3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°90
N° RG 18/02434 - N° Portalis DBVL-V-B7C-OYGY
M. [J] [W]
C/
CRCAM ILLE-ET-VILAINE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me DESCHAMPS
Me PRENEUX
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 16 FEVRIER 2021
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 Janvier 2021 devant Monsieur Alexis CONTAMINE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 16 Février 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [J] [W]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Me Olivier DESCHAMPS de la SELARL DESCHAMPS OLIVIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/10816 du 22/06/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉE :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'ILLE ET VILAINE, immatriculée au RCS de RENNES sous le n° 775 590 847, prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration domicilié au siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 12 juin 2015, la société Excalibur sécurité (la société Excalibur) a souscrit un contrat de prêt professionnel auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine (le Crédit Agricole) :
- Contrat n°10000217882 (n°882)
- Montant : 10.000 euros
- Mensualités : 60
- Taux d'intérêt : 2,3%
Aux termes de cet acte, M. [W] s'est porté caution solidaire au profit de la société Excalibur au titre de ce prêt dans la limite de la somme de 13.000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des intérêts de retard.
Le 15 juin 2015, la société Excalibur a souscrit un contrat de crédit de trésorerie auprès du Crédit Agricole :
- Contrat n°10000217894 (n°894)
- Montant : 30.000 euros
- Mensualités : 24
- Taux d'intérêt : 4,1%
Aux termes de cet acte, M. [W] s'est porté caution solidaire au titre de ce crédit dans la limite de la somme de 39.000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des intérêts de retard.
Le 17 mai 2017, la société Excalibur a été placée en liquidation judiciaire.
Le 23 mai 2017, le Crédit Agricole a déclaré ses créances.
Le même jour, il a mis en demeure M. [W] d'honorer ses engagements de caution.
Le 20 juillet 2017, le Crédit Agricole a assigné M. [W] en paiement.
Par jugement du 27 mars 2018, le tribunal de commerce de Rennes a :
- Condamné M. [W] à payer au Crédit Agricole au titre du prêt n°882 la somme de 6.772,56 euros outre les intérêts au taux contractuel à compter du 23 mai 2017,
- Condamné M. [W] à payer au Crédit Agricole au titre du billet de trésorerie n°894 la somme de 15.626,03 euros outre les intérêts au taux contractuel à compter du 23 mai 2017,
- Ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,
- Condamné M. [W] à verser la somme de 1 euro au Crédit Mutuel au titre de la clause pénale pour chacun des deux dossiers,
- Débouté le Crédit Agricole du surplus de ses demandes,
- Débouté le Crédit Agricole de sa demande d'exécution provisoire,
- Condamné M. [W] à payer au Crédit Agricole la somme de 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné M. [W] aux entiers dépens.
Le 10 avril 2018, M. [W] a interjeté appel.
M. [W] a déposé ses dernières conclusions le 4 septembre 2019. Le Crédit Agricole a déposé ses dernières conclusions le 30 novembre 2020.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2020.
Le 20 janvier 2021, il a été demandé à M. [W] de produire une copie complète du jugement dont appel. Cette pièce a été produite le 25 janvier 2021.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
M. [W] demande à la cour de :
À titre principal :
- Dire et juger que la société Excalibur représentée par M. [W] n'a pas donné de consentement valable aux actes de prêt et de crédit de trésorerie des 12 et 15 juin 2015,
- Dire et juger nuls et de nul effet les actes de prêt et le billet de trésorerie consentis à la société Excalibur,
- Dire et juger en conséquence nuls et nul effet les actes de cautions signés par M. [W] les 12 et 15 juin 2015,
- Débouter le Crédit Agricole de ses demandes de condamnation à paiement dirigées contre M. [W],
À titre subsidiaire :
- Dire et juger que les engagements de caution par M. [W] étaient manifestement disproportionnés à son patrimoine et ses revenus lors de leur signature,
- Dire et juger que son patrimoine actuel ne lui permet pas de faire face à ses obligations,
- Dire et juger en conséquence que le Crédit Agricole ne peut s'en prévaloir vis-à-vis de M. [W],
- Débouter le Crédit Agricole de ses demandes de condamnation à paiement dirigées contre M. [W],
À titre infiniment subsidiaire :
- Dire et juger que M. [W] pourra se libérer des condamnations mises à sa charge dans un délai de deux années à compter de l'arrêt à intervenir,
- Dire et juger que les sommes reportées porteront intérêt au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital,
- Condamner le Crédit Agricole à la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Crédit Agricole demande à la cour de :
- Rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions, de M. [W],
En conséquence :
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- Condamner M. [W] à verser au Crédit Agricole la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [W] aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
DISCUSSION :
Sur la nullité des cautionnements des 12 et 15 juin 2015 :
M. [W] soutient qu'aux jours de la conclusion du contrat de prêt et du crédit de trésorerie discutés, il n'avait pas le pouvoir de conclure des actes pour la société Excalibur puisqu'il n'en était pas le gérant. Il en déduit qu'il n'a pas pu valablement consentir à leur conclusion et ajoute que la nullité de ces actes entraîne la nullité des engagements de cautionnement qui y sont attachés.
Sous couvert de remettre en cause l'existence de son consentement, M. [W] se prévaut d'un défaut de pouvoir. Il convient d'observer que la caution ne peut opposer au créancier les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur principal, telle une nullité relative, et notamment celle tirée du dol affectant le consentement du débiteur principal. La nullité tirée du défaut de pouvoir du représentant étant relative, elle ne peut être soulevée que par le représenté, c'est à dire ici la société Excalibur. Le représentant ne peut en outre pas l'invoquer, étant au surplus observé que celui-ci ne peut pas se libérer de ses obligations en arguant d'un défaut de pouvoir qui lui est imputable. M. [W] est donc irrecevable à se prévaloir de la nullité des contrats discutés.
Sur la disproportion manifeste :
Le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un cautionnement manifestement disproportionné :
Article L 341-4 du code de la consommation (rédaction en vigueur jusqu'au 1er juillet 2016 et applicable en l'espèce ) :
Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses bien et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
C'est sur la caution que pèse la charge d'établir cette éventuelle disproportion manifeste.
Ce n'est que lorsque le cautionnement est considéré comme manifestement disproportionné au moment de sa conclusion qu'il revient au créancier professionnel d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet à nouveau de faire face à son obligation.
M. [W] n'a pas rempli de fiche de renseignements.
Il justifie d'un revenu personnel net de 25.431 et 21.756 euros pour les années 2014 et 2015.
M. [W] reconnaît qu'il était, en 2015, propriétaire de sa résidence principale et des parts sociales de la société Excalibur. Il ne produit cependant aucun justificatif permettant d'apprécier la valeur de ces biens et, partant, la consistance de son patrimoine. Il affirme qu'un prêt immobilier de 150.000 euros viendrait grever son actif immobilier mais, encore une fois, ne produit aucune pièce démontrant l'existence et le montant de ce prêt.
Le Crédit Agricole fait état d'un relevé de compte appartenant à M. [W], datant de décembre 2016. Ce relevé, s'il prouve que M. [W] a souscrit deux prêts auprès du Crédit Foncier de France, n'apporte aucune précision supplémentaire, notamment quant au montant de l'encours des prêts à la date de l'engagement de caution, ou quant à la désignation ou la valeur des biens auxquels les crédits sont éventuellement affectés.
Il résulte de ces éléments que M. [W] ne rapporte pas la preuve de ce que, au jour de leur conclusion, les cautionnements litigieux étaient manifestement disproportionnés à ses biens et revenus. Il n'y a donc pas lieu d'examiner leur éventuelle disproportion au jour où M. [W] a été appelé. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les délais de paiement :
M. [W] a déjà, de fait, bénéficié d'importants délais de paiement. Il n'y a pas lieu de lui en accorder de nouveaux.
Sur les frais et dépens :
Il y a lieu de condamner M. [W], partie perdante, aux dépens d'appel et de rejeter les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour :
- Confirme le jugement,
Y ajoutant :
- Déclare irrecevable le moyen invoqué par M. [W] tiré de son défaut allégué de pouvoir pour engager la société Excallibur au titre des actes de prêt et de crédit de trésorerie des 12 et 15 juin 2015,
- Rejette les autres demandes des parties,
- Condamne M. [W] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT