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28/01/2021 | FRANCE | N°18/07544

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 28 janvier 2021, 18/07544


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°60/2021



N° RG 18/07544 - N° Portalis DBVL-V-B7C-PKED













M. [O] [C]



C/



SAS IPSEN PHARMA SAS































Copie exécutoire délivrée

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à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 28 JANVIER 2021



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COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Morgane LIZEE, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :



A l'audience publiq...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°60/2021

N° RG 18/07544 - N° Portalis DBVL-V-B7C-PKED

M. [O] [C]

C/

SAS IPSEN PHARMA SAS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 28 JANVIER 2021

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Morgane LIZEE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 17 Novembre 2020

devant Monsieur Benoît HOLLEAUX, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame DUBUIS, médiatrice

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Janvier 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [O] [C]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 4] (56)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

IPSEN PHARMA SAS Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au dit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE,Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me CHAUMIER, avocat plaidant au barreau de PARIS

EXPOSE DU LITIGE

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Rennes du 29 octobre 2018 ayant :

-validé le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [O] [C],

-condamné la Sas IPSEN PHARMA à lui payer la somme indemnitaire de 2 520 € au titre de l'occupation d'une partie de son domicile privé à des fins professionnelles, et 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté M. [O] [C] de ses autres demandes,

-condamné la Sas IPSEN PHARMA aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel de M. [O] [C] reçue au greffe de la cour le 21 novembre 2018 ;

Vu les conclusions n° 2 du conseil de M. [O] [C] adressées au greffe de la cour par le RPVA le 16 août 2019 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, aux fins :

-de confirmation du jugement entrepris en ses dispositions de condamnation au titre de l'occupation d'une partie de son domicile privé à des fins professionnelles,

-d'infirmation pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant, de condamnation de la Sas IPSEN PHARMA à lui payer les autres sommes de :

.140 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

.15 000 € de rappel d'heures supplémentaires ensuite de l'inopposabilité de la convention de forfait,

.5 000 € de dommages-intérêts pour non-respect du droit au repos,

.722,64 € de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement,

.3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-de condamnation de la Sas IPSEN PHARMA aux entiers dépens ;

Vu les conclusions n° 2 du conseil de la Sas IPSEN PHARMA adressées au greffe de la cour par le RPVA le 13 novembre 2019 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, aux fins de confirmation du jugement déféré, et de condamnation de M. [O] [C] à lui payer la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance du 13 octobre 2020 clôturant la procédure de mise en état avec fixation de la présente affaire à l'audience du 17 novembre 2020.

MOTIFS :

La société BEAUFOUR, nouvellement dénommée IPSEN PHARMA, a recruté M. [O] [C] en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 1eravril 1986 pour y occuper les fonctions de délégué médical.

En application d'un 7èmeavenant ayant pris effet le 1erjanvier 2010,

M. [O] [C] se voit finalement attribuer les secteurs géographiques de prospection 22, 29, 35, 44, 49, 53, 56, 72 et 85 avec une rémunération restée inchangée sous la forme d'un salaire de base de 3 240 € bruts mensuels, et les parties concluent un 8èmeet dernier avenant le 10 mars 2010 retenant le principe de l'application d'un forfait annuel dans la limite de 207 jours travaillés.

Par une lettre du 16 mars 2016, la Sas IPSEN PHARMA a convoqué M. [O] [C] à un entretien préalable prévu le 29 mars, et lui a notifié le 6 avril 2016 son licenciement pour des insuffisances professionnelles :

-manquements aux fondamentaux de son poste ayant pour effet des performances en dessous des attentes s'agissant plus particulièrement de

« la volumétrie des contacts» ;

-manque d'organisation et de planification de ses activités ;

-une insuffisance dans la gestion au quotidien de ses activités ;

-une incapacité à se remettre en cause et à comprendre les attentes de son poste.

Il figure également dans la lettre de licenciement un grief lié à son

« comportement délétère tendant à remettre en cause les consignes données par]sa[ hiérarchie ».

M. [O] [C] a contesté les motifs de son licenciement dans une correspondance du 7 juin 2016 adressée à la société intimée par l'intermédiaire de son conseil.

Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, M. [O] [C] percevait une rémunération en moyenne de 3 903,13 € bruts mensuels correspondant à un emploi de « Responsable scientifique régional » au groupe 06-niveau C de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.

Sur les demandes liées à l'exécution du contrat de travail

1/ Le rappel d'heures supplémentaires.

M. [O] [C] soulève l'inopposabilité à son égard de la convention individuelle de forfait en jours sur l'année, telle que résultant d'un avenant du 10 mars 2010 à son contrat de travail, faute qu'y soit reprise l'accord d'établissement du 1er janvier 2010 invoqué par l'employeur, convention par ailleurs totalement muette quant à la nécessaire protection de la santé et de la sécurité des salariés concernés, puisqu'en l'espèce il ne s'est tenu aucun entretien annuel sur sa charge de travail à suivre nécessairement, ce à quoi la Sas IPSEN PHARMA répond que cette même convention individuelle de forfait est valable pour avoir été signée par l'appelant compte tenu de son degré d'autonomie et de niveau de responsabilité, laquelle renvoie expressément à un accord collectif d'établissement entré en vigueur le 1er janvier 2010 qui notamment prévoit un contrôle et un suivi hiérarchique de la charge de travail des salariés au forfait, avec la tenue d'entretiens individuels annuels, tout en indiquant sur ce dernier point que M. [O] [C] n'a jamais sollicité le moindre entretien de suivi jusqu'à sa saisine du juge prud'homal ou même alerté la direction d'une quelconque difficulté à ce sujet, ce qui est d'autant plus surprenant qu'il a été désigné à compter de septembre 2015 représentant syndical au CHSCT.

L'avenant au contrat individuel de travail conclu entre les parties le 10 mars 2010 prévoit un forfait sans référence horaire au visa de l'article L. 3121-43 du code du travail avec un décompte de la durée du travail en jours sur l'année civile, précisément dans la limite de 207 jours travaillés pour une année complète, la première en 2010, avec la possibilité ultérieure d'aller jusqu'à 218 jours.

Cet avenant renvoie expressément à l'accord collectif d'établissement IPSEN PHARMA Boulogne sur le temps de travail du 22 février 2010, entré en vigueur le 1er janvier 2010.

L'accord collectif précité contient un article 8 « ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL EN FORFAIT ANNUEL JOURS » qui, au § 8.1.10, prévoit tout un dispositif de « Contrôle et suivi de l'organisation de la charge de travail » par un « suivi individuel et contrôle de la durée du travail » et « un entretien individuel annuel » sur les différents aspects de cette question.

En l'espèce, si les stipulations de la convention individuelle de forfait sont conformes à l'accord collectif d'établissement qui, lui-même, à son examen, assure la protection de la sécurité et de la santé au travail des salariés soumis au régime du forfait en jours, cela au regard des textes et standards européens applicables en la matière, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a bien respecté les stipulations conventionnelles lui étant applicables au stade de leur mise en 'uvre concrète, sans donc s'arrêter au formalisme du texte de référence.

C'est ainsi que le non-respect par l'employeur des clauses de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au forfait en jours prive d'effet la convention individuelle de forfait.

De l'aveu même de la Sas IPSEN PHARMA dans ses écritures, elle n'a réellement mis en place aucun contrôle et aucun suivi de la charge de travail de M. [O] [C] à compter du début de l'année 2010, époque correspondant à l'entrée en application de la convention individuelle de forfait conclue avec ce dernier par renvoi à l'accord collectif d'établissement, et notamment elle n'a procédé à la tenue d'aucun entretien individuel annuel avec l'appelant pour faire le point sur sa charge de travail, son organisation de travail en interne, l'amplitude de ses journées de travail , ainsi que l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ; autant de questions qu'il convenait d'aborder de manière périodique à l'initiative de l'employeur dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de direction.

Cette carence manifeste et récurrente de la part de la Sas IPSEN PHARMA doit conduire à ce que la convention individuelle de forfait soit privée d'effet, et donc inopposable à M. [O] [C] ; le jugement entrepris étant confirmé sur ce point mais par substitution de motifs.

*

L'article L. 3171-4, alinéas 1et 2, du code du travail rappelle que : « En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

Dans le cadre de cette disposition légale, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures supplémentaires effectuées, il appartient donc au salarié de présenter à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre ensuite à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail réalisées dans l'entreprise, d'y répondre utilement en produisant lui-même ses propres éléments, et le juge forme alors sa conviction en tenant compte de l'ensemble des éléments de fait qui lui ont été soumis au regard des exigences tant légales que réglementaires applicables.

Force est de relever que l'appelant ne présente à la cour au soutien de sa demande de ce chef aucun élément suffisamment précis et crédible quant aux heures supplémentaires non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, comme déjà constaté par les premiers juges, cela pour se contenter en définitive de produire quelques courriels d'échanges professionnels à des heures non spécialement tardives ou précoces dans la journée - pièces, sous cote 87 -, et tout en réclamant le paiement d'une somme « forfaitaire » de 15 000 € sans le moindre décompte.

*

Pour l'ensemble de ces raisons, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande salariale à ce titre.

2/ Le droit au repos.

Pour solliciter une somme indemnitaire à ce titre de 5 000 €, M. [O] [C] là encore verse aux débats quelques courriels reçus de sa hiérarchie - pièces sous cote 80 -, certes à des heures parfois tardives en soirée ou tôt le matin, mais auxquels il n'était pas obligé de répondre dans l'instant, ce qui ne peut constituer un manquement manifeste de l'employeur à la législation sur les temps de repos.

Ajoutant au jugement critiqué qui n'a pas expressément répondu à ce chef de demande, bien que le conseil de prud'hommes de Rennes en était valablement saisi, il y a lieu de débouter l'appelant de sa demande de ce chef.

3/ L'occupation d'une partie du domicile privé à des fins professionnelle

M. [O] [C] maintient ce chef de demande en cause d'appel, et au sujet duquel la Sas IPSEN PHARMA ne développe spécialement aucun moyen pour s'y opposer dans ses dernières conclusions devant la cour.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges y ont donc fait droit à due concurrence de la somme indemnitaire de 2 520 €, de sorte que la décision déférée sera confirmée sur ce point.

Sur le licenciement

1/ Le bien fondé du licenciement.

C'est par des motifs tout aussi pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont dit que le licenciement de M. [O] [C] repose sur une cause réelle et sérieuse, cela au regard précisément des insuffisances professionnelles pointées dans la lettre de rupture du contrat de travail du 6 avril 2016, et qu'ils ont examinées dans le détail au vu des pièces leur ayant été soumises, les mêmes que celles produites devant la cour, à savoir :

-des manquements aux fondamentaux de son poste ayant pour effet des performances en dessous des attentes s'agissant plus particulièrement de

« la volumétrie des contacts » ;

-un manque d'organisation et de planification de ses activités ;

-une insuffisance dans la gestion au quotidien de ses activités ;

-une incapacité à se remettre en cause et à comprendre les attentes de son poste.

S'agissant en outre du grief tiré de son « comportement délétère tendant à remettre en cause les consignes données par]sa[ hiérarchie », comme les premiers juges, il convient de se reporter précisément au courriel qu'il a adressé le 10 mars 2016 à sa supérieure hiérarchique directe, en la personne de Mme [K], au contenu quelque peu tendancieux (« ' Je reviens vers toi comme convenu, suite à notre conférence téléphonique de ce matin ' La conférence téléphonique a commencé avec 15 minutes de retard sur l'horaire - pas d'explication sur ce retard ' ' Dorénavant, je te préviens que si les choses ne changeaient pas, je me réserverais le droit de ne pas assister aux conférences téléphoniques que tu organiserais ») - pièce 41 du salarié.

*

Il y a donc lieu raisonnablement à confirmation du jugement querellé en ce qu'il a débouté M. [O] [C] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2/ le rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Le solde de tout compte remis à M. [O] [C] mentionne une indemnité conventionnelle de 95 448,76 €.

Débouté en première instance au motif qu'il ne présentait aucun décompte précis pour réclamer un solde ou différentiel de 722,64 € à ce titre (96 171,40 € revendiqués ' 95 448,76 € perçus), force est de constater qu'il ne satisfait pas plus à cette exigence devant la cour, cela pour se contenter de produire une liasse de bulletins de paie sans la moindre explication autre.

La Sas IPSEN PHARMA, pour sa part, démontre avoir satisfait à l'article 33 de la convention collective applicable s'agissant du mode de calcul de l'indemnité de licenciement, en reprenant dans ses dernières écritures sous la forme d'un tableau récapitulatif les salaires réglés à l'appelant durant les 12 derniers mois de leur collaboration, précisément au vu des bulletins de paie correspondants, cela pour arriver à la somme de 95 448,76 €.

*

Le jugement critiqué sera ainsi confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande à ce titre nullement justifiée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Aucune circonstance d'équité ne commande qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La Sas IPSEN PHARMA sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

+

LA COUR, statuant publiquement et par arrêt mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT :

-DEBOUTE M. [O] [C] de sa demande indemnitaire pour non-respect des temps de repos,

-DIT n'y avoir lieu à application des dispositions issues de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE la Sas IPSEN PHARMA aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 18/07544
Date de la décision : 28/01/2021

Références :

Cour d'appel de Rennes 05, arrêt n°18/07544 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-28;18.07544 ?
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