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09/09/2020 | FRANCE | N°17/08755

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 09 septembre 2020, 17/08755


9ème Ch Sécurité Sociale








ARRET N° 472





N° RG 17/08755 - N° Portalis DBVL-V-B7B-OO6Q




















URSSAF DE BRETAGNE





C/





Mme W... J...


























Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

















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Copie exécutoire délivrée


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Copie certifiée conforme délivrée


le:





à:


REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE RENNES


ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2020








COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :





Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRET N° 472

N° RG 17/08755 - N° Portalis DBVL-V-B7B-OO6Q

URSSAF DE BRETAGNE

C/

Mme W... J...

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats, et Madame Morgane LIZEE, lors du prononcé,

DÉBATS :

En chambre du Conseil du 27 Mai 2020

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Septembre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 13 Octobre 2017

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de RENNES

****

APPELANTE :

URSSAF DE BRETAGNE

TSA 40 015

[...]

représenté par Mme U... X... (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE :

Madame W... J...

[...]

[...]

représentée par Me Anne-sophie BIZETTE, avocat au barreau de RENNES

FAITS ET PROCEDURE :

Par jugement en date du 13 octobre 2017, auquel il convient de se reporter pour l'exposé de la procédure antérieure, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ille-et-Vilaine a rejeté la requête présentée par l'URSSAF tendant à la validation d'un titre exécutoire allemand du 17 avril 2013 à l'encontre de Mme W... J..., afin d'obtenir le paiement des cotisations de sécurité sociale pour la période du 1er mars 2012 au 28 février 2013, pour un montant total de 10388,96euros se décomposant comme suit :

- 7 895,30 euros de cotisations,

- 2 450 euros de majorations de retard,

- 43,16 euros de frais de sommation.

Le tribunal a en outre débouté Mme J... de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour se déterminer ainsi le tribunal a retenu que l'URSSAF, institution requise, ne produit pas une copie de la décision administrative ou judiciaire rendue par l'autorité allemande portant fixation des cotisations ; que le formulaire F13/1 rempli par le TKK (Techniker Krankenkrasse de Hambourg) est insuffisant.

Le 5 décembre 2017, l'URSSAF a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 6 novembre 2017.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par ses écritures auxquelles s'est référé son représentant à l'audience, l'URSSAF demande à la cour :

- d'infirmer le jugement du 13 octobre 2017,

- de déclarer Mme J... redevable de la somme de 10 388,96 euros pour la période du 1er mars 2012 au 28 février 2013,

- de revêtir le titre délivré par le TKK de la formule exécutoire,

- de débouter Mme J... de l'ensemble de ses demandes.

L'URSSAF expose, pour l'essentiel, qu'en application du règlement CEE n°1408/71 du 14 juin 1971 relatif au recouvrement des cotisations sociales et de l'accord du 26 mai 1981 entre la République Fédérale Allemande (RFA) et la France (entré en vigueur le 30 juin 1983), le titre exécutoire délivré par le TKK peut faire l'objet d'un recouvrement forcé sur le territoire français après avoir été soumis au président du tribunal des affaires de sécurité sociale dans le ressort duquel est situé le domicile du débiteur afin que celui-ci le rende exécutoire ; que conformément à cet accord, le TKK a adressé au CLEISS (Centre de Liaisons Européennes et Internationales de Sécurité Sociale) la copie de la décision portant fixation desdites cotisations (formulaire F13) ; que cette décision précise bien (formulaire F13/1) : «il est certifié que la créance des cotisations indiquée dans la partie I y compris les montants visés dans la partie II sont exécutoires et peuvent faire l'objet d'un recouvrement conformément à la législation allemande. Le débiteur des cotisations a été informé de sa dette contributive et a été l'objet d'un avertissement resté sans suite» ; que l'URSSAF territorialement compétente a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale conformément à l'accord du 26 mai 1981 ; que contre toute attente, le greffe du tribunal a enregistré cette demande comme un recours émanant de l'URSSAF contre Mme J... et a appelé ce dossier à l'audience ; que l'URSSAF n'est qu'un organisme de liaison chargé de procéder au recouvrement des créances étrangères pour le compte d'autres organismes habilités en vertu d'accords ou de règlements européens ; que le tribunal ne pouvait lui enjoindre de produire et de justifier de titres exécutoires étrangers sans appeler à la cause l'organisme habilité ou le CLEISS pour s'expliquer sur la procédure de recouvrement allemande.

L'URSSAF ajoute que le titre délivré par le TKK est exécutoire et insusceptible de recours conformément à la législation allemande, comme l'indique le formulaire F13/1 officiel revêtu du sceau de l'institution ; que selon le TKK, une notification formelle n'est pas nécessaire en vertu du droit allemand ; que les pièces utiles ont été produites ; que les notifications ont été régulièrement envoyées aux adresses communiquées par Mme J....

Par ses écritures auxquelles s'est référé son conseil à l'audience, Mme J... demande à la cour de :

- dire et juger qu'elle est recevable et bien fondée en ses demandes,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'URSSAF de l'ensemble de ses demandes,

- condamner l'URSSAF à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme J... fait valoir en substance que les pièces produites par l'URSSAF sont écrites en langue allemande et ont fait l'objet d'une traduction partielle, dans des conditions qui ne permettent pas de conclure que la teneur de ce qui en ressort ne saurait souffrir d'aucune ambiguïté ; que cela ne permet pas à la juridiction d'être éclairée ; que ces pièces devront être rejetées des débats ; que d'autres pièces ont été communiquées en cause d'appel mais non traduites ; que l'article 5 de l'accord du 26 mai 1981 dispose que «l'institution compétente communique à l'institution requise, en même temps que la demande, une copie de la décision administrative ou judiciaire portant fixation des cotisations. L'organe qui est compétent conformément à la législation applicable sur le territoire où la décision a été prise est tenu de certifier conforme cette copie et d'y porter la mention que la créance peut faire l'objet d'un recouvrement ou d'un recouvrement forcé» ; que l'URSSAF, autorité compétente désignée par le TKK pour recouvrer les cotisations, doit fournir au juge une copie de la décision administrative ou judiciaire et le juge doit pouvoir vérifier que les sommes demandées reposent sur une telle décision ; que le formulaire F13/1 est à ce titre insuffisant ; que l'URSSAF ne communique pas le titre exécutoire définitif fixant le montant des cotisations ; qu'il n'est produit aucune mise en demeure ou contrainte ; qu'une audience était nécessaire et que c'est à juste titre que le greffe a procédé à une convocation à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'article 92 du règlement CEE n°1408/71 du 14 juin 1971 relatif au recouvrement des cotisations sociales dispose que :

«1. Le recouvrement des cotisations dues à une institution d'un Etat membre peut être opéré sur le territoire d'un autre Etat membre, suivant la procédure administrative et avec les garanties et privilèges applicables au recouvrement des cotisations dues à l'institution correspondante de ce dernier Etat.

2. Les modalités d'application des dispositions du paragraphe 1 seront réglées, en tant que de besoin, par le règlement d'application visé à l'article 98 ou par voie d'accords entre Etats membres. Ces modalités d'application pourront concerner également les procédures de recouvrement forcé ».

Il résulte par ailleurs de l'accord du 26 mai 1981 conclu entre la France et la RFA concernant le recouvrement ou le recouvrement forcé de cotisations de sécurité sociale (décret n°83-857 du 19 septembre 1983) que :

article 3 :

« Les cotisations fixées par l'institution compétente ou par une autorité judiciaire ou administrative d'une Partie contractante par une décision qui n'est plus susceptible de recours peuvent être recouvrées de façon contraignante sur le territoire de l'autre Partie contractante ».

article 5 :

§1 : «L'institution compétente présente la demande d'assistance à l'institution requise par l'intermédiaire des organismes de liaison.

§2 : «L'institution compétente communique à l'institution requise, en même temps que la demande, une copie de la décision administrative ou judiciaire portant fixation des cotisations. L'organe qui est compétent conformément à la législation applicable sur le territoire où la décision a été prise est tenu de certifier conforme cette copie et d'y porter la mention que la créance peut faire l'objet d'un recouvrement ou d'un recouvrement forcé ».

§3 : « la décision visée au paragraphe 2 est rendue exécutoire :

- en France par le président de la Commission de première instance du contentieux de la sécurité sociale dans le ressort de laquelle est situé le domicile du débiteur de la cotisation ou le siège de l'institution requise ;

- en République Fédérale d'Allemagne par l'organe compétent en matière de recouvrement ou de recouvrement forcé de créances contributives dans la mesure où la législation le requiert ».

Ainsi, comme soutenu par l'URSSAF, il appartenait au seul président du tribunal des affaires de sécurité sociale, statuant sur requête, de rendre exécutoire en France la décision allemande après avoir vérifié son existence et son caractère irrévocable.

En l'espèce, au soutien de sa demande datée du 17 avril 2013, le TKK a transmis à l'URSSAF compétente par l'intermédiaire du CLEISS, aux fins de saisine du président du tribunal des affaires de sécurité sociale, les pièces suivantes :

' le formulaire F13 intitulé «Demande de recouvrement ou de recouvrement forcé d'arriérés de cotisations de sécurité sociale» renseigné dans les deux langues comme suit :

«La personne susnommée [Mme W... J...] débitrice d'un arriéré de cotisations de sécurité sociale, qui n'a pu être l'objet à ce jour d'un recouvrement en Allemagne. Nous vous prions de prescrire toutes les mesures appropriées en vue du recouvrement ou du recouvrement forcé de l'arriéré contributif et ce conformément à l'exemplaire annexé de la décision fixant les impayés au titre des cotisations de sécurité sociale (formulaire F13/1) d'un montant de 10 388,96 euros».

' le formulaire F13/1 intitulé «exemplaire de la décision relative aux cotisations de sécurité sociales non payées» sur lequel est mentionné dans les deux langues :

' le nom et l'adresse de l'institution allemande qui a fixé les cotisations de sécurité sociale et qui fait valoir l'arriéré (le TKK),

' le type de cotisations impayées ( assurance maladie et assurance dépendance),

' la période de cotisations impayées (du 1er mars 2012 au 28 février 2013),

' le montant en euros (7 895,30),

' les majorations de retard au titre de l'arriéré des cotisations selon le § 24 alinéa 1, 1a et 2 du code de la sécurité sociale allemand (2 450 euros) ; que pour la période prenant effet au 16 mai 2013 il y a lieu de recouvrer les majorations de retard à concurrence de 5 %,

' le montant des frais de sommation dû (43,16 euros ),

' le montant total dû (10 388,96 euros).

En fin de document, il est spécifié : «Il est certifié que la créance des cotisations indiquée dans la partie I y compris les montants visés dans la partie II sont exécutoires et peuvent être l'objet d'un recouvrement conformément à la législation allemande. Le débiteur des cotisations a été informé de sa dette contributive et a été l'objet d'un avertissement resté sans suite».

La question est donc de savoir si ce formulaire F13/1 doit être considéré ou non comme «une copie de la décision administrative ou judiciaire portant fixation des cotisations» requise par l'article 5 §2 de l'accord du 26 mai 1981.

Le contrôle opéré par le président du tribunal des affaires de sécurité sociale est un contrôle formel. Les accords signés entre Etats sont fondés sur une confiance réciproque entre les parties contractantes et le respect des procédures de chacun d'eux.

Il est constant que le TKK a utilisé les formulaires prévus pour une telle demande.

Le formulaire F13/1 est intitulé «exemplaire de la décision relative aux cotisations de sécurité sociales non payées».

Il détaille avec précision les sommes réclamées.

Il contient en outre une mention certifiant que la créance est exécutoire et que les montants visés peuvent être l'objet d'un recouvrement conformément à la législation allemande.

Ces éléments sont conformes aux dispositions de l'accord du 26 mai 1981 sans qu'il y ait lieu d'exiger une décision formalisée en référence à la procédure française.

Le débat sur les pièces produites à la suite des réouvertures des débats opérées par les premiers juges et l'absence de traduction de certaines d'entre elles est sans emport sur la solution de ce dossier.

Ainsi, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la demande formée par l'URSSAF.

Le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions et la décision du TKK du 17 avril 2013 sera rendue exécutoire.

Il n'y a pas lieu de déclarer Mme J... redevable de la somme de 10388,96 euros pour la période du 1er mars 2012 au 28 février 2013 en présence d'un titre exécutoire.

S'agissant des dépens, si la procédure était, en application de l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale gratuite et sans frais, l'article R.142-1-1 II, pris en application du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale, dispose que les demandes sont formées, instruites et jugées selon les dispositions du code de procédure civile, de sorte que les dépens sont régis désormais par les règles de droit commun conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de Mme J....

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe :

INFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ille-et-Vilaine du 13 octobre 2017 ;

STATUANT A NOUVEAU,

DECLARE exécutoire la décision du Techniker Krankenkrasse de Hambourg du 17 avril 2013 prise à l'encontre de Mme W... J... pour le paiement des cotisations de sécurité sociale pour la période du 1er mars 2012 au 28 février 2013, pour un montant total de 10388,96euros ;

DIT en conséquence n'y avoir lieu à déclarer Mme J... redevable de la somme de 10 388,96 euros pour la période du 1er mars 2012 au 28 février 2013 ;

CONDAMNE Mme J... aux dépens exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 17/08755
Date de la décision : 09/09/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes SS, arrêt n°17/08755 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-09;17.08755 ?
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