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08/12/2020 | FRANCE | N°19/00424

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 08 décembre 2020, 19/00424


1ère Chambre








ARRÊT N°456/2020





N° RG 19/00424 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PPA4




















M. K... I...





C/





Mme C... L...


























Copie exécutoire délivrée





le :





à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS>




COUR D'APPEL DE RENNES


ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2020








COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :





Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente,


Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,


Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,








GREFFIER :





Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé








DÉBATS :



...

1ère Chambre

ARRÊT N°456/2020

N° RG 19/00424 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PPA4

M. K... I...

C/

Mme C... L...

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 Octobre 2020 devant Madame Aline DELIÈRE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Décembre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur K... I...

né le [...] à Saint Nazaire (44600)

[...]

[...]

Représenté par Me Martine GRUBER de la SELARL ARMEN, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

INTIMÉE :

Madame C... L...

née le [...] à NANTES (44000)

[...]

[...]

[...]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Nicolas FEUILLATRE, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

FAITS ET PROCÉDURE

M. K... I... est propriétaire, à Crossac (44), lieu-dit Cambéniac, des parcelles cadastrées section [...] [...] et [...]. Mme C... L... est propriétaire de la parcelle contigüe [...] .

Le 5 avril 2016, après une tentative de bornage amiable, M. I... a assigné Mme L... en bornage devant le tribunal d'instance de Saint Nazaire.

Par jugement avant dire droit du 18 janvier 2017, le tribunal a ordonné une expertise confiée à M. N....

Par jugement du 15 novembre 2017, M. N... a été déchargé de sa mission et M. B... a été désigné comme expert.

Il a déposé son rapport le 14 mai 2018.

Par jugement du 9 janvier 2019, le tribunal d'instance de Saint Nazaire a :

-rejeté la demande de M. I... de nouvelle expertise,

-déclaré le tribunal d'instance incompétent au profit du tribunal de grande instance quant aux demandes portant sur l'empiétement de la dalle, le droit de passage et le droit de puisage,

-fixé la limite séparative entre les propriétés de M. I... et de Mme L... selon les points A-B-C-D', étant précisé qu'entre les points A et B, le dépassement de la dépendance forme limite, conformément au plan dressé par M. B... déposé le 14 mai 2018,

-commis à nouveau M. B... pour procéder au placement des bornes conformément au plan de son rapport qui demeurera annexé à la présente décision,

-débouté M. I... de sa demande en suppression de l'angle de la dépendance,

-débouté Mme L... de sa demande indemnitaire,

-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

-partagé les dépens par moitié entre les parties.

M. I... a fait appel le 18 janvier 2019 des chefs du jugement :

-rejetant sa demande de nouvelle expertise,

-fixant la limite séparative entre les propriétés conformément au plan de M.B... du 14 mai 2018,

-commettant à nouveau M. B... pour procéder au placement des bornes,

-le déboutant de sa demande en suppression de l'angle de la dépendance,

-le déboutant de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. I... expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 31 août 2020 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Il demande à la cour :

-d'infirmer la décision du tribunal d'instance de Saint-Nazaire,

-de rejeter les conclusions expertales de M. B..., de désigner un troisième expert aux frais partagés des parties pour procéder au bornage des parcelles [...] [...] , [...] et [...] et de dire que les frais de bornage seront partagés par moitié.

A titre subsidiaire, il demande à la cour :

-d'homologuer les conclusions de M. N... et de dire que le bornage devra être établi en fonction des bornes A-B-C-D du pré-rapport du 13 juin 2017 de M. N...,

-de se déclarer compétente pour connaître de la demande de destruction de l'empiétement de la dépendance,

-de constater l'empiétement de la dépendance ou cabanon de Mme L... sur la parcelle de M. I...,

-de condamner Mme L..., sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, à procéder à la suppression de l'angle du cabanon qui dépasse la ligne A-B ou A'-B selon la limite qui sera retenue par «'le tribunal'»,

-de condamner Mme L..., sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un mois à compter de la décision à intervenir à procéder à la suppression de l'empiétement de la dalle dépassant la ligne B-C.

Il demande que Mme L... soit condamnée aux dépens et à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme L... expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 12 juin 2019 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Elle demande à la cour de :

-confirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts,

-condamner M. I... à payer les dépens et les frais d'expertise et à lui payer la somme de 5000 euros de dommages et intérêts et celle de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1) Sur le bornage et la demande de nouvelle expertise

La commune a été l'objet d'un remembrement, dont le procès-verbal a été publié le 30 juin 1981. Des bornes ont été posées à cette occasion.

Les parcelles litigieuses résultent de la division de la parcelle [...] , issue du remembrement, qui appartenait aux époux P... I... et S... H..., réalisée à l'occasion d'une donation partage à leurs enfants le 30 juillet 1987.

Un document d'arpentage a alors été établi par M. X..., géomètre-expert, le 27 mai 1987. Des bornes complémentaires à celles du remembrement ont été posées lors de la cession de la parcelle [...] par M. Y... I... à Mme L... le 18 janvier 2000, ainsi qu'il ressort du pré-rapport de M.N....

Mme L... demande la confirmation du jugement qui a retenu le plan de bornage de l'expert B... à l'exclusion du point A'. Le tribunal a estimé qu'il convenait de retenir le point A parce qu'il correspond à une borne déjà en place et parce que l'expert a positionné le point A' par rapport à une borne K, qui est couchée et ne peut être prise comme point de référence.

En fait, l'expert B... a positionné le point A' sans tenir compte de la borne A. Il a calculé la position du point A en reprenant les cotes du plan d'arpentage à partir des points B et E, non contestés.

Ceci étant, il ressort des conclusions des parties qu'elles sont d'accord pour maintenir la borne A en place, et ne pas tenir compte du point A' fixé par l'expert.

M. I... conteste le plan de bornage proposé par l'expert B... quant aux bornes C et D.

La borne C : l'expert B... a vérifié sur place l'implantation des bornes et après mesures et comparaison avec le plan de remembrement de 1981 a conclu que les bornes F, G, J et I sont en place. L'expert N..., qui a vérifié le positionnement des bornes J et F a conclu également que ces bornes sont en place.

Mais il n'a pas porté ses recherches sur les bornes G et I, alors que leur positionnement a permis à l'expert B... de vérifier la position du point C.

La borne C existe à la suite de la division de la parcelle [...] . La limite J-B-G a été créée à cette occasion et aucun motif ne justifie que la ligne soit une ligne courbe comme le soutient M. I.... C'est à juste titre que l'expert B... a considéré que le point C était dans l'alignement des points B et G et que la borne C, qui est dans cet alignement, n'a pas bougé.

M. I... soutient en effet que la borne a été déplacée quand Mme L... a fait construire un cabanon mais elle conteste ce fait et il ne le démontre pas.

Enfin, après un dire de M. I..., l'expert B... a vérifié la distance, d'après le plan d'arpentage entre C et N', et en a déduit que le point C est à sa place.

M. I... fait valoir que l'expert B... a aussi trouvé un décalage de 19cms entre la distance C-G sur le terrain et la cote du document d'arpentage et qu'il néglige ce point. Mais l'expert explique qu'il est possible que les cotes du document d'arpentage n'aient pas été prises avec précision, qu'en effet il a mesuré la distance totale J-G à 88,16 mètres alors que sur le document d'arpentage la mesure est de 87,50 mètres. Pour tenir compte de ces différences, l'expert a procédé à des compensations. Il est donc inexact de soutenir que l'expert n'a pas tenu compte du décalage entre les cotes du document d'arpentage et les mesures sur le terrain.

La borne D : l'expert a relevé que la borne D existante se trouve à 1,33 mètre par rapport au point D du document d'arpentage et qu'en prolongeant la droite F-D de 10,50 mètres pour obtenir le point E, comme indiqué sur le document d'arpentage la borne E se trouverait dans le fossé en dehors de la parcelle [...] . Il en déduit que le point D ne correspond ni avec le plan d'arpentage, ni avec le plan du remembrement et que la borne D a été déplacée et calcule la position d'un point D' en conservant les cotes de 35mètres (C-D/D') et de 47,18 mètres (F-D/D').

L'expert N... avait également avancé l'hypothèse que la borne D ne correspondait pas à sa position sur le plan.

La photographie du 2 avril 2015 prise par ERDF montrant l'emplacement virtuel des équipements de raccordement ne démontre pas que la borne posée en 2000 lors de la division de la parcelle [...] n'a pas été déplacée avant que la photographie ne soit prise.

M. I... reproche également au plan de bornage proposé par l'expert d'avoir pour conséquence une perte de surface de 73 m² à son détriment. L'expert a répondu que les calculs de M. I... ne sont pas fondés et qu'il applique bien le plan d'arpentage de 1987, la seule cote augmentée étant la cote B-C, au prorata des distances, ce qui est équitable.

La cour, comme le tribunal, estime que l'expert judiciaire, qui n'était pas tenu de reprendre le pré-rapport de M. N... et d'adopter sa méthode de travail et qui a répondu précisément aux dires de chaque partie, a rempli sa mission et qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise ou de retenir le plan établi par M. N....

Pour les mêmes raisons, le plan de bornage proposé par l'expert judiciaire doit être retenu et le jugement sera confirmé pour avoir fixé les limites séparatives et ordonné le bornage selon les points A-B-C-D'.

2) Sur la limite entre les points A et B et sur la demande de démolition de l'angle de la dépendance

Le tribunal a retenu que Mme L... bénéficie de l'usucapion quand à la dépendance située à l'angle nord-ouest de son terrain et que la limite séparative contourne cette dépendance.

La dépendance litigieuse se trouve à cheval sur la ligne A-B et empiète de 6,10 m², mesurés par l'expert, la parcelle [...] .

M. I... demande à la cour d'ordonner la démolition de l'angle de la dépendance parce qu'il ne dépend pas de la propriété de Mme L....

Les attestations de témoins, nés entre [...] et 1957, nés ou vivant à Cambeniac, diverses photographies de plans anciens et des photographies aériennes versées à la procédure démontrent que la dépendance, qui servait d'écurie aux ascendants de M. I..., existe depuis longtemps.

M. I... soutient que le bâtiment a été démoli et reconstruit en 1992. Mais peu importe l'état du bâtiment dès lors que, même en mauvais état, son emprise a toujours été la même sur la parcelle [...] divisée en [...] et [...]. Par ailleurs M. O... I..., propriétaire de la parcelle [...] en 1992, déclare avoir rénové la dépendance en 1992 avant de la céder à MmeL..., soit avant le point de départ du délai de prescription de 10 ans invoqué par Mme L....

Mme L... dispose d'un titre depuis le 18 janvier 2000, date à laquelle elle acheté la parcelle [...] et la dépendance à M. O... I....

Dès lors que la dépendance existait sur le terrain et que la commune intention des parties était d'en céder également la propriété, peu importe qu'elle n'ait pas été mentionnée dans l'acte de vente. M. I... soutient donc à tort que le titre de Mme L... ne correspond pas à ce qu'elle revendique.

Le délai de prescription de 10 ans de l'article 2272 alinéa 2 du code civil a expiré le 18 janvier 2010.

Dans un courrier du 18 août 2008 adressé au maire de la commune, MmeL... expose qu'elle veut clôturer sa parcelle et sollicite le document d'arpentage établi en 1987. Elle ajoute que deux problèmes soulèvent son attention et concernent l'entrée de sa dépendance que le propriétaire de la parcelle mitoyenne pourrait décider de murer ainsi que les limites de sa parcelle. Elle demande si la délimitation de sa parcelle doit contourner l'angle de la dépendance ou si l'angle de la dépendance sert de bornage.

Il ne ressort pas de ce courrier, contrairement à ce que soutient M. I..., que Mme L... avait des doutes sur le fait qu'elle est propriétaire de la dépendance et de son assiette, y compris sur la partie de celle-ci qui dépasse sur le chemin. Elle s'interrogeait seulement sur la position de la limite par rapport à l'angle de la dépendance.

M. I... conteste également la bonne foi de Mme L... mais évoque des événements et des faits survenus à compter de 2016, tenant à la production d'une pièce et à la modification des lieux pendant la procédure, et ne remettant pas en cause la bonne foi de Mme L... pendant la période d'acquisition de la prescription.

C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que Mme L... justifiait d'une possession remplissant les conditions de l'article 2261 du code civil, qu'elle est de bonne foi et dispose d'un juste titre, qu'elle a prescrit la propriété de la partie nord-est de la dépendance qui dépasse et son assiette et que les limites de sa parcelle contournent l'angle de la dépendance. Le jugement sera donc confirmé sur ce point ainsi que pour avoir rejeté la demande de démolition de l'angle de la dépendance.

3) Sur la demande de Mme L... de dommages et intérêts

Mme L... réclame des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral causé par M. I... à qui elle reproche de troubler la possession paisible et sereine de sa propriété.

Mais elle ne produit aucune pièce démontrant la nature et l'importance de son préjudice moral, alors que l'action en bornage était nécessaire, le plan d'arpentage n'étant pas fiable et ne concordant pas avec les bornes existantes.

Le jugement, qui a rejeté sa demande, sera confirmé.

4) Sur les dépens, les frais d'expertise et de bornage et les frais non compris dans les dépens

Le jugement, qui, au visa de l'article 646 du code civil, a partagé les dépens, y compris les frais d'expertise par moitié entre les parties, sera confirmé.

Les dépens d'appel resteront à la charge de M. I..., partie perdante.

Il sera ajouté, comme le demande M. I..., que les frais de bornage seront également partagés par moitié entre les parties.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu'elles ont exposés qui ne sont pas compris dans les dépens et leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme les dispositions critiquées du jugement déféré,

Y ajoutant,

Dit que les frais de bornage seront partagés par moitié entre les parties,

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. K... I... aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19/00424
Date de la décision : 08/12/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°19/00424 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-08;19.00424 ?
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