9ème Ch Sécurité Sociale
ARRET N°742
N° RG 18/08042 -
N° Portalis DBVL-V-B7C-PL6Z
Mme [M] [P]
C/
ETABLISSEMENT NATIONAL DES INVALIDES DE LA MARINE
DEFENSEUR DES DROITS
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2020
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Morgane LIZEE, lors des débats, et Mme Loeiza ROGER, lors du prononcé,
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 16 Septembre 2020
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Novembre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats. ;
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 05 Décembre 2018
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BREST
****
APPELANTE :
Madame [M] [P], ès qualité d'ayant droit de M. [L] [P], décédé
[Adresse 7]
[Localité 4]
comparante en personne,
assistée de Me Frédéric QUINQUIS, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
ETABLISSEMENT NATIONAL DES INVALIDES DE LA MARINE
[Adresse 5]
[Localité 1]
représenté par Me Philippe ARION de la SELARL ARES, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Nadège MORIN, avocat au barreau de RENNES
INTERVENANT :
DEFENSEUR DES DROITS
[Adresse 8]
[Localité 6]
non comparant, non représenté
EXPOSE DU LITIGE :
[L] [P], né le [Date naissance 2] 1942, marin occupant les fonctions de chef mécanicien, a été admis au bénéfice d'une pension de retraite anticipée (PRA) à compter du 25 avril 1992 en raison de son inaptitude à poursuivre l'exercice de la navigation.
Atteint d'un cancer bronchique, [L] [P] a déposé le 11 janvier 2008 auprès de l'ENIM une demande de reconnaissance de maladie professionnelle.
M. [P] est décédé le [Date décès 3] 2008.
Le 8 septembre 2008, Mme [G], veuve [P], a déposé en qualité de veuve et d'ayant droit, un dossier de demande de réversion de la PRA dont bénéficiait l'assuré.
Elle est bénéficiaire d'une pension de réversion depuis le 1er septembre 2008.
Parallèlement par décision du 18 novembre 2008, l'affection de [L] [P] a été reconnue comme maladie professionnelle (tableau numéro 30 B) à compter du 26 décembre 2007, avec attribution d'un taux d'IPP de 95 %, puis par décision du 28 juillet 2009, annulant et remplaçant la précédente, l'ENIM a reconnu comme imputable à sa maladie professionnelle son décès, et révisé également son taux d'IPP pour le porter à 100 %.
Aux termes de ces deux décisions, l'ENIM indique qu'en raison de sa qualité de bénéficiaire d'une PRA, [L] [P] n'aurait pu bénéficier de la pension d'invalidité pour maladie professionnelle (PIMP) et Mme [P] de la réversion de ce type de pension.
Mme [P] a exercé un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest.
Par décision rendue le 1er février 2010, ce tribunal a débouté Mme [P] de toutes ses demandes et confirmé la décision de l'ENIM.
Le 25 mars 2014, Mme [P] a de nouveau sollicité l'ENIM et par lettre du 27 juin 2014, la mission de conciliation et de contentieux de l'ENIM n'a pu faire droit à sa demande.
Le 16 août 2016, Mme [P] a sollicité une troisième fois l'ENIM sur la situation de son époux et par décision du 6 septembre 2016, le directeur de l'ENIM a rejeté l'attribution de la réversion d'une PIMP à celle-ci.
C'est dans ces circonstances que Mme [P] a saisi le tribunal des affaires sécurité sociale de Brest.
Par jugement du 5 décembre 2018, ce tribunal a déclaré irrecevable pour cause d'autorité de la chose jugée l'action de Mme [P] et dit que chaque partie prendra en charge ses frais irrépétibles.
Par déclaration adressée le 13 décembre 2018, Mme [P] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 10 décembre 2018.
M. le défenseur des droits a présenté des observations, reprises à son compte par Mme [P]. Il n'est ni comparant ni représenté.
Par ses écritures parvenues au greffe le 15 septembre 2020 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, l'appelante demande à la cour de :
Vu la décision de M. le défenseur des droits n° 2020-025 dont Mme [P] s'approprie les termes, moyens et conclusions au soutien de sa demande devant la cour.
Vu le décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurance des marins.
Vu le décret n° 2016-116 du 4 février 2016.
Vu la convention OIT du travail maritime adopté le 7 février 2006.
-Infirmer le jugement.
En conséquence,
. Déclarer recevable et bien fondé le recours formé par Mme [P] à l'encontre de la décision ENIM numéro 777 du 6 septembre 2016.
. Rejeter toute fins et exception de non-recevoir invoquées.
.Annuler la décision précitée.
. Dire et juger que Mme [P], es qualité de bénéficiaire d'une PRA d'ayant droit, est en droit de percevoir une PIMP d'ayant droit du fait du décès de son mari des suites d'une pathologie à évolution lente en application des dispositions du décret n° 2016-116 du 4 février 2016.
. Ordonner à l'ENIM de communiquer à Mme [P] le montant de la PIMP d'ayant droit à laquelle elle a droit afin qu'elle puisse opter pour le versement de cette dernière ou le maintien du versement de sa PRA de réversion.
. Condamner l'ENIM à verser à Mme [P] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante considère que postérieurement au jugement rendu le 1er février 2010, l'interdiction de percevoir une PIMP à la suite d'une PRA a trouvé une exception à travers le décret n° 2016- 116 du 4 février 2016 qui a créé le droit de percevoir une PIMP à la place d'une PRA. La question est donc de savoir si Mme [P] peut bénéficier des dispositions de ce décret et aucune juridiction n'y a répondu si bien qu'aucune autorité de la chose jugée ne peut lui être opposée. En outre, elle formait après le décès une demande de cumul et sollicite désormais le droit d'option si bien que ces recours successifs n'ont pas le même objet.
Au fond, il est soutenu que par lettre du 16 août 2016, Mme [P] a sollicité le droit d' opter entre sa PRA et une PIMP de réversion au visa du décret du 4 février 2016. Ce droit d'option constitue une exception à l'interdiction de cumul posé par l'article 18 du décret-loi du 17 juin 1938. Au décès de son époux, en bénéficiant de ses droits à PRA, elle est devenue titulaire du droit d'option créée à compter du 4 février 2016, comme l'aurait été son mari s'il avait vécu après cette date. En conséquence, elle est en droit de solliciter une PIMP de réversion en remplacement de sa PRA de réversion, en qualité non seulement de «bénéficiaire» d'une PRA mais également en qualité d'héritière de ses droits à PRA de son époux et le décret du 6 février 2016 ouvre ce droit d'option sans distinction.
Elle rappelle qu'antérieurement au décret du 4 février 2016, un droit d'option PRA/PIMP avait déjà été mis en place par un décret n° 2001 - 765 du 28 août 2011, limité aux seuls marins reconnus en maladie professionnelle avant le 1er juillet 1999 et seulement pour une durée de deux ans suivant le 1er juillet 2001, dont son époux n'a donc pu bénéficier. Cependant ce droit d'option était expressément ouvert aux ayants droits des marins décédés d'une maladie professionnelle.
Par ailleurs par application de l'article 19 du décret-loi du 17 juin 1938, renvoyant aux dispositions du code de la sécurité sociale, elle est en droit de solliciter le versement de sa PIMP d'ayant droit qui lui a été refusé avant l'entrée en vigueur du décret du 6 février 2016.
Reprenant la décision de M. Le défenseur des droits à son compte, elle relève donc également que le refus d'attribution aux veuves d'une pension courante au titre du décès de leur époux imputable à la maladie professionnelle contractée lors des périodes de navigation porte atteinte à leurs droits d'usagers du service public de la sécurité sociale pour les motifs suivants :
' les veuves doivent se voir reconnaître le bénéfice d'un droit propre et autonome à l'attribution d'une rente au titre de la réglementation sur les risques professionnels, droit non concerné par le principe de non-cumul. L'article 19 du décret du 17 juin 1938 en cas de décès du marin suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle créée un ensemble de droits propres et autonomes pour la veuve et les enfants, lesquels ne dérivent pas de la PIMP à laquelle le marin aurait pu prétendre et ne sont pas soumis au non cumul institué à l'article 18.
' À défaut d'une telle reconnaissance, le droit d'opter doit leur être ouvert. Si la PRA visée dans la règle non-cumul s'entend comme désignant également la PRA de réversion, alors le bénéficiaire auquel est ouvert le droit d'option, doit s'entendre comme désignant non seulement le bénéficiaire du droit propre mais également le cas échéant celui du droit dérivé en sorte qu'à supposer que la rente du conjoint survivant ne puisse être analysée comme un droit propre cumulable avec la PRA de réversion, le conjoint titulaire de cette PRA doit être autorisé à exercer le droit d'option ouvert par le décret du 4 février 2016.
' Enfin la réglementation du régime des marins telle qu'elle est mise en 'uvre par l'ENIM méconnaît les obligations découlant de la convention du travail maritime alors qu'il place les marins dans une situation moins favorable que celle des ressortissants du régime général.
Par ses écritures parvenues au greffe le 1er juillet 2019 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, l'ENIM, intimé, demande à la cour de :
Vu les articles 711-1 et R 711-1 et suivants du code de la sécurité sociale;
Vu les articles 18, 21-4, 62 et 63 du décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurance des marins, modifié;
Vu les articles 122 à 126 du code de procédure civile ;
. Faire droit à la fin de non-recevoir de l'ENIM est déclaré, à titre principal, irrecevabilité de la requête de Mme [P] ;
. Confirmer le jugement ;
. Dire, à défaut, l'intéressée mal fondé en son recours ;
. Dire et juger que c'est à bon droit qu'a été pris à l'égard de Mme [M] [P] la décision du directeur de l'ENIM en date du 6 septembre 2016 portant rejet d'une pension d'invalidité pour maladie professionnelle.
À l'appui de ses prétentions, l'ENIM expose en substance s'agissant de sa demande d'irrecevabilité que le versement portant sur le versement d'une PIMP d'ayant cause entre Mme [P] et l'ENIM a été tranché par le tribunal des affaires de sécurité sociale par décision du 1er février 2010, passé en force de chose jugée. Il existe une identité de parties, d'objet et de cause dans le cadre de ce nouveau litige. Dans sa lettre de saisine du 16 août 2016 l'ayant droit fait valoir qu'un changement des circonstances de droit permettrait une nouvelle étude de sa demande. S'il est vrai que le nouvel alinéa à l'article 21-4 modifié du décret du 17 juin 1938 permet au bénéficiaire d'une PRA de disposer d'un droit d'option au profit d'une PIMP, ce droit n'est ouvert qu'aux seuls titulaires de la pension et non à leurs ayants droits.
Les PIMP et les réversions de PIMP constituent deux droits à pension distincts. Dès lors, à l'exception de l'ancien article 64 du décret du 17 juin 1938 modifié, aucun droit d'option n'est offert à l'ayant droit entre une réversion de PRA et une réversion de PIMP.
Au fond l'ENIM expose en substance que le droit d'option de l'article 21-4 du décret du 17 juin 1938 modifié, n'a jamais été ouvert à [L] [P], décédé avant l'entrée en vigueur du décret du 4 février 2016 instaurant le droit d'option alors que la loi n'a pas d'effet rétroactif.
Sous l'empire du décret n° 79- 584 du 10 juillet 1979 l'article 18 énonçait une règle de non-cumul entre les PRA et les PIMP et de non attribution d'une PIMP au titulaire d'une PRA.
Seul M. [P] disposait du droit d'option.
Le droit d'option n'est ouvert qu'au bénéficiaire de la PRA en excluant le bénéfice de ce droit aux ayants cause. Seul l'article 62 du décret du 17 juin 1938 a crée un droit à option au profit de l'ayant droit.
Mme [P] ne jouit pas une PRA mais d'une réversion de PRA.
La pension de réversion constitue un avantage dérivé propre aux ayants droits et la cour de cassation a rejeté la qualité d'assuré d'un régime de sécurité au bénéficiaire d'une pension de réversion.
[L] [P], étant décédé avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 février 2016, Mme [P] ne peut solliciter l'option entre une PRA et une PIMP en sa qualité d'ayant droit qu'en se fondant sur les dispositions de l'article 62 du décret du 17 juin 1938 modifié, en l'espèce inapplicable.
À titre subsidiaire, l'article R 711-17 du code de la sécurité sociale disposant d'un principe d'équivalence entre les prestations servies par le régime général de sécurité sociale et un régime spécial de sécurité sociale est inapplicable.
[L] [P] ne peut bénéficier de l'article 63 du décret du 17 juin 1938 modifié, alors que cette dérogation transitoire, généralisée par l'article 21-4 alinéa 5 du décret précité, ne l'a été qu'à partir du 7 février 2016. Or, le caractère professionnel de la maladie de [L] [P] n'a été reconnu que le 22 octobre 2008, en application de l'article 2 du code civil, si bien que c'est à bon droit que l'ENIM a refusé l'attribution d'une PIMP à [L] [P] et par voie de conséquence d'une PIMP à sa veuve.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur l'autorité de la chose jugée
Par jugement définitif du 1er février 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest a débouté Mme [P] de sa demande de prise en charge de la maladie professionnelle dont souffrait son mari et du décès qui en a été la conséquence et d'obtention d'une PIMP.
Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Rennes du 27 février 2013. Le pourvoi formé par Mme [P] a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 7 mai 2014.
Dans la présente instance, elle demande à ce que la cour dise qu'elle est en droit de percevoir une PIMP d'ayant droit du fait du décès de son mari et d'ordonner à l'ENIM de lui communiquer le montant de la PIMP d'ayant-droit à laquelle elle a droit afin qu'elle puisse opter pour le versement de cette dernière ou le maintien du versement de sa PRA de réversion.
La demande formée par Mme [P] tendant à ce que la cour dise qu'elle est en droit de percevoir une PIMP a le même objet que celle présentée dans le cadre de la précédente instance en ce qu'elle implique de retenir que de son vivant son époux était fondé à prétendre au bénéfice d'une PIMP. Elle est irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée.
Sur la recevabiltié d'une demande d'exercice du droit d'option présentée par un ayant droit :
Devant la cour, Mme [P] ne présente pas de demande d'exercice d'une éventuelle option entre PRA et PIMP mais à ce que lui soient communiqués les documents lui permettant éventuellement de procéder à cette option. Il n'est pas justifié que cette demande ait été présentée en première instance. Elle n'est pas nouvelle en appel comme tendant aux mêmes fins que celles soumises au premier juge.
Ce droit d'option a été instauré par le décret n°2016-116 du 4 février 2016 au profit du bénéficiaire d'une PRA. Une demande tendant à bénéficier de ce droit d'option ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée s'agissant d'un droit qui aurait pu naitre postérieurement à la première décision. La demande de communication du montant de la PIMP éventuelle est, de ce point de vue, recevable.
L'article 18 du décret du 17 juin 1938 dispose :
« La pension pour accident professionnel peut se cumuler avec pension de vieillesse sur la caisse de retraite des marins, mais non avec une pension anticipée proportionnelle d'invalidité sur cette caisse, non plus qu'avec la pension d'invalidité prévue par l'article 48 du présent décret. »
Cet article interdit par principe aux marins de percevoir une pension d'invalidité pour maladie professionnelle à la suite d'une pension de retraite anticipée.
C'est de cet article, même dans sa version issue du décret n° 99 - 542 du 28 juin 1999, entrée en vigueur le 1er juillet 1999, que résulte l'impossibilité de cumul .
Si l'article 63 du décret du 17 juin 1938, a prévu une disposition transitoire en instaurant dans le régime des marins le système des maladies professionnelles qui n'existait pas auparavant, il n'a jamais consacré un droit à cumul alors qu'il permet à certains pensionnés seulement, de faire le choix entre le bénéfice d'une PIMP et celui d'une PRA. Le temps et l'exercice du droit d'option sont clairement précisés.
Ce texte dispose en effet que :
« Les marins bénéficiant d'une pension anticipée sur la caisse de retraite des marins, et qui avaient été reconnus atteints d'une maladie ayant son origine dans un risque professionnel maritime par le conseil supérieur de santé avant le 1er juillet 1999, peuvent demander au titre de cette maladie, dans un délai de deux ans à compter du 1er juillet 2001, le bénéfice de la pension d'invalidité visée à l'article 16. Dans ce cas, le versement de la pension anticipée sur la caisse de retraite des marins sera supprimé pour compter de la date d'entrée en jouissance de la pension d'invalidité, en application de l'article 18. »
Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Mme [P], le droit d'option entre PRA et PIMP n'était pas davantage prévu à l'article 62 du décret-loi n° 2001 du 28 août 2001 pour les ayants droits du marin décédé.
En effet, cette disposition transitoire permet simplement aux ayants droits d'un marin décédé avant le 1er juillet 1995 des suites d'une maladie ayant son origine dans un risque professionnel reconnu par le conseil supérieur de santé de bénéficier de la PIMP dont aurait bénéficié le marin lui-même, puisqu'avant le décret il n'existait pas de cumul possible entre pension de retraite sur la caisse de retraite de la marine et pension d'invalidité servie sur la base d'une diminution des capacités de travail des deux tiers.
Si au décès de [L] [P] ses droits ont pu être transférés à son épouse, ils n'intéressaient pour la retraite que la reversion mais pas une PIMP qui ne pouvait lui être octroyée compte tenu de la règle de non-cumul de l'article 18 susvisé et alors que le droit d'option prévu par le décret du 4 février 2016 ne lui a jamais été ouvert puisque postérieur à son décès intevenu le 11 mars 2015.
Il en résulte que Mme [P] ne peut prétendre au bénéfice d'une PIMP d'ayant droit, faute de PIMP susceptible d'avoir été octroyée à son époux.
Enfin, les principes d'équivalence n'imposent pas au régime des marins de servir des avantages strictement identiques aux autres régimes. La Cour de cassation se refuse à contrôler l'équivalence des prestations servies par un régime général spécial et applique systématiquement les textes du régime spécial dont relève des assurés.
À ce titre, la Cour de cassation a pu juger que :
D'une part, la concession d'une pension de retraite anticipée étant subordonnée par le texte qui l'institue à l'existence d'une inaptitude absolue et définitive du marin à l'exercice de la navigation, il en résulte que l'apparition postérieure d'une maladie professionnelle ne prive l'intéressé ni ses ayants droit d'aucune ressource liée à son métier ; d'autre part l'interdiction de cumul prévue par les articles 18 et 21-3 du décret-loi modifié du 17 juin 1938 entre une pension de retraite anticipée et une pension d'invalidité pour maladie professionnelle est en rapport direct avec l'avantage spécifique aux marins, sans équivalent dans les autres régimes nationaux de protection sociale, que constitue la faculté d'obtenir, par anticipation, une pension de retraite dès l'apparition d'une inaptitude absolue et définitive à l'exercice de leur profession de sorte qu'aucun principe d'égalité n'apparaît méconnu lorsque, ainsi que le prévoit en l'espèce la décision de l'ENIM, la différence éventuelle de montant entre les prestations dues au titre de la maladie professionnelle et la pension de retraite est compensée ; (Civ 2ème n°13-16-782).
Enfin, le conseil constitutionnel a pu retenir « qu'eu égard aux conditions particulières dans lesquelles les marins exercent leurs fonctions et aux risques auxquels ils sont exposés, il était loisible au législateur de prévoir que l'indemnisation des marins victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles serait soumise à des dispositions particulières dérogeant aux dispositions de droit commun prévues, en cette matière, par le code de la sécurité sociale ; que, par suite, en elle-même, une telle dérogation ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi ; » (décision n°2011-127 QPC) ;
Mme [P] n'est donc pas recevable à présenter une demande d'option pour la PIMP. Sa demande de communication du montant de la PIMP à laquelle elle pourrait prétendre est donc sans objet et sera rejetée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l'ENIM ses frais irrépétibles. Il sera débouté de sa demande à ce titre.
S'agissant des dépens, si la procédure était, en application de l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale gratuite et sans frais, l'article R.142-1-1 II, pris en application du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale, dispose que les demandes sont formées, instruites et jugées selon les dispositions du code de procédure civile, de sorte que les dépens sont régis désormais par les règles de droit commun conformément à l'article 696 du code de procédure civile.
En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de Mme [P] qui succombe à l'instance et qui ne peut en conséquence bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement,
Y ajoutant :
Déclare Mme [P] irrecevable à présenter une demande d'option prévue par les dispositions de l'article 21-4 alinéa 5 du décret du 17 juin 1938,
Rejette la demande de Mme [P] de communication du montant de la pension d'invalidité maladie professionnelle pour laquelle elle allègue pouvoir opter,
Rejette les autres demandes des parties,
Déboute l'ENIM de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [P] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT