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08/09/2020 | FRANCE | N°16/07955

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 08 septembre 2020, 16/07955


1ère Chambre





ARRÊT N°295/2020



N° RG 16/07955 - N° Portalis DBVL-V-B7A-NMXJ













M. [S] [B]



C/



M. [P] [H]























Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2020





COMPOS

ITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRE, Conseillère, entendue en son rapport

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,





GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé





D...

1ère Chambre

ARRÊT N°295/2020

N° RG 16/07955 - N° Portalis DBVL-V-B7A-NMXJ

M. [S] [B]

C/

M. [P] [H]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRE, Conseillère, entendue en son rapport

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Juin 2020

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Septembre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [S] [B]

né le [Date naissance 6] 1953 à [Localité 19] (RÉPUBLIQUE CENTRE AFRICAINE)

[Adresse 15]

[Localité 8]

Représenté par Me Jacques MORVAN, avocat au barreau de BREST

INTIMÉ :

Monsieur [P] [H]

né le [Date naissance 5] 1984 à [Localité 20]

[Adresse 3]

[Localité 21]

Représenté par Me Vincent LE LUYER de la SELARL LEXARMOR, avocat au barreau de BREST

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [S] [B] est propriétaire de la parcelle B n° [Cadastre 7] (anciennement B n° [Cadastre 11]-[Cadastre 12]-[Cadastre 13] et [Cadastre 14]) sise à [Localité 8] (Finistère), contigüe à la parcelle B n° [Cadastre 9] (anciennement B n° [Cadastre 10]) appartenant à M. [P] [H]. Ce dernier a réalisé des constructions qui selon M. [B] empiéteraient sur sa propriété. Les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 9] ont reçu, en cours de procédure, respectivement la nouvelle numérotation cadastrale AM [Cadastre 16] et [Cadastre 17].

Par acte du 8 septembre 2015, M. [B] a assigné M. [H] en bornage judiciaire. Par jugement en date du 4 octobre 2016, le tribunal d'instance de Morlaix a déclaré la demande irrecevable au motif qu'un bornage avait déjà été effectué en 1982 et a condamné M. [B] aux dépens.

M. [B] ayant relevé appel de ce jugement, la cour a, par arrêt du 5 juin 2018, infirmé le jugement et ;

- ordonné le bornage des parcelles cadastrées section B n° [Cadastre 7] et n° [Cadastre 9], commune de [Localité 8] (Finistère) ;

- avant dire droit, ordonné une expertise ;

- commis M. [K] [A], [Adresse 4] (tel : [XXXXXXXX01] ; fax : [XXXXXXXX01] ; [Courriel 18] ) avec mission de :

* se rendre sur les lieux ;

* se faire remettre tous les documents utiles à l'accomplissement de sa mission ;

* décrire les parcelles ;

* consulter les titres des parties, en décrire le contenu en précisant les limites et contenances y figurant ;

* rechercher tous indices permettant d'établir les caractères et la durée des possessions éventuellement invoquées ;

* proposer la délimitation des parcelles en dressant un état des opérations d'arpentage et de délimitation avec plan à l'appui, sur lequel seront cotées les mesures et les distances et figurés les emplacements des bornes à implanter, ou à défaut aux contenances en répartissant éventuellement et après arpentage, les excédants ou manquants, proportionnellement aux contenances ;

* compte tenu des éléments relevés, déposer un pré-rapport afin de permettre aux parties de faire valoir leurs observations préalablement au dépôt du rapport définitif.

M. [K] [A] a déposé son rapport le 23 mai 2019.

M. [B] demande à la cour à titre principal, de :

- constater qu'en se bornant à reprendre des précédents bornages non acceptés qui ne lui sont pas opposables, l'expert judiciaire n'a pas réellement accompli sa mission ;

- en conséquence avant-dire droit, ordonner une nouvelle mesure d'expertise ;

- à titre subsidiaire,

juger que les bornes 1, 2, 3, 4 et 8 telles que figurant sur le plan établi par le cabinet [Z] & Associés le 24 octobre 2009 sont acceptées ;

juger que les bornes 5 et 6 seront déportées de 2 mètres à l'intérieur de la propriété [H], correspondant au pied du levé caractérisant la différence de niveau entre les deux parcelles ;

juger que la borne 7 sera placée au même endroit que la borne 8 laquelle sera purement et simplement supprimée ;

juger que la limite divisoire entre les parcelles AM [Cadastre 16] et AM [Cadastre 17] sera fixée sur la ligne brisée reliant les points 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 telle que déterminée ci-dessus ;

commettre le cabinet [X] aux fins d'implantation des bornes tel que déterminé ci-dessus et de publication du plan de bornage au cadastre ;

juger que les frais de tracé, les frais de mesurage et d'arpentage et plus généralement les frais de bornage seront répartis entre les parties à concurrence de moitié chacune ;

- en tout état de cause, condamner M. [H] à lui verser la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- juger que les frais d'expertise et dépens seront répartis par moitié entre les parties.

En réponse, M. [H] demande à la cour, par homologation du rapport d'expertise de M. [A], de :

- juger que la limite séparative entre les parcelles B [Cadastre 7] et B [Cadastre 9] sera définie par la ligne brisée passant par les points 1 à 8 tels qu'ils figurent sur le plan établi par le cabinet [Z] & Associés le 24 octobre 2009 et annexé au rapport d'expertise ;

- juger que le cabinet [X] sera désigné pour procéder à la mise en place de toutes les bornes et subsidiairement des seules bornes manquantes ;

- débouter M. [B] de toutes ses demandes ;

- condamner M. [B] à lui verser une somme de 1 000 euros au titre des frais de première instance et de 3 000 euros supplémentaires au titre des frais exposés en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par M. [B] le 5 mai 2020 et par M. [H] le 12 mai 2020.

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'existence de bornes implantées préalablement à son intervention est confirmée par l'expert judiciaire. M. [B] ne conteste pas la limite matérialisée par les bornes 1, 2, 3 et 4 et par un piquet de fer mais remet en cause uniquement les points 5, 6 et 7 également matérialisés par des bornes, à l'exception du point 7, la borne y implantée ayant été enlevée. Il expose avoir formé une demande de bornage en 2008 que son voisin de l'époque, M. [U], auteur de M. [H], avait acceptée. Cependant, il reconnaît n'avoir pas acquiescé à la proposition de délimitation de la société [Z] et Associés qui prenait pour base le bornage de 1982, sauf à préciser que les bornes 7 et 8 n'existaient plus.

M. [B] concluait initialement à la recevabilité de sa demande au motif que le bornage précédemment réalisé n'avait pas été réalisé régulièrement et ne lui était pas opposable, ses parents s'étant selon lui opposés à l'implantation des bornes 5 et 6 et n'ayant pas signé le plan de bornage. Cette version des faits est cependant démentie par les recherches effectuées par l'expert judiciaire. Il en ressort en effet que M. [L], géomètre-expert, avait été mandaté par les époux [M] [B], parents de M. [S] [B], pour effectuer le bornage de la limite litigieuse, ce qui explique que seule la signature de leur voisin de l'époque (M. [T]) avait été recueillie le 29 mai 1982 par ce géomètre-expert, le plan daté du 3 avril 1982 étant dressé et les bornes ensuite posées conformément à la demande des époux [B] qui manifestaient ainsi leur acquiescement à la limite retenue par le professionnel mandaté et payé par eux. A la même époque, M. [T], auteur de M. [H], avait demandé à M. [R] d'établir les limites de son fonds. Ce géomètre-expert a repris, sur un plan datant également du mois d'avril 1982, les mêmes limites et les mêmes distances que celles figurant sur le plan déjà établi par M. [L]. Il s'en déduit que les deux experts-géomètres sont intervenus simultanément, chacun à la demande de l'un des voisins concernés, et ont défini, avec leur accord, des limites concordantes correspondant aux bornes toujours en place. Sur ces plans, le talus situé en limite est matérialisé comme appartenant à l'actuel fonds [H].

L'expert judiciaire a également relevé que la limite matérialisée par les dites bornes est confortée par les restes d'une ancienne clôture et par une haie plantée sur la parcelle [B] en retrait par rapport aux bornes toujours en place.

Dans son dire à l'expert, M. [B] reconnaît d'ailleurs que M. [L] a été sollicité par ses parents et non par M. [T]. Ainsi dès lors qu'il est démontré, d'une part, que M. [L] n'était pas intervenu à la demande de M. [T] qui avait mandaté son propre géomètre-expert, M. [R], et, d'autre part, qu'il a personnellement implanté les bornes actuellement en place (ce que confirme M. [R]), il n'a pu le faire qu'à la demande de son mandant, M. [M] [B], auteur de M. [S] [B]. L'affirmation, non étayée de pièces justificatives, selon laquelle les bornes auraient été posées à l'insu et contre l'accord des époux [B] ne résiste donc pas à l'examen.

Contrairement à ce qui est soutenu, l'expert a recherché si les titres de propriété des parties pouvaient aboutir à une limite différente de celle matérialisée par les bornes. A cet égard, il expose que le titre de propriété de M. [B], à savoir l'acte de donation-partage du 30 décembre 2004 émanant de ses parents ne contient aucune indication sur les limites de la parcelle alors cadastrée B [Cadastre 7] pour 22 ares 78 ca. Il précise que la parcelle située en limite du fonds [H] correspond à l'ancienne parcelle cadastrée B n° [Cadastre 2], d'une contenance de 5 ares 70 ca, devenue B [Cadastre 12] que les époux [M] [B] avaient acquis, en même temps que la parcelle B [Cadastre 11], de M. [J] le 27 juillet 1979, l'ensemble ayant une contenance de 9 ares 8 centiares. Aucune indication portant sur les limites de propriété de cette parcelle B [Cadastre 2] n'est non plus donnée par ce titre, ni par l'acte de donation-partage du 3 octobre 1960 constituant le titre d'acquisition de propriété de M. [J] leur vendeur. L'expert a donc accompli complètement sa mission sans pouvoir tirer de l'analyse des titres des conclusions auxquelles ils ne permettent pas d'aboutir.

L'expert judiciaire souligne cependant que la parcelle B n° [Cadastre 2] est mentionnée dans l'acte de partage [G] de 1932 de la manière suivante : '[E] [Y] [C], labour cadastré sous le n° [Cadastre 2] contenant 5a 70ca'. Or il relève que cet acte ne comporte aucune indication sur la propriété du talus la limitant alors que ce document précise, pour les autres parcelles concernées, la propriété des talus qui y sont rattachés. L'expert en déduit logiquement que la parcelle n° [Cadastre 2] n'incluait effectivement pas le talus limitrophe.

Au regard de ces éléments, l'expert judiciaire conclut de la manière suivante :

En l'état actuel, nous concluons donc que la limite séparative a fait l'objet d'un bornage en 1982 et que ce bornage, à l'exception des points 7 et 8 est toujours en place aujourd'hui.

Aucun procès-verbal de bornage n'a été établi, mais deux géomètres experts intervenant simultanément ont reconnu cette limite. A l'époque les géomètres experts fixaient régulièrement les limites de propriété sans formaliser.

Contrairement aux affirmations de M. [S] [B], nous n'avons pas trouvé trace d'une contestation de ces limites. Au contraire ces limites ont été matérialisées coté [B], par la mise en place de haies et clôtures qui permettent à présent d'invoquer une prescription.

M. [B] conteste les conclusions du rapport d'expertise, pourtant conformes aux plans établis à la demande de ses auteurs par M. [L] ainsi qu'à la demande des voisins par M. [R] en 1982 et aux propositions du Cabinet [Z] en 2009. Il fonde sa contestation sur le fait que sa propriété est surélevée par rapport à celle de M. [H] et la surplombe d'environ un mètre. Il soutient que les coutumes du département du Finistère fixent, en pareil cas, la limite divisoire des fonds au pied de la levée avec, pour le propriétaire de la levée, droit de pelle au pied de cette levée sur une largeur de 0,50 mètre, selon les usages en vigueur dans l'arrondissement de [Localité 21], et ce pour assurer l'entretien de la levée.

Mais ainsi que le souligne justement l'expert, ce faisant, il amalgame, de manière non fondée, la déclivité naturelle entre deux terrains et l'édification par le propriétaire d'un fonds d'un talus en limite de celui-ci. Or l'usage qu'il allègue ne s'applique qu'en présence d'un ouvrage édifié par l'homme.

Il n'existe dès lors aucun élément donnant un quelconque crédit à la revendication de M. [B] qui ne correspond ni à ses titres de propriété, ni aux usages invoqués, ni aux signes matériels relevés par l'expert, à savoir les restes de clôture, la haie et les bornes existantes apposées par le géomètre-expert mandaté par ses parents.

En conséquence, il n'y a pas lieu à nouvelle expertise qui s'avérerait inutile, aucun élément ne permettant d'envisager une conclusion différente. Conformément à la proposition de l'expert, la limite séparative des fonds sera fixée selon le plan établi par le Cabinet [Z] & Associés le 24 octobre 2009 annexé en PJ 2 au rapport d'expertise judiciaire qui reprend les bornes existantes et l'emplacement des deux bornes ayant disparu. En tant que de besoin, il y a lieu de commettre le Cabinet [X] pour apposer les deux bornes manquantes 7 et 8 conformément à ce plan et ce, aux frais partagés des parties.

La limite proposée par l'expert étant conforme à la limite existant depuis 1982, la réalisation de cette mesure d'investigation ne s'imposait pas de sorte que son coût sera laissé à la charge de M. [B] qui supportera les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel et devra indemniser M. [H] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Vu l'arrêt rendu le 5 juin 2018 ;

Rejette la demande de nouvelle expertise ;

Fixe la limite séparative entre les parcelles sises commune de [Localité 8] actuellement cadastrées section AM n° [Cadastre 16] appartenant à M. [S] [B] et section AM n° [Cadastre 17] appartenant à M. [P] [H] selon la ligne brisée passant par les points 1 à 8 tels que figurant sur le plan établi par le Cabinet [Z] & Associés le 24 octobre 2009 annexé en PJ 2 au rapport d'expertise judiciaire de M. [A] ;

Commet le Cabinet [X], successeur du Cabinet [Z] & Associés pour apposer, aux frais partagés des parties, les bornes manquantes conformément au dit plan ;

Condamne M. [S] [B] à supporter les frais et honoraires de M. [A], expert judiciaire ;

Condamne M. [S] [B] à payer à M. [P] [H] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne M. [S] [B] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16/07955
Date de la décision : 08/09/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°16/07955 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-08;16.07955 ?
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