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26/04/2022 | FRANCE | N°18/05104

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 26 avril 2022, 18/05104


1ère Chambre





ARRÊT N°147/2022



N° RG 18/05104 - N° Portalis DBVL-V-B7C-PBHS













Mme [B] [Z] veuve [D]



C/



Mme [K] [E]

















Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 AVRIL 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉ

RÉ :



Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,





GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :



A l'audience publiq...

1ère Chambre

ARRÊT N°147/2022

N° RG 18/05104 - N° Portalis DBVL-V-B7C-PBHS

Mme [B] [Z] veuve [D]

C/

Mme [K] [E]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 AVRIL 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Février 2022 devant Madame Aline DELIÈRE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Avril 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [B] [Z] veuve [D]

née le 19 Mai 1943 à [Localité 5] (35)

[Adresse 1] chez Mme [X]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Sylvie MARTEL CANNAC, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉE :

Madame [K] [E]

née le 27 Septembre 1952 à [Localité 3] (35)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par la SELARL AVOCATS PARTENAIRES, plaidant, avocat au barreau de SAINT MALO - DINAN

FAITS ET PROCÉDURE

[Y] [T] veuve [J] est décédée le 31 mars 2015 laissant comme héritière sa fille unique, Mme [K] [J] épouse [E].

Le 1er décembre 1997 elle avait souscrit un contrat d'assurance-vie «'Capital épargne'» auprès de la société Generali vie France (n° 556 059 726) dont le capital au jour de son décès s'élevait à 38 723,71 euros. Le 1er novembre 2002 elle avait souscrit auprès de la même société un contrat de prévoyance «'Sérénivie'» (n° 590 108 607), dont le capital au jour de son décès s'élevait à 3121 euros.

Par testament olographe du 10 octobre 2008, elle avait désigné sa nièce, Mme [B] [Z] veuve [D], légataire universelle de la quotité disponible de sa succession. Celle-ci était également désignée bénéficiaire du contrat «'Capital épargne'».

[Y] [J] avait été placée sous tutelle, sur requête de Mme [D], le 16 janvier 2014, la mesure de protection étant confiée à l'association ATI d'Ille et Vilaine.

Le 28 novembre 2017, Mme [E] a assigné Mme [D] devant le tribunal de grande instance de Saint-Malo en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession et en annulation du testament et réintégration dans l'actif successoral des primes des contrats d'assurance-vie.

Par jugement réputé contradictoire du 30 mars 2018, le tribunal de grande instance de Saint-Malo a, notamment :

-débouté Mme [E] de sa demande de nullité du testament olographe du 10 octobre 2008,

-constaté le caractère manifestement excessif des primes d'assurance-vie versées par [Y] [T] et ordonné le rapport à l'actif successoral des sommes correspondant au montant des assurances-vie,

-ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [Y] [T] veuve [J],

-désigné pour y procéder, Maître [M] [W], notaire à [Localité 3],

-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de partage.

Le 24 juillet 2018, Mme [D] a fait appel des chefs du jugement :

-constatant le caractère manifestement excessif des primes d'assurance-vie versées par [Y] [T] et ordonné le rapport à l'actif successoral des sommes correspondant au montant des assurances-vie,

-ordonnant l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession et désignant un notaire et un juge chargé du contrôle,

-rejetant sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et disant que les dépens seront inclus dans les frais de partage.

Par arrêt du 9 juin 2020, la cour d'appel de Rennes a :

-confirmé le jugement en ce qu'il a débouté Mme [E] de sa demande de nullité du testament olographe du 10 octobre 2008, ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [Y] [T] veuve [J], désigné pour y procéder Maître [M] [W], notaire à [Localité 3], et commis M. [P], président, ou à défaut tout autre juge du tribunal de grande instance de Saint-Malo pour surveiller les opérations, rappelé les règles applicables, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de partage,

-avant dire droit sur la demande de réintégration dans l'actif successoral pour le calcul de la quotité disponible des primes versées par [Y] [T] veuve [J] sur les contrats d'assurance-vie souscrits auprès de la société Generali vie France, ordonné la réouverture des débats et renvoyé la procédure à la mise en état,

-fait injonction à Mme [D] de communiquer à Mme [E], dans le délai d'un mois à compter de la décision, copie de l'intégralité des documents qu'elle a reçus de la société Generali vie France concernant le ou les contrats d'assurance-vie souscrits par [Y] [T] veuve [J],

-invité Mme [E] à communiquer copie des contrats d'assurance-vie souscrits par [Y] [T] veuve [J] auprès de la société Generali vie France ainsi que le relevé des versements de primes et rachats effectués sur les dits contrats avec leurs dates et leurs montants,

-dit n'y avoir lieu en l'état à application de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit que les dépens exposés à ce stade de la procédure seront employés en frais privilégiés de liquidation-partage.

Par ordonnance du 6 septembre 2021, le conseiller de la mise en état, saisi par Mme [D] d'une demande à l'encontre de Mme [E] et de la société Generali vie France, de production des copies des contrats d'assurance-vie souscrits par [Y] [T] veuve [J] et du relevé des versements de primes et rachats effectués sur les dits contrats avec leur date et leur montant complété par le versement des intérêts et frais, et par Mme [E] d'une demande de production à l'encontre de Mme [D], du contrat d'assurance-vie «'Capital épargne'», a :

-rejeté les demandes respectives de production de pièces dirigées contre les parties et contre la société Generali vie France,

-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné Mme [D] aux dépens de l'incident.

Mme [D] expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 16 avril 2019 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Elle demande à la cour de :

-infirmer le jugement,

-débouter Mme [E] de sa demande de rapport à l'actif successoral des sommes correspondant au montant des assurances-vie,

-en conséquence, annuler le jugement en ce qu'il a constaté le caractère manifestement excessif des primes d'assurance-vie versées par Mme [T], ordonné le rapport à l'actif successoral des sommes correspondant au montant des assurances-vie, ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de Mme [T], désigné pour procéder aux opérations en question Maître [W], notaire à [Localité 3] et commis M. [P], président ou à défaut tout autre juge du siège pour surveiller lesdites opérations,

-confirmer le jugement en ses autres dispositions, sauf à désigner un autre notaire que Maître [W] en vue des opérations de compte-liquidation-partage.

Elle demande à la cour en tout état de cause de condamner Mme [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel et à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [E] expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 15 mars 2021 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Elle demande à la cour de :

-débouter Mme [D] de toutes ses demandes,

-confirmer le jugement,

-condamner Mme [D] à l'intégralité des dépens et à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1) Sur la demande au titre des primes versées sur les contrats d'assurance-vie

Sur le contrat «'Sérénivie'» n° 590 108 607

Il s'agit d'un contrat de prévoyance, souscrit le 1er novembre 2002 auprès de la société Generali vie France. Il était alimenté, en dernier lieu, à hauteur de 37,11 euros par mois et destiné à financer les frais d'obsèques de [Y] [J].

Le capital épargné, soit 3121 euros, n'a pas été versé à Mme [D] mais à une société de pompes funèbres.

Le jugement qui a ordonné à Mme [D] de rapporter ce montant à la succession sera donc infirmé.

Sur le contrat '«'Capital épargne'» n° 556 059 726

Aux termes de l'article L132-13 du code des assurances, le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

Comme la cour l'a rappelé dans l'arrêt du 9 juin 2020, Mme [D] n'étant pas héritière de [Y] [J], c'est à tort que les parties se placent sur le terrain du rapport à succession alors qu'il ne peut s'agir que d'une demande de réintégration fictive des primes dans l'actif successoral aux fins de calcul de la quotité disponible dont pouvait disposer [Y] [J].

Le caractère manifestement exagéré des primes s'apprécie au jour des versements au regard de l'âge, des situations patrimoniale et familiale du souscripteur ainsi que de l'utilité pour lui du contrat.

La preuve du caractère manifestement exagéré des primes incombe à celui qui réclame la réintégration des primes à l'actif successoral.

[Y] [J] est née le 22 août 1928. La date de son entrée à l'EHPAD de [Localité 3] n'est pas connue mais il est certain qu'à l'ouverture de la mesure de protection, le 16 janvier 2014, elle résidait déjà à l'EHPAD.

Elle percevait alors une pension de retraite moyenne d'environ 1680 euros par mois. Elle n'avait pas d'autres revenus.

Le contrat d'assurance-vie «'Capital épargne'» a été souscrit le 1er décembre 1997. [Y] [J] était alors âgée de 69 ans et était déjà à la retraite.

Suivant le relevé de la société Generali vie France, elle a placé les fonds suivants sur le contrat litigieux :

- 1524,49 euros le 1er décembre 1997

- 182,94 euros par trimestre de janvier 1998 à octobre 2007

- 1 524,49 euros en décembre 1998

-23'446,65 euros en août 2002

-17'201,00 euros en novembre 2002

-18'872,45 euros en décembre 2002

-61'000,00 euros en février 2003.

Elle a procédé aux retraits suivants :

- 3 000,00 euros en juillet 2003

- 9 484,15 euros en juin 2004

-30'000,00 euros en juillet 2004

-12'927,93 euros en décembre 2005

-10'000,00 euros en juillet 2006

-20'000,00 euros en décembre 2007

-10'000,00 euros en septembre 2010

-20'000,00 euros en août 2012.

Il ressort des échanges de courriers versés à la procédure que [Y] [J] avait vendu un bien immobilier et que les fonds perçus constituaient son épargne. Au regard de la date des versements les plus élevés sur le contrat, il apparaît que la vente a eu lieu courant 2002.

Au début de l'année 2014, ainsi qu'il ressort du décompte de l'ATI, [Y] [J] disposait de fonds pour un montant total d'environ 82'000 euros, comprenant le contrat d'assurance-vie litigieux (38'723,71 euros). À son décès le 31 mars 2015, il restait sur ses comptes environ 17'000 euros, non compris le montant du capital du contrat d'assurance-vie. Les comptes dressés par son tuteur en 2014 en 2015 montrent que ses revenus n'étaient pas suffisants pour couvrir les frais de la maison de retraite et ses autres frais. Il manquait 600 euros environ par mois que le tuteur a prélevé sur l'épargne de la majeure protégée. Celle-ci résidant en maison de retraite avant son placement sous tutelle, il en ressort qu'elle-même, depuis son entrée en maison de retraite, a dû puiser régulièrement dans son épargne pour faire face à ses dépenses.

Il ressort clairement de l'ensemble de ces éléments que [Y] [J], en ouvrant un contrat d'assurance-vie en 1997 et en l'alimentant régulièrement au regard de ses ressources et des fonds perçus après la vente de son bien immobilier, a entendu se constituer une épargne afin de faire face à une future situation de dépendance, tout en se préservant la possibilité de disposer des fonds à d'autres fins.

De son vivant elle a ainsi utilisé son épargne à hauteur de la somme totale de 115'412,08 euros. A son décès, à 87 ans, elle disposait d'une réserve, montant du solde du capital épargné sur le contrat d'assurance-vie compris, lui permettant de faire face elle-même à encore 7 à 8 années de dépendance en EHPAD.

Dans ces conditions et au regard de sa situation, les primes qu'elle a versées sur le contrat d'assurance-vie entre 1997 et 2003, soit environ 130'000 euros, ne présentent pas un caractère manifestement exagéré.

Le jugement sera donc infirmé pour avoir ordonné le rapport à l'actif successoral des sommes correspondant au montant des assurances-vie.

2) Sur les demandes au titre des autres chefs du jugement

Mme [D] demande à la cour d'« annuler » le jugement en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation, partage de la succession de [Y] [J] et désigné un notaire et un juge commis et de désigner un autre notaire que Maître [W].

Il a déjà été statué sur ces demandes par l'arrêt du 9 juin 2020. Il ne sera donc pas statué à nouveau.

3) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Dans son arrêt du 9 juin 2020 la cour a déjà statué sur les dépens, y compris ceux de première instance, exposés jusqu'à l'arrêt.

Les dépens exposés depuis l'arrêt seront mis à la charge de Mme [E], partie perdante et sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Il n'est pas équitable de laisser à la charge de Mme [D] les frais qu'elle a exposés qui ne sont pas compris dans les dépens et il sera fait droit à sa demande au titre de ces frais à hauteur de la somme de 2000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Vu l'arrêt rendu le 9 juin 2020,

Infirme le jugement rendu le 30 mars 2018 par le tribunal d'instance de Saint-Malo en ce qu'il a constaté le caractère manifestement excessif des primes d'assurance-vie versées par [Y] [T] veuve [J] et ordonné le rapport à l'actif successoral des sommes correspondant au montant des assurances-vie,

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [K] [E] de sa demande de rapport à l'actif successoral des sommes correspondant au montant des contrats d'assurance-vie et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens exposés depuis l'arrêt du 9 juin 2020 et à payer à Mme [B] [D] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18/05104
Date de la décision : 26/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-26;18.05104 ?
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