La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/10/2020 | FRANCE | N°18/02841

France | France, Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 15 octobre 2020, 18/02841


4ème Chambre





ARRÊT N° 338



N° RG 18/02841

N° Portalis DBVL-V-B7C-OZVD







HR / FB















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Hélène RAUL

INE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :



A l'audience publique du 03 Septembre 2020

...

4ème Chambre

ARRÊT N° 338

N° RG 18/02841

N° Portalis DBVL-V-B7C-OZVD

HR / FB

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Septembre 2020

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Octobre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SA AXA FRANCE IARD

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Alain HUC de la SELARL CONSEIL, ASSISTANCE, DEFENSE C.A.D., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉES :

Mutuelle AREAS DOMMAGES

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par Me Joachim D'AUDIFFRET de la SCP ACTA JURIS SCP D'AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

SARL BOISTEAU GUY

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Alice LE BLAY de la SCP ROBET - LEDUC - LE BLAY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

SARL DELICES DE LA MADELEINE

anciennement dénommée LE FOURNIL DE [Localité 5]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Antoine ORAIN de la SELARL ALEO, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

SCI IPMC

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Antoine ORAIN de la SELARL ALEO, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTERVENANTES :

AXA FRANCE IARD

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représenté par Me François-Xavier GOSSELIN de la SCP CABINET GOSSELIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Société HUTEAU-MENARD

Sis [Adresse 8]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

Représentée par Me Karine TRUONG, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

FAITS ET PROCÉDURE

Le 16 octobre 2007, la SCI IPMC a fait l'acquisition d'un immeuble situé [Adresse 1] et la société Délices de la Madeleine, le fonds de commerce à usage de boulangerie-pâtisserie installé dans les lieux.

Ayant rapidement constaté des infiltrations, les sociétés IPMC et Délices de la Madeleine ont obtenu la désignation de M. [W] par une ordonnance de référé en date du 8 juillet 2008.

Le 6 février 2009, M. [W] a autorisé l'exécution pour le compte de qui il appartiendra des travaux de couverture et de déplacement des groupes moteur par la société Boisteau, assurée par la société Aréas Dommages, et par la société Pani Atlantic, aujourd'hui liquidée, assurée par la société Axa.

La réception des travaux de la société Boisteau a eu lieu le 20 février 2009 à 11 heures. Deux heures plus tard, un incendie s'est déclaré qui a détruit l'immeuble.

Une mission complémentaire a été confiée à M. [W] pour déterminer les causes de l'incendie.

La société Axa France Iard prise en qualité d'assureur de la SCI IPCM et de la société Délices de la Madeleine a été condamnée à leur verser des provisions à valoir sur les travaux de réfection, le préjudice d'exploitation et les frais d'expertise par une ordonnance de référé du 14 mai 2009, une ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises du 19 octobre 2009 et des ordonnances du juge de la mise en état du 6 juin 2011 et du 8 septembre 2011.

Par acte d'huissier du 7 juillet 2010, les sociétés IPMC et Délices de la Madeleine ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nantes la SCI Kerrouault et la société L'Epi, venderesses, la société Boisteau, la société Pani Atlantic représentée par les organes de la procédure collective, la société Huteau Ménard et les assureurs aux fins de liquidation de leurs préjudices sur le fondement des articles 1641 et 1792 du code civil.

M. [W] a déposé son rapport le 4 mars 2014.

Par un jugement réputé contradictoire en date du 20 mars 2018, le tribunal a :

- rejeté l'ensemble des demandes de la société Délices de la Madeleine et de la SCI IPMC à l'encontre de la SCI Kerrouault et de la société L'Epi sur le fondement de la garantie des vices cachés ;

- rejeté l'ensemble des demandes de la société Délices de la Madeleine, de la SCI IPMC et de la société Axa France Iard à l'encontre de la société Boisteau et de la société Aréas Dommages, la responsabilité de la société Boisteau dans l'incendie du 20 février 2009 n'étant pas caractérisée;

- condamné la société Axa France Iard à payer à la SCI IPMC la somme de 29 496 euros, valeur à neuf et maîtrise d'oeuvre incluse, en deniers ou quittance, au titre des travaux de réfection, soit, après déduction des sommes déjà versées à hauteur de 26 000 euros, la somme de 3 496 euros, avec intérêts au taux légal depuis l'assignation délivrée le 7 juillet 2010 ;

- condamné la société Axa France Iard à payer à la société Délices de la Madeleine les sommes de 105 236 euros TTC au titre du four et de son contenu, valeur à neuf, en deniers ou quittance, soit un trop-perçu en faveur de la société de 50 949,07 euros, sous réserve de tenir compte de la somme de 7 091,83 euros encore disponible au compte séquestre, avec intérêts au taux légal depuis le 16 juin 2015 et de 216 363,00 euros au titre de la perte d'exploitation, en deniers ou quittance, soit un trop-perçu en faveur de la société de 68 637 euros, sous réserve de tenir compte de la somme de 2 861,82 euros encore disponible au compte séquestre, avec intérêts au taux légal depuis le 16 juin 2015 ;

- condamné en conséquence la société Délices de la Madeleine à payer à la société Axa France Iard la somme de 43 857,24 euros de trop-perçu au titre du four et de son contenu, avec intérêts au taux légal depuis le 16 juin 2015, et la somme de 65 775,18 euros de trop-perçu au titre de la perte d'exploitation, avec intérêts au taux légal depuis le 16 juin 2015 ;

- décerné acte à la société Dillet Agencements de ce qu'elle est intervenue en réparation en mettant en oeuvre une couverture de façon satisfactoire sur la base des préconisations de l'expert judiciaire ;

- ordonné la mise hors de cause de la société Pani Atlantic et de son assureur Axa ;

- condamné la société Axa France Iard à payer à la SCI IMPC et à la société Délices de la Madeleine la somme de 124 665, 94 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- rejeté les demandes de la société Axa France Iard, de la société Aréas Dommages, de la société Boisteau, de la SCI Kerrouault, de la société L'Epi, de la société Axa, assureur de la société Pani Atlantic, et de la société Huteau Ménard au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société Axa France Iard aux dépens ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La société Axa France Iard a fait appel de cette décision par déclaration du 27 avril 2018, intimant uniquement la société Aréas Dommages, la société Boisteau et les sociétés Délices de la Madeleine et IPMC.

La société Aréas Dommages a formé un appel provoqué contre la société Axa France Iard prise en qualité d'assureur de la société Pani Atlantic par acte d'huissier du 18 octobre 2018 et contre la société Huteau Ménard par acte du 23 octobre 2018.

Par une ordonnance du 1er avril 2019, le conseiller de la mise en état a :

- déclaré irrecevable l'appel provoqué de la société Areas dommages contre la société Huteau-Ménard ;

- déclaré recevable l'appel interjeté par la société Areas dommages à l'encontre de la société Axa France Iard prise en qualité d'assureur de la société Pani Atlantic.

La société IPMC et la société Délices de la Madeleine ont relevé appel incident.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 juin 2020.

En cours de délibéré, la cour a sollicité les observations des parties sur l'application de l'article 1792 du code civil au litige. Les assureurs Axa et Areas ont répondu par notes du 5 octobre 2020.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions en date du 12 décembre 2019, au visa des articles 1235 et 1376 du code civil et L121-12 du code des assurances, la société Axa France Iard, assureur des sociétés Délices de la Madeleine et IPMC, demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris sur les sept points visés dans la déclaration d'appel ;

- dire applicable la pénalité de 15 % pour défaut de moyens de prévention imposés par le contrat;

- déclarer la société Boisteau responsable du sinistre survenu le 20 février 2009 ; la condamner in solidum avec la société Aréas Dommages à lui payer la somme de 341 778,96 euros s'il est fait application de la pénalité, la somme de 394 441,96 euros s'il n'en est pas fait application, montant total du sinistre, avec intérêts sur 338 845,95 euros à compter des conclusions du 16 juin 2015 et des présentes conclusions sur le surplus, outre 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- en tout état de cause, condamner la société IPMC à lui rembourser la somme de 928,40 euros au titre de la remise en état des locaux, avec intérêts au taux légal à compter des conclusions du 16 juin 2015 valant mise en demeure de payer, outre la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Les Délices de la Madeleine ex Fournil de [Localité 5] à lui rembourser la somme de 101 092 euros au titre des pertes d'exploitation et 66 734,47 euros au titre du préjudice matériel, soit 167 826,87 euros, avec intérêts au taux légal sur 153 773,44 euros à compter des conclusions du 16 juin 2015 valant mise en demeure et sur le surplus à compter des présentes conclusions, outre la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la décharger de la condamnation au paiement de la somme de 124 665,94 euros au titre des frais de défense personnelle de ses assurées ;

- condamner in solidum la société Boisteau et la société Aréas Dommages aux dépens.

Dans ses dernières conclusions en date du 4 décembre 2018, la société Boisteau Guy demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a exclu sa responsabilité, subsidiairement, de condamner la société Areas Dommages à la garantir intégralement de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre et de condamner la société Axa France Iard à lui payer la somme de 5 000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions en date du 23 janvier 2020, la société Areas Dommages, assureur de la société Boisteau, demande à la cour de :

- à titre principal, confirmer purement et simplement le jugement déféré ; débouter la société Axa France Iard, assureur des sociétés IPMC et Délices de la Madeleine, les sociétés Délices de la Madeleine et IPMC et toutes les autres parties de l'ensemble de leurs demandes ;

- si par impossible la cour retenait la responsabilité de la société Boisteau, compte tenu des multiples hypothèses et de l'absence de détermination d'une cause d'incendie précise, rejeter toute demande formulée en TTC et retenir uniquement des montants hors taxes; condamner in solidum la compagnie Axa, assureur de la société Pani Atlantic, et la société Huteau Ménard à la garantir ainsi que la société Boisteau à hauteur de 66,66 % de toutes les condamnations prononcées à leur encontre sur le fondement de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ; fixer le montant de la perte d'exploitation indemnisable à hauteur d'une somme maximum de 164 006 euros ; rejeter toute demande supérieure à ce montant ; dire et juger que la société Boisteau ne peut être tenue que des frais d'expertise en lien avec l'incendie ; condamner in solidum la société Axa, assureur de la société Pani Atlantic, et la société Huteau Ménard à la garantir ainsi que la société Boisteau à hauteur de 66,66 % de toutes condamnations prononcées à leur encontre à ce titre ; débouter l'ensemble des parties de l'ensemble de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- en tout état de cause, dire et juger que la société Boisteau ne peut être tenue des frais irrépétibles sans lien avec l'incendie, et ne saurait être concernée par l'ensemble des frais irrépétibles engagés par l'une ou l'autre des parties, notamment les sociétés IPMC et Délices de la Madeleine, lors des premières procédures et de la première expertise liée aux premiers désordres ; condamner in solidum la compagnie Axa, assureur de la société Pani Atlantic, et la société Huteau Ménard à la garantir ainsi que la société Boisteau à hauteur de 66,66 % de toutes condamnations prononcées à leur encontre à ce titre ;

- dire et juger que la société Aréas Dommages ne peut être tenue que dans la limite de sa garantie vis-à-vis de son assurée, conformément aux dispositions contractuelles, après déduction de la somme de 32 502 euros, correspondant au montant des dommages non couverts, et de la franchise contractuelle à hauteur de 10 % du montant indemnisé, avec un montant maximum de 3 500 euros ;

- débouter l'ensemble des parties de l'ensemble de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamner la société Axa ou tout succombant à lui verser la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner tout succombant aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions en date du 12 décembre 2019, la société Axa France Iard, assureur de la société Pani Atlantic, demande à la cour de :

- juger qu'en l'absence d'appel provoqué à son encontre, la société Areas a acquiescé au jugement la mettant hors de cause et est irrecevable en son appel provoqué ; la mettre hors de cause ;

- subsidiairement, déclarer la société Areas irrecevable en son action directe, le jugement étant définitif ;

- en toute hypothèse, confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a mise hors de cause ; juger que les sociétés IPMC et Délices de la Madeleine ont renoncé à toutes demandes contre elle ou son assureur ; débouter la société Areas de son appel incident ;

- vu l'absence de fondement juridique et de déclaration au passif de la société Pani Atlantic et la prescription, déclarer toutes les parties, en particulier la société Areas, irrecevables en leurs demandes ; subsidiairement, les en débouter ;

- condamner la société Areas à lui payer 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions en date du 7 janvier 2019, au visa de l'article 1147 du code civil, la société Délices de la Madeleine et la société IPMC demandent à la cour de :

- dire que la société Boisteau est responsable de l'incendie du 20 février 2009 ; la débouter de sa demande de mise hors de cause ;

- dire que la compagnie Aréas Dommages est tenue de l'ensemble de ses garanties contractuelles, tant au titre des dommages garantis que de la réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel la société Boisteau a contribué ;

- dire que la société Axa France Iard est tenue de l'ensemble de ses garanties contractuelles tant au titre des dommages garantis que des pertes d'exploitation ;

- condamner la société Boisteau et la société Aréas Dommages ainsi que la société Axa France Iard à payer :

- à la SCI IPMC, la somme de 270 808,57 euros TTC au titre des travaux sous déduction des sommes déjà versées ;

- à la société Les Délices de la Madeleine, les sommes de :

- 116 254,01 euros TTC au titre du four et du contenu, sous déduction des sommes déjà versées ;

- 220 095 euros au titre de la perte d'exploitation sous déduction des sommes déjà versées ;

- 124 665,94 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- aux dépens ;

- débouter la société Boisteau et la société Aréas Dommages ainsi que la société Axa France Iard de toutes leurs demandes à leur encontre.

MOTIFS

L'appel provoqué contre la société Huteau Ménard ayant été déclaré irrecevable, la disposition du jugement la mettant hors de cause est définitive.

Sur les demandes de la société Axa, de la société IPMC et de la société Délices de la Madeleine contre la société Boisteau et la société Areas Dommages

Sur les responsabilités

Sur la cause de l'incendie

Il ressort du rapport du sapiteur, M. [P], que :

- la réception des travaux de la société Boisteau a été prononcée le 20 février à 11 heures ; l'incendie s'est déclaré le même jour après l'allumage du four, vers 13 heures ;

- le départ de feu se situe au-dessus du four à pain, dans une zone comprise entre des poutres et solives dans laquelle se trouvaient deux sources d'énergie, le conduit d'évacuation des gaz de combustion du four et le circuit électrique alimentant le moteur du conduit d'extraction des buées, plus précisément, entre le faux plafond en plaques de plâtre cartonnées et l'isolation en laine de verre ;

- le sapiteur a exclu une cause électrique car le seul câble qui passe dans la zone ne présente aucune trace d'échauffement et les connexions au boitier sont intactes ;

- l'installation électrique étant exclue, la seule source possible d'inflammation est le conduit d'évacuation des fumées dont la température s'est élevée au fur et à mesure que le four montait en chaleur ;

- l'inflammation d'un élément en bois est peu probable car, si une poutre se trouve à moins des 16 cm réglementaires du conduit d'évacuation des gaz chauds, le processus qui conduit à l'inflammation est long ; en outre, la partie du conduit qui se trouve à proximité du bois ne présente aucune trace particulière d'échauffement, or, elle aurait nécessairement été altérée lors de l'élévation en température ; enfin, la partie du conduit qui n'a pas été posée réglementairement est située sous le faux plafond alors que le feu s'est développé au-dessus ;

- la cause de l'inflammation est un élément combustible qui s'est trouvé trop proche du conduit de fumée ; le faux plafond en plaque de plâtre avec un support en carton et la laine de verre sur un support en papier sont tous les deux des combustibles ;

- l'inflammation s'étant produite à la fin des travaux du couvreur, dès la première mise en service du four et donc de la première montée en température, le sapiteur émet deux hypothèses :

* le conduit de fumée n'a pas été correctement remis en place ; les coudes permettent en effet un jeu qui a pu favoriser un rapprochement du conduit avec l'élément combustible que constitue la plaque de plâtre cartonnée à sa traversée ;

* l'isolation a pu se retrouver trop près du conduit, entraînant une inflammation du papier lorsque le four a atteint sa température de service ;

- au regard de ce qu'il subsiste après l'incendie, il est impossible de déterminer lequel des combustibles est à l'origine de l'inflammation.

M. [W] conclut que ces deux hypothèses sont en lien avec les travaux réalisés par la société Boisteau.

Contrairement à ce que fait plaider la société Areas, il résulte de ces constatations et des conclusions claires et circonstanciées du sapiteur que la seule incertitude concerne le combustible à l'origine de l'inflammation. Elle est, cependant, sans conséquence sur la solution du litige puisque les seuls combustibles présents dans la zone de départ de feu, à proximité de la source d'énergie, sont des ouvrages mis en oeuvre ou sur lesquels est intervenue la société Boisteau.

Il est indifférent que le sapiteur n'ait pu émettre que des hypothèses dès lors qu'il a analysé toutes les causes possibles et exposé les raisons pour lesquelles il en excluait certaines et en retenait d'autres. Aucune autre analyse technique n'est versée aux débats.

La société Boisteau fait valoir qu'elle n'avait pas accès aux locaux commerciaux ni au fournil mais ils ne sont pas le siège du départ de feu.

La société Areas prétend que le couvreur n'était intervenu sur que la toiture, ce qui est contredit par la facture du travaux du 26 février 2009 qui mentionne des travaux d'isolation et notamment la fourniture et la pose de laine de verre. Il n'est pas non plus contesté que la société Boisteau avait été amenée à déposer et remettre en place le conduit de fumée pour réaliser ses travaux.

S'agissant du four qui avait été installé en 2000, soit neuf ans avant l'incendie, le sapiteur a démontré pourquoi l'écart au feu insuffisant du conduit par rapport à la poutre ne pouvait pas avoir provoqué l'incendie.

Il n'est pas établi que la société Pani Atlantic avait mis en oeuvre des combustibles dans la zone de départ du feu. Il est dès lors indifférent qu'elle ait circulé et soit intervenue dans cette partie de l'immeuble dans les jours qui ont précédé l'incendie, 'l'intervention spatio temporelle de la société Boisteau' n'étant pas le motif de sa mise en cause, comme tente de le faire croire son assureur.

Contrairement à ce qui a été jugé, il n'existe aucun doute sur l'imputabilité de l'incendie aux travaux réalisés par la société Boisteau puisque sa responsabilité est engagée dans les deux hypothèses et la survenance du sinistre démontre que leur réalisation était défectueuse.

Le jugement est infirmé.

Sur le fondement juridique des demandes

La société Axa fonde ses demandes sur l'article 1382 devenu 1240 du code civil.

La société Areas a répondu à la cour, dans sa note du 5 octobre 2020, que dans l'hypothèse où la cour retiendrait la responsabilité décennale de son assurée, elle ne garantissait pas les dommages.

La société Axa fait valoir dans sa note en délibéré que :

- l'article 12 alinéa 3 du code de procédure civile dispose que 'le juge ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquelles elles entendent limiter le débat' ; elle considère que c'était le cas en l'espèce car les parties n'avaient conclu que sur l'article 1382 du code civil de sorte que 'le débat était lié par les parties devant le tribunal et la cour sur le tryptique faute/dommage/lien de causalité' ;

- les premiers juges ont justement indiqué que la responsabilité décennale des constructeurs n'était pas adaptée en l'espèce.

Il convient de rappeler que le juge doit donner ou restituer aux faits leur exacte qualification juridique sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée (article 12 alinéa 2) sous réserve de respecter le principe du contradictoire.

Le fait que la société Areas n'ait pas discuté le fondement invoqué par la société Axa dans ses conclusions ne constitue pas un accord exprès de limiter le débat à ce texte. Au demeurant, les assurées, également parties à la procédure, avaient fondé leur action sur les articles 1792 et 1147 du code civil que le tribunal n'a pas examinés, ayant considéré qu'il existait une incertitude sur la cause de l'incendie, et sur l'article 1147 en cause d'appel.

Les travaux de couverture avaient été commandés par la société IPCM, prpropriétaire de l'immeuble, de sorte que l'appelante, subrogée dans ses droits, ne peut invoquer le fondement délictuel.

Les travaux de couverture son des travaux de construction, leur réception avait été prononcée, l'incendie est un dommage et le lien de causalité entre les travaux et le sinistre a été démontré, ainsi que cela a été jugé plus haut.

La responsabilité de la société Boisteau est donc engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil envers la société IPCM.

Il en va différemment en ce qui concerne la société Les Délices de la Madeleine qui, en sa qualité de locataire, était tiers par rapport au contrat unissant son bailleur au couvreur.

L'appelante subrogée dans ses droits peut donc se prévaloir de l'exécution défectueuse des travaux.

La garantie de la société Areas est dès lors mobilisable à ce seul titre.

Cette dernière n'est pas fondée à se prévaloir de l'exclusion de garantie visée à l'article 31 des conditions particulières, cette clause n'ayant pas vocation à s'appliquer lorsque les dommages sont consécutifs à un incendie.

Sur l'indemnisation des préjudices de la société IPCM et de la société Délices de la Madeleine

Il résulte du rapport d'expertise que le montant des travaux de réfection du fournil se sont élevés à 105 236 € HT, les travaux de remise en état des locaux à 29 496 € HT, frais de maîtrise d'oeuvre inclus, et la perte d'exploitation à 220 095 € sur la base d'une interruption d'activité complète du 20 février au 15 novembre 2009 et d'une reprise progressive jusqu'au 15 février 2010.

Contrairement à ce que soutient la société Areas, les travaux qui venaient d'être réalisés ont été détruits par l'incendie de sorte que leur réfection doit être comprise dans les travaux de reprise et le rapport du sapiteur expert-comptable est daté du 17 février 2014 et répond au dire de son conseil de sorte que le principe contradictoire a été respecté.

L'expert judiciaire a tenu compte à juste titre d'une période de reprise progressive de trois mois pour retrouver le niveau d'activité antérieur.

La société Délices de la Madeleine réclame 116 254,01 € TTC au titre du premier poste sans fournir d'explication et la société IPMC, 270 808,53 € TTC en fournissant un tableau récapitulatif dans une police de caractère illisible. Il n'est pas justifié que tout ou partie de ces sommes correspondraient à des travaux de mise aux normes. Les chiffres qui figurent dans le rapport d'expertise correspondant à la réalité des coûts engagés sans amélioration, c'est à bon droit que les premiers juges les ont retenus.

Les appels incidents sont rejetés.

Sur la pénalité contractuelle de 15 %

L'appelante reproche au tribunal de ne pas avoir accueilli sa demande à ce titre alors que la pénalité sanctionne l'absence d'extincteurs en état de fonctionnement, rappelant que le risque est évalué en fonction des mesures de prévention.

Il est stipulé dans les conditions particulières, page 11, à la rubrique prévention incendie : 'Votre établissement dispose d'extincteurs dont la vérification doit être faite tous les ans par une entreprise spécialisée. En cas de sinistre, si les mesures de prévention ne sont pas présentes et en bon état, l'indemnité sera réduite de 15 %.'

Les sociétés Délices de la Madeleine et IPCM n'ont pas justifié avoir satisfait à cette obligation. Elle ne concluent pas sur ce point.

Le jugement est infirmé.

Le montant des indemnités qu'elles sont donc contractuellement en droit d'exiger de leur assureur est donc le suivant :

- société IPMC : 25 071,60 € HT,

- société Délices de la Madeleine : 89 450,60 € HT pour le fournil et 183 908,55 € pour le préjudice d'exploitation après déduction de la franchise.

Sur les demandes d'Axa contre la société Boisteau et la société Areas sur le fondement de l'article L121-12 du code des assurances

La société Axa agit sur le fondement de la subrogation légale de sorte que le moyen pris de l'absence de quittance subrogative est inopérant.

Elle justifie des versements effectués au séquestre par les copies d'écran.

Elle verse aux débats la police d'assurance qui la liait aux sociétés IPMC et Délices de la Madeleine.

Elle ne réclame pas le paiement des sommes qu'elle a versées à ses assurées mais de celles auxquelles elle était contractuellement obligée en vertu du contrat d'assurance, soit les sommes de 25 071,60 € HT, 89 450,60 € HT et 183 908,55 €.

Compte tenu de ce qui précède, la société Boisteau est condamnée à payer à la société IPCM la somme de 25 071,60 € HT et à la société Les Délices de la Madeleine celle de 273 359,15 € HT in solidum avec son assureur Areas.

Le montant des frais d'expertise s'est élevé à 51 595,72 € dont Axa a déduit la première facture qui était antérieure à l'incendie, sollicitant la somme de 45 913,91 € à ce titre. Au regard du détail des factures, il est fait droit à sa demande.

Le coût de l'expertise étant lié pour l'essentiel à l'évaluation des préjudices de l'exploitante, la condamnation est prononcée in solidum contre la société Boisteau et son assureur.

Sur les demandes d'Axa contre les sociétés Délices de la Madeleine et IPCM sur le fondement de l'article 1235 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016

La société Axa a versé en exécution des décisions judiciaires prononcées à titre provisionnel, à la société IPCM, la somme de 26 000 €, à la société Délices de la Madeleine, celles de 156185,07 € et de 285 000 €.

Compte tenu de ce qui précède, elle est fondée à réclamer leur condamnation à lui rembourser, au titre du trop perçu :

- la société IPCM, la somme de 928,40 €,

- la société Délices de la Madeleine, la somme de 66 734,47 € pour le fournil et celle de 101 092 € pour le préjudice d'exploitation, soit au total 167 826,47 €.

Le jugement est infirmé sur le quantum des condamnations.

Sur les autres demandes

L'appel en garantie de la société Areas Dommages contre la société Axa prise en qualité d'assureur de la société Pani Atlantic est rejeté, sa responsabilité n'étant pas engagée dans la survenance de l'incendie.

Elle est tenue de garantir son assurée, la société Boisteau, dans les limites de la franchise contractuelle, au titre des condamnations prononcées au profit de la société Les Délices de la Madeleine.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles sont infirmées.

L'appelante critique à juste titre la disposition du jugement qui a fait droit à la demande des sociétés IPCM et Délices de la Madeleine au titre de leurs frais irrépétibles à hauteur de 124665,94 €. Il résulte, en effet, des pièces versées aux débats que leur conseil leur avait réclamé pour la période 2009- 2011 un montant d'honoraires de près de 230 000 € que le bâtonnier de l'ordre des avocats de Nantes avait réduit, en novembre 2012, à la somme mentionnée plus haut, décision annulée ultérieurement par la cour d'appel. Cette somme est excessive au regard d'une affaire qui se situe dans la norme des affaires qu'un avocat est amené à traiter. Elle sera fixée à 25 000 €.

La société Areas Dommages et la société Boisteau qui succombent en leurs prétentions sont condamnées aux dépens de première instance (à l'exclusion des frais d'expertise, déjà pris en compte) et d'appel et à payer les indemnités de procédure suivantes :

- à la société IPMC et à la société Délices de la Madeleine, la somme de 20 000 €,

- à la société Axa prise en qualité d'assureur des sociétés IPMC et Délices de la Madeleine, la somme de 20 000 €,

- à la société Axa prise en qualité d'assureur de la société Pani Atlantic, la somme de 5 000 €.

L'appelante est déboutée de sa demande à ce titre contre ses assurées.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement :

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société Axa France Iard prise en qualité d'assureur de la société Pani Atlantic,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que la société Axa France Iard est fondée à invoquer la pénalité prévue dans la police d'assurance de la société IPMC et de la société Délices de la Madeleine,

CONDAMNE la société Boisteau Guy à payer la somme de 25 071,60 € HT à la société Axa France Iard prise en qualité d'assureur de la société IPMC, avec intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2015,

CONDAMNE in solidum la société Boisteau Guy et la société Areas Dommages à payer à la société Axa France Iard prise en qualité d'assureur de la société Délices de la Madeleine :

- la somme de 273 359,15 € avec intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2015,

- la somme de 45 913,91 € au titre des frais d'expertise,

CONDAMNE la société IPMC à rembourser à la société Axa France Iard la somme de 928,40 € au titre du trop perçu sur les travaux de l'immeuble, avec intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2015,

CONDAMNE la société Les Délices de la Madeleine à rembourser à la société Axa France Iard la somme de 167 826,47 € avec intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2015 sur 153 773,44 € et du 12 décembre 2019 sur le surplus,

CONDAMNE la société Areas Dommages à garantir la société Boisteau Guy des condamnations prononcées au profit de la société Les Délices de la Madeleine sous réserve de la franchise contractuelle,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE in solidum la société Boisteau Guy et la société Areas Dommages à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile :

- à la société IPMC et à la société Délices de la Madeleine, la somme de 20 000 €,

- à la société Axa prise en qualité d'assureur des sociétés IPMC et Délices de la Madeleine, la somme de 20 000 €,

- à la société Axa prise en qualité d'assureur de la société Pani Atlantic, la somme de 5000 €,

CONDAMNE in solidum la société Boisteau Guy et la société Areas Dommages aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18/02841
Date de la décision : 15/10/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 04, arrêt n°18/02841 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-15;18.02841 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award