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13/11/2020 | FRANCE | N°18/00058

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 13 novembre 2020, 18/00058


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°354



N° RG 18/00058 -

N° Portalis DBVL-V-B7C-OQOL













SAS RESIDE ETUDES



C/



M. [E] [R]

















Infirmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 NOVEMBR

E 2020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



En chambre du Conseil s...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°354

N° RG 18/00058 -

N° Portalis DBVL-V-B7C-OQOL

SAS RESIDE ETUDES

C/

M. [E] [R]

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

En chambre du Conseil sanitaire du 09 Octobre 2020 en application des dispositions de l'article 6 alinéa 3 de l'ordonnance N°2020-304 du 25 mars 2020 et conformément à la charte sanitaire de la cour mise à jour suite au décret N°2020-884 du 17 juillet 2020

devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [J] [F], médiatrice judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Novembre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SAS RESIDE ETUDES prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 3]

[Localité 5]

Ayant Me Anne-Marie QUESNEL de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représentée à l'audience par Me Guilhem AFFRE, Avocat plaidant du Barreau de PARIS

INTIMÉ et appelant à titre incident :

Monsieur [E] [R]

né le [Date naissance 2] 1973

demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Laurent LE BRUN de la SCP CALVAR & ASSOCIES, Avocat au Barreau de NANTES

M. [E] [R] a été embauché par la SAS RESIDE ETUDES le 03 mars 2008 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de négociateur, catégorie agent de maîtrise, niveau V, coefficient 315 (vente d'appartements en copropriété à des particuliers) et percevait une rémunération composée d'une partie fixe et d'une partie variable outre un forfait correspondant à la prise en charge des frais de déplacement.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la Convention collective de l'immobilier, M. [R] bénéficiait d'une exclusivité sur les départements 16 et 17 tout partageant la prospection sur les les départements 44, 56, 35, 49, 85 et 53 avec ses collègues.

Le 1er avril 2014 M. [R] a demandé à bénéficier d'une rupture conventionnelle à laquelle l'employeur a opposé son refus par LRAR du 11 avril 2014.

A compter du mois de mai 2014, l'employeur a enjoint à plusieurs reprises par mail M. [R] de produire ses rapports d'activités hebdomadaires, avant que ce dernier saisisse le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

Par courrier du 11 juin 2014, M. [R] s'est vu rappeler ses obligations contractuelles.

Le 18 juillet 2014, M. [R] a fait l'objet d'une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 26 juillet 2014, assorti d' une mise à pied conservatoire à compter du 21 juillet 2014.

A la suite de l'entretien préalable au cours duquel il n'était pas assisté, M. [R] a été licencié pour faute lourde par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 août 2014.

La procédure ayant fait l'objet d'une radiation a été ré-enrôlée le 14 décembre 2016 à la requête de M. [E] [R].

Dans le dernier état de ses prétentions devant le conseil de prud'hommes de Nantes, M. [R] a présenté les chefs de demande suivants à l'encontre de son employeur:

A titre principal

' Résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la SAS RESIDE ETUDES

- 100.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 152.168 € de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

- 15 216 € au titre des congés payés afférents,

- 30 399 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, (20.888,49 € à titre subsidiaire)

- 3 039 € au titre des congés payés afférents, (2.088,85 € à titre subsidiaire)

- 64.840 € à titre de rappel de frais professionnels,

- 60.798 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé (41.776,98 € à titre subsidiaire)

- 23.249,88 € d'indemnité au titre du repos compensateur de l'année 2010, (15 976,68 € à titre subsidiaire)

- 2.324,99 € au titre des congés payés afférents, (1.597,67 € à titre subsidiaire),

- 27.926,58 € d'indemnité au titre du repos compensateur de l'année 2011, (19. 910,38 € à titre subsidiaire)

- 2.772,62 € au titre des congés payés afférents, ( 1.919,04 € à titre subsidiaire)

- 27.525,72 € d'indemnité au titre du repos compensateur de l'année 2012 (18.914,92 € à titre subsidiaire)

- 2.752,57 € au titre des congés payés afférents,(1.891,49 € à titre subsidiaire),

- 25.788,66 € d'indemnité au titre du repos compensateur de l'année 2013 (17.721,26 € à titre subsidiaire)

- 1.891,49 € au titre des congés payés afférents, (1 772,13 € à titre subsidiaire)

- 9 119,70 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, (6 266,57 € à titre subsidiaire)

A titre infiniment subsidiaire (sic)

' Dire et juger que le licenciement de M. [R] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse

Consécutivement,

-100.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 152.168 € de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

- 15.216 € au titre des congés payés afférents,

- 30.399 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, (20.888,49 € à titre subsidiaire)

- 3.039 € au titre des congés payés afférents, (2.088,85 € à titre subsidiaire)

- 64.840 € à titre de rappel de frais professionnels,

- 60.798 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé (41.776,98 € à titre subsidiaire)

- 23.249,88 € d'indemnité au titre du repos compensateur de l'année 2010, (15 976,68 € à titre subsidiaire)

- 2.324,99 € au titre des congés payés afférents, (1.597,67 € à titre subsidiaire)

- 27.926,58 € d'indemnité au titre du repos compensateur de l'année 2011, (19. 910,38 € à titre subsidiaire)

- 2.772,62 € au titre des congés payés afférents, ( 1.919,04 € à titre subsidiaire)

- 27.525,72 € d'indemnité au titre du repos compensateur de l'année 2012 (18.914,92 € à titre subsidiaire)

- 2.752,57 € au titre des congés payés afférents,(1.891,49 € à titre subsidiaire)

- 25.788,66 € d'indemnité au titre du repos compensateur de l'année 2013 (17.721,26 € à titre subsidiaire)

-1.891,49 € au titre des congés payés afférents, (1 772,13 € à titre subsidiaire)

- 9.119,70 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, (6 266,57 € à titre subsidiaire)

En tout état de cause

- 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Exécution provisoire du jugement à intervenir,

' Fixer la moyenne des derniers mois de salaire à la somme de 10 133 €,

- Intérêts de droit à compter de l'introduction de l'instance pour les sommes ayant le caractère de salaire et à compter de la décision à intervenir pour les autres sommes,

- Capitalisation des intérêts (article 1154 du Code civil) (moyenne des derniers mois de salaire à 10 133 €)

- Dépens.

La cour est saisie de l'appel régulièrement formé le 03 janvier 2018 par la SAS RESIDE ETUDES contre le jugement en date du 8 décembre 2017, notifié le 12 décembre 2017, par lequel le conseil de prud'hommes de Nantes a :

' Requalifié le licenciement pour faute lourde de M. [R] en licenciement pour cause réelle et sérieuse

' Condamné la SAS RESIDE ETUDES à payer à M. [R] les sommes suivantes :

- 9.044,32 € (brut) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 904,43 € (brut) au titre des congés payés afférents,

- 5.878,80 € (net) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

' Assorti lesdites sommes des intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du jugement à intervenir, lesquels intérêts produiront eux-mêmes des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil,

' Condamné la SAS RESIDE ETUDES à payer à M. [R] la somme de 1.100 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

' Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement pour la totalité des condamnations à caractère salarial et en totalité des sommes allouées en ce qui concerne les condamnations à titre indemnitaire,

' Fixé à la somme de 4 522,16 € (brut) la moyenne mensuelle des salaires,

' Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

' Condamné la SAS RESIDE ETUDES aux dépens de l'instance.

' Dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse.

Par écritures notifiées le 17 mars 2020 par voie électronique, la société RESIDE ETUDES demande à la cour de :

' Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :

- Dit et jugé que la société RESIDE ETUDES n'a commis aucun manquement dont la gravité justifierait la demande de M. [R] de résiliation judiciaire de son contrat de travail

- Dit et jugé que la demande de M. [R] de résiliation judiciaire n'était pas fondée et l'en a débouté

' Réformer le jugement attaqué en ce qu'il a :

- Requalifié le licenciement pour faute lourde de M. [R] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- Condamné la SAS RESIDE ETUDES à payer à M. [R] les sommes suivantes :

- 9 044,32 € (brut) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 904,43 € (brut) au titre des congés payés afférents,

- 5 878,80 € (net) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- Assorti lesdites sommes des intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du jugement à intervenir, lesquels intérêts produiront eux-mêmes des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil,

- Condamné la SAS RESIDE ETUDES à payer à M. [R] la somme de 1.100€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement pour la totalité des condamnations à caractère salarial et en totalité des sommes allouées en ce qui concerne les condamnations à titre indemnitaire,

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- Condamné la SAS RESIDE ETUDES aux dépens de l'instance,

Statuant à nouveau,

' Dire et juger que le licenciement de M. [R] repose sur une faute lourde,

' Débouter M. [R] de ses plus amples conclusions comportant appel incident, demandes, fins et prétentions,

' Ordonner la restitution immédiate par M. [R] de la somme de 15.827,55€ perçue au titre de l'exécution provisoire, sous astreinte journalière de 100 € à compter d'un mois suivant la notification de l'arrêt à venir,

' Condamner M. [R] à payer à la société RESIDE ETUDES la somme de 7.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, en cause d'appel.

Par écritures notifiées par voie électronique le 12 mars 2020, M. [R] demande à la cour de :

' Réformer partiellement le jugement attaqué,

' Recevoir M. [R] en son appel incident,

A titre principal,

' Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la SAS RESIDE ETUDES,

' Condamner la SAS RESIDE ETUDES à lui verser :

- 100.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 152.168 € de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

- 15.216 € au titre des congés payés afférents,

- 30.399 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, (20.888,49 € à titre subsidiaire)

- 3.039 € au titre des congés payés afférents, (2.088,85 € à titre subsidiaire)

- 64.840 € à titre de rappel de frais professionnels,

- 60.798 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé, (41.776,98 € à titre subsidiaire)

- 23.249,88 € d'indemnité au titre du repos compensateur de l'année 2010, (15 976,68 € à titre subsidiaire)

- 2.324,99 € au titre des congés payés afférents, (1.597,67 € à titre subsidiaire)

- 27.926,58 € d'indemnité au titre du repos compensateur de l'année 2011, (19. 910,38 € à titre subsidiaire)

- 2.772,62 € au titre des congés payés afférents, ( 1.919,04 € à titre subsidiaire)

- 27.525,72 € d'indemnité au titre du repos compensateur de l'année 2012 (18.914,92 € à titre subsidiaire)

- 2.752,57 € au titre des congés payés afférents,(1.891,49 € à titre subsidiaire)

- 25.788,66 € d'indemnité au titre du repos compensateur de l'année 2013 (17.721,26 € à titre subsidiaire)

- 1.891,49 € au titre des congés payés afférents, (1 772,13 € à titre subsidiaire)

- 9 119,70 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, (6 266,57 € à titre subsidiaire)

A titre subsidiaire

' Dire et juger que le licenciement de M. [R] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

Consécutivement,

' Condamner la SAS RESIDE ETUDES à lui verser :

-100.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 152.168 € de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

- 15.216 € au titre des congés payés afférents,

- 30.399 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, (20.888,49 € à titre subsidiaire)

- 3.039 € au titre des congés payés afférents, (2.088,85 € à titre subsidiaire)

- 64.840 € à titre de rappel de frais professionnels,

- 60.798 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé (41.776,98 € à titre subsidiaire)

- 23.249,88 € d'indemnité au titre du repos compensateur de l'année 2010, (15 976,68 € à titre subsidiaire)

- 2.324,99 € au titre des congés payés afférents, (1.597,67 € à titre subsidiaire)

- 27.926,58 € d'indemnité au titre du repos compensateur de l'année 2011, (19. 910,38 € à titre subsidiaire)

- 2.772,62 € au titre des congés payés afférents, ( 1.919,04 € à titre subsidiaire)

- 27.525,72 € d'indemnité au titre du repos compensateur de l'année 2012 (18.914,92 € à titre subsidiaire)

- 2.752,57 € au titre des congés payés afférents,(1.891,49 € à titre subsidiaire)

- 25.788,66 € d'indemnité au titre du repos compensateur de l'année 2013 (17.721,26 € à titre subsidiaire)

-1.891,49 € au titre des congés payés afférents, (1 772,13 € à titre subsidiaire)

- 9.119,70 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, (6 266,57 € à titre subsidiaire)

A titre infiniment subsidiaire,

' Confirmer le jugement entrepris,

En tout état de cause,

' Condamner la SAS RESIDE ETUDES à lui verser 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :

' Fixer la moyenne des derniers mois de salaire à la somme de 10.133 €,

- Intérêts de droit à compter de l'introduction de l'instance pour les sommes ayant le caractère de salaire et à compter de la décision à intervenir pour les autres sommes,

- Capitalisation des intérêts (article 1154 du Code civil) (moyenne des derniers mois de salaire à 10.133 €)

- Dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de résiliation judiciaire :

Pour infirmation et bien fondé de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, M. [E] [R] impute à faute à son employeur l'insuffisance de défraiement, l'absence de prise en charge du matériel informatique et téléphonique, le non paiement des heures supplémentaires ainsi que l'impossibilité dans laquelle il est placé d'accomplir ses fonctions.

Pour caractériser la gravité de ces manquements de l'employeur à son égard, M. [E] [R] soutient que dans le cadre d'un changement de sa politique commerciale, la société a opéré un découpage des secteurs géographiques des commerciaux, qu'elle a recruté un nombre important de négociateurs et modification des modalités de bonification, mettant un terme aux bonus de prospection, entraînant une chûte de sa rémunération, qu'il réalisait en moyenne 53 h de travail chaque semaine et n'était pas défrayé correctement de ses déplacements pour accéder à un secteur éloigné de son domicile et du siège de la société, alors qu'aucune clause n'interdisait à l'employeur de le prendre en compte au delà du forfait.

M. [E] [R] ajoute qu'il s'en est expliqué dans sa demande de rupture conventionnelle, qu'à la suite de l'arrivée de Mme [S], il a été progressivement mis à l'écart et fait l'objet d'actes de maltraitance, conduisant à une dégradation des relations contractuelles aboutissant à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement ;

La SAS RESIDE ETUDES rétorque que le salarié fait une interprétation erronée des dispositions conventionnelles relatives à la prise en charge des frais de déplacements et se contente de fournir en vrac des relevés de compte desquels il ressort qu'une fois expurgés des dépenses de ouiquendes ou de vacances, les frais sont justifiés pour un montant inférieur à l'indemnité forfaitaire conventionnelle.

En ce qui concerne le grief relatif à l'absence de prise en charge du téléphone et d'un ordinateur portable, la SAS RESIDE ETUDES soutient que l'utilité d'ordinateur portable n'est pas justifiée en présence d'ordinateurs au sein des bureaux de l'agence, qu'il ne peut être tiré argument de la présence de son numéro de téléphone personnel sur les cartes de visite dès lors qu'il est établi qu'il est l'auteur du bon à tirer de ces cartes.

S'agissant des heures supplémentaires alléguées, la SAS RESIDE ETUDES rappelle qu'elle a produit au débat les rapports d'activité de M. [E] [R], qu'il en ressort qu'il passait essentiellement 2,5 jours à l'extérieur et 2,5 jours à l'agence, notamment pour la préparation des offres financières, qu'il peut d'autant moins se prévaloir d'une surcharge de travail, qu'il s'occupait parallèlement de la constitution de sa société et disposait d'une grande latitude pour organiser son emploi du temps.

La SAS RESIDE ETUDES conteste l'assertion selon laquelle la modification unilatérale qu'elle a opérée du périmètre de prospection de M. [E] [R] serait à l'origine de la baisse de ses commissions qui au surplus n'a pas été significative, de sorte qu'elle ne peut fonder la demande résiliation du contrat de travail, étant précisé que l'intéressé a été destinataire d'un nombre contacts équivalent, que ce n'est qu'accidentellement qu'il a pu être destinataire de contacts pendant ses congés, qu'il ne peut arguer de la modification du taux de commissionnement dès lors qu'elle a conduit à créer une tranche supplémentaire et qu'il a signé l'avenant afférent.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements de l'employeur invoqués étaient d'une gravité telle qu'ils faisaient obstacle à la poursuite du contrat de travail.

Le salarié impute à son employeur quatre manquements, tenant à l'insuffisance de défraiement, l'absence de prise en charge du matériel informatique, au non paiement des heures supplémentaires et à l'impossibilité dans laquelle il est placé d'accomplir ses fonctions.

* quant à l'insuffisance de défraiement :

S'agissant de l'insuffisance de défraiement, l'article 6 in fine du contrat de travail de M. [E] [R] stipule qu'un "forfait pour frais de déplacement d'un montant de 381,12 Euros par mois travaillé sera alloué à Monsieur [E] [R]. Ce forfait inclut tant les trajets domicile lieu de travail que les déplacements ponctuels liés à sa fonction". Telle que rédigée cette clause du contrat de travail permettait au salarié de réclamer le remboursement des frais exposés au delà de ceux exposés pour ses trajets domicile lieu de travail et pour des déplacements ponctuels et ce, nonobstant l'alternative entre la forfaitisation et le remboursement au réel prévue par la convention collective invoquée par l'employeur.

Ceci étant, il est établi que le forfait a été porté à la somme de 480 € le 1er janvier 2013 au terme d'une annexe à son contrat de travail signée par l'intéressé dans des termes ne faisant plus référence à des déplacements ponctuels mais à des déplacements liés à sa fonction.

Le manquement imputé à l'employeur à ce titre ne peut concerner que la période antérieure au 1er janvier 2013 et n'est donc pas contemporain de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, de sorte qu'il n'a pas constitué un obstacle à la poursuite de son contrat de travaile et ne peut donc fonder la demande de résiliation judiciaire.

* quant aux frais informatiques et de téléphone :

L'employeur soutient que le salarié passant environ deux jours et demi à l'agence, y disposait du matériel informatique nécessaire à l'exécution de ses missions et qu'il ne peut tirer aucune conséquence de la mention de son numéro de portable personnel sur ses cartes de visite, dans la mesure où il était le signataire du bon à tirer.

Toutefois, il est établi que M. [E] [R] était en déplacement deux jours et demi par semaine, que son numéro de téléphone personnel était communiqué aux clients par l'assitante et il ne peut être sérieusement soutenu que l'intéressé comme tout autre négociateur pouvait se passer d'un ordinateur quand il se déplaçait en rendez vous, quand bien même les offres commerciales n'étaient élaborées qu'au bureau.

La carence de l'employeur est établie, toutefois elle n'est pas contemporaine de la demande de résiliation judiciaire et le salarié ne produit aucune pièce relative à l'acquisition d'un ordinateur portable ou de son abonnement téléphonique.

Il ne peut donc pas être fait droit aux prétentions de M. [E] [R] à ce titre.

* quant aux heures supplémentaires :

Selon l'article L. 3121-10 du Code du Travail, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaines civile ; l'article L. 3121-22 énonce que les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des huit premières heures supplémentaires, les heures suivantes donnant lieu à une majoration de 50 % ;

Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir un taux de majoration différent qui ne peut être inférieur à 10%;

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En ce qui concerne les heures supplémentaires alléguées pour lesquelles le salarié produit une projection théorique de ses heures de travail pour aboutir à un total hebdomadaire de 51 heures qu'il généralise sur plusieurs années.

Les éléments ainsi produits par le salarié et auquel l'employeur oppose un raisonnement tout aussi théorique sur la base des rapports hebdomadaires de M. [E] [R] au titre de l'année 2013, duquel il ressort que le temps de déplacement du salarié serait compris en 9 et 15h par semaine, correspondant à deux jours et demi à l'extérieur, le reste de la semaine passé à l'agence étant consacré à l'établissement des offres commerciales, aux prises de rendez vous et aux appels ou relances de clients, ne sont pas suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies.

En conséquence, non seulement il ne peut être fait droit aux prétentions du salarié à ce titre mais en outre le manquement imputé à l'employeur à ce titre n'est pas établi.

* Quant à l'impossibilité d'exercer ses fonctions :

En l'espèce, il est établi qu'à compter de 2011, la SAS RESIDE ETUDES a unilatéralement modifié le secteur de prospection de M. [E] [R] en lui confiant à titre exclusif deux départements (Charentes et Charente maritime), en limitant à 6 les départements partagés sur lesquels le salarié pouvait encore prospecter et en modifiant les seuils de déclenchement des primes, qu'il en est résulté pour le salarié une baisse continue de ses revenus, de 86.000 € en 2010 à 78.000 € en 2011, 68.000 € en 2012 et à 48.584 € en 2013, soit une baisse de l'ordre de 40 % sur trois ans qui ne peut être qualifiée de minime ou de peu significative, l'employeur procédant de surcroît par affirmation quand il soutient que les modifications intervenues n'étaient pas de nature à amoindrir le potentiel commercial de la zone de prospection.

En modifiant unilatéralement la zone de prospection de M. [E] [R], sous couvert d'une rationalisation du temps de travail des salariés, tout en ne lui confiant à titre exclusif que deux départements assez éloignés de l'agence et en le soumettant à la répartition discrétionnaire des contacts pour les autres départements, ayant abouti à une baisse significative des revenus du salarié, l'employeur a manqué à ses obligations contractuelles dans des conditions de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail de M. [E] [R].

Il y a lieu par conséquent d'infirmer le jugement entrepris et de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [E] [R] aux torts de l'employeur.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise, de la perte d'une ancienneté de plus de six ans pour un salarié âgé de 41ans qui a perçu sur les six derniers mois une rémunération totale de 24.522,85 €, n'explicite pas la consistance de son préjudice qu'il évalue à 100.000 € à ce titre, il lui sera alloué, en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 une somme de 25.000 € à titre de dommages-intérêts ;

Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut donc prétendre aux indemnités de licenciement, compensatrice de préavis et de congés afférents la décision entreprise étant confirmée de ces chefs dès lors que la moyenne des salaires doit être calculée sur la base la plus favorable entre les trois derniers mois ou les douze derniers mois.

Sur les autres demandes :

* Quant au travail dissimulé et au repos compensateur :

La cour n'ayant pas fait droit aux demandes relatives aux heures supplémentaires, les demandes formulées à ce titre sont sans objet. Il y a lieu par conséquent de débouter M. [E] [R] des demandes formulées à ces titres.

* Quant à la prise en charge des frais pour la période antérieure au 1er janvier 2013 :

Aux termes de l'article L.3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

En outre, par application des articles L. 3245-1 du code du travail et 2222 du code civil ainsi que de l'article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, le délai de prescription de trois ans fixé par la loi du 14 juin 2013 ne s'applique qu'à compter de la date de sa promulgation sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq années.

En l'espèce, le délai de prescription a été interrompu par la saisine du conseil de prud'hommes effectuée le 22 avril 2014. Les demandes portant sur des sommes réclamées pour une période postérieure au 22 avril 2009 soit cinq années avant la saisine du conseil de prud'hommes ne sont donc pas prescrites.

Ceci étant, le salarié chiffre sa demande en se fondant sur le barême fiscal et en référence à une moyenne kilométrique annuelle de 40.000 km, discutée par l'employeur qui relève en outre certaines incohérences et la difficulté de s'y retrouver dans les relevés de compte produits, tout en retenant une moyenne annuelle de 11.752,50 km qui n'est pas autrement discutée par le salarié.

A défaut de tout autre barême sur la période concernée, il y a lieu de faire application du barême fiscal et de condamner la SAS RESIDE ETUDES à verser à M. [E] [R] pour la période du 22 avril 2009 au 31 décembre 2012, la somme de 13.961,97 € à ce titre, la décision entreprise étant infirmée de ce chef.

* Quant à la demande de remboursement des sommes allouées par les premiers juges :

Le licenciement étant dénué de cause réelle et sérieuse, la SAS RESIDE ETUDES n'est pas fondée à réclamer le remboursement des sommes allouées au terme du jugement entrepris.

Sur la capitalisation des intérêts :

En application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée ; il doit être fait droit à cette demande, la décision entreprise étant confirmée de ce chef';

Sur le remboursement ASSEDIC

En application de l'article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées

Les conditions d'application de l'article L 1235-4 du Code du travail étant réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur fautif, est de droit ; ce remboursement sera ordonné tel qu'il est dit au dispositif ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société appelante qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser le salarié des frais irrépétibles qu'il a pu exposer pour assurer sa défense en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [E] [R] aux torts de l'employeur,

CONDAMNE la SAS RESIDE ETUDES à payer à M. [E] [R] :

- 25.000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 13.961,97 € net à titre de remboursement des frais de déplacement ;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

CONFIRME en toutes ses autres dispositions le jugement entrepris,

et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS RESIDE ETUDES à payer à M. [E] [R] 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SAS RESIDE ETUDES de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

ORDONNE le remboursement par la SAS RESIDE ETUDES à l'organisme social concerné des éventuelles indemnités de chômage payées à M. [E] [R] dans la limite des trois mois en application de l'article L 1235-4 du code du travail.

CONDAMNE la SAS RESIDE ETUDES aux entiers dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 18/00058
Date de la décision : 13/11/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 08, arrêt n°18/00058 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-13;18.00058 ?
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