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01/09/2020 | FRANCE | N°18/06593

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 01 septembre 2020, 18/06593


1ère Chambre








ARRÊT N°281/2020





N° RG 18/06593 - N° Portalis DBVL-V-B7C-PGXY




















M. D... P...


Mme X... W... épouse P...





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Mme S... C... veuve A...



































Copie exécutoire délivrée





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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE RENNES


ARRÊT DU 01 SEPTEMBRE 2020











COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :





Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,


Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère, entendue en son rapport


Assesseur : Madame Christine GROS, Conseill...

1ère Chambre

ARRÊT N°281/2020

N° RG 18/06593 - N° Portalis DBVL-V-B7C-PGXY

M. D... P...

Mme X... W... épouse P...

C/

Mme S... C... veuve A...

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 SEPTEMBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère, entendue en son rapport

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 Juin 2020

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Septembre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur D... P...

né le [...] à STRASBOURG (67)

[...]

[...]

Représenté par Me Benoît KERDREUX, Postulant, avocat au barreau de LORIENT

Représenté par Me Eric APPFEL, plaidant, avocat au barreau de PARIS

Madame X... W... épouse P...

née le [...] à JOSSELIN (56)

[...]

[...]

Représentée par Me Benoît KERDREUX, Postulant, avocat au barreau de LORIENT

Représentée par Me Eric APPFEL, plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Madame S... C... veuve A...

née le [...] à VILLEPINTE

[...]

[...]

Représentée par Me Laurence QUELVEN, Postulant, avocat au barreau de LORIENT

Représentée par Me Tomas GURFEIN, plaidant, avocat au barreau de PARIS

EXPOSÉ DU LITIGE

Ayant jeté leur dévolu sur la propriété dépendant de la succession de R... A... sise à Sauzon avec la veuve duquel ils entretenaient des relations personnelles, les époux P... ont, le 20juillet 2015, donné mandat d'une durée d'un an à l'agence Bretagne Sud Sotheby's International Realty représentée par MmeE... Q... de leur rechercher une propriété contemporaine pleine vue sur mer située à [...], implantée sur la parcelle [...] [...] ainsi que les parcelles [...] et [...] . Ils ont, le 16 août 2015, en présence de Mme A..., rédigé une lettre manuscrite d'intention d'achat de biens immobiliers valable huit jours à compter de sa date, 'soumise à l'article 1583 du code civil'. A cette date, la propriété de Mmeveuve A... sur l'immeuble, qui lui avait été légué par testament, faisait l'objet d'un litige, le partage de la succession n'ayant été réalisé que par acte notarié sous condition suspensive daté du 7 décembre 2016, comportant une condition levée le 12janvier 2017, la publication de cet acte étant opérée le 6 mars 2017.

Le 14 mars 2017, M. et Mme P... ont fait assigner, sur le fondement de l'article 1583 du code civil, Mme S... C... veuve A... devant le tribunal de grande instance de Lorient en réalisation forcée de la vente du bien immobilier sis lieudit [...] et en condamnation à paiement de la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts outre 20000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 25 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Lorient a avec exécution provisoire :

- débouté M. et Mme P... de l'ensemble de leurs demandes ;

- déclaré caduque l'inscription de l'assignation à la requête de M.et Mme P... au registre de la publicité foncière en date du 24avril 2017 numéro de dépôt D03364 ;

- débouté Mme S... C... veuve A... de ses autres demandes ;

- condamné M. et Mme P... aux entiers dépens.

Les époux P... ont relevé appel de ce jugement, demandant à la cour de l'infirmer et de :

- juger parfaite la vente du bien dénommé [...] sis à Sauzon, référencée 000 [...], 000 [...], et 000 [...], pour un prix de 2 millions d'euros,

- dire qu'à défaut de régularisation de ladite vente par acte authentique devant notaire dans le délai d'un mois à compter du rendu de l'arrêt à intervenir, il vaudra acte authentique de propriété et sera en tant que tel, publié aux services de la publicité foncière de Lorient 2 ;

- condamner Mme S... A... à leur verser la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- débouter Mme S... A... de son appel incident ainsi que de l'ensemble de ses prétentions ;

- condamner Mme S... A... leur verser 25.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Mme S... A... a formé appel incident, demandant à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires et de condamner M. D... P... et Mme X... W... épouse P... à lui payer :

la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour abus de droit d'agir en justice ;

la somme de 20.000 euros à titre d'occupation sans droit ni titre de l'immeuble ;

la somme de 1.225 euros à titre de remboursement de la somme versée au serrurier ;

la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

outre une amende civile de 10.000 euros pour procédure abusive.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les époux P... le 3 avril 2019 et par Mme A... le 28 avril 2020.

EXPOSÉ DES MOTIFS

De manière tendancieuse, les époux P... présentent leur lettre d'intention d'achat du 16 août 2015 rédigée à l'occasion d'une visite des lieux en présence de Mme Q..., leur agent immobilier, et de Mme A... comme 'une lettre d'acceptation' d'offre de vente qui, prouvant un échange de consentements sur la chose et sur le prix, vaudrait vente dès l'accomplissement, le 16 décembre 2016, d'une prétendue condition suspensive évoquée pour la première fois à l'occasion de la présente procédure. Or non seulement leur offre n'a pas été acceptée dans son délai extrêmement bref de validité expirant le 24 août 2015, mais elle a, au contraire, été expressément rejetée par un courriel du 4 septembre 2015 adressé par MmeF... C..., soeur de Mme A..., à M. P.... Celle-ci y expliquait que les conseils de sa soeur (notaire et avocat) lui déconseillaient, après échange avec le propre notaire de M. P..., de vendre. Elle lui rappelait que Mme A... l'avait informé, lors de la réunion, ne pas avoir mis sa maison en vente et avait refusé malgré 'l'insistance de Mme Q...' présentée comme inappropriée, de signer un quelconque engagement. Elle rappelait également que les propositions faites ensuite par les conseils de sa soeur avaient été rejetées par ceux de M. P.... Elle précisait enfin : 'la promesse de vente exigée par vos soins est aujourd'hui impossible'. Dans un nouveau courriel du 12 octobre 2015, MmeF... C... évoquait la 'négociation' en cours portant à la fois sur l'objet de la vente et sur son prix, confirmant s'il en était besoin que non seulement, l'offre du 16 août 2015 n'avait pas été acceptée mais qu'au contraire, les parties se trouvaient toujours en phase de négociation pré-contractuelle, n'étant parvenues à aucun accord sur la chose et sur le prix. Le 17 octobre 2015, Mme A... avisait M. P... de ce qu'elle n'entendait pas poursuivre les négociations. Par courriel du même jour, M. P... se disait désolé de la rupture alors qu'il attendait un accord formel de la part d'S... (Mme A...) à la suite des dernières discussions et se présentait lui et son épouse, comme 'acquéreurs potentiels'. Par un courriel envoyé le lendemain, il se félicitait de la reprise des discussions. Le 31 octobre 2015, il indiquait à nouveau : 'je suis à ta disposition... pour continuer nos discussions'.

De l'ensemble de ces échanges, il ressort sans aucune équivoque que si M. P... a tenté de piéger Mme A... par la rédaction d'une lettre d'intention 'soumise à l'article 1583 du code civil', celle-ci n'a jamais émis, même de manière implicite ou ambiguë, la volonté d'accepter l'offre d'achat du 16 août 2015.

Le notaire des époux P..., Me T..., confirmait le 11septembre 2017 qu'aucune promesse de vente n'avait été signée et précisait n'avoir effectué aucune diligence relative à ce projet depuis plus d'un an. Me V..., notaire de Mme A..., attestait également n'avoir reçu aucune acceptation de l'offre du 16 août 2015, qui lui avait été communiquée par Mme Q... et non par sa cliente, et n'avoir pas eu connaissance d'une telle acceptation, pas plus qu'il n'avait reçu d'instruction relative à l'élaboration d'un acte en rapport avec cette offre ou été destinataire, de la part de MeT..., d'un projet d'acte ou document faisant mention d'une acceptation de Mme A....

Est inopérante toute l'argumentation des époux P... selon laquelle prenant leurs désirs pour des réalités, ils se sont projetés dans l'acquisition de cet immeuble, ont fait établir une liste de travaux (qu'ils entendaient faire supporter par Mme A...), se sont présentés comme les propriétaires du bien auprès des habitants de Belle Ile, voire de l'assureur de Mme A... sollicité à la suite des dégâts des eaux déclarés les 5 octobre 2015 et 26 août 2016, ont correspondu avec la soeur de la propriétaire, F... C... que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, ils ne pouvaient croire investie d'un mandat apparent de vente ou de négociation au regard des relations personnelles qu'ils entretenaient parallèlement avec Mme A... elle-même (cette allégation étant au demeurant inefficace dès lors qu'aucun acte juridique engageant Mme A... n'a été accompli par Mme F... C...) et enfin ont été informés par des tiers des travaux consécutifs aux deux sinistres pris en charge par l'assureur (en contravention avec leur engagement souscrit le 18 octobre 2015 de ne pas s'occuper des dits travaux, ni d'avoir de contact avec Mme H..., personne chargée de la gestion du bien).

Contrairement à ce qu'ils soutiennent également, ils n'ont pas remis à Mme A... une partie du prix de vente du bien. En effet, le 18juillet 2016, M. P... a obtenu, de sa part, une reconnaissance de dette manuscrite portant sur une remise en espèces de la somme de 50 000 euros 'à titre de prêt' et non d'acompte, à rembourser à sa convenance avant fin septembre 2016.

Contrairement à ce qu'ils soutiennent encore en se fondant sur des pièces sans lien avec leurs allégations, ils n'ont pas entrepris de travaux d'aménagement des lieux, ce qui ne leur conférerait d'ailleurs aucun droit, mais ont seulement acheté un aspirateur en 2015, puis financé, à l'insu de la propriétaire et dans leur intérêt exclusif, en décembre 2016, des travaux de surveillance de l'immeuble (caméras).

L'ensemble des pièces dont ils se prévalent démontrent que s'ils ont occupé temporairement la maison en cause, ceci résultait d'une autorisation d'occupation gracieuse de 'son domicile' donnée les 18juillet 2016 et 24 octobre 2016, par Mme A... elle-même à M. P..., ce qui révèle incidemment que celui-ci savait à qui s'adresser lorsqu'il avait besoin de se voir reconnaître un droit et ne s'est jamais mépris sur l'absence de pouvoir de représentation de Mme F... C.... Cette autorisation a été expressément révoquée par le courriel du 29 janvier 2017 (pièce 34), lui rappelant que la maison de Belle-Ile n'était pas sa maison.

La demande ne peut donc qu'être rejetée et le jugement critiqué confirmé en ce qu'il a intégralement rejeté les demandes des époux P....

Sur l'appel incident

Il est établi par les différents courriels échangés que les époux P... ont cru pouvoir conserver les clés de l'immeuble de Belle Ile après la révocation expresse de l'autorisation d'y séjourner et y ont installé un système de surveillance à distance qu'ils contrôlaient, de sorte que lorsqu'une intrusion y a été décelée le 16 février suivant, ils ont sollicité les gendarmes qui ont mis en doute les droits de la propriétaire des lieux. Ils ont ainsi contraint celle-ci à remplacer les serrures et à neutraliser le système de surveillance vidéo suivant demande du 3 mars et facture établie le 14 mars 2017 pour un montant de 1 225 euros. Le serrurier précisait dans sa lettre du 14mars 2017 accompagnant sa facture : 'j'ai reçu de la part de M.D... P... des propos houleux et pas trop agréables à entendre ! Il n'est pas facile, ni agréable, de travailler sereinement lorsque des menaces sont formulées clairement et sans équivoque à mon encontre. J'étais pourtant en possession des documents nécessaires et suffisants pour légitimer les actions diligentées sur vos ordres pour vous satisfaire.' Il est ainsi établi que la nécessité de payer les travaux résultait d'une tentative d'appropriation injustifiée de la part des appelants, concomitamment à l'introduction de l'action en justice par assignation du 14 mars 2017 également. Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation à prise en charge des travaux rendus nécessaires par leurs manoeuvres.

En revanche, Mme A... ne démontre pas que les époux P... ont occupé l'immeuble de Belle Ile après la révocation expresse de l'autorisation d'y séjourner qu'elle leur avait consentie à titre gracieux. Sa demande d'indemnité d'occupation ne peut dès lors prospérer.

Si malgré son caractère fantaisiste, la procédure initiée par les époux P... en première instance pouvait paraître ne constituer qu'un moyen de pression inélégant, aux fins de reprise des négociations pré-contractuelles, tel n'est plus le cas du recours formé en appel, en pleine connaissance du caractère manifestement voué à l'échec de leurs prétentions. Cette persistance à maintenir des demandes juridiquement insoutenables ne peut dès lors exprimer qu'une intention de nuire à l'intimée, en exerçant sur elle des pressions notamment sous l'insinuation de tentative de fraude fiscale et en abusant de la générosité dont elle avait fait preuve en mettant gracieusement à leur disposition, pendant les vacances, la propriété litigieuse pour en tirer des arguments fallacieux en faveur de leur thèse. Ce recours révèle un abus du droit d'agir en justice rendant recevable et fondée la demande de dommages-intérêts formée par l'intimée à concurrence de la somme de 20 000 euros.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme le jugement rendu le 25 septembre 2018 par le tribunal de grande instance de Lorient sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages-intérêts de Mme S... C... veuve A... ;

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Condamne M. D... P... et Mme X... W... épouse époux P... à payer à Mme S... C... veuve A... :

la somme de 1 225 euros en remboursement des frais rendus nécessaires par leur rétention abusive des clés de l'immeuble ;

la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples ;

Condamne M. D... P... et Mme X... W... épouse époux P... aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18/06593
Date de la décision : 01/09/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°18/06593 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-01;18.06593 ?
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