La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2020 | FRANCE | N°20/02460

France | France, Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 17 novembre 2020, 20/02460


3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N°



N° RG 20/02460 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QUQ2













S.E.L.A.R.L. MJO



C/



M. [Z] [O]

































Copie exécutoire délivrée



le :



à : Me BOISSONET

Me TANGUY HARDY



Copie délivrée

le :



à :

SELARL MJO

M. [Z] [O]

Procureur Gé

néral







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Con...

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°

N° RG 20/02460 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QUQ2

S.E.L.A.R.L. MJO

C/

M. [Z] [O]

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me BOISSONET

Me TANGUY HARDY

Copie délivrée

le :

à :

SELARL MJO

M. [Z] [O]

Procureur Général

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé

MINISTERE PUBLIC : en présence de Mme Cécile LEINGRE, avocat général à qui l'affaire a été régulièrement communiquée.

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 Septembre 2020 devant Monsieur Alexis CONTAMINE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Novembre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.E.L.A.R.L. MJO en qualité de liquidateur de la Société AMP PRODUCTION, inscrite au RCS sous le n° 803 624 576,

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Jérôme BOISSONNET de la SELARL BRG, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉ :

Monsieur [Z] [O]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 4] (TUNISIE)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Mélaine TANGUY-HARDY de la SARL LAWIS & CO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES substituée par Me Charly SCHEUER, avocat au barreau de Nantes

FAITS ET PROCEDURE :

Le capital de la Sarl AMP Production (la société AMP) était détenu par la société Probatiso à hauteur de 95% et par Mme [S] à hauteur de 5%.

M. [O] a exercé les fonctions de gérant depuis le 21 décembre 2016.

La société AMP a été placée en redressement judiciaire le 23 novembre 2016, M. [V] étant désigné administrateur et M. [W] mandataire.

La période d'observation était fixée initialement à 6 mois, renouvelée jusqu'au 31 janvier 2018.

La recevabilité du plan de redressement a été conditionnée à la réalisation de deux objectifs principaux :

- Le redémarrage de l'activité via la conclusion d'un nouveau contrat de location d'une machine de découpe laser,

- Un apport significatif visant à couvrir les dettes nées postérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire et celles résultant de la nécessité de payer les créanciers revendiquant, sous peine pour la société AMP de devoir restituer le matériel et d'arrêter son activité.

Un plan de redressement a été homologué par jugement en date du 31 janvier 2018.

Par requête du 9 juillet 2018, M. [V], ès qualités, a présenté une requête aux fins de résolution du plan, au motif qu'un certain nombre de créances issues de moratoires demeuraient impayées.

Une première audience s'est tenue à ce sujet le 25 juillet 2018.

À cette occasion, M. [O] ayant justifié du règlement de l'intégralité des sommes restant dues a la société Ouest Convoyeur, l'affaire a été renvoyée au 3 octobre 2018.

Par jugement du 17 octobre 2018, le tribunal a prononcé la résolution du plan de continuation et l'ouverture d'une liquidation judiciaire, a fixé la date de cessation des paiements au 31 janvier 2018, date de l'homologation du plan, et a désigné M. [W], de la société MJO, liquidateur.

Par ordonnance du 12 décembre 2018, le juge commissaire a autorisé la cession des éléments subsistants du fonds de commerce au profit de la société Tôlerie de la Loire pour le prix de 30.000 euros.

M. [W], ès qualités, a saisi le tribunal d'une demande de faillite personnelle à l'encontre de M. [O].

Par jugement du 12 mars 2020, le tribunal de commerce de Nantes a :

- Dit que l'assignation est recevable,

- Débouté M. [W], ès qualités, de sa demande au tribunal de prononcer une mesure de faillite personnelle d'une durée de 15 ans à l'encontre de M. [O],

- Condamné M. [W], ès qualités, au paiement d'une somme de 2.500 euros à M. [O], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société AMP,

- Ordonné que le jugement soit publié conformément à la Loi.

La société MJO, ès qualités, a interjeté appel le 29 mai 2020.

Les dernières conclusions de la société MJO, ès qualités, sont en date du 15 septembre 2020. Les dernières conclusions de M. [O] sont en date du 26 septembre 2020. L'avis du ministère public est en date du 18 septembre 2020.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2020.

A l'audience tenue le lundi 28 septembre 2020 à 9h30, pour éviter que les dernières conclusions de M. [O] ne puissent être déclarées irrecevables comme tardives, le président a autorisé la société MJO, ès qualités, à faire valoir des observations par note en délibéré sur les conclusions de M. [O] transmises par RPVA le samedi 26 septembre 2020 à 00h53. La société MJO, ès qualités, a transmis sa note en délibéré le 5 octobre 2020. Cette note n'est recevable qu'en ce qu'elle répond aux dernières conclusions de M. [O].

M. [O] n'a pas été autorisé à répondre de nouveau à cette note en délibéré. Sa note en réponse transmise le 5 octobre 2020 est irrecevable.

PRETENTIONS ET MOYENS :

La société AMP Production et M. [W], ès qualités, demandent à la cour de :

Avant dire droit :

- Enjoindre au procureur de la république de Nantes de produire le protocole d'accord transactionnel référencé : « réf Procédure Police = 2019/1188 ANNEXE PV N°4 Soit-transmis 19/065-78 »,

- Faire sommation à M. [O] de produire le protocole d'accord transactionnel conclu, intéressant le laser « Bistonic »,

Au fond :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté M. [W], ès qualités, de sa demande visant à voir prononcer une mesure de faillite personnelle d'une durée de 15 ans à l'encontre de M. [O],

- condamné M. [W] , ès qualités, au paiement d'une somme de 2.500 euros à M. [O] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau :

- Condamner M. [O] à une mesure de faillite personnelle d'une durée de 15 années,

- Condamner M. [O] à régler à la liquidation judiciaire de la société AMP Production (M [W], ès qualités) la somme de 2.500 euros au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner M. [O] aux entiers dépens de l'instance.

M. [O] demande à la cour de :

A titre liminaire :

- Constater que les demandes formulées par le ministère public constituent des prétentions nouvelles conformément à l'article 564 du code de procédure civile,

En conséquence :

- Déclarer irrecevables les demandes formulées par le Ministère public tendant à obtenir la condamnation de M. [O] à une mesure de faillite personnelle en raison d'un prétendu détournement d'actif,

En tout état de cause :

- Dire que la société AMP et M. [W] sont irrecevables et mal fondés à solliciter le prononcé d'une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [O],

- Dire que la société AMP et M. [W] sont irrecevables à invoquer l'existence d'une omission de déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours pour justifier une demande de prononcé de faillite personnelle à l'encontre de M. [O],

- Constater qu'une mesure de faillite personnelle ne peut être prononcée dans le cas de la résolution d'un plan de continuation,

- Constater que la société AMP et M. [W] n'apportent pas la preuve :

- d'une augmentation sensible du passif de la société AMP entre l'ouverture du redressement judiciaire et l'ouverture de la liquidation judiciaire,

- d'un intérêt personnel poursuivi par M. [O],

- du caractère abusif de la poursuite d'exploitation,

- Constater que M. [O] a justifié dans le cadre de la première instance, et justifie de nouveau en cause d'appel de la production du bilan clos au 31 décembre 2017 et que l'établissement des comptes clos au 31 décembre 2018 incombe à M. [W], ès qualités, lui-même,

En conséquence :

- Débouter la société AMP et M. [W], ès qualités, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Confirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions,

Y additant :

- Condamner M. [W], ès qualités, au paiement d'une amende civile de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- Condamner M. [W], ès qualités, à payer à M. [O] la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 1240 du code civil,

- Condamner la société MJ-O au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société AMP .

Le ministère public est d'avis de prononcer une faillite personnelle d'une durée de dix années.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Les demandes de constat figurant au dispositif des conclusions ne sont pas des demandes en justice. Il n'y sera pas répondu en tant que demandes mais en tant que moyens.

Une faillite personnelle peut être prononcée, notamment, lorsque le dirigeant d'une société a détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif, a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire, a, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ou encore a fait disparaître des documents comptables, n'a tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou a tenu une comptabilité fictive :

Article L653-1 (rédaction applicable depuis le 20 novembre 2016) :

I.-Lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions du présent chapitre sont applicables :

1° Aux personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale, aux agriculteurs et à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;

2° Aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales ;

3° Aux personnes physiques, représentants permanents de personnes morales, dirigeants des personnes morales définies au 2°.

Ces mêmes dispositions ne sont pas applicables aux personnes physiques ou dirigeants de personne morale, exerçant une activité professionnelle indépendante et, à ce titre, soumises à des règles disciplinaires.

II.-Les actions prévues par le présent chapitre se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui prononce l'ouverture de la procédure mentionnée au I. Toutefois, la prescription de l'action prévue à l'article L. 653-6 ne court qu'à compter de la date à laquelle la décision rendue en application de l'article L. 651-2 a acquis force de chose jugée

Article L653-3

I.-Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée au 1° du I de l'article L. 653-1, sous réserve des exceptions prévues au dernier alinéa du I du même article, contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ;

2° Abrogé.

3° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif.

II.-Peuvent en outre, sous la même réserve, être retenus à l'encontre d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée les faits ci-après :

1° Avoir disposé des biens du patrimoine visé par la procédure comme s'ils étaient compris dans un autre de ses patrimoines ;

2° Sous le couvert de l'activité visée par la procédure masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt autre que celui de cette activité ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de l'entreprise visée par la procédure un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.

Article L653-4

Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;

2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;

4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;

5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

Article L653-5 :

Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;

2° Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;

3° Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale ;

4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;

5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;

6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;

7° Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée ;

Article L123-12 :

Toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement.

Elle doit contrôler par inventaire, au moins une fois tous les douze mois, l'existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l'entreprise.

Elle doit établir des comptes annuels à la clôture de l'exercice au vu des enregistrements comptables et de l'inventaire. Ces comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe, qui forment un tout indissociable.

Sur les demandes du ministère public devant la cour :

Le tribunal a été saisi par le liquidateur de la société AMP d'une demande tendant au prononcé d'une faillite personnelle contre M. [O].

Devant la cour, c'est cette même demande de prononcé d'une faillite personnelle qui est présentée. Le ministère public ne présentant pas de demande nouvelle devant la cour, la demande de M. [O] tendant à l'irrecevabilité sur le fondement des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile sera rejetée.

La demande du ministère public est fondée sur les dispositions de l'article L 654-6 du code de commerce. Ces dispositions ayant été abrogées à compter du 1er octobre 2016, cette demande est privée de fondement juridique et sera rejetée.

Sur le détournement d'actif :

Le liquidateur reproche à M. [O] d'avoir détourné une machine à découpe laser du patrimoine de la société AMP.

Il résulte des pièces produites par M. [O] que la machine a été acquise le 26 février 2018 par la société Proecowatt pour la somme de 654.000 euros. Elle a été mise à disposition de la société AMP par la société Proecowatt par contrat du 26 février 2018. Elle a ensuite été vendue par la société Proecowatt, pour son prix d'acquisition, à la société Probatiso Groupe et facturée à cette dernière les 1er mars 2018 et 29 avril 2018. C'est la société Probatiso qui l'a revendue le 12 décembre 2018 à la société Koltsidas.

Il apparaît ainsi que, si cette machine a été un moment mise à la disposition de la société AMP, elle n'est pas entrée dans son patrimoine. Il ne peut utilement être reproché à M. [O] d'avoir détourné le patrimoine de la société AMP en participant à la revente de cette machine.

Du fait de la production devant la cour des pièces utiles à la prise de décision, la demande de production de pièces présentée par la société MJO, ès qualités, est sans objet. Elle sera rejetée.

Sur l'omission de déclarer l'état de cessation des paiements dans les 45 jours :

L'omission de déclaration de cessation des paiements ne peut pas conduire à une décision de faillite personnelle. La demande de prononcé de la faillite personnelle de M. [O] sur ce fondement sera rejetée.

Sur la poursuite d'une activité déficitaire entrainant une aggravation du passif dans un but personnel :

Il doit tout d'abord être souligné que les dispositions de l'article L. 653-4 4° du code de commerce ne visent pas une aggravation du passif mais une cessation des paiements.

La société MJO, ès qualités, fait valoir que M. [O] aurait eu un intérêt personnel dans la poursuite de l'exploitation en ce qu'il aurait cherché à ne pas déprécier les titres de cette filiale de la société Probatiso qu'il détient à 55% avec son épouse et que s'il n'était pas rémunéré par la société AMP, il l'était nécessairement par une autre société du groupe.

La société MJO, ès qualités, n'établit pas que M. [O] ait été rémunéré par une autre société du groupe ni que l'arrêt de l'exploitation de la société AMP aurait eu une incidence sur ces rémunérations. Il n'est pas non plus établi que la poursuite de l'activité de la société AMP ait conduit à enrichir ou même à avantager d'autres sociétés dans lesquelles M. [O] aurait été intéressé. Il n'est pas indiqué en quoi l'arrêt de l'exploitation de la société AMP aurait eu une incidence négative sur la situation des autres sociétés.

Il apparaît ainsi que l'intérêt personnel de M. [O] dans la poursuite de l'exploitation n'est pas établi.

En outre, la société MJO, ès qualités, fait valoir que M. [O] aurait poursuivi une exploitation déficitaire depuis le 31 janvier 2018, date de l'homologation du plan.

Il paraît pour le moins difficile de reprocher à un dirigeant d'avoir poursuivi une exploitation dès la date à laquelle le tribunal l'avait autorisé à poursuivre cette exploitation. Cette poursuite de l'activité s'est faite, dans la mesure de l'étendue de ses fonctions, sous le contrôle du commissaire à l'exécution du plan qui pouvait demander l'arrêt de l'exploitation, comme il l'a d'ailleurs fait en saisissant le 9 juillet 2018 le tribunal d'une demande résolution du plan. Le caractère abusif de la poursuite de l'activité n'apparaît ainsi pas démontré. Il n'est pas non plus montré en quoi la poursuite de cette exploitation, pendant quelques mois, intervenant dans le cadre d'un plan de redressement, et qui présentait donc par définition un aléa, ne pouvait conduire qu'à une nouvelle cessation des paiements.

Le grief de poursuite abusive, dans un intérêt personnel, d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements n'est pas établi.

Sur l'absence de comptabilité et l'absence de coopération avec les organes de la procédure collective :

La société MJO, ès qualités, fait valoir que M. [O] aurait fait disparaître des éléments de comptabilité.

M. [O] justifie de la production des états financiers de la société AMP pour l'exercice du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017. Ces comptes ont été établi par un expert comptable en date du 12 juin 2018. Il ne peut être utilement reproché à M. [O] une absence de comptabilité pour l'exercice 2017.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 octobre 2018, la société MJO a demandé à M. [O] de produire la liste des créanciers et de fournir certains renseignements ainsi que certaines pièces dont la liste était jointe à la lettre.

Par lettre du 25 octobre 2019, le liquidateur a rappelé l'obligation de production des pièces et a donné à M. [O] un nouveau délai expirant le 29 octobre 2018 pour ce faire. Cette lettre fait mention d'une interrogation émanant de M. [O], ce qui indique qu'il est pour le moins entré en contact avec le liquidateur.

Par lettre du 29 octobre 2018, la société MJO a demandé à M. [O] la production du grand livre clients, des factures clients à recouvrer, du contrat de licence de marque Camelia, du contrat d'achat du laser appartenant à Proecowatt et du contrat de vente du laser qui appartenait à Probatiso. Cette lettre fait mention à une entrevue entre le liquidateur et M. [O] le 29 octobre 2018, ce qui est le signe d'une certaine collaboration de ce dernier avec les organes de la procédure.

Il peut en outre être déduit de cette lettre que les autres pièces demandées auparavant avaient été produites au liquidateur, ou du moins qu'il avait pu se les procurer. L'absence de comptabilité, ou son caractère incomplète ou manifestement incomplète, pour la partie de l'année 2018 pour laquelle la société était en plan de continuation n'est pas établie.

M. [O] justifie avoir demandé un rendez-vous au liquidateur par courriel du 17 janvier 2019. Ce dernier a refusé cette demande par réponse du même jour : « Vous n'obtiendrez rien de moi tant que vous n'aurez pas indiqué où se trouvent les deux lasers. C'est un préalable non négociable ». Outre le fait qu'il convient de s'interroger sur le bien fondé d'un tel refus de la part d'un liquidateur désigné par le tribunal, cet échange de courriels est loin de caractériser un désintérêt de M. [O] pour la procédure collective ni une abstention volontaire d'y participer.

Il n'est ainsi pas non plus établi que M. [O] se soit abstenu volontairement de coopérer avec les organes de la procédure ni qu'il ait fait obstacle à son bon déroulement .

Aucun des griefs invoqués n'étant caractérisé contre M. [O], il y a lieu de confirmer le jugement.

Sur l'amende civile et la demande de dommages-intérêts :

Il n'est pas justifié que la société MJO, ès qualités, ait agi en justice dans un but autre que celui de faire valoir ses droits en justice. Les demandes d'amende civile et de dommages-intérêts présentéee par M. [O] seront rejetées.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de rejeter les demandes présentées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de dire que les dépens d'appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Dit que la note en délibéré transmise par le 5 octobre 2020 n'est recevable qu'en ce qu'elle répond aux dernières conclusions de M. [O] en date du 26 septembre 2020,

- Déclare irrecevable la note en délibéré transmise par M. [O] le 5 octobre 2020,

- Confirme le jugement,

Y ajoutant :

- Rejette les autres demandes des parties,

- Dit que les dépens d'appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective de la société AMP Production.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 3ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/02460
Date de la décision : 17/11/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 02, arrêt n°20/02460 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-17;20.02460 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award