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17/11/2020 | FRANCE | N°17/07497

France | France, Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 17 novembre 2020, 17/07497


3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N° 450



N° RG 17/07497 - N° Portalis DBVL-V-B7B-OK3O













SA MMA IARD

SARL ASSOCIES PATRIMOINE SOUS L'ENSEIGNE ANTHEA

SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES



C/



Mme [O] [U]

M. [R] [U]



















Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :



à : Me Amoyel Vicquelin

Me Chaudet

Me Demidoff











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsi...

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N° 450

N° RG 17/07497 - N° Portalis DBVL-V-B7B-OK3O

SA MMA IARD

SARL ASSOCIES PATRIMOINE SOUS L'ENSEIGNE ANTHEA

SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

C/

Mme [O] [U]

M. [R] [U]

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Amoyel Vicquelin

Me Chaudet

Me Demidoff

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Isabelle GESLIN OMNES, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Septembre 2020

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 17 Novembre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTES :

SA MMA IARD, venant aux droits de COVEA RISKS, inscrite au RCS du Mans sous le n° 440 048 882, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Marie CHEREAU substituant Me Philippe GLASER de la SELAS VALSAMIDIS, AMSALLEM, JONATH, FLAICHER ET ASSOCIES CABINET TAYLOR WESSING, plaidant, avocats au barreau de PARIS

SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, venant aux droits de COVEA RISKS, inscrite au RCS du Mans sous le n° 775 652 126, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Marie CHEREAU substituant Me Philippe GLASER de la SELAS VALSAMIDIS, AMSALLEM, JONATH, FLAICHER ET ASSOCIES CABINET TAYLOR WESSING, plaidant, avocats au barreau de PARIS

SARL ASSOCIES PATRIMOINE sous l'enseigne ANTHEA, immatriculée au RCS de Rennes sous le n° 481 893 774, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Dounia HARBOUCHE, plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Madame [O] [K] épouse [U]

née le [Date naissance 5] 1967 à [Localité 6], de nationalité française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Nicolas MENAGE de la SELAS FIDAL, plaidant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [R] [U]

né le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 7], de nationalité française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Nicolas MENAGE de la SELAS FIDAL, plaidant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES

FAITS ET PROCEDURE :

La société Associés Patrimoine exerce, sous l'enseigne Anthéa, une activité de conseil en gestion de patrimoine et une activité d'agence et de promotion immobilière.

Elle est assurée pour son activité de conseiller en gestion de patrimoine auprès de la

compagnie d'assurance Covea Risks. Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles (les sociétés MMA) viennent aux droits de la compagnie Covea Risks à la suite d'une opération de fusion-absorption et de cession de portefeuilles.

La société Associés patrimoine a proposé à M. [U] et Mme [K], son épouse, d'investir dans le cadre du dispositif Girardin industriel codifié à l'article 199 undecies B du code général des impôts. Elle leur a proposé le programme de défiscalisation mis en place par la société Dom Tom Défiscalisation (la société DTD). Aucune lettre de mission n'a été signée à cette occasion.

Ce programme consistait à acquérir, par l'intermédiaire de sociétés en participation gérées par la société DTD, des matériels photovoltaïques auprès de la société Lynx Insdustries, en vue de louer ces derniers pendant cinq années au minimum dans les conditions fixées par le dispositif fiscal de faveur.

Le 6 décembre 2017, les époux [U] ont confié à la société DTD la mission de rechercher et de leur présenter, avant le 30 décembre de l'année en cours, une ou plusieurs opérations de prise de participation dans une ou plusieurs sociétés en participation (SEP) ayant pour activité principale la location de longue durée dans des activités éligibles aux dispositions de l'article 199 undecies A/B et 217 undecies et duodecies du code général des impôts.

Le 6 décembre 2007, les époux [U] ont acquis des parts de SEP pour un montant de 100.000 euros. Ils ont renouvelé l'opération les années suivantes, soit en 2008, en investissant la somme de 55.000 euros le 12 février 2008 et la somme de 25.000 euros le 25 novembre 2008 et en 2009, en investissant la somme de 50.000 euros.

Par lettre du 20 décembre 2010, la direction générale des finances publiques a informé les époux [U] de son intention de remettre en cause la réduction d'impôt sur le revenu octroyée au titre de l'investissement réalisé en 2007 au motif que cet investissement ne répondrait pas aux conditions légales prévues à l'article 199 undecies B.

Par lettre du 28 octobre 2011, la direction générale des finances publiques a informé les époux [U] de son intention de remettre en cause la réduction d'impôt sur le revenu octroyée au titre des investissements réalisés en 2008 et 2009, pour les mêmes motifs.

Contestant cette position, les époux [U] ont formé un recours devant le tribunal administratif de Rennes qui, par jugement du 2 décembre 2015, a rejeté leur demande. Les époux [U] n'ont pas interjeté appel de cette décision.

Estimant que la société Anthéa avait manqué à son devoir de conseil et d'information, les époux [U] l'ont assignée ainsi que les sociétés MMA en paiements des sommes de 425.545 euros au titre du rappel d'impôt, 1.584,80 euros au titre des honoraires payés dans le cadre de leur recours fiscal, 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Par jugement du 19 octobre 2017, le tribunal de commerce de Rennes a :

- Rejeté l'exception de prescription soulevée par la société Associés Patrimoine pour le litige concernant la défiscalisation de l'année 2007 des époux [U],

- Jugé que la société en gestion de patrimoine, Associés Patrimoine, a manqué lourdement à sa responsabilité d'information et de conseil auprès des époux [U] dans leurs investissements 2007, 2008, 2009 auprès de la société DTD,

- Condamné la société Associés patrimoine à payer aux époux [U] la somme de 388.561 euros,

- Condamné la société Associés patrimoine à payer aux époux [U] la somme de 1.584,80 euros,

- Condamné la société Associés patrimoine à payer à chacun des époux [U] la somme de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- Condamné les sociétés MMA, venant aux droits de la société Covea Risks, à garantir la société Associés patrimoine au titre de sa responsabilité civile dans la limite de 4.000.000 euros avec une franchise de 15.000 euros dans le cadre d'un sinistre sériel,

- Condamné in solidum la société Associés patrimoine et les sociétés MMA, venant aux droits de la société Covea Risks, à leur verser la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires,

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement, sous réserve qu'en cas de pourvoi en cour d'appel, les époux [U] constituent une garantie bancaire assurant la sécurité juridique de l'exécution de toute décision à venir,

- Condamné la société Associés Patrimoine aux entiers dépens.

Les sociétés MMA et MMA Assurances mutuelles ont interjeté appel le 26 octobre 2017 et la société Anthéa le 27 octobre 2017. Les deux procédures ont été jointes le 26 septembre 2019.

Les dernières conclusions des sociétés MMA et MMA Assurances mutuelles sont en date du 20 août 2020. Les dernières conclusions de M. et Mme [U] sont en date du 30 juillet 2020. Les dernières conclusions de la société Anthéa sont en date du 19 août 2020.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2020.

PRETENTIONS ET MOYENS :

les sociétés MMA et MMA Assurances mutuelles demandent à la cour de :

- Prononcer la jonction entre la présente instance et l'instance enrôlée sous le numéro de RG n° 17/07512,

- Infirmer le jugement entrepris du 19 octobre 2017 en ce que la responsabilité de la société Associés Patrimoine a été retenue et la garantie des sociétés MMA

mobilisée,

Et statuant à nouveau :

A titre liminaire :

- Constater que l'action des époux [U] s'agissant de l'investissement réalisé en 2007 est prescrite,

En conséquence :

- Prononcer l'irrecevabilité de l'action intentée par les époux [U] relative à l'investissement réalisé en 2007,

A titre principal :

- Constater que la société Associés patrimoine n'a commis aucune faute à l'égard des époux [U],

- Constater que les préjudices allégués ne sont pas établis,

- Constater l'absence de lien de causalité entre la prétendue faute et les préjudices allégués,

En conséquence :

- Débouter les époux [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire, en cas de confirmation du jugement :

- Dire et juger que le montant de la franchise contractuelle de 15.000 euros s'appliquera de manière globale à l'ensemble des réclamations concernant le sinistre sériel en cause,

- Dire et juger que cette franchise est opposable aux époux [U],

A titre infiniment subsidiaire :

- Réduire à de justes proportions le montant de l'indemnisation accordée aux époux [U],

- Constater que les sociétés MMA assurent la responsabilité civile professionnelle de la société Associés patrimoine dans la limite globale de 4.000.000 euros dans le cadre du sinistre sériel résultant de la souscription des produits de défiscalisation DTD, et ce après déduction du montant des règlements qui auraient pu être effectués par les sociétés MMA au titre des autres réclamations répondant du même sinistre, au sens contractuel, intervenues au jour de ladite réclamation,

- Désigner tel séquestre qu'il plaira à la cour avec pour mission de conserver les fonds à verser par les sociétés MMA dans l'attente de décisions définitives tranchant les différentes réclamations formées à l'encontre de la société Associés patrimoine concernant le même sinistre pour, le cas échéant, procéder à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés,

- Dire et juger que la franchise contractuellement prévue de 15.000 euros restant à la charge de la société Associés patrimoine sera déduite du montant de la condamnation éventuellement prononcée à l'encontre des sociétés MMA, dans l'hypothèse où la cour retiendrait la responsabilité de la société Associés patrimoine,

- Dire et juger que cette franchise est opposable aux époux [U],

En tout état de cause :

- Condamner les époux [U] à payer aux sociétés MMA la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner les époux [U] aux entiers dépens de l'instance, dont distraction sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Anthéa demande à la cour de :

- Dire et juger la société Associés patrimoine recevable et fondée dans son appel,

A titre principal :

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement sauf en ce qu'iI a condamné les sociétés MMA à garantir la société Associés patrimoine de toutes condamnations,

Et statuant à nouveau :

- Déclarer irrecevables comme étant prescrites l'action de M.et Mme [U] tendant à voir condamner la société Associés patrimoine à réparer leur prétendu préjudice résultant de leurs opérations de défiscalisation réalisées en 2007, 2008 et 2009 et par conséquent les débotuer de leur demande de paiement de dommages et intérêts,

A titre subsidiaire :

- Dire et juger que la société Associés patrimoine n'a commis aucune faute à l'égard de M.et Mme [U] en lien avec le préjudice invoqué,

- Dire et juger que la société Associés patrimoine a parfaitement respecté ses obligations d'information et de conseil lors de la présentation à M.et Mme [U] de leurs opérations de défiscalisation DTD réalisées en 2007, 2008 et 2009,

- Dire et juger que M.et Mme [U] ne peuvent se prévaloir du préjudice allégué à l'encontre de la société Associés patrimoine, ce préjudice, en tout état de cause, consisterait uniquement en une perte de chance en l'espèce égale à zéro,

Par conséquent :

- Débouter M. et Mme [U] de leur demande de dommages et intérêts,

- Débouter M.et Mme [U] de toutes leurs demandes,

A titre infiniment subsidiaire :

Si par extraordinaire, la cour d'appel devait droit aux demandes des époux [U] :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés MMA, toutes venant aux droits de la société Covea Risks, à garantir la société Associés patrimoine de toutes condamnations éventuelles qui pourraient être mises à sa charge en application de son contrat RCP, suivant une garantie contractuelle plafonnée à 4.000.000 euros et une seule franchise d'un montant de 15.000 euros au titre de la présentation d'opérations de défiscalisation ayant donné lieu au sinistre sériel DTD,

- Dire et juger que la société Associés patrimoine ne sera pas tenue de s'acquitter de la franchise de 15.000 euros dans l'hypothèse où cette franchise aurait d'ores et déjà été mise à sa charge dans le cadre d'un sinistre sériel DTD,

- Condamner solidairement M.et Mme [U] à payer à la société Associés patrimoine la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Les condamner solidairement aux entiers dépens d'instance au profit de leur conseil en vertu de l'article 699 du code de procédure civile.

M. et Mme [U] demandent à la cour de :

- Ecarter les objections développées par les parties défenderesses et débouter celles-ci de toute demande reconventionnelle,

- Condamner solidairement la société Associés patrimoine, exerçant sous l'enseigne Groupe Anthéa, les sociétés MMA à payer à M. et Mme [U] :

- la somme de 230.000 euros au titre des investissements,

- la somme de 72.265 euros au titre des pénalités et majoration fiscales,

- la somme de 86.296 euros au titre de la perte de chance de procéder à un placement de défiscalisation,

- la somme de 1.584,80 euros à titre de dommages et intérêts correspondant aux honoraires du cabinet fiscaliste,

- la somme de 15.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- Ecarter à titre principal tout plafond de garantie,

Dans l'hypothèse où le tribunal ferait application du plafond de garantie de 4.000.000 d'euros sollicité par les sociétés MMA, dire que ce plafond de garantie aura pour seule cause technique l'impossibilité devant laquelle la société Associés patrimoine se trouvait pour proposer aux époux [U] un produit éligible à la loi Girardin Industriel :

- Condamner solidairement la société Associés patrimoine, exerçant sous l'enseigne Groupe Anthéa et les sociétés MMA à payer à M. et Mme [U] la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner les défenderesses aux dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Les procédures ont déjà été jointes.

Sur les obligations de la société Conseil patrimoine :

M. et Mme [U] se prévalent de la faute qu'aurait commise la société Associés Patrimoine dans la proposition de choix de l'investissement litigieux. Ils lui reprochent un manquement à ses obligations de Conseil en investissement financier, ou du moins de Conseil en gestion de patrimoine, à son obligation d'information et à son devoir de conseil consistant tout particulièrement à l'éclairer sur les conséquences juridiques et fiscales des placements proposés et des risques de ces opérations.

L'obligation de conseil ne se présume pas. Elle peut résulter soit d'un texte spécifique la prévoyant, soit d'un engagement contractuel spécifique de délivrer des conseils, soit d'une délivrance, de fait, de conseils. L'obligation de conseil a pour objectif d'informer le contractant sur l'opportunité de contracter. Elle suppose une orientation, une opinion sur ce qu'il convient ou non de faire, elle présuppose l'apport d'une aide, d'une assistance dans la prise de décision.

L'obligation d'information consiste à porter à la connaissance du client des faits objectifs afin que celui-ci puisse se faire une idée suffisamment précise du bien ou du service qu'on lui propose d'acquérir ou de souscrire et qu'il s'engage en toute connaissance de cause.

Il est constant que la société Associés patrimoine a le statut de conseil en investissement financier. Elle conteste, soutenue sur ce point par les sociétés MMA, être intervenue en cette qualité dans la transaction litigieuse.

Le statut de conseiller en investissements est revendiqué par la société Associés patrimoine et est mentionnée au registre du commerce et des sociétés. Il correspond à une activité habituelle de celle-ci, et plus particulièrement sur le conseil portant sur la fourniture de certains services d'investissement et le conseil portant sur la réalisation de certaines opérations sur biens divers :

Article L541-1 (en vigueur du 1er novembre 2007 au 24 octobre 2010)

I. - Les conseillers en investissements sont les personnes exerçant à titre de profession habituelle les activités suivantes :

1° Le conseil en investissement mentionné au 5 de l'article L. 321-1 ;

2° Le conseil portant sur la réalisation d'opérations de banque mentionnées à l'article L. 311-1 ;

3° Le conseil portant sur la fourniture de services d'investissement mentionnés à l'article L. 321-1 ;

4° Le conseil portant sur la réalisation d'opérations sur biens divers définis à l'article L. 550-1.

II. - Les conseillers en investissements financiers peuvent également fournir le service de réception et de transmission d'ordres pour le compte de tiers, dans les conditions et limites fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers et exercer d'autres activités de conseil en gestion de patrimoine.

III. - Ne sont pas soumis aux dispositions du présent chapitre :

1° Les établissements de crédit et les organismes mentionnés à l'article L. 518-1, les entreprises d'investissement et les entreprises d'assurance ;

2° Les personnes mentionnées au g du 2° de l'article L. 531-2.

IV. - Les conseillers en investissements financiers ne peuvent à titre habituel et rémunéré donner de consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé pour autrui que dans les conditions et limites des articles 54, 55 et 60 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

La fourniture de services d'investissement ne vise que les actions de sociétés cotées :

Article L321-1 du code monétaire et financier (rédaction applicable depuis le 3 janvier 2018) :

Les services d'investissement portent sur les instruments financiers énumérés à l'article L. 211-1 et sur les unités mentionnées à l'article L. 229-7 du code de l'environnement et comprennent les services et activités suivants :

1. La réception et la transmission d'ordres pour le compte de tiers ;

2. L'exécution d'ordres pour le compte de tiers ;

3. La négociation pour compte propre ;

4. La gestion de portefeuille pour le compte de tiers ;

5. Le conseil en investissement ;

6-1. La prise ferme ;

6-2. Le placement garanti ;

7. Le placement non garanti ;

8. L'exploitation d'un système multilatéral de négociation au sens de l'article L. 424-1 ;

9. L'exploitation d'un système organisé de négociation au sens de l'article L. 425-1.

Un décret précise la définition de ces services.

Article L211-1 (rédaction en vigueur du 10 janvier 2009 au 1er octobre 2016 :

I. - Les instruments financiers sont les titres financiers et les contrats financiers.

II. - Les titres financiers sont :

1. Les titres de capital émis par les sociétés par actions ;

2. Les titres de créance, à l'exclusion des effets de commerce et des bons de caisse ;

3. Les parts ou actions d'organismes de placement collectif.

- Les contrats financiers, également dénommés " instruments financiers à terme ", sont les contrats à terme qui figurent sur une liste fixée par décret.

Il est constant en l'espèce que les titres des SEP sur lesquels portaient les investissements n'étaient pas cotés.

Le conseil portant sur la réalisation d'opérations sur biens divers porte sur l'acquisition de droits sur des biens mobiliers ou immobiliers :

Article L550-1 (rédaction en vigueur du 2 août 2003 au 19 mars 2014 :

Est soumise aux dispositions des articles L. 550-2, L. 550-3, L. 550-4, L. 550-5 et L. 573-8 :

1. Toute personne qui, directement ou indirectement, par voie de publicité ou de démarchage, propose à titre habituel à des tiers de souscrire des rentes viagères ou d'acquérir des droits sur des biens mobiliers ou immobiliers lorsque les acquéreurs n'en assurent pas eux-mêmes la gestion ou lorsque le contrat offre une faculté de reprise ou d'échange et la revalorisation du capital investi ;

2. Toute personne qui recueille des fonds à cette fin ;

3. Toute personne chargée de la gestion desdits biens.

Ces articles ne s'appliquent pas aux opérations déjà régies par des dispositions particulières et notamment aux opérations d'assurance et de capitalisation régies par le code des assurances, aux opérations de crédit différé, aux opérations régies par le code de la mutualité et par le code de la sécurité sociale, aux opérations donnant normalement droit à l'attribution en propriété ou en jouissance de parties déterminées d'un ou plusieurs immeubles bâtis.

Les personnes mentionnées au présent article sont soumises aux dispositions des articles L. 341-1 à L. 341-17 et L. 353-1 à L. 353-5 lorsqu'elles agissent par voie de démarchage.

En l'espèce, l'opération litigieuse consistait en l'acquisition de parts de SEP dont les investisseurs devenaient donc associés. Ils étaient donc titulaires d'un droit à une fraction de l'actif à partager constitué en commun, et acquéraient une quote-part indivise du matériel de production d'électricité. Ils se portaient donc acquéreurs de droits sur des biens mobiliers. Les investisseurs n'assuraient pas eux-mêmes la gestion des biens permettant de valoriser les droits des participants.Il s'en déduit que les opérations en cause, qui n'étaient pas régies par des dispositions spécifiques, doivent être qualifiées d'opérations sur biens divers, au sens de l'article L. 550-1 du code monétaire et financier.

La qualification de ces opérations résulte des textes en vigueur à l'époque de l'engagement de M. et Mme [U]. La société Associés patrimoine ne peut donc pas utilement se prévaloir de ce qu'elle ne l'aurait découvert qu'ultérieurement.

Il apparaît ainsi que la société Associés patrimoine est intervenue dans le cadre de l'investissement litigieux en qualité de conseiller en investissement financier, ainsi, accessoirement, qu'en celle, non réglementée, de conseiller en gestion de patrimoine.

En sa seule qualité de conseiller en investissements financiers, la société Associés patrimoine est tenue à un certain nombre d'obligations, dont celle de se comporter avec loyauté et d'agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients. Cette obligation est générale et vise toutes les activités d'un conseiller en investissements financier. Le statut même de conseiller en investissements financiers est un gage de sérieux et de confiance que les clients peuvent avoir en un conseiller qui en relève.

Outre cette obligation générale, le conseiller en investissements financiers est tenu, avant de formuler un conseil mentionné au I de l'article L. 541-1, de s'enquérir auprès de ses clients de leurs connaissances et de leur expérience en matière d'investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d'investissement :

Article L541-4

Tout conseiller en investissements financiers doit adhérer à une association chargée de la représentation collective et de la défense des droits et intérêts de ses membres. Ces associations sont agréées par l'Autorité des marchés financiers en considération, notamment, de leur représentativité et de leur aptitude à remplir leurs missions. Elles doivent avoir fait approuver par l'Autorité des marchés financiers les conditions de compétence et le code de bonne conduite auxquels sont soumis leurs membres. Ce code doit respecter un minimum de prescriptions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers obligeant notamment les conseillers en investissements financiers à :

1° Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients ;

2° Exercer leur activité, dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de services adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs ;

3° Etre dotés des ressources et procédures nécessaires pour mener à bien leurs activités et mettre en oeuvre ces ressources et procédures avec un souci d'efficacité ;

4° S'enquérir auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, avant de formuler un conseil mentionné au I de l'article L. 541-1, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d'investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d'investissement, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments et services adaptés à leur situation. Lorsque les clients ou les clients potentiels ne communiquent pas les informations requises, les conseillers en investissements financiers s'abstiennent de leur recommander les opérations, instruments et services en question ;

5° Communiquer aux clients, d'une manière appropriée, la nature juridique et l'étendue des éventuelles relations entretenues avec les établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l'article L. 341-3, les informations utiles à la prise de décision par ces clients, ainsi que celles concernant les modalités de leur rémunération, notamment la tarification de leurs prestations.

Comme il a été vu supra, en proposant l'investissement litigieux, la société Associés patrimoine a fourni le conseil mentionné au 4° du I de l'article L.541-1 du code monétaire et financier.

La société Associés patrimoine était donc soumise aux règles de bonne conduite prévues au règlement général de l'autorité des marchés financier :

Article 325-3 du règlement général de l'AMF :

Les conseillers en investissements financiers appliquent les dispositions du présent chapitre lorsqu'ils fournissent le conseil mentionné au 4° du I de l'article L.541-1 du code monétaire et financier.

(')

Article 325-5

Toutes les informations, y compris à caractère promotionnel, adressées par un conseiller en investissements financiers, présentent un caractère exact, clair et non trompeur.

(')

Article 325-7

Le conseil au client est formalisé dans un rapport écrit justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques qu'elles comportent.

Ces propositions se fondent sur :

1° L'appréciation de la situation financière du client et de son expérience en matière financière ;

2° Les objectifs du client en matière d'investissements.

Ces deux éléments sont exposés, dans le rapport, de façon détaillée et adaptée à la qualité de personne physique ou morale du client.

En tout état de cause, elle était soumise aux obligations d'un conseil en gestion de patrimoine et aux obligations de conseils et d'information propres à son activité.

Sur la prescription de l'action de M. et Mme [U] :

Les investissements litigieux ont été réalisés courant 2007 à 2009. Les sociétés MMA se prévalent de la prescription des demandes afférentes à ces quatre investissements.

Le dommage résultant d'un manquement à l'obligation d'information, comme à celle de conseil, et aux obligations incombant à un conseiller, que ce soit en investissements financiers ou en gestion de patrimoine, consistant en une perte de chance de ne pas contracter, se manifeste, envers le souscripteur d'un service d'investissement ponctuel, dès la souscription de ce service.

Pour déterminer la date de départ de la prescription de l'action fondée sur un manquement à ces obligations attachée à la souscription des investissments, il convient de rechercher si M. et Mme [U] ont pu légitimement ignorer le dommage résultant du manquement à cette obligation et à quelle date ils en ont eu connaissance.

M. et Mme [U] font valoir qu'il ont effectué une opération précise à quatre reprises et que cette opération avait pour but de leur éviter le paiement de l'impôt par la réalisation d'un investissement qu'ils ont totalement perdu. Ils demandent le remboursement des montants qu'ils ont du payer à l'administration fiscale ainsi que les frais d'honoraires d'avocat engagés dans le cadre des procédures fiscales.

Ils ne se prévalent donc que d'un préjudice fiscal. Il convient de rechercher à quelle date ils ont eu connaissance de ce dommage fiscal.

Il résulte de la lettre qu'ils ont reçue du contrôleur principal des impôts en date du 20 décembre 2010 que c'est à cette date qu'ils ont eu connaissance de la proposition de rectification et de la motivation détaillée de la remise en cause de la réduction pratiquée. Cette proposion était motivée par le non respect des conditions légales de fond, à savoir le caractère non productif de l'investissement et sa non-réalisation et la prise en compte de prestations annexes non éligibles, et de forme, à savoir de non conformité des attestations remises par la société DTD et de non agrément du programme d'investissement par la société DTM. Ces griefs, même s'ils n'étaient alors invoqués qu'à propos de l'investissement réalisé en 2007, étaient communs aux investissements réalisés en 2008 et 2009. C'est à la date de cette première proposition de rectification qu'ils ont eu connaissance du dommage allégué résultant des éventuels manquements de la société Associés patrimoine à son obligation d'information ou à son devoir allégué de conseil au titre des investissements réalisés en 2007, 2008 et 2009. En tout état de cause, par cette lettre, ils ont, pour le moins, été informés des manquements de la société Associés Patrimoine à ses obligations à leur égard.

M. et Mme [U] n'ont assigné la société Associé patrimoine et les sociétés MMA que le 13 juillet 2016, soit plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont eu connaissance du dommage allégué. Le fait qu'ils aient formé des recours devant les juridictions administratives pour contester le redressement fiscal, ou qu'ils se soient rapproché de la société Associés Patrimoine pour examiner avec elle la situation, ne constitue pas un empêchement légitime d'agir contre la société Associés patrimoine et ses assureurs. Ils ne justifient d'aucun empêchement légitime qui aurait pu les contraindre à ne pas agir en justice plus tôt. Leur action est donc prescrite.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement et de déclarer les demandes formées par M. et Mme [U] irrecevables.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner M. et Mme [U] aux dépens de première instance et d'appel et de rejeter les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Infirme le jugement,

Statuant de nouveau :

- Déclare irrecevables comme prescrites les demandes formées par M. [U] et Mme [K], son épouse,

- Rejette les autres demandes des parties,

- Condamne M. [U] et Mme [K], son épouse, aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 3ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17/07497
Date de la décision : 17/11/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 02, arrêt n°17/07497 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-17;17.07497 ?
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