7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°56/2021
N° RG 17/09219 - N° Portalis DBVL-V-B7B-OQIC
Mme [T] [M]
C/
SELARL CABINET PASTEUR
M. [I] [K]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 28 JANVIER 2021
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Morgane LIZEE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 Novembre 2020
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Janvier 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [T] [M]
née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Elise BRAND, avocat au barreau de CAEN
INTIMÉS :
SELARL CABINET PASTEUR agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-david CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, avocat au barreau de RENNES
Monsieur [I] [K]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Jean-david CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, avocat au barreau de RENNES
EXPOSE DU LITIGE
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Saint Malo du 8 décembre 2017 ayant :
-dit les demandes de Mme [T] [M] irrecevables en l'état,
-renvoyé les parties devant le président du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes pour tentative de conciliation préalable,
-dit qu'elles pourront éventuellement ressaisir le conseil de prud'hommes après la décision de la commission ordinale,
-débouté la partie défenderesse de ses demandes indemnitaires reconventionnelles pour procédure abusive et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné Mme [T] [M] aux dépens ;
Vu la déclaration d'appel de Mme [T] [M] reçue au greffe de la cour le 28 décembre 2017 ;
Vu les conclusions récapitulatives n°5 du conseil de Mme [T] [M] adressées au greffe de la cour le 16 novembre 2020 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, aux fins d'infirmation du jugement déféré et statuant à nouveau :
-de requalification de la relation contractuelle ayant lié les parties en un contrat de travail, et du bénéfice net imposable déclaré par elle en un salaire net imposable,
-de condamnation de la partie adverse, son employeur, à lui délivrer des fiches de paie sur la période du 1er septembre 2011 au 13 août 2015 et, en conséquence, de condamnation solidaire du docteur [K] avec le cabinet Pasteur à lui régler les sommes de :
'10 000 € de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail
'1 653,58 € de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires, et 165,36€ d'incidence congés payés,
.ensuite de sa prise d'acte de rupture justifiée produisant les conséquences indemnitaires d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 933,01 € d'indemnité de licenciement et 80 000 € de dommages-intérêts
'14 805,67 € d'indemnité légale forfaitaire pour travail dissimulé,
'5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-d'ordonner la délivrance sous astreinte des documents sociaux de fin de contrat
-de condamner solidairement le docteur [K] et la cabinet Pasteur aux entiers dépens ;
Vu les conclusions du conseil de la Selarl CABINET PASTEUR et de Monsieur [I] [K] adressées au greffe de la cour par le RPVA le 21 octobre 2020 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de leurs moyens aux fins, à titre principal, de confirmation du jugement déféré sur l'irrecevabilité en l'état de la présente action intentée par Mme [T] [M] tant que le processus de tentative de conciliation ne s'est pas déroulé devant le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes, subsidiairement, de rejet sur le fond de l'ensemble des demandes de Mme [T] [M] qui sera condamnée reconventionnellement à leur payer les sommes indemnitaires de 1 000 € pour procédure abusive ainsi que 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et, très subsidiairement, de réduction à de plus justes proportions des prétentions de cette dernière.
Vu l'ordonnance du 23 novembre 2020 ayant prononcé la clôture de l'instruction avec renvoi pour fixation à l'audience de fond s'étant tenue le même jour.
MOTIFS :
Aux termes du « CONTRAT DE CHIRURGIEN-DENTISTE COLLABORATEUR » conclu entre les parties le 30 mai 2011 et pour prendre effet le 1er septembre 2011, il est prévu à l'article 9 sur les « Litiges» que : « Toutes les contestations qui pourraient s'élever entre les parties sur la validité, l'interprétation, l'exécution ou la résolution de la présente convention, devront, avant toute action en justice, être soumises à une tentative de conciliation devant le Président du conseil départemental de l'Ordre conformément aux dispositions de l'article R. 4127-259 du Code de la santé publique ».
L'article R. 4127-259 du code de la santé publique précise à son 2ème alinéa qu': « En cas de dissentiment d'ordre professionnel entre praticiens, les parties doivent se soumettre à une tentative de conciliation devant le président du conseil départemental de l'ordre ».
Contrairement à ce que soutient Mme [T] [M], et comme l'invoque à bon droit la partie intimée, dans la mesure où il s'agit d'une clause de tentative de conciliation pré-contentieuse insérée dans un contrat de collaboration libérale conclu entre deux professionnels de santé, contrat dont l'appelante a demandé par ailleurs la requalification en un contrat de travail par une saisine directe du juge prud'homal en violation de fait de ladite clause, pareille situation ne peut être sanctionnée sur un plan procédural que par une fin de non-recevoir au sens des articles 122 et 124 du code de procédure civile.
En effet, il est admis que, licite, la clause d'un contrat instituant une procédure de tentative de conciliation obligatoire et préalable à toute saisine d'un juge, et dont la mise en 'uvre suspend jusqu'à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge déjà saisi si l'une des parties l'invoque.
En l'espèce, il est un fait constant et acquis aux débats que Mme [T] [M] n'a pas porté son différend avec la partie adverse devant le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes en vue d'une tentative de conciliation, et cela préalablement à sa saisine du conseil de prud'hommes de Saint Malo intervenue le 22 juillet 2016.
Pour estimer en effet que son action prud'homale est pleinement recevable, Mme [T] [M] se limite à répondre que son contrat de collaboration libérale est caduc faute plus généralement d'avoir été conclu de manière légale ; que l'article 9 précité lui est en toute hypothèse inopposable au regard de la relation l'ayant liée à la partie adverse et qui s'est toujours analysée, selon elle, en une relation de travail salarié, alors même que la partie intimée entend bien se prévaloir d'une collaboration libérale exclusive du salariat et conforme à l'article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 ; et que ladite clause a une vocation purement déontologique sans réelle portée obligatoire.
Il importe peu en définitive que Mme [T] [M] ait cherché à régulariser a posteriori la situation par la saisine seulement le 20 septembre 2017, postérieure de 14 mois à l'introduction de son action prud'homale, du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes qui a finalement établi un procès-verbal de non-conciliation le 23 octobre 2017.
Sur ce dernier point en effet, si l'article 126 du code de procédure civile à son premier alinéa énonce que : « Dans les cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue », il est précisément admis que la situation sanctionnée par une fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en 'uvre d'une clause contractuelle qui institue une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge en vue de la recherche d'une solution amiable en cas de différend, cela par le recours à un tiers, ne peut pas être régularisée par la mise en 'uvre de ladite clause en cours d'instance.
*
Pour l'ensemble de ces raisons, il convient de confirmer le jugement critiqué rendu par le conseil de prud'hommes de Saint Malo en ce qu'il a déclaré irrecevables « en l'état » les demandes de Mme [T] [M], et précisément dit que les parties pourront le « ressaisir ' après la décision de la Commission de conciliation ordinale », en reprise d'instance au fond, ce qui assure le respect du principe du double degré de juridiction.
Il sera tout autant confirmé en ce qu'il a débouté la partie intimée de ses demandes reconventionnelles de dommages-intérêts (1 000 €) pour procédure abusive non caractérisée en l'espèce, et au visa de l'article 700 du code de procédure civile.
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Aucune circonstance d'équité ne commande qu'il soit fait application des dispositions issues de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Les dépens de la présente instance d'appel resteront à la charge de Mme [T] [M].
PAR CES MOTIFS :
LA COUR statuant publiquement et par arrêt mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [T] [M] aux dépens de la présente instance d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT