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13/10/2020 | FRANCE | N°17/02850

France | France, Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 13 octobre 2020, 17/02850


3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N°369



N° RG 17/02850 - N° Portalis DBVL-V-B7B-N3VR













SAS CLEVER CLOUD



C/



Société REVY UG

Société SCP [Z]

































Copie exécutoire délivrée



le :



à : Me ROBINEAU

Me PLANCON







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS




COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,





GREFFIER :



Mme Julie ROUET, lors des déb...

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°369

N° RG 17/02850 - N° Portalis DBVL-V-B7B-N3VR

SAS CLEVER CLOUD

C/

Société REVY UG

Société SCP [Z]

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me ROBINEAU

Me PLANCON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Septembre 2020 devant Madame Olivia JEORGER-LE GAC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 13 Octobre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SAS CLEVER CLOUD, inscrite au RCS de Nantes sous le N° 524 172 699, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 4]/FRANCE

Représentée par Me Marie ROBINEAU de la SELARL SIMON ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉES :

Société REVY UG, société de droit allemand prise en la personne de son représentant légal M. [J] [Y]

[Adresse 7]

[Localité 1] ALLEMAGNE

Représentée par Me Katell PLANÇON de la SELARL KBP AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Barthélemy LEMIALE de l'AARPI VALMY AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

SCP [Z] prise en la personne de Me [B] [Z] en sa qualité de mandataire à la procédure de redressement judiciaire de la société CLEVER CLOUD, nommé à cette fonction suivant jugement du tribunal de commerce de Nantes du 21.10.2015

[Adresse 2]

[Localité 4]

N'ayant pas constitué avocat

La SAS CLEVER CLOUD, ayant comme secteur d'activité les services informatiques, a été placée en redressement judiciaire par jugement du 21 octobre 2015, la SCP [Z] étant désignée mandataire judiciaire.

Le 19 octobre 2016 a été établi un plan de redressement judiciaire, la SCP [Z] étant désignée commissaire à l'exécution du plan.

La société de droit allemand REVY UG a déclaré à son passif une créance de 84.106,11 euros se décomposant comme suit:

- 5 factures de 8.000 euros chacune datées de mars 2015, concernant des prestations de conseil en gestion et gouvernance,

- une facture de 44.000 euros d'avril 2015 concernant une mission d'agent commercial,

- une facture de 106,11 euros consistant en la refacturation d'un service donnant accès à une base de données.

La société CLEVER CLOUD a contesté cette créance et les parties ont été convoquées devant le juge commissaire.

Selon l'ordonnance rendue par ce dernier, la contestation portait uniquement sur le caractère impayé des factures, la société CLEVER CLOUD soutenant les avoir payées.

Par ordonnance du 05 avril 2017, le juge commissaire au redressement judiciaire de la SAS CLEVER CLOUD a admis la créance pour un montant de 77.806,11 euros, au motif que les paiements invoqués n'étaient pas justifiés par les pièces versées aux débats.

La SAS CLEVER CLOUD a fait appel de cette ordonnance.

Par conclusions du 09 avril 2020, la société CLEVER CLOUD conteste la réalité des prestations figurant sur les factures et évoquent des détournements du dirigeant de la société REVY UG, qui assumant pour son compte une mission de gestion, aurait eu accès à ses comptes.

Elle a précisé estimer que le juge-commissaire, puis la Cour en ce qu'elle dispose des pouvoirs de ce dernier, sont compétents pour connaître du litige.

Elle a conclu que la société CLEVER CLOUD aurait versé au total 73.356,96 euros à la société REVY UG et/ou à M. [Y], le dirigeant de cette dernière, celui-ci entretenant une confusion entre ses comptes et ceux de sa société.

Elle a demandé que la Cour:

- déclare les pièces de l'intimée numérotées 1-3-7-10-11 et 12 irrecevables comme rédigées en langue allemande,

- infirme l'ordonnance déférée,

- rejette la créance déclarée,

- condamne la société REVY UG à leur payer la somme de 7.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamne aux dépens, comprenant les frais de traduction de la signification et de la déclaration d'appel, des conclusions et de leurs procès-verbal de signification.

Par conclusions du 30 avril 2020, la société REVY UG a plaidé que de même qu'en première instance, aucun virement allégué par l'appelante n'était justifié; elle a indiqué ne pas contester la compétence du juge commissaire dans la mesure où devant lui, sa créance n'avait jamais été contestée dans son principe, la société CLEVER CLOUD alléguant simplement l'avoir payée. Elle a demandé que la Cour:

- confirme l'ordonnance déférée,

- condamne les appelants à lui payer la somme de 7.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamne aux dépens.

La société CLEVER CLOUD a déposé des conclusions au fond le 02 septembre 2020.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 03 septembre.

Par conclusions de procédure, la société REVY UG a demandé à la Cour de déclarer irrecevables les conclusions du 02 septembre de l'appelante, ce à quoi, dans des conclusions de procédure, cette dernière s'est opposée.

La SCP [Z] ès-qualités n'a pas constitué avocat.

La Cour a demandé à avoir communication des conclusions de première instance et celles-ci lui ont été adressées.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la demande de rejet des conclusions du 02 septembre:

Les dernières conclusions au fond datant du 30 avril 2020 et le dossier n'ayant pas connu d'évolution depuis le prononcé du jugement déféré, aucune circonstance ne justifie que la société CLEVER CLOUD ait déposé des conclusions la veille de la clôture, ne contenant de surcroît aucune mention permettant à son adversaire d'en identifier les parties nouvelles par rapport aux précédentes.

La société REVY UG n'en a donc pas eu connaissance dans un délai utile et par application des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, ces conclusions sont déclarées irrecevables.

La cour statuera donc au visa des conclusions du 09 avril 2020 de la société CLEVER CLOUD.

Sur la demande visant à voir écarter les pièces rédigées en langue allemande:

La cour n'ayant aucune connaissance de la langue allemande qui pourrait se substituer à l'obligation de traduction mise à la charge des parties par l'ordonnance de [Localité 9], sont écartées des débats les pièces numéro 1-7-10-11 et 12 de l'intimée, qui ne contiennent aucune mention en français permettant d'en appréhender la signification.

En revanche la pièce n° 3 étant en français, la demande est rejetée.

Sur le litige:

Il sera relevé à titre liminaire que les deux parties, dans leurs conclusions, ont indiqué considérer que compte tenu de la nature de leur désaccord, la présente Cour, en tant que juridiction d'appel du juge commissaire, disposait des pouvoirs nécessaires pour trancher le litige.

Ensuite, la société REVY UG a conclu que le litige devait être circonscrit à la démonstration ou à l'absence de démonstration par l'appelante de l'extinction de sa dette, au motif que celle-ci, devant le premier juge, n'aurait jamais contesté la réalité des prestations figurant sur ses factures et aurait simplement allégué les avoir payées.

Telle est effectivement l'interprétation qu'a fait le premier juge de l'argumentation des parties.

Cette analyse étant contestée par la société CLEVER CLOUD, la Cour a examiné les conclusions de première instance de l'appelante.

En page 3 la société CLEVER CLOUD reconnait qu'une mission de gestion a été confiée à M. [U] [X] [Y] puis à la société REVY UG qui ont assuré 'la direction opérationnelle de la société CLEVER CLOUD' et que dans ce cadre a été versé par la société CLEVER CLOUD la somme de 96.200 euros à M. [Y] et à la société REVY UG.

La société CLEVER CLOUD reconnaît ensuite avoir signé un contrat d'agent commercial avec la société REVY UG prévoyant une rémunération pour REVY UG de 44.000 euros, laquelle lui aurait été payée.

Ensuite intervient le paragraphe suivant: 'M. [Y] ayant la main sur la trésorerie de la société CLEVER CLOUD, de par ses fonctions de directeur général, n'a pas hésité à régler ses propres prestations au détriment des autres créanciers (...) Au cours de l'exercice 2015, les relations entre les sociétés REVY UG et CLEVER CLOUD se sont nettement dégradées après que cette dernière ait constaté le détournement de fonds à son profit. En effet, M. [Y] a opéré de nombreux réglements non justifiés à son profit depuis les comptes bancaires de la société CLEVER CLOUD, ce dont s'est finalement aperçu M. [K] [I]. C'est ainsi que M. [Y]/la société CLEVER CLOUD a admis de rembourser à la société CLEVER CLOUD la somme de 10.500 euros, reconnaissant ainsi le caractère frauduleux des prélèvements opérés. Aussi il apparaît aujourd'hui grotesque compte tenu des circonstances, que M. [U] [X] [Y]/La société REVY UG ose prétendre être créancier de la société CLEVER CLOUD alors même que cette dernière lui a versé la somme de 206.830 euros à laquelle doit être déduit le remboursement intervenu à hauteur de 10.500 euros (...). A l'inverse, le montant total des factures émises par M. [Y]/la société REVY UG, au titre des prestations rappelées ci-avant, s'élève à 177.000 euros. La société CLEVER CLOUD est ainsi créditrice à l'égard de M. [U] [X] [Y]/la société REVY UG à hauteur de 18.630 euros. L'ensemble des factures émises par M. [Y]/la société REVY UG a été dûment réglé par la société CLEVER CLOUD'.

Compte tenu de l'emploi des termes 'détournements' et 'frauduleux', il ne peut se déduire de ces conclusions un aveu judiciaire par la société CLEVER CLOUD de sa reconnaissance du caractère fondé des factures émises par la société CLEVER CLOUD, même si elle n'estimait à l'époque le trop-perçu qu'à la somme de 18.630 euros.

L'examen des pièces versées aux débats permet de constater qu'aucun contrat n'a jamais été signé avec M. [Y], qui a pourtant émis au cours des années 2013 et 2014 des factures de 'assistance à gouvernance' pour un montant mensuel minimal de 5.200 euros et qui admet avoir perçu à ce titre plus de 90.000 euros (selon les sommes qui figurent sur lesdites factures comme ayant été payées).

Pour la seule année 2014, les factures émises au titre de la gouvernance, de l'assistance à la levée de fonds, et du conseil en gestion s'élèvent à plus de 130.000 euros (pièces 37 de l'intimé), sans qu'elles ne précisent la nature exacte des prestations réalisées.

Aucun contrat de gouvernance n'a non plus été conclu avec la société REVY UG, qui réclame pourtant à ce titre 33.700 euros, faisant état de factures mensuelles de 'gouvernance' pour 4.000 euros et de 'conseil de gestion' pour 4.000 euros, soit un total de 8.000 euros par mois, émises de juillet à janvier 2015 inclus.

Il doit être relevé que pour les mois de juillet, aout, septembre, octobre et novembre 2014, les factures de 'gouvernance' ont été émises tout à la fois par M. [Y] et la société REVY UG, puisque si toutes les factures de REVY UG sont datées du 17 mars 2015, ses conclusions expliquent qu'il s'agit des honoraires des mois de juillet à janvier 2015.

Ce chiffre est à comparer aux résultats de la société CLEVER CLOUD qui a réalisé en 2014 une perte de 223.644 euros et en 2015 un très faible résultat positif de 23.449 euros, pour un chifffre d'affaires de 333.725 euros en 2014 et de 280.000 euros en 2015.

En d'autres termes, les sommes demandées au titre de l'année 2014 par M. [Y] puis ou en même temps par la société REVY UG, au titre de 'conseil de gestion' représentent 185.000 euros soit 55 % du chiffres d'affaires de la société, ce qui suffit à en attester du caractère abusif de la demande.

En l'absence de tout contrat fixant le montant de la rémunération de la société REVY UG et de toute précision sur la nature exacte des prestations justifiant de tels montants de rémunération, la créance au titre de la gouvernance et du conseil de gestion est rejetée.

Le contrat d'agent commercial est versé aux débats, il est daté du 03 janvier 2015 et prévoit un honoraire de 44.000 euros HT pour un forfait 'action commerciale réalisée sur prospect ou client', dont les contours ne sont précisés dans aucune des dispositions contractuelles.

Il est précisé dans l'article 6 que 'l'honoraire est acquis à l'agent commercial au jour où il a exécuté l'opération concernée et sur présentation de la facture récapitulant les actions menées pendant cette période'.

La facture, qui constitue la pièce numéro 3 de la société REVY UG, a été émise le 23.04.2015 et comporte les mentions suivantes 'dans le cadre du dossier CLEVER-CLOUD-DE-14, nous avons réalisé des actions commerciales sur 4 villes allemandes: [Localité 1], [Localité 6], [Localité 5], [Localité 8]'.

Cette seule mention ne peut être considérée comme 'récapitulant les actions menées sur cette période'.

La société CLEVER CLOUD justifie avoir versé à la société REVY UG, de juillet 2014 à avril 2015, la somme de 21.600 euros.

Compte tenu de l'absence totale de justificatif des prestations réalisées, elle apparaît satisfactoire, y compris en incluant la facture de remboursement de frais de 106,11 euros réclamée par la société REVY UG et celle-ci est déboutée du solde de sa demande.

La créance est dès lors rejetée dans son intégralité.

Les dépens seront dits frais privilégiés de procédure.

Les demandes de frais irrépétibles sont rejetées, le litige trouvant pour partie son origine dans l'incurie des mandataires sociaux de la société CLEVER CLOUD, qui se sont abstenu durant de nombreux mois d'exercer leur devoir de contrôle et de surveillance des mandats confiés à M. [Y] et à la société REVY UG.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Déclare irrecevables les conclusions du 02 septembre 2020 de la société CLEVER CLOUD.

Déclare irrecevables les pièces numéro 1-7-10-11 et 12 de la société REVY UG.

Infirme le jugement déféré.

Statuant à nouveau:

Rejette la demande d'admission au passif formée par la société REVY UG de sa créance de 84.106,11 euros.

Dit que les dépens seront frais privilégiés de procédure collective.

Rejette les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 3ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17/02850
Date de la décision : 13/10/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 02, arrêt n°17/02850 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-13;17.02850 ?
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