièce n°3 de la société) d'une difficulté s'agissant de la continuité des arrêts de travail jusqu'à la consolidation.

Il est établi enfin que le médecin conseil de la caisse a procédé à un contrôle de ces arrêts de travail le 20 avril 2017 (pièce n°5 de la caisse).

Force est de constater que la caisse justifie du caractère ininterrompu des arrêts de travail du 17 février 2017, date du certificat médical initial, au 20 janvier 2018, date de la consolidation, de sorte qu'elle bénéficie de la présomption d'imputabilité pour cette période.

Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, à savoir celle de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.

La société, qui invoque le caractère bénin du traumatisme initial et la durée excessive des arrêts de travail (338 jours), se fonde sur la note technique du docteur [V], lequel conclut ainsi son analyse :

« Je constate que M. [B] a présenté le 17 février 2017 une lombalgie aiguë (ou lumbago) non compliquée, en particulier sans constatation d'une souffrance radiculaire, notamment sciatique, lors de 3 consultations médicales effectuées les 21 février, 3 mars, et 10 mars 2017.

Dans le cas présent, nous sommes en présence d'une lésion sans caractère de gravité. En effet, il n'a été identifié aucune lésion anatomique. On relève l'absence de référence initiale à des examens complémentaires radiographiques ou à la nécessité d'adresser le patient à une consultation spécialisée.

L'évolution médicale attendue d'une telle pathologie, en l'absence d'état antérieur ou de complications avérées, est une guérison à échéance de 3 à 4 semaines à l'issue d'un traitement médical simple et d'une courte période de repos. Passé ce délai, le blessé n'est habituellement plus dans l'incapacité totale d'exercer une activité et, a fortiori, est médicalement apte au travail au sens de l'Assurance Maladie.

En tout état de cause, la sciatique gauche déclarée tardivement, le 24 mars 2017, caractérise une nouvelle lésion qui aurait dû faire l'objet d'une appréciation d'imputabilité de la part de la caisse. En effet, il y avait lieu de rejeter le lien direct et exclusif entre une pathologie sciatique dont on peut affirmer qu'elle n'est pas contemporaine du fait accidentel, au regard d'une première constatation médicale notifiée plus d'un mois après les faits en l'absence de toute continuité évolutive documentée d'une symptomatologie radiculaire jusque-là.

Il est certain que le seul lumbago survenu le 17 février 2017 ne peut expliquer de telles suites médicales.

Nous sommes donc en présence d'une pathologie interférente évoluant pour son propre compte en dehors de tout lien avec le travail.

En conséquence, il apparaît licite de contester l'origine professionnelle des prolongations d'arrêt de travail au-delà du 23 mars 2017, en l'absence de complication ou évolution médicale défavorable avérée de la lésion imputable (lombalgie aiguë) et dès lors que des éléments factuels orientent vers l'existence d'une pathologie médicale interférente sans relation avec l'accident du travail (sciatique gauche)».

Il convient de relever en premier lieu que le caractère disproportionné entre la durée des arrêts de travail et l'accident déclaré est insuffisant pour renverser la présomption d'imputabilité.

De simples doutes fondés sur la supposée bénignité de la lésion et la longueur de l'arrêt de travail ne sauraient suffire à remettre en cause le bien-fondé de la décision de la caisse. (2e Civ., 16 février 2012, n° 10-27.172)

La caisse produit les certificats de prolongation d'arrêts de travail qui visent tous le même siège de lésion (lumbago, lombalgie suite à effort de machine, lombalgie, sciatique gauche lombalgie, lombosciatique, sciatique gauche, lombosciatique gauche)(pièce n°4).

La note technique du docteur [V] qui ne contient que des affirmations et des considérations générales non documentées n'est pas de nature à jeter un doute sur le lien entre les arrêts de travail postérieurs au 23 mars 2017 et l'accident initial.

L'apparition de nouvelles lésions déclarées au titre de l'accident du travail initial avant la consolidation n'imposait au demeurant à la caisse aucune procédure d'information de l'employeur. (2e Civ., 28 mai 2014, pourvoi n° 13-16.871)

La demande d'expertise sera en conséquence rejetée.

Il est justifié dès lors, sans porter atteinte au droit à un procès équitable ou rompre l'égalité des armes entre les parties en refusant d'ordonner une expertise, de dire que la prise en charge des arrêts de travail consécutifs à l'accident du travail est opposable à l'employeur ( 2e Civ., 6 novembre 2014, n° 13-23.414).

Il résulte de la combinaison des articles 10, 143 et 146 du code de procédure civile que les juges du fond apprécient souverainement l'opportunité d'ordonner les mesures d'instruction demandées. Le fait de laisser ainsi au juge une simple faculté d'ordonner une mesure d'instruction demandée par une partie, sans qu'il ne soit contraint d'y donner une suite favorable, ne constitue pas en soi une violation des principes du procès équitable, tels qu'issus de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou du principe du contradictoire.

Au regard de l'ensemble des pièces produites par la caisse qui sont suffisantes pour trancher le litige soumis à la cour, force est de considérer que les éléments de contestation produits par la société appelante ne sont pas en eux-mêmes de nature à renverser la présomption légale d'imputabilité dès lors qu'elle n'établit pas que les soins et arrêts de travail prescrits et pris en charge au titre de l'accident du travail trouvent leur origine exclusive dans une cause totalement étrangère au travail, ni de nature à accréditer ou créer un doute quant à l'existence d'une cause propre à renverser la présomption d'imputabilité qui s'attache à la lésion initiale de l'accident, à ses suites et à ses complications survenues ultérieurement.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, précision apportée que l'ensemble des arrêts et soins pris en charge par la caisse, au titre de la législation professionnelle, dans les suites de l'accident subi par M. [B] le17 février 2017, sera déclaré opposable à la société.

2 - Sur les dépens :

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement dans toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

DÉCLARE opposable à la société Randstad l'ensemble des arrêts et soins pris en charge par la caisse, au titre de la législation professionnelle, dans les suites de l'accident subi par M. [B] le 17 février 2017 ;

CONDAMNE la société Randstad aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/07907
Date de la décision : 27/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-27;19.07907 ?
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