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27/04/2022 | FRANCE | N°19/02923

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 27 avril 2022, 19/02923


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 19/02923 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PXTL













Société [6]



C/



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU FINISTERE































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRA

NÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 AVRIL 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Mme Adeline TIREL, l...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 19/02923 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PXTL

Société [6]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU FINISTERE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 AVRIL 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Adeline TIREL, lors des débats, et Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 Février 2022

devant Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Avril 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 03 Avril 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de BREST - Pôle Social

****

APPELANTE :

Société [6]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Mme [W] [R] en vertu d'un pouvoir de représentation

INTIMÉE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU FINISTERE

Service contentieux

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Mme [K] [P] en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [I] [H], salarié de la société [6] (la société), mis à la disposition de la société [7] en qualité de monteur, a été victime d'un accident survenu le 4 novembre 2016.

La déclaration d'accident du travail complétée par l'employeur le jour-même mentionne les circonstances suivantes : 'selon les dires de l'intérimaire, en manipulant la barre métallique suspendue, Mr [H] aurait ressenti une douleur vive dans le haut du bras gauche, nécessitant de stopper sa tâche. M. [H] nous informe qu'il avait déjà une gêne à ce bras."

Le certificat médical initial établi au Centre Hospitalier des Pays de [Localité 8] le 4 novembre 2016 fait état d'une 'douleur épaule et bras gauche musculaire TMS'.

Le 17 novembre 2016, la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère (la caisse) a reconnu d'emblée le caractère professionnel de l'accident dont a été victime M. [H].

M. [H] a justifié de prescriptions de repos jusqu'au 11 novembre 2016, puis du 5 décembre 2016 au 31 décembre 2017. Son état a été considéré comme consolidé le 1er janvier 2018, sans séquelles indemnisables.

Contestant l'opposabilité de la décision de prise en charge de cet accident, la société a saisi le 11 janvier 2017 la commission de recours amiable de la caisse, laquelle a, lors de sa séance du 18 mai 2017, rejeté ses demandes.

Le 8 juin 2017, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest.

Par jugement du 3 avril 2019, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Brest, a :

- constaté que la société n'a émis aucune réserve explicite lors de la déclaration d'accident du travail de M. [H] le 4 novembre 2016 ; que la caisse a reconnu d'emblée le caractère professionnel de l'accident du travail dont a été victime M. [H] le 4 novembre 2016 et qu'elle n'était pas, en conséquence, tenue à l'obligation d'information prévue par l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale avant de prendre sa décision ;

- dit que, dans ses rapports avec la société, la caisse établit la matérialité de l'accident du travail de M. [H] et que la présomption d'imputabilité s'applique et qu'elle n'est aucunement détruite par la société, par la preuve de l'origine totalement étrangère de la lésion au travail ;

- déclaré opposable à l'égard de la société la décision de prise en charge de l'accident du travail de M. [H]

- débouté, en conséquence, la société de son recours ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- condamné la société aux dépens.

Par déclaration adressée le 24 avril 2019, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 8 avril 2019.

Par ses écritures visées par le greffe à l'audience auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil oralement, la société demande à la cour de :

- la recevoir en son appel et le dire bien fondé ;

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Et, statuant à nouveau :

A titre principal :

Vu l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale,

Vu les articles R. 441-10 et suivants du code de la sécurité sociale,

- constater que la matérialité du fait accidentel qui serait survenu le 4 novembre 2016 à M. [H] n'est pas établie ;

- constater que les réserves de la société étaient fondées en droit et qu'une enquête devait être menée ;

- constater que la caisse ne pouvait prendre en charge d'emblée cet accident au titre de la législation professionnelle ;

- constater que la caisse n'a pas mené d'instruction et n'a pas invité la société à venir consulter les pièces du dossier préalablement à sa prise de décision contrairement au principe du contradictoire ;

- constater, en tout état de cause, que la caisse n'a pas respecté le principe du contradictoire préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de l'accident de M.[H] et ce, en violation des dispositions des articles R. 441-10 et suivants du code de la sécurité sociale ;

En conséquence,

- dire et juger que la décision de la caisse de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident du travail déclaré par M. [H] comme étant survenu le 4 novembre 2016, est inopposable à la concluante ;

- débouter la caisse de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société.

Par ses écritures parvenues au greffe le 5 novembre 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour, au visa des dispositions de l'article 468 du code de procédure civile, des articles L. 411-1 et suivants du code de la sécurité sociale, de :

- confirmer le jugement en tout point ;

- constater que la société n'a émis aucune réserve lors de la déclaration de l'accident du travail de M. [H] et que la caisse n'était pas tenue de mettre en oeuvre les dispositions de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale avant de prendre sa décision, s'agissant d'une prise en charge d'emblée ;

- dire que, dans ses rapports avec la société, la caisse établit la matérialité de l'accident du travail de M. [H] et que la présomption d'imputabilité s'applique et qu'elle n'est aucunement détruite par la société, par la preuve de l'origine totalement étrangère de la lésion au travail ;

- déclarer opposable à la société la décision de prise en charge de l'accident du travail de M. [H] ;

- condamner la société au paiement de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers paiements de l'instance ;

- déclarer en conséquence la société mal fondée dans ses prétentions pour la débouter de son appel.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 - Sur le caractère contradictoire de la procédure menée par la caisse:

Selon l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, en cas de réserves motivées de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie, avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie, ou procède à une enquête auprès des intéressés.

Constituent des réserves motivées de la part de l'employeur, au sens des dispositions précitées, toute contestation du caractère professionnel de l'accident portant sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail.

En l'espèce, il n'est pas justifié par la société de l'envoi d'une lettre de réserves en sus de la déclaration d'accident du travail.

La société considère que la seule mention, sur la déclaration d'accident du travail, de ce que « M. [H] nous informe qu'il avait déjà une gêne à ce bras », constitue des réserves motivées au sens de l'article sus-visé de sorte que la caisse aurait dû procéder à une instruction.

Or, cette mention, qui n'est que la simple reprise des dires du salarié dont la société ne justifie pas s'être appropriée les termes aux fins de contestation du caractère professionnel de l'accident déclaré, ne saurait valoir à titre de réserves motivées.

Dès lors, en l'absence de réserves, la caisse, qui a fait le choix d'une prise en charge d'emblée, n'était pas tenue de procéder à l'instruction du dossier consistant soit à adresser un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou à procéder à une enquête auprès des intéressés.

Les premiers juges seront approuvés en ce qu'ils ont rejeté ce moyen.

2 - Sur la matérialité de l'accident déclaré :

Il résulte de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale que : 'Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise'.

Constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle ci. (Soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768 ; 2e Civ 9 juillet 2020, n° 19-13.852)

La qualification d'accident du travail ne dépend pas de la pathologie dont est atteint le salarié mais des conditions dans lesquelles elle a été contractée.

Il appartient à la caisse, substituée dans les droits de la victime dans ses rapports avec l'employeur, de rapporter la preuve de la survenance d'une lésion en conséquence d'un événement survenu au temps et au lieu du travail. S'agissant de la preuve d'un fait juridique, cette preuve est libre et peut donc être rapportée par tous moyens, notamment par des présomptions graves, précises et concordantes.

En l'espèce, la déclaration d'accident du travail fait état de l'apparition soudaine d'une lésion (douleur vive dans le haut du bras gauche), survenue le 4 novembre 2016 « en manipulant la barre métallique suspendue » à 13h45, soit aux temps et lieu de travail dès lors que les horaires de M. [H] le jour des faits étaient de 13h00 à 16h00 et qu'est mentionné comme lieu de l'accident « à son poste de travail à l'usine TP ».

L'entreprise utilisatrice en a été avisée immédiatement à 13h45, puis l'employeur à 15h30, étant précisé que M. [H] a été transporté en ambulance à l'hôpital de [Localité 8].

Le certificat médical initial établi le jour des faits par le service des urgences corrobore l'existence d'une lésion, en l'espèce une « douleur épaule et bras gauche musculaire », compatible avec les circonstances de l'accident telles que reprises dans la déclaration d'accident du travail.

L'absence de témoin importe peu, la société ne soutenant pas que celle-ci serait incohérente eu égard aux conditions de travail de M. [H].

Dès lors, il convient de retenir que la caisse établit par des présomptions graves, précises et concordantes la matérialité de l'accident survenu au temps et au lieu du travail, dont a été victime M. [H], peu important l'absence de témoin, de sorte que la présomption d'imputabilité de la lésion au travail doit s'appliquer.

Il incombe à l'employeur, une fois acquise la présomption d'imputabilité, de la renverser en établissant qu'une cause totalement étrangère au travail est à l'origine de la lésion.

A cet égard, l'existence d'une telle cause ne saurait s'induire de la seule affirmation de l'existence d'un état pathologique préexistant, affirmation qui n'est corroborée par aucun élément probant.

La seule mention de ce que « M. [H] nous informe qu'il avait déjà une gêne à ce bras » est insuffisante à renverser la présomption étant rappelé que celle-ci s'applique aux lésions initiales, à leurs complications ainsi qu'à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident.

Est en outre inopérant le fait que la caisse a reconnu le caractère professionnel de la pathologie de M. [H] « souffrance de la coiffe des rotateurs (acromioplastie) » pour son épaule droite postérieurement à cet accident, que le [5] saisi a retenu que ce dernier avait été exposé au risque de la maladie tout au long de sa carrière professionnelle et que ce sinistre a été inscrit au compte spécial.

Il s'ensuit que faute pour la société d'établir l'existence d'une cause étrangère au travail exclusivement à l'origine de la lésion médicalement constatée, la décision de prise en charge de l'accident survenu le 4 novembre 2016 à M. [H] est opposable à la société, le jugement étant confirmé en toutes ses dispositions.

3 - Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de la caisse ses frais irrépétibles.

La société sera en conséquence condamnée à lui verser à ce titre la somme de 1 000 euros.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement dans toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la société [6] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère une indemnité de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société [6] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/02923
Date de la décision : 27/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-27;19.02923 ?
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