2ème Chambre
ARRÊT N°4
N° RG 17/05253
N° Portalis DBVL-V-B7B- ODRO
Mme [X] [L] née [U] [T]
C/
SA CREDIT LOGEMENT
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Luc BOURGES
Me Gilles DAUGAN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 8 JANVIER 2021
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre, rédacteur,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Laurence LE MEUR, lors des débats, et Monsieur Régis ZIEGLER, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 3 novembre 2020
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 8 janvier 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [X] [U] [T] épouse [L]
née le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 5] (CONGO)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5] (CONGO)
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
La S.A. CREDIT LOGEMENT
dont le siège social est [Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Gilles DAUGAN de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon offre préalable de crédit immobilier acceptée le 26 mai 2006, la société BNP Paribas (la BNP) a, en vue de financer des travaux d'amélioration d'une résidence principale, consenti aux époux [L] un prêt n° 87 de 28 514 euros au taux de 3,70 % l'an, remboursable en 180 mensualités.
Puis, selon offre acceptée le 14 octobre 2008, la BNP leur a, en vue de racheter un crédit immobilier octroyé en 2004 par un autre prêteur, consenti un second prêt n° 16 de 204 800 euros au taux de 5,26 % l'an, remboursable en 300 mensualités.
Ces deux prêts étaient, selon actes des 28 avril 2006 et 4 août 2008, garantis par le cautionnement solidaire de la société Crédit Logement.
Par jugement du 16 mars 2015, M. [L], exerçant l'activité de médecin, a été placé en redressement judiciaire, puis mis en liquidation judiciaire par une seconde décision du 11 mai 2015.
Prétendant que les échéances de remboursement n'étaient plus honorées depuis l'ouverture de la procédure collective et que Mme [L] n'en avait pas repris le règlement en dépit d'un courrier l'y invitant du 12 mai 2015, la banque s'est, par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 août 2015, prévalue de la déchéance du terme des deux prêts.
Selon quittances subrogatives des 26 et 31 novembre 2015, le Crédit Logement a réglé à la BNP les sommes 15 207,31 euros au titre du prêt n° 87 et de 179 490,88 euros au titre du prêt n° 16, puis, après vaine mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 26 novembre 2015, il a, par acte du 4 avril 2016, fait assigner Mme [L] en paiement devant le tribunal de grande instance de Rennes.
Par jugement réputé contradictoire du 2 mai 2017, le premier juge a :
condamné Mme [L] à payer au Crédit Logement les sommes de 15 207,31 euros au titre du prêt n° 87 et de 179 904,54 euros au titre du prêt n° 16,
dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 novembre 2015,
débouté le Crédit Logement de sa demande de capitalisation des intérêts,
condamné Mme [L] aux dépens,
débouté le Crédit Logement de sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile,
ordonné l'exécution provisoire.
Mme [L] a relevé appel de cette décision le 20 juillet 2017, pour demander à la cour de :
à titre principal, vu la nullité de l'acte introductif d'instance, prononcer la nullité du jugement attaqué,
renvoyer les parties à mieux se pourvoir,
à titre subsidiaire, infirmer le jugement attaqué,
déclarer le Crédit Logement irrecevable en ses demandes, vu l'inopposabilité de la déchéance du terme,
à titre plus subsidiaire, prononcer la nullité des contrats de prêt, vu l'absence de signature régulière de Mme [L] et déclarer le Crédit Logement irrecevable en ses demandes à l'égard de Mme [L],
à titre très subsidiaire, condamner le Crédit Logement au paiement de dommages-intérêts d'un montant équivalent aux sommes qu'il réclame, vu le manquement de la BNP à son obligation de mise en garde, et prononcer la compensation entre les créances réciproques des parties,
débouter le Crédit Logement de son appel incident relatif à la capitalisation des intérêts et de toutes ses demandes,
condamner le Crédit Logement au paiement d'une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Le Crédit logement expose avoir, au cours de la procédure d'appel, reçu du liquidateur de M. [L] les sommes de 42 178,07 euros le 27 avril 2018 et de 47 291,34 euros le 11 juin 2018, ayant permis de solder les sommes dues au titre du prêt n° 87 et de réduire celles dues au titre du prêt n° 16.
Ayant par ailleurs formé appel incident relativement au rejet de sa demande de capitalisation des intérêts, il demande à la cour de :
débouter Mme [L] de ses demandes,
condamner Mme [L] au paiement de la somme de 111 884,75 euros, outre les intérêts au taux légal postérieurs au décompte arrêté au 29 juin 2020,
ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la mise en demeure du 24 novembre 2015,
condamner l'appelante au paiement d'une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour Mme [L] le 21 octobre 2020 et pour le Crédit Logement le 28 octobre 2020, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 3 novembre 2010.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Au soutien de sa demande d'annulation de l'acte introductif d'instance et du jugement, Mme [L] fait valoir que l'assignation lui a été à tort délivrée le 4 avril 2016 à son ancien domicile de [Localité 6] alors qu'elle résidait au Congo depuis 2012, ce que l'huissier aurait dû déceler s'il ne s'était pas contenté de relever, alors que son mari y résidait encore, que le nom de '[L]' figurait sans son prénom sur la boîte aux lettres.
Cependant, cet acte a été délivré au seul domicile connu du créancier sans que Mme [L] signale un changement d'adresse, les divers courriers recommandés adressés à la débitrice par la banque puis par la caution étant de surcroît revenus avec la mention 'pli avisé non réclamé' ce qui corroborait que cette adresse était toujours valable.
Dans ces circonstances, et alors que les prêts avaient été consentis aux deux époux [L] demeurant à la même adresse, que ceux-ci n'étaient ni divorcés, ni même judiciairement autorisés à résider séparément, et que le créancier n'avait jamais été avisé de leur prétendue séparation de fait, l'huissier a régulièrement délivré l'assignation conformément aux dispositions de l'article 656 du code de procédure civile en se rendant à cette adresse et en vérifiant que le nom de Mme [L] figurait bien sur la boîte aux lettres, peu important son prénom n'y était pas précisé.
Il n'y a donc pas matière à annulation de cet acte et du jugement.
Le Crédit Logement déclarant exercé un recours personnel, et non subrogatoire, Mme [L] ne peut lui opposer les exceptions qu'elle aurait pu opposer à la banque, et ne peut ainsi invoquer, pour se soustraire à son obligation de remboursement de la caution ayant honoré son engagement, une supposée inopposabilité de la déchéance du terme ou un prétendu manquement de la banque à son devoir de mise en garde.
En revanche, il résulte de l'article 2305 du code civil que le recours personnel de la caution ne peut être dirigé que contre le débiteur, ce qui suppose que le contrat de prêt soit opposable à celui-ci.
À cet égard, Mme [L] dénie sa signature sur les deux contrats de prêt litigieux, mais la dénégation de signature relative au prêt n° 87 est devenue inopérante puisque les sommes dues au titre de cette opération de crédit ont été intégralement réglées et qu'aucune demande n'a été maintenue à ce titre devant la cour.
D'autre part, s'agissant du prêt n° 16, il est annexé à l'offre une procuration du 13 octobre 2008 par laquelle Mme [L] donnait à son époux pouvoir de signer le contrat en ses lieu et place et, de fait, l'offre a été acceptée pour elle par son mari qui a signé par trois fois, en pied de l'offre, des conditions générales et sur le document d'acceptation, avec la mention 'pour ordre'.
Or, si Mme [L] affirme ne pas avoir personnellement signé l'offre de crédit acceptée le 14 octobre 2008, elle n'argue de faux, en se basant sur un rapport d'expertise en écriture extrajudiciaire, que les seules signatures figurant sur la fiche de déclaration des revenus et charges du couple, l'accusé de réception d'un refus d'assurance perte d'emploi et sur un courrier du 14 octobre 2008 par lequel les époux [L] donnaient instruction au Crédit foncier de solder, grâce au déblocage du prêt consenti par la BNP, le crédit immobilier antérieurement contracté auprès de cet établissement.
En outre, si elle fait valoir que M. [L] a été condamné par le tribunal correctionnel de [Localité 5] pour avoir falsifié une procuration établie en vue de la vente de la maison, elle ne conteste pas, ainsi que le Crédit Logement le souligne, être l'auteur des signatures figurant sur la procuration du 13 octobre 2008 ainsi que sur l'accusé de réception, en date du 30 septembre 2008, de l'offre émise par la BNP, de sorte que celles-ci doivent être regardées comme authentiques.
Il s'en déduit que le contrat de prêt, régularisé par son mari en son nom en vertu d'une procuration dont l'authenticité est avérée, lui est bien opposable.
Elle ne soutient par ailleurs pas clairement que l'offre de prêt immobilier aurait dû, pour être valable, être personnellement acceptée par elle et non par un mandataire, mais ce moyen, à le supposer soutenu et efficient, ne constituerait qu'une exception que le débiteur principal ne pourrait opposer à la caution exerçant son recours personnel.
Il ressort des décomptes produits qu'il reste dû à la caution au titre du prêt n° 16 une somme de 109 921,04 euros en principal, outre 1 963,71 euros au titre des intérêts légaux arrêtés au 28 juin 2020 et les intérêts au taux légal sur le principal de 109 921,04 euros à compter du 29 juin 2020.
Mme [L] sera donc condamnée au paiement de cette somme.
Si le banque dispensatrice d'un prêt immobilier ne peut, en application de l'article L. 312-23 devenu L. 313-49 du code de la consommation, être autorisé à capitaliser les intérêts contrcatuels de retard, rien n'interdit à la caution exerçant son recours personnel d'obtenir cette autorisation, conformément à l'article 1154 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, pour les intérêts légaux de retard courant sur sa créance de remboursement.
Le Crédit Logement sera donc autorisé à capitaliser les intérêts par années entières à compter de sa demande du 4 avril 2016.
Le jugement attaqué sera réformé en ce sens.
Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge du Crédit Logement l'intégralité des frais exposés par lui à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Rejette la demande d'annulation de l'assignation introductive d'instance et du jugement ;
Infirme partiellement le jugement rendu le 2 mai 2017 par le tribunal de grande instance de Rennes ;
Statuant à nouveau sur l'entier litige,
Condamne Mme [L] à payer à la société Crédit Logement la somme de 109 921,04 euros en principal, outre 1 963,71 euros au titre des intérêts légaux arrêtés au 28 juin 2020 et les intérêts au taux légal sur le principal de 109 921,04 euros à compter du 29 juin 2020 ;
Autorise la capitalisation des intérêts par années entières à compter du 4 avril 2016 ;
Déboute Mme [L] de ses demandes ;
Condamne Mme [L] à payer à la société Crédit Logement la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [L] aux dépens de première instance et d'appel ;
Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT