La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/09/2020 | FRANCE | N°18/04157

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 04 septembre 2020, 18/04157


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°257



N° RG 18/04157 et 18/04484 joints

N° Portalis DBVL-V-B7C-O6HB













SAS SERIS SECURITY



C/



M. [L] [I]

















Jonction et infirmation













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

A

RRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



En ...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°257

N° RG 18/04157 et 18/04484 joints

N° Portalis DBVL-V-B7C-O6HB

SAS SERIS SECURITY

C/

M. [L] [I]

Jonction et infirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

En chambre du Conseil sanitaire du 12 juin 2020 en application des dispositions de l'article 6 alinéa 3 de l'ordonnance du 2020-304 du 25 mars 2020 devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [F] [Z], médiateur judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Septembre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE et INTIMÉE :

La SAS SERIS SECURITY prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Marilia DURAND substituant à l'audience Me Laurent GERVAIS, Avocats plaidants du Barreau de NANTES

INTIMÉ et APPELANT :

Monsieur [L] [I]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 4] (47)

demeurant [Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Erwan LE MOIGNE de la SELARL AVOCATLANTIC, Avocat au Barreau de SAINT-NAZAIRE

EXPOSE DU LITIGE

M [L] [I] a été engagé le 11 juin 1977 par la SAS Seris Sécurity par contrat à durée indéterminée en qualité d'agent de sécurité selon la convention collective de branche des entreprises de prévention et de sécurité.

Le 20 septembre 2017, M [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Nazaire aux fins d'obtenir le règlement des sommes suivantes :

'' 19.743,17 € net à titre de remboursement des frais professionnels,

'' 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La cour est saisie des appels régulièrement formés le 22 juin 2018 par la société Seris Sécurity et le 4 juillet 2018 par M [I] contre le jugement du 1er juin 2018 par lequel le conseil des prud'hommes a :

- Condamné la SAS Seris Sécurity à verser à M [I] la somme de 2.260 € à titre de remboursement des frais de carburant,

- Débouté M [I] du surplus de ses demandes,

- Fixé le salaire de référence à la somme de 1.712 €,

- Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures communiquées par voie électronique le 5 décembre 2018 par lesquelles la SAS Seris Sécurity demande à la cour de :

- Dire son appel recevable et bien fondé,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M [I] de sa demande de remboursement de ses frais de déplacement (indemnités kilométriques) et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à M [I] la somme de 2.260€ net au titre des frais de carburant,

- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouter M [I] de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- Évaluer le montant des sommes due à hauteur de 2.260 €,

- Condamner M [I] à lui verser la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les écritures communiquées par voie électronique le 16 octobre 2018 par lesquelles M [I] demande à la cour de :

- Condamner la SAS Seris Sécurity à lui verser les sommes suivantes :

'' 19.473,17 € net à titre de remboursement de frais professionnels,

'' 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Enjoindre la SAS Seris Sécurity à rembourser les frais kilométriques exposés dans l'exercice de ses missions à compter du 1er janvier 2018,

- Fixer le salaire moyen à 1.712 € brut,

- Dire que les sommes réclamées porteront intérêts au taux légal à dater de l'introduction pour les sommes ayant le caractère de salaire et à compter de la décision à intervenir pour les autres sommes avec capitalisation en application de l'article 1343-1 et 1343-2 du Code civil.

Les procédures ont été clôturées par ordonnance en date du 19 mai 2020.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées par voie électronique.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient d'ordonner la jonction des deux procédures enrôlées sous les numéros de Répertoire Général 18/4157 et 18/4484.

Sur la demande principale

Pour infirmation de la décision entreprise, la société Seris Sécurity soutient en substance qu'en application de l'article L.3261-3 du code du travail la prise en charge par l'employeur de tout ou partie des frais de carburant engagés par les salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail est une simple faculté ; que M [I] opère une confusion entre la notion de frais professionnels et de frais de déplacements liés au trajet domicile-travail.

Pour infirmation de la décision dans son quantum, M [I] fait valoir essentiellement que les frais qu'un salarié justifie avoir exposé pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance ; qu'il était amené à se déplacer sur différents sites selon l'affectation décidée par l'employeur et à utiliser sa voiture personnelle en partant de son domicile sans passer par l'établissement de [Localité 7] ; que les horaires de travail ne lui permettaient pas d'utiliser les transports en commun ; qu'il est bien fondé à réclamer le remboursement des frais professionnels engagés pour les vacations réalisées entre septembre 2014 et août 2017 à hauteur de 19.473,17 € net.

Selon l'article L. 3261-3 du code du travail : « L'employeur peut prendre en charge, dans les conditions prévues à l'article L.3261-4, tout ou partie des frais de carburant engagés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail par ceux de ses salariés :

1/ Dont la résidence habituelle ou le lieu de travail est situé en dehors de la région d'Ile-de-France et d'un périmètre de transports urbains défini par l'article 27 de la loi n 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;

2/ Ou pour lesquels l'utilisation d'un véhicule personnel est rendue indispensable par des conditions d'horaires de travail particuliers ne permettant pas d'emprunter un mode collectif de transport.

Dans les mêmes conditions, l'employeur peut prendre en charge les frais exposés pour l'alimentation de véhicules électriques ou hybrides rechargeables et permettre la recharge desdits véhicules sur le lieu de travail. Le bénéfice de cette prise en charge ne peut être cumulé avec celle prévue à l'article L. 3261-2 ».

Ce texte, applicable dans la situation où le salarié exerce son travail en un lieu unique, institue pour l'employeur une simple faculté de prise en charge des frais de déplacement.

Selon l'article R.3261-15 du code du travail :« Le salarié qui exerce son activité sur plusieurs lieux de travail au sein d'une même entreprise qui n'assure pas le transport entre ces différents lieux et entre ces lieux et la résidence habituelle du salarié peut prétendre à la prise en charge des frais de carburant ou d'alimentation électrique d'un véhicule engagés lui permettant de réaliser l'ensemble des déplacements qui lui sont imposés entre sa résidence habituelle et ses différents lieux de travail, ainsi qu'entre ces lieux de travail ».

Cette disposition réglementaire, applicable dans la situation où le salarié exerce son activité sur plusieurs lieux de travail pour un même employeur, consacre un droit du salarié à la prise en charge des frais de carburant ou d'alimentation électrique du véhicule lui permettant de réaliser l'ensemble des déplacements qui lui sont imposés, tant entre sa résidence habituelle et ses différents lieux de travail, qu'entre ces lieux de travail entre eux.

Il est constant que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans qu'ils ne puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins, d'une part, qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et, d'autre part, que la rémunération reste au moins égale au SMIC ou au minimum conventionnel. Ces deux conditions sont cumulatives.

En l'espèce, le contrat de travail n'est pas formalisé par un écrit.

L'article 6 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 précise que le salarié est embauché pour un emploi à tenir dans un ensemble de lieux et de services correspondant à la nature des prestations requises.

Il appert que M [I], domicilié à [Localité 6], pouvait être affecté sur différents sites par la société Seris Sécurity. Les plannings révèlent ainsi qu'il a été affecté sur les sites de Nov BLM et Goss Systèmes Graphiques à [Localité 5] à compter de septembre 2014 à hauteur de 77 vacations, en 2015 à hauteur de 77 vacations et en 2016 à hauteur de 50 vacations. Le fait qu'il ait été affecté en 2017 exclusivement sur les sites de Nov BLM et Goss Systèmes Graphiques pour y réaliser 130 vacations à [Localité 5] ne permet d'exclure le remboursement de ses frais dès lors qu'ils ont été exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de son employeur.

Il résulte des cartes grises versées au débat que M [I] possédait un véhicule 4 CV jusqu'au 3 octobre 2014 et un véhicule 6 CV à compter du 7 octobre 2014.

En conséquence, au vu du barème fiscal et des plannings produits, la société Seris Sécurity doit rembourser à M [I] les frais qu'il justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur, selon les modalités suivantes :

- 23 vacations à [Localité 5] selon le barème fiscal 2014 pour un véhicule 4 CV : (23 x 141 km x 0,276) + 1.077/12 = 984,83 € net,

- 50 vacations à [Localité 5] selon le barème fiscal 2014 pour un véhicule 6 CV : (54 x 141 km x 0,318) + 1.077/12x3 = 2.690,50 € net,

- 77 vacations à [Localité 5] selon le barème fiscal 2015 pour un véhicule 6 CV : (77 x 141 x 0,32) + 1.244 = 4.718,24 € net,

- 50 vacations à [Localité 5] selon le barème fiscal 2016 pour un véhicule 6 CV : (50 X 141 X 0,32) + 1.244 = 3.500 € net,

- 130 vacations à [Localité 5] selon le barème fiscal 2017 pour un véhicule 6 CV : (130 x 141 x 0,32) + 1.244 = 7.109,60 € net.

En conséquence, il convient de condamner la société Seris Sécurity à verser à M [I] la somme de 19.003,17 € net. La décision entreprise sera infirmée de ce chef.

Sur la capitalisation des intérêts

En application de l'article 1343-2 du Code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée. En l'espèce, il doit être fait droit à cette demande.

Sur les frais irrépétibles

La société Seris Sécurity sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à M [I] la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

***

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

ORDONNE la jonction des procédures enrôlées sous les numéros de Répertoire Général 18/4157 et 18/4484,

INFIRME le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS Seris Sécurity à verser à M [I] la somme de 19.003,17 € net au titre du remboursement de ses frais professionnels avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

ORDONNE la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

CONDAMNE la SAS Seris Sécurity aux entiers dépens,

CONDAMNE la SAS Seris Sécurity à verser à M [I] au paiement de la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 18/04157
Date de la décision : 04/09/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 08, arrêt n°18/04157 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-04;18.04157 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award