5ème Chambre
ARRÊT N°-131
N° RG 19/04775 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P6DQ
SCI THOUARE BG
C/
SARL M.J.M
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 27 AVRIL 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 Février 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Avril 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
SCI THOUARE BG immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de SAINT NAZAIRE (44600) sous le numéro 488 341 157, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Benoît BOMMELAER de la SELARL CVS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Bertrand LARONZE de la SELARL CVS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE :
SARL M.J.M prise en la personne de son gérant domicilié ès qualités au siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Corentin CRIQUET, Plaidant, avocat au barreau d'ANGERS
Représentée par Me Mikaël BONTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Suivant acte sous seing privé du 1er décembre 2015, la SCI Thouare BG a donné à bail précaire d'une durée de 6 mois jusqu'au 31 mai 2016 des locaux de 500 m2 environ à usage d'entrepôt et de 100 m2 environ de bureaux dans un ensemble immobilier situé [Adresse 6] à [Localité 5] à la SARL MJM moyennant un loyer annuel de 18 000 euros hors taxes hors charges payable mensuellement d'avance.
La SARL MJM est restée dans les lieux jusqu'à la cession de l'immeuble intervenue le 29 décembre 2016 entre la SCI Thouare BG et la SCI JM Invest.
La SARL MJM et la SCI JM INVEST ont le même gérant, M. [W] [H].
Soutenant que le locataire ne lui a pas réglé une majoration du loyer prévue par l'article 35 du bail postérieurement au 1er juin 2016, la SCI Thouare BG a fait assigner la SARL MJM devant le tribunal de grande instance de Nantes par acte d'huissier du 17 janvier 2018 pour solliciter le paiement des sommes de :
- 6 241,94 euros HT, soit 7 490,33 euros TTC, au titre des loyers impayés avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- 5 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
avec exécution provisoire de la décision et condamnation aux dépens, y compris les frais d'un commandement de 19 janvier 2017 et dont distraction
au profit de son avocat.
Par jugement en date du 4 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Nantes a :
- constaté une créance de 6 241,94 euros hors taxes ou 7 490,33 euros TTC
de la SCI Thouare BG sur la SARL MJM au titre des loyers restant dus,
- constaté une créance de 6 241,94 euros hors taxes de la SARL MJM sur la SCI Thouare BG a titre de dommages et intérêts,
- ordonné la compensation entre les créances respectives des parties et constaté leur extinction,
- rejeté toutes autres prétentions plus amples ou contraires,
- laissé à chaque partie la charge des dépens qu'elle aura exposés.
Le 15 juillet 2019, la SCI Thouare BG a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 9 avril 2020, elle demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nantes le 4 juillet 2019 en ce qu'il a :
* condamné la SARL MJM à payer à la SCI Thouare BG une somme de 6 241,94 euros HT, soit 7 490,33 euros TTC, au titre des loyers impayés avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
* débouté la SARL MJM. de sa demande de dommages-intérêts à
hauteur de 2 000 euros pour procédure abusive,
- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nantes le 4 juillet 2019 en ce qu'il :
* a constaté une créance de 6 241,94 Euros de la SARL MJM. sur la SCI Thouare BG à titre de dommages et intérêts,
* a ordonné la compensation entre les créances réciproques,
* n'a pas condamné la SARL MJM. à lui payer une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour réticence abusive,
* n'a pas condamné la SARL MJM. à lui payer une somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
* n'a pas condamné la SARL MJM. aux entiers dépens dont les frais du commandement de payer signifié le 19 janvier 2017,
Statuant de nouveau :
- débouter la SARL MJM de l'intégralité de ses demandes, fins et
prétentions à l'encontre de la SCI Thouare BG,
- débouter la SARL MJM de sa demande de dommages-intérêts à
hauteur de 6 241,94 euros et de sa demande de compensation de sa
créance avec la créance de complément de loyer de la SCI Thouare BG,
- condamner la SARL MJM à payer à la SCI Thouare BG une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour réticence abusive,
- condamner la SARL MJM à payer à la SCI Thourare BG une somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL MJM aux entiers dépens qui comprendront les frais du commandement de payer signifié le 19 janvier 2017 (pièce n° 3) et qui seront recouvrés par la SELARL CVS (Maître Bertrand Laronze), avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Y ajoutant :
- condamner la SARL MJM. à payer à la SCI Thouare BG une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel,
- condamner la même aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SELARL CVS (Maître Benoît Bommelaer), avocats aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 7 janvier 2022, la SARL MJM demande à la cour de :
A titre principal :
- dire la société MJM recevable et bien fondée en ses conclusions,
- l'y recevant et y faisant droit,
A titre principal :
- réformer le jugement rendu le 4 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Nantes en ce qu'il a constaté une créance de la SCI Thouare BG sur la Société MJM au titre des loyers,
- débouter la SCI Thouare BG de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire :
- condamner la SCI Thouare BG au paiement de la somme de 6 241,94 euros à titre de dommages et intérêts et ordonner la compensation de la créance de la société MJM à ce titre avec la créance de complément de loyer de la SCI Thouare BG,
- après compensation, constater l'extinction de la créance de la SCI Thouare BG au titre des compléments de loyer et la débouter de plus fort de ce chef de demande,
- condamner la SCI Thouare BG au paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner la même aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Mikaël Bonte ainsi qu'au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 janvier 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la demande de la société Thouare BG de condamnation en paiement d'un complément de loyer
A titre liminaire, il convient de relever que la société Thouare BG sollicite, aux termes de ses conclusions, de voir confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL MJM à lui payer la somme de 6 241,94 euros HT soit 7 490,33 euros TTC au titre des loyers impayés au taux légal à compter de l'assignation or le jugement n'a prononcé aucune condamnation et s'est contenté de constater l'existence de créances mutuelles entre les parties avant d'ordonner leur compensation.
La société Thouare BG demande la condamnation de la société MJM à lui verser la somme de 6 241,94 euros HT ou correspondant au reliquat des sommes dues au titre du complément de loyer entre juin 2016 et décembre 2016 en faisant valoir qu'il n'y a pas eu de novation du contrat et qu'elle n'a pas renoncé à solliciter le paiement des sommes dues.
Elle soutient que la modification du loyer ne constitue pas une novation mais une modification des modalités d'exécution du contrat et qu'en tout état de cause, la preuve d'une volonté commune de renoncer au loyer majoré n'est pas démontrée.
Elle fait valoir que si elle a accepté d'encaisser le montant initial du loyer de 1 500 euros HT et non le loyer majoré de 1 800 euros HT à compter de juin 2016, elle n'avait pas pour autant renoncé à solliciter l'intégralité du paiement du loyer contractuellement fixé et qu'elle a d'ailleurs délivré un commandement de payer à la société MJM le 19 janvier 2017 alors que la vente de l'immeuble était intervenue le 29 décembre 2016.
La société MJM s'oppose à cette demande en faisant valoir que le décompte des sommes locatives dues mentionnant le loyer initial de 1 500 euros HT adressé par la société Thouare BG à la société MGM à l'issue de la réitération de la cession caractérise l'accord des parties sur la novation de l'obligation initiale contenue au bail dérogatoire en son article 35 qui prévoit que si le bail venait à se prolonger, le loyer serait de 2 400 euros HT par mois.
Elle ajoute que la société Thouare BG a renoncé à l'application de l'article 35 du bail dérogatoire qui prévoyait un loyer majoré à compter du 1er juin 2016 en facturant des loyers de 1 500 euros HT à compter de juin 2016 jusqu'à ce qu'elle cesse d'être propriétaire. La société MJM considère que cette manifestation de volonté ne procède pas d'une attitude passive, d'une tolérance ou d'un accord tacite telle que visés par l'article 21 du bail et que le fait que la société Thouare BG soit revenue sur sa position en délivrant un commandement de payer le 19 janvier 2017 est sans incidence.
Aux termes des dispositions de l'article 1134 du code civil dans sa version applicable au litige, 'les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faîtes.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi'.
L'article 29 du bail dérogatoire fixe sa durée à 6 mois avec comme date de prise d'effet le 1er décembre 2015 et comme date de fin de bail dérogatoire le 31 mai 2015.
L'article 30 prévoit notamment que le bail est conclu moyennant un loyer annuel de 18 000 euros HT soit 1 500 euros HT par mois.
L'article 35 relatif aux dispositions particulières prévoit 'dans le cas où le présent bail viendrait à se prolonger, en 3/6/9 ou en dérogatoire, le loyer sera de 2 400 euros HT/HC par mois. Le bailleur valide auprès du preneur la vente de l'immeuble objet du présent bail à un prix de 285 000 euros net vendeur. Cette vente est conditionnée par une condition suspensive de financement à lever avant le 01/02/2016".
Il est constant que la société MJM est restée dans les lieux jusqu'à la vente de l'immeuble le 29 décembre 2016 et qu'elle n'a réglé que le loyer initial de 1 500 euros par mois et non le loyer exigible de 2 400 euros HT à compter du 1er juin 2016 en vertu de l'article 35 du bail dérogatoire.
La société Thouare BG réclame le reliquat de loyer dus s'élevant à la somme globale de 6 241,94 euros HT soit 7 490,33 euros TTC correspondant à la différence de 900 euros HT mois (2 400 - 1 500) entre juin 2016 et au prorata de décembre 2016. La société MJM ne conteste pas ce décompte mais soutient qu'une novation est intervenue entre les parties consistant à maintenir le loyer initial de 1 500 euros HT jusqu'au 29 décembre 2016.
Aux termes de l'article 1273 du code civil applicable au litige 'la novation ne se présume point ; il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte'.
Comme le relève à juste titre la société Thouare BG dans ses écritures, la modification du loyer ne constitue pas une novation, mais seulement une modification des modalités de fixation et de paiement des loyers, sans changement de l'objet ou de la cause du contrat originaire.
La société MJM tente de soutenir qu'en renonçant au bénéfice des dispositions de l'article 35 du bail dérogatoire prévoyant une majoration de loyer au cas où le bail se prolongerait, la société Thouare BG a fait part de son intention de nover.
Il est constant que l'intention de nover, lorsqu'elle n'est pas exprimée dans un acte, doit être appréciée au vu des éléments, des circonstances ayant entouré l'opération et des relations entretenues entre les parties. Or en l'espèce, la société Thouare BG a délivré un commandement de payer les sommes dues au titre du loyer majoré le 19 janvier 2017, ce qui contredit sa volonté de nover. Par ailleurs, il ne peut être soutenu que la société Thouare BG a entendu renoncer au bénéfice de l'entier article 35 du bail puisqu'il prévoit également la vente de l'immeuble, objet du présent bail auprès du preneur qui s'est concrétisée. A cet égard, le compromis signé le 14 octobre 2016 entre le gérant de la société MJM et la société Thouare BG ne comporte aucune mention concernant le montant du loyer.
Par conséquent, la novation invoquée par la société MJM n'est pas caractérisée en l'espèce.
La société MJM ajoute que la société Thouare BG a clairement manifesté son intention de renoncer aux dispositions de l'article 35 du bail en présentant un compte locatif actualisé au moment de la réitération de la cession mentionnant des loyers de 1 800 TTC soit 1 500 euros HT correspondant au montant du loyer initial.
Or, comme il a été précédemment rappelé, la société Thouare BG a délivré à la société MJM un commandement de payer le 19 janvier 2017 pour les loyers dus, ce qui démontre son intention de recouvrer l'intégralité des sommes dues.
Par ailleurs, l'article 21 du bail dérogatoire prévoit après avoir rappelé les articles 1134 et 1135 du code civil qu'il 'est formellement convenu que toutes tolérances de la part du bailleur au sujet des prescriptions du contrat ne pourront jamais, quelles qu'en soient la fréquence et la durée, être considérées comme modification ou suppression de ces dispositions. Le preneur ne pourra en aucun cas se prévaloir d'une attitude passive ou d'un accord tacite du bailleur pour la non exécution de ses obligations'.
Au vu de ces dispositions, le preneur ne peut reprocher au bailleur un accord tacite pour se soustraire à ses obligations aux termes desquelles le paiement du loyer prévu au contrat de bail. Dès lors, le compte locatif actualisé au moment de la réitération de la cession mentionnant des loyers au montant initial et non majoré ne peut être invoqué par la société MJM pour justifier l'absence de paiement du loyer majoré prévu au contrat de bail en son article 35.
Par conséquent, le jugement a relevé à bon droit que la société Thouare BG était en droit d'obtenir le paiement de la somme réclamée à hauteur de 900 euros HT par mois de juin à novembre 2016 et de 841,94 euros HT au titre du prorata d'occupation de décembre 2016 soit un total de 6 241,94 HT ou 7 490,33 euros TTC.
- Sur la demande de la société MJM de condamnation en paiement de dommages et intérêts
La société Thouare BG sollicite la réformation du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une somme de 6 241,94 euros à titre de dommages-intérêts en raison de son retard fautif à régulariser le compromis de vente.
Elle fait valoir que la société MJM, n'étant pas partie à la vente régularisée au profit de la SCI JM INVEST, ne peut se prévaloir d'une quelconque faute de sa part dans la réalisation de la vente. Elle précise qu'il n'y a jamais eu d'engagement direct envers la société MJM de la part de la société Thouare BG de lui vendre l'immeuble, la vente n'ayant été envisagée qu'au seul profit de M.[H] et elle considère que le bail et la vente sont parfaitement dissociables.
Elle conteste être à l'origine de tout retard fautif dans la réalisation de la vente. Elle indique que ce n'est que le 30 mai 2016 que les conditions du prêt ont été transmises par M.[H] à l'agent immobilier chargé de la vente soit la veille du 1er juin 2016, date à laquelle la société MJM considère que la vente devait être régularisée. Elle ajoute que la société JM Invest, qui a acquis le bien loué, n'a été créée que le 3 août 2016.
Elle fait valoir que M.[H] n'a pas respecté le délai imparti pour lever la condition suspensive d'obtention du prêt qui était fixée au 1er février 2016 dans l'article 35 du bail et que par la suite, il a multiplié les manquements à l'origine du retard de la signature de la vente.
Elle considère que les délais dans la rédaction de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété ne lui sont pas imputables.
Elle soutient que la société MJM n'a pas subi le moindre préjudice en rappelant qu'elle s'est maintenue dans les locaux sans régler le loyer majoré alors qu'elle aurait pu quitter les lieux et que le retard invoqué par la société MJM lui a permis d'obtenir un prêt à un taux plus avantageux.
La société MJM soutient que son occupation des locaux postérieurement au 31 mai 2016 est due uniquement aux manquements de la société Thouare BG qui n'a pas régularisé la cession des locaux occupés malgré les nombreuses relances qui lui ont été adressées. Elle considère qu'elle a ainsi subi un préjudice équivalent au montant des loyers majorés qu'elle n'aurait pas du supporter si la vente avait été régularisée avant le 1er juin 2016.
Elle rappelle que contrairement à ce que soutient la société Thouare BG, celle-ci s'est engagée expressément auprès de la société MJM puisqu'aux termes de l'article 35 du bail 'le bailleur valide auprès du preneur la vente de l'immeuble, objet du présent bail à un prix de 285 000 euros net vendeur'. Elle précise que la première demande de financement a été déposée par la société MJM le 4 janvier 2016 et que ce n'est que par la suite qu'il a été décidé de créer une société civile immobilière dont le gérant est M.[H] dans le cadre classique de reprise d'un actif immobilier.
Elle soutient que le bail dérogatoire et la promesse de vente constituent un tout indissociable conformément à la volonté des parties et que les parties ont convenu d'un bail dérogatoire de 6 mois uniquement dans l'attente de l'achat de l'immeuble.
La société MJM indique que M.[H] était, dès le 3 mars 2016, en mesure de régulariser la cession mais que le compromis de vente n'est intervenu que le 14 octobre 2016 malgré ses relances parce que l'état de division et le règlement de copropriété n'ont pas été finalisés avant le 29 septembre 2016. Elle considère que la faute en incombe à la société Thouare BG au motif que le géomètre et le notaire étaient missionnés par elle.
Elle ajoute que, suite aux retards accumulés et à la durée des offres de financement, la banque prêteuse a dû reprendre le dossier de financement à plusieurs reprises alors qu'il avait eu l'accord de principe dès le 3 mars 2016. Elle indique que si la SCI JM Invest n'a pu être créée que le 3 août 2016 pour reprendre les engagements de la société MJM, cela n'a pas engendré de retard supplémentaire.
Elle conteste tout acte positif de sa part pour entraîner un retard dans la réalisation de la vente et réfute le fait d'avoir délibérément tardé pour obtenir un taux d'emprunt plus avantageux.
L'article 35 du contrat de bail prévoit 'dans le cas où le présent bail viendrait à se prolonger, en 3/6/9 ou en dérogatoire, le loyer sera de 2 400 euros HT/HC par mois. Le bailleur valide auprès du preneur la vente de l'immeuble objet du présent bail à un prix de 285 000 euros net vendeur. Cette vente est conditionnée par une condition suspensive de financement à lever avant le 01/02/2016".
La société MJM justifie par la production d'un mail écrit par son gérant M.[H] à l'agent immobilier le 23 novembre 2015 être à l'origine de la proposition d'achat 'je propose l'achat au prix de 275 000 euros net vendeur compte tenu des nombreux travaux à réaliser. Afin de ne pas pénaliser le propriétaire, je propose de louer dans l'intervalle 3-4 mois probablement au tarif de 1 500 euros HT mensuel'. Elle justifie également avoir initié la première demande de financement auprès du Crédit Agricole le 4 janvier 2016.
La société Thouare BG soutient que l'indication de la vente à venir avait pour seul objet de justifier le caractère dérogatoire du bail conclu par les parties et qu'il n'y avait aucun engagement direct envers la société MJM or l'article 35 du bail entérine cette promesse de vente qui a été proposée par le gérant de la société MJM avant la souscription du bail et prévoit que cette vente est soumise à une condition suspensive de financement. Il doit en être déduit que le bail dérogatoire était l'accessoire de la vente projetée et n'a été conclu que dans l'attente de la vente définitive.
Il est constant que le compromis de vente entre M.[H] et la société Thouare BG a été régularisé le 10 octobre 2016 et l'acte définitif le 29 décembre 2016. La société MJM considère que la société Thouare BG est seule à l'origine de ce retard fautif qui lui a occasionné un préjudice correspondant au montant des loyers majorés à compter du 1er juillet 2016.
Il convient, dès lors, d'examiner si la société Thouare BG a fait preuve d'un retard fautif dans la réalisation de la vente comme le soutient la société MJM.
La société MJM soutient que M.[H] aurait été en mesure de régulariser le compromis dès le 3 mars 2016 après avoir eu l'accord de principe de prêt de sa banque mais le mail qu'il produit dans lequel son conseiller bancaire indique 'je vous confirme que nous avons émis un avis favorable quant à la demande de financement de M.[H]' est insuffisant, à lui seul et sans autre précision sur les modalités du financement, pour justifier d'un accord de prêt. L'accord de prêt de M.[H] mentionnant notamment le montant du prêt est justifié dans un mail de son conseiller bancaire du 30 mai 2016 qui a été transmis le même jour à l'agent immobilier en charge de la vente. Il convient de relever que l'article 35 du bail prévoyait une condition suspensive de financement à lever avant le 1er février 2016. L'accord bancaire de M.[H] est postérieur à cette date. Cependant, il est établi que la société Thouare BG a accepté de maintenir la vente.
La société MJM explique le retard dans la régularisation de la vente par le fait d'avoir du attendre trois projets successifs d'état descriptif de division et règlement de copropriété établis à la requête de la société Thouare le 29 mars 2016, 14 avril 2016 et 29 septembre 2016, ce qui a reporté la signature du compromis au 10 octobre 2016 et la signature de l'acte définitif le 29 décembre 2016.
Or il résulte de l'attestation de Me Malcuit, notaire de la société Thouare BG :
- qu'un rendez-vous avait été fixé pour la signature du compromis le 1er juin 2016 mais que ce rendez-vous a été décalé le 9 juin 2016 en raison d'une indisponibilité de M.[H],
- que le compromis n'a pas été régularisé le 9 juin 2016,
- que le notaire de M.[H] lui a adressé une procuration le 29 juillet 2016 mais qui n'était pas signée et qui demandait qu'un contrôle assainissement soit réalisé,
- que le compromis a été régularisé le 10 octobre 2016 avec une procuration signée de M.[H] qui ne lui est pas parvenue avant,
- qu'un rendez-vous de principe pour la signature de l'acte définitif a été fixé le 24 novembre 2016 mais n'a pu être maintenu car le contrat de prêt de l'acquéreur n'a été édité que le 8 décembre 2016 et l'acte authentique a pu être signé le 29 décembre 2016.
Il résulte de cette attestation, à laquelle la société MJM n'a moyen opposant, que les trois projets d'état descriptif de division et règlement de copropriété ne sont pas à l'origine du retard dans la réalisation de la vente. En premier lieu, il doit être relevé que la SCI JM Invest n'a été immatriculée que le 3 août 2016 soit après les deux premiers projets d'état descriptif de division. S'agissant du dernier état descriptif en date du 29 septembre 2016, il résulte de l'attestation du notaire qu'après le dépôt de ce dernier état descriptif, le notaire n'était toujours pas en possession de la procuration signée de M.[H] pour régulariser le compromis et que l'acte définitif n'a pu être signé que le 29 décembre 2016 dans l'attente de l'édition du contrat de prêt de l'acquéreur.
Par conséquent, la société Thouare BG n'a commis aucune faute ayant retardé la vente.
Par ailleurs, elle ne peut être tenue responsable du fait que la société MJM se soit maintenue dans les locaux dans l'attente de la réalisation de la vente alors qu'elle avait signé le contrat de bail prévoyant un loyer majoré à compter du 1er juin 2016.
La société MJM sera déboutée de sa demande au titre des dommages-intérêts. Le jugement sera réformé en ce qu'il a constaté que la société Thouare BG avait une créance de 6 241,94 euros HT sur la société MJM à titre de dommages-intérêts en l'absence de commission d'une quelconque faute susceptible d'engager sa responsabilité.
Par conséquent, la cour condamne la société MJM à payer à la société Thouare BG la somme de 6 241,94 euros HT ou 7 490,33 euros TTC au titre des loyers impayés avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation tel que sollicité par l'appelante.
- Sur les demandes de dommages et intérêts pour réticence abusive et procédure abusive
La société Thouare BG sollicite la condamnation de la société MJM à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour réticence abusive. Elle fait valoir que la société MJM a refusé sans motif légitime de régler l'intégralité des sommes dues et s'est maintenue dans les lieux en toute connaissance de cause.
Or la simple résistance à une action en justice ne peut constituer un abus de droit. L'abus de droit exige un acte de mauvaise foi qui n'est pas caractérisé en l'espèce.
Le jugement qui l'a déboutée de sa demande à ce titre sera confirmé.
La société MJM sollicite la condamnation de la société Thouare BG à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.
L'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.
En l'espèce, cette mauvaise foi ou malice n'est pas démontrée dans le cas présent par la société MJM. Le jugement qui l'a déboutée de sa demande à ce titre sera confirmé.
- Sur les demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens
Succombant en son appel incident, la société MJM sera condamnée à verser à la société Thouare BG la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Le jugement sera réformé sur les frais irrépétibles et les dépens, et la société MJM sera condamnée à verser la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et aux dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Thouare BG et la société MJM de leur demande de dommages-intérêts pour réticence abusive et procédure abusive ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société MJM à payer à la société Thouare BG la somme de 6 241,94 euros hors taxe ou 7 490,33 euros toutes taxes comprises au titre des loyers impayés avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
Déboute la société MJM de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Condamne la société MJM à payer la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Condamne la société MJM aux dépens de première instance ;
Y ajoutant,
Condamne la société MJM à verser à la société Thouare BG la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la société MJM aux dépens en cause d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente,