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17/12/2020 | FRANCE | N°18/01201

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 17 décembre 2020, 18/01201


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°474



N° RG 18/01201 - N° Portalis DBVL-V-B7C-OUEX













M. [D] [H]



C/



SA CEVA SANTE ANIMALE SA

















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée

le : 17/12/2020



à : Me BOULOUARD

Me LHERMITTE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 DECEMBRE 2020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieu...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°474

N° RG 18/01201 - N° Portalis DBVL-V-B7C-OUEX

M. [D] [H]

C/

SA CEVA SANTE ANIMALE SA

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le : 17/12/2020

à : Me BOULOUARD

Me LHERMITTE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 DECEMBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

GREFFIER :

Madame Morgane LIZEE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

En chambre du Conseil du 27 Octobre 2020 en application de l'article 6 de l'ordonnance du 25 mars 2020 devant Monsieur Hervé KORSEC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [C], médiateur

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Décembre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [D] [H]

né le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Olivier BOULOUARD, avocat au barreau de BREST

INTIMÉE :

CEVA SANTE ANIMALE SA Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au dit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Adeline GAUTHIER-PERRU, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE

EXPOSÉ DU LITIGE

M..[D] [H] , vétérinaire , était l'associé fondateur de la société Egg Chick Automated Technologies ( ECAT), spécialisée dans la fabrication et la commercialisation des lignes automatisées dans la production d'oeufs et des technologies d'injection permettant la vaccination in ovo des oeufs. Le siège social de la société ECAT est implanté à [Localité 7] (29) et compte un effectif de plus de 50 salariés (66 en 2015 ).

Par acte sous seing privé du 23 mai 2013 , la société CEVA SANTE ANIMALE, dépendant d'un groupe pharmaceutique spécialisé dans le secteur aviaire, a racheté des actions de la société ECAT.

Dans le même temps, la société CEVA SANTE ANIMAL a conclu un contrat de travail à durée indéterminée avec M.[H] en qualité de Directeur, statut cadre dirigeant, à effet au 1er juin 2013 à charge d'exercer les fonctions de directeur de la filiale ECAT moyennant une rémunération forfaitaire de 10 000 euros brut par mois.

Il était précisé que M.[H] associé fondateur de la société ECAT assurait à titre gratuit son mandat social de Direction Générale de la société ECAT .

La relation de travail était régie par la convention collective de la fabrication et du commerce de produits à usage pharmaceutique, para-pharmaceutique et vétérinaire.

Le 5 octobre 2015, M. [H] a été convoqué par courrier remis en main propre, à un entretien préalable fixé au 15 octobre 2015. Il lui a été notifié en même temps une mise à pied conservatoire immédiate dans l'attente d'une décision définitive.

Le 20 octobre suivant, l'employeur lui a notifié un licenciement pour faute par courrier ainsi libellé:

" Vous avez été recruté au sein de la Société le 1er juin 2013 et afin d'assurer la direction de sa filiale E-CAT. A ce titre, vous êtes en charge des différents aspects de la gestion de cette dernière et notamment d l'application des dispositions relatives au droit du travail.

Or la réalisation récente d'un audit a mis en lumière des problématiques très importantes dans la gestion des relations sociales au sein de l'entreprise caractérisant un manque de sérieux et une négligence totalement incompatibles avec l'exercice de vos fonctions.

- Ainsi et en premier lieu, nous avons été contraints de constater une absence totale de suivi du volet relatif à l'administration du personnel. C'est ainsi qu'en dépit de l'effectif de la société dont vous assumez la direction, aucun règlement intérieur n'a été établi.

Ou encore, il apparaît que vous n'avez pas mis en place de document unique d'évaluation des risques professionnels.

Dans le même sens, vous n'avez pas non plus engagé la moindre démarche en termes d'égalité professionnelle, en matière de pénibilité, de négociation sur le contrat de génération...

Vous n'êtes pas pourtant sans savoir que ces différents documents doivent être établis de manière obligatoire et que le non-respect des dispositions législatives et/ou réglementaires existant en la matière expose la Société non seulement à des sanctions pécuniaires mais également au risque d'actions en responsabilité de la part des salariés, voire même à des sanctions pénales; des carences sont également relevées dans la gestion des instances représentatives du personnel.

Notamment, le Comité d'Entreprise n'est pas consulté sur les différents thèmes prévus par le code du travail.

- Par ailleurs, nous avons également pris connaissance de votre absence totale de suivi des problématiques spécifiques portant sur la durée du travail des salariés, notamment dans le cadre des missions réalisées par ces derniers à l'étranger.

Votre négligence en la matière expose là encore la Société à des risques importants que ce soit au regard de la problématique du paiement des heures supplémentaires, de l'absence de contrepartie prévue s'agissant des temps de déplacement, de l'absence de respect des durées maximales de travail et minimales de repos, du non-respect des temps de pause etc..

- De nombreuses problématiques ont également été relevées dans les modalités de rémunération des salariés (incohérences dans les classifications appliquées, différences de rémunération de rémunération difficiles à justifier au regard du principe de l'égalité de traitement ...).

Ces différents exemples constituent de graves manquements à vos obligations professionnelles lesquels exposent la Société à des risques importants et que nous ne pouvons tolérer et ce d'autant moins au regard de votre niveau de responsabilité.

Dans ces conditions, et compte tenu de ces éléments, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute.

Nous vous précisions que nous vous dispensons de l'exécution de ce préavis et que vous percevrez donc au mois le mois l'indemnité compensatrice correspondante.(..)"

La période de préavis, rémunérée, débutant le 23 octobre 2015 devait se terminer le 23 février 2016.

Par courrier du 11 novembre 2015, M. [H] a contesté les motifs de son licenciement, les jugeant fantaisistes au motif que " la gestion des aspects administratifs et des ressources humaines de la société ECAT a été confiée par le groupe CEVA au DAF [V] [M] embauché à la demande du groupe pour gérer tous ces aspects , que le DAF étant absent pour maladie depuis le mois de mai 2015, n'a pas reçu le support qui lui avait été promis par les départements CEVA concernés."

Par courrier du 18 janvier 2016, la société CEVA SANTE ANIMAL a notifié à M.[H] la rupture anticipée de son préavis pour faute grave compte tenu du comportement adopté depuis la notification du licenciement et constitutif d'une faute grave : " En effet, en premier lieu, nous avons été alertés que vous n'hésitiez pas à contacter un certain nombre de clients du groupe en tenant des propos particulièrement dénigrants et ce manifestement dans le seul but de nous nuire. Par ailleurs, le 22 décembre dernier, vous avez été aperçu vous introduisant dans les locaux de la société dans l'après-midi puis en sortant du matériel appartenant à l'entreprise, à savoir deux machines utilisées dans le cadre de notre production, machines que vous vous êtes appropriées et avez emportées , à l'aide de votre véhicule personnel sans la moindre autorisation.

Dans ces conditions, il apparaît que votre comportement rendant totalement impossible la poursuite de votre préavis; nous sommes contraints de vous notifier la rupture anticipée du préavis pour faute grave."

Par requête du 4 mars 2016, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Morlaix et a demandé au conseil de :

- Dire son licenciement dépourvu de motif réel et sérieux et constitutif d'un licenciement abusif et vexatoire;

- Condamner la SA CEVA SANTE ANIMALE à lui verser les sommes suivantes :

* 10 282.37 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 4 112.95 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 240 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 35 000 € à titre de provision à valoir sur les remboursements de frais professionnels,

*10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Débouter la SA CEVA SANTE ANIMALE de l'ensemble de ses demandes

- Dire les dépens éventuels à la charge de la SA CEVA SANTE ANIMALE.

La SA CEVA SANTE ANIMALE a demandé au conseil de :

- Constater l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

- Constater l'existence d'une faute grave justifiant la rupture anticipée du préavis ;

- Constater le caractère infondé de la demande présentée au titre des remboursements de frais ;

- En conséquence, débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner M. [H] au paiement de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- Condamner le même aux entiers dépens de l'instance.

L'affaire a fait l'objet d'une radiation le 4 mai 2017 avant d'être réenrôlée le 14 juin 2017.

Par jugement en date du 15 décembre 2017, le conseil de prud'hommes de Morlaix a :

- Constaté l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

- Constaté également la faute grave pendant le préavis ;

- Débouté M. [H] de l'intégralité de ses demandes ;

- L'a condamné à verser à la SA CEVA SANTE ANIMALE la somme de 500 €au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Laissé les dépens à la charge de M. [H].

M. [H] a régulièrement interjeté appel de la décision précitée par déclaration de son conseil au greffe le 16 février 2018.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 10 août 2020, M. [H] demande à la cour de :

- Réformer le jugement ;

- dire le licenciement dépourvu de motifs réels et sérieux et constitutif d'un licenciement abusif et vexatoire;

- Condamner la SA CEVA SANTE ANIMALE à lui verser les sommes de:

* 240 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et injustifié,

* 10 282.37 € à titre d'indemnité complémentaire compensatrice de préavis,

* 4 112.95 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 35 000 € à titre de provision à valoir sur les remboursements de frais professionnels, sauf à parfaire,

* 10 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civil ;

- Débouter la société CEVA SANTE ANIMALE de ses demandes ;

- Subsidiairement surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la 3ème chambre commerciale de la cour d'appel de Rennes opposant notamment M. [H] à la SA CEVA, portant le numéro de rôle 19/03146 ;

- Condamner la SA CEVA SANTE ANIMALE aux entiers dépens d'instance et d'appel.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 16 septembre 2020, la SA CEVA SANTE ANIMALE demande à la cour de :

- Confirmer en totalité le jugement de première instance ;

- Juger infondées les demandes de M.[H] ;

- Débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes;

- Condamner M.[H] au paiement de la somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [H] aux entiers dépens de l'instance entiers dépens de l'instance en précisant qu'ils seront recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 22 septembre 2020 avec fixation à l'audience du 27 octobre 2020.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

L'article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse. Selon l'article L 1235-1 du même code , en cas de litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties .Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement du 20 octobre 2015 pour faute qui fixe les limites du litige se fonde sur les négligences fautives de M.[H] dans l'exécution de ses fonctions se traduisant par :

- une absence totale de suivi en matière d'administration du personnel,

- une absence totale de suivi des problématiques sur la durée du travail des salariés,

- de nombreuses problématiques dans les modalités de rémunération des salariés.

M.[H] a sollicité l'infirmation du jugement qui a estimé à tort que les carences dans la gestion administrative et sociale de la filiale ECAT relevant de la responsabilité du salarié en sa qualité de dirigeant de la filiale ECAT constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement, alors que l'activité de gestion du personnel, du suivi social et du paiement des salaires étaient confiés à un DAF (M.[R]) recruté par la société CEVA pour sa filiale ECAT, sous le contrôle de la DRH du groupe CEVA; que M.[H] assurait des missions essentiellement inventives, techniques et opérationnelles sous l'autorité directe du Directeur du Business Unit Biologie de la société CEVA et ne correspondaient pas à des fonctions de DRH ; que le rapport d'audit ne lui a jamais été transmis durant l'exécution de son contrat de travail avant sa transmission le 10 janvier 2017 dans le cadre de la présente procédure; qu'il n'a reçu aucun avertissement quelconque sur les difficultés invoquées en matière de gestion de personnel ou dans le domaine administratif.

La société CEVA soutient à l'inverse que M.[H] a fait preuve d'une négligence totale en matière de suivi du personnel et d'application des dispositions législatives et réglementaires en matière de droit du travail au sein de la société ECAT dont il assumait les fonctions de Directeur ; qu'il n'a pas contesté la réalité de se carences traduisant un manque total de sérieux et d'implication compte tenu de son niveau de responsabilité ; qu'il n'a justifié d'aucune délégation dans les domaines de gestion de personnel au profit du service RH du groupe ; qu'il n'a enfin mis en oeuvre aucun moyen pour s'assurer du respect de la réglementation applicable en matière sociale ; que la preuve de ses manquements ayant mis en lumière ses manquements a été communiquée à M.[H] qui avait eu connaissance de la réalisation de cet audit le 15 juin 2015 dans les locaux de l'entreprise.

La société CEVA SANTE ANIMALE verse aux débats :

- le rapport d'audit social établi le 1er octobre 2015 par la société CAPSTAN Avocats , ayant pour finalité de "dresser un inventaire non exhaustif de la situation sociale de la société ECAT et d'identifier les situations non conformes à la norme sociale en mettant en avant la nature et le niveau des risques encourus , notamment du risque pénal et de condamnation pécuniaire ",

- les procès-verbaux du Comité d'entreprise entre le 7 mars 2014 et le 13 mars 2015, faisant apparaître l'absence de version définitive d'un Règlement Intérieur,

- la liste des consultations annuelles obligatoires du Comité d'Entreprise avant le 1er janvier 2017, pour les entreprises de plus de 50 salariés,

- les bulletins de salaire de deux salariés monteurs soudeurs affectés à des postes identiques mais révélant une disparité en terme de rémunération,

- le bulletin de salaire d'un ingénieur positionné en niveau I malgré plus de 3 ans d'ancienneté en méconnaissance des dispositions conventionnelles de classification des cadres prévoyant un passage automatique et obligatoire,

- les bulletins de salaire de deux salariés ne percevant pas le minimum conventionnel et méconnaissant les dispositions conventionnelles en matière de forfait.

Même si aucune fiche de poste n'est versée aux débats, le Directeur de filiale chargé de d'assurer la gestion et la croissance d'une unité de production décentralisée et juridiquement indépendante de la société mère, doit veiller à prendre les mesures nécessaires au respect des dispositions légales, réglementaires et conventionnelles en matière de gestion administrative et juridique. Contrairement à l'interprétation de M.[H], son rôle de directeur de filiale avec un statut de cadre dirigeant ne se limitait pas à des fonctions techniques orientées vers la recherche et la production et à des fonctions commerciales et de représentation. En effet, en sa qualité de Responsable, il disposait des pouvoirs, à défaut de justifier d'une délégation de pouvoirs, avec l'assistance technique d'un directeur administratif et financier M.[R] recruté en février 2014 sur lequel il exerçait un pouvoir hiérarchique (fiche de poste pièce 70) de prendre les mesures nécessaires pour respecter la réglementation en droit du travail et en matière de gestion du

personnel.

M.[H] n'a pas contesté la matérialité des manquements relevés par l'audit social du 1er octobre 2015 réalisé le 15 juin 2015 dans les locaux de l'entreprise selon lequel, malgré le courrier d'observations du 11 avril 2011 de l'Inspection du travail, il était constaté diverses irrégularités sur le plan de la réglementation applicable au sein de l'entreprise, à savoir: l'absence de règlement intérieur obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés ,l'absence de document unique d'évaluation des risques ( Pages 162,170), l'absence de plan d'action d'égalité des chances Hommes / Femmes , l'absence de plan d'action de génération et l'absence de plan d'action relatif à la pénibilité. Le Règlement intérieur soumis au Comité d'Entreprise depuis mars 2014 n'était pas validé à la date du 15 juillet 2015, selon les éléments fournis lors de l'audit.

Le salarié, recruté depuis le 1er juin 2013 en qualité de directeur de la filiale ECA, est mal fondé à rechercher la responsabilité du service ressources humaines du groupe CEVA pour tenter de s'exonérer de ses propres carences. En effet, si les courriels échangés entre M.[H] et le service RH du groupe CEVA et notamment la DRH Mme [X] [A] révèlent l'existence d'une simple assistance technique de la part du service RH du groupe CEVA dans le recrutement de certains cadres ( DRH et responsable clientèle), l'élaboration de la fiche de poste du DRH, des relations avec les instances représentatives, force est de constater que les décisions sont prises par M.[H] en sa qualité de dirigeant de la filiale, juridiquement indépendante. S'il est fait mention dans les documents de l'appelant du projet d'intégration de la société ECAT dans l'Unité Economique et Sociale du groupe CEVA, ce rapprochement était sans influence sur la situation juridique de la société ECAT et ses obligations au regard des obligations légales et réglementaires.

Même s'il n'est pas justifié de la transmission immédiate au salarié des conclusions du rapport d'audit du 1er octobre 2015, M.[H] ne pouvait pas ignorer le non-respect des dispositions obligatoires relatives à l'absence de règlement intérieur, de document unique d'évaluation des risques déjà visés par l'Inspection du travail dans son courrier du 11 avril 2011 alors que l'appelant était déjà le dirigeant de la société ECAT.

Les faits ainsi établis, imputables à M. [H] en qu'ils ressortent de ses fonctions de Directeur de la filiale, constituent des négligences répétées et fautives de la part du salarié, s'agissant de la méconnaissance des règles impératives, passibles de sanctions pénales que l'appelant ne pouvait pas ignorer de par son niveau de responsabilité.

Il suit de là que, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, le licenciement de

M. [H] repose bien sur une cause réelle et sérieuse de sorte que sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera rejetée . Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de sursis à statuer

La demande de sursis à statuer présentée par M [H] au motif qu'une procédure pour des faits prétendus d'actes de concurrence déloyale est actuellement pendante devant la chambre commerciale de la Cour d'Appel de RENNES, n'est pas justifiée, s'agissant de litiges distincts opposant les parties en tant qu'associés de la société ECAT et non pas dans le cadre de la relation de travail.

La demande de sursis à statuer sera donc rejetée.

Sur la rupture anticipée du préavis

M.[H] a demandé l'infirmation du jugement qui a retenu des faits fautifs et déloyaux imputables au salarié durant la période de préavis pour justifier la rupture anticipée du préavis pour faute grave alors que l'appelant conteste tout dénigrement et tout acte de concurrence déloyale envers son employeur.

Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve des manquements fautifs du salarié durant la période de préavis pour justifier l'interruption immédiate du préavis .

La société ECAT reproche à M.[H] , par courrier du 18 janvier 2016, " d'avoir contacté un certain nombre de clients du groupe en tenant des propos particulièrement dénigrants dans le but de nous nuire", et de s'être introduit le 22 décembre 2015 dans les locaux de l'entreprise et d'avoir enlevé deux machines industrielles utilisées dans le cadre de la production, à l'aide de son véhicule personnel sans la moindre autorisation".

L'employeur verse aux débats :

sur le dénigrement :

- l'extrait Kbis de la société NECTRA créée le 6 novembre 2015 par M.[H],

- le courriel du 18 novembre 2015 intitulé " Création de NECTRA , ma nouvelle société d'automatisation des couvoirs", adressé à un groupe GEMILMANG , dont il n'est pas contesté par l'appelant qu'il s'agit bien d'un client indonésien de la société ECAT. Dans ce courriel en langue anglaise dont la traduction n'est pas contestée, M.[H] a transmis " les coordonnées de sa nouvelle société NECTRA, créée à la suite de son départ de la société ECAT sans autre interférence avec le groupe CEVA. Il évoque le fait que le groupe CEVA n'a pas exécuté l'esprit et la lettre de notre partenariat de 2013 de façon loyale. Malgré sa patience, ils ont sérieusement retardé notre capacité à couvrir le marché et proposer un service aux clients à temps car ils accordaient une trop grande priorité aux vaccins inovo et avaient en vue un système de distribution local, par pays, par le biais duquel CEVA habilitait ses employés locaux au détriment de ceux qu'on y avait déjà.;. j'espère que vous honorerez notre longue tradition de travail et me ferrez encore une fois confiance dans le cadre du projet NECTRA."(..) La stratégie de CEVA et sa volonté excessive d'intégration s'opposaient à la structure d'ECAT, son identité et l'engagement moral qu'elle a souscrit, jusqu'au point où elles sont devenues contradictoires avec les termes et l'objectif de notre alliance. ... A cause de l'alliance, ceci a obligé ECAT à se départir de son activité d'automatisation au profit de l'activité de vaccination, ce qui est préjudiciable pour le secteur des couvoirs. . En bref, CEVA a fait le choix de rompre l'esprit qui animait l'alliance que j'ai mis en oeuvre en 213 avec les conséquences préjudiciables sur les engagements long terme que l'on a fait au nom de ECAT à nos partenaires, agents mais également à certains de nos clients Par conséquent, à la fin de cette aventure entamée en mai 2013 et en considération des différences stratégiques citées ci-dessus, je suis obligé de quitter CEVA ainsi qu'ECAT que j'ai créé en 2006, car cette dernière reste la propriété de CEVA (..)" ,

- un courriel du 9 décembre 2015 de M.[Y], agent commercial coréen informant la direction que l'un des clients a reçu une lettre de M.[H] pour le compte de la société nouvelle NECTRA,

- un courriel du 16 janvier 2016 de M.[K], responsable clientèle de la société ECAT, interrogé par un distributeur japonais de la société ECAT signalant qu'il devait rencontrer M.[H] en vue de discuter d'une future collaboration, ce dernier affirmant commercialiser des produits ECAT.

Les autres pièces et attestations produites ne présentent pas de lien avec le grief du dénigrement invoqué à l'encontre du salarié.

sur les faits du 22 décembre 2015 :

- le procès-verbal de constat d'huissier ( Me [G]) établi le 23 décembre 2015 après visionnage des images filmées la veille et l'avant-veille dans l'atelier et sur le parking de l'entreprise. L'opération s'est déroulée en quelques minutes à partir de 16h24 lorsqu'un salarié de l'entreprise a ouvert la porte de l'atelier à une autre personne identifiée comme étant M.[H], arrivé avec son véhicule personnel ( monospace gris) sur le parking de l'entreprise, que les deux hommes ont pris chacun dans leurs bras une machine posée sur une palette de l'atelier et qu'ils l'ont transportée jusque dans le coffre du véhicule, reparti à 17h27,

- l'acte d'achat des actions de la société ECAT au profit de la société CEVA en date du 25 mai 2013 , portant mention en son article 2.7 "Titres de propriété"que les " sociétés sont propriétaires ou ont la jouissance en vertu d'un titre valablement constitué ou d'un droit valable d'utilisation, des matériels et équipements qu'elles utilisent actuellement pour leurs activités en France et au Brésil ",

- l'attestation de M.[L], nouveau directeur général de la société ECAT depuis le 5 octobre 2015 ( pièce 37) qui indique avoir constaté fin octobre -début novembre 2015 que les deux machines en question avaient quitté la zone R et D vers le fond de l'atelier pour y être nettoyées sur l'initiative d'un salarié ( M.[W]). M.[L] aurait demandé à M.[W] de "ne pas toucher à ces machines dont l'appartenance à M.[H] n'était pas établie".

M.[H] fait valoir que la preuve d'un prétendu dénigrement n'est pas rapportée, qu'il a adressé après son licenciement un courriel à des amis en expliquant les raisons pour lesquelles il avait dû créer sa propre entreprise la société NECTRA après avoir été évincé par la société CEVA dans des conditions particulièrement vexatoires étant rappelé qu'il n'était soumis à aucune clause de non-concurrence. Enfin, s'agissant des faits du 22 décembre 2015, il a fait valoir qu'il avait seulement récupéré des machines dont il est le créateur et qui se trouvaient sur le site de [Localité 7]; qu'il avait averti le nouveau directeur M.[L] de ce qu'il viendrait récupérer ses machines.

Si l'appelant verse aux débats un certain nombre de documents et attestations de nature à établir ses droits de propriété sur les machines de laboratoire conçues et réalisées par lui à une période antérieure à la création de la société ECAT, M.[H] ne fournit aucune explication cohérente sur le fait qu'il a transmis durant la période rémunérée de congé - préavis d'une durée de 4 mois à effet au 23 octobre 2015, des courriels

destinés à des clients dont les termes sont particulièrement désobligeants et virulents à l'égard de la société CEVA avec laquelle la relation de travail n'a cessé que le 23 février 2016, à l'issue de la période de préavis.

M.[H] en critiquant son employeur dans des termes très critiques sur la stratégie industrielle et commerciale, a manqué à son devoir de loyauté, quelles que soient les circonstances de son départ puisqu'il était soumis à une obligation générale de loyauté pendant la durée de son contrat de travail y compris durant la période de congé de préavis. Ce comportement à l"égard de son employeur caractérise une faute suffisamment grave pour justifier une rupture immédiate de la période de préavis sans droit à indemnité.

La société CEVA SANTE ANIMALE étant fondée à se prévaloir de la rupture anticipée de la période de préavis sans droit à indemnité, M.[H] sera débouté de ses demandes en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de congés payés sur la période de préavis, par voie de confirmation du jugement.

Sur les autres demandes

M.[H] qui a maintenu sa demande en paiement de la somme de 35 000 euros de provision à valoir sur les remboursements de frais professionnels engagés pour le compte d'ECAT, dont il a été débouté par les premiers juges, n'a fourni aucune pièce justificative à l'appui de sa demande. Cette demande, non justifiée, sera donc rejetée par voie de confirmation du jugement.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens en cause d'appel. Les parties seront donc déboutées de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile , le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile

M.[H] , partie perdante, sera condamné aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT :

- REJETTE la demande de sursis à statuer présentée par M..[H] ,

- DEBOUTE les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE M.[H] aux dépens de l'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 18/01201
Date de la décision : 17/12/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 05, arrêt n°18/01201 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-17;18.01201 ?
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