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02/07/2020 | FRANCE | N°18/02217

France | France, Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 02 juillet 2020, 18/02217


4ème Chambre





ARRÊT N°233



N° RG 18/02217 -

N° Portalis DBVL-V-B7C-OXTX









NM / JV











Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 JUILLET 2020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Hélène RAULINE, Présidente de ch

ambre,

Assesseur : Madame Florence BOURDON, Conseillère

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Juliette VANHERSEL, lors du prononcé



Sans avis contraire des parties requis préalablement, l'affaire a été appelée à l'audience virtuelle du 28 avr...

4ème Chambre

ARRÊT N°233

N° RG 18/02217 -

N° Portalis DBVL-V-B7C-OXTX

NM / JV

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 JUILLET 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Florence BOURDON, Conseillère

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Juliette VANHERSEL, lors du prononcé

Sans avis contraire des parties requis préalablement, l'affaire a été appelée à l'audience virtuelle du 28 avril 2020 qui s'est tenue sans débat en raison de l'état d'urgence sanitaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 02 Juillet 2020 par mise à disposition au greffe

****

APPELANTE :

SAS ENTREPRISE GUILLERM, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Bruno HALLOUET de la SELARL CHEVALLIER ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

INTIMÉE :

SARL ART & CONSTRUCTION, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Yann PAILLER de la SELARL BRITANNIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

****

FAITS ET PROCÉDURE

La SCI Kergompez, propriétaire d'un bien immobilier situé [Adresse 4] à [Localité 6], a fait construire courant 2015 quatre cellules commerciales.

Suivant marché du 8 juillet 2015, le lot gros-oeuvre a été confié à la société Entreprise Guillerm.

Cette dernière a sous-traité par contrat du 24 août 2015 la réalisation des murs coupe-feu en maçonnerie de parpaings à la société Art et Construction pour un montant de 115 502,57 euros HT.

Le 17 mars 2016, la société Art et Construction a mis en demeure la société Entreprise Guillerm de lui régler la somme de 60 957,42 euros au titre du solde du marché.

La société Guillerm se plaignant d'une exécution des travaux par le sous-traitant, non conforme aux règles de l'art, a refusé d'y procéder.

Par acte d'huissier du 19 mai 2016, la société Art et Construction a fait assigner la société Entreprise Guillerm devant le tribunal de commerce de Brest en paiement du solde de son marché.

Par un jugement assorti de l'exécution provisoire en date du 16 mars 2018, le tribunal a condamné la société Entreprise Guillerm à payer à la société Art et Construction :

la somme de 60 957,42 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2016,

la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

aux dépens

Par déclaration en date du 4 avril 2018, la société Entreprise Guillerm a interjeté appel de ce jugement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mars 2020.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions en date du 29 juin 2020, la société Entreprise Guillerm, demande à la cour de :

- infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et :

A titre principal :

- dire et juger que la société Art et construction n'a pas satisfait à ses obligations contractuelles,

- dire et juger que c'est à bon droit que la société Entreprise Guillerm a déduit des sommes dues en vertu du marché la somme afférente aux travaux réparatoires, soit 60 957,42 euro HT,

- constater que la société Entreprise Guillerm ne doit plus rien à la société Art et construction.

En conséquence, débouter celle-ci de toutes ses prétentions,

A titre subsidiaire :

- dire et juger que la société Art et construction a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société Entreprise Guillerm,

- condamner la société Art et construction, en conséquence, à payer à la société Entreprise Guillerm la somme de 60 957,42 euros,

- dire que les créances réciproques se compensent,

En conséquence, débouter la société Art et construction de toutes ses prétentions,

En toute hypothèse :

- condamner la société Art et construction à payer une somme de 6 000 euros à la société Entreprise Guillerm en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Art et construction aux entiers dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions en date du 25 février 2020, la société Art et Construction, sur le fondement des articles1134 devenu 1103 du code civil demande à la cour de :

- débouter la société Entreprise Guillerm de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement dont appel rendu le 16 mars 2018 par le Tribunal de commerce de Brest en toutes ses dispositions,

Y additant,

- condamner la société Entreprise Guillerm à payer à la société Art et Construction la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamner la société Entreprise Guillerm aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la responsabilité

L'article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Le 21 novembre 2015, le mur situé entre la cellule n°3 et la cellule n°4 s'est effondré.

La société Saretec a conclu que la dépose des étais centraux par la société chargée du lot menuiserie et les insuffisances de fixation par la société Art et Construction des étais sur les raidisseurs et des anomalies ponctuelles dans l'exécution de ces derniers n'avaient pas permis au mur, dans cette phase provisoire, de résister à la tempête.

L'assureur dommages ouvrage a pris en charge les travaux de reconstruction.

Le contrôleur technique Dekra a constaté, lors de ses investigations après l'écroulement du mur, que l'armature de chaînage de ce mur était constitué d'acier de type 2 HA 10 et ne respectait pas les plans d'exécution et notamment les directives du carnet de ferraillage qui prévoyait la mise en oeuvre de ferraillages de chaînage de type 4 HA 10 sans que ce désordre ne soit la cause de l'effondrement.

La société Entreprise Guillerm a conclu à la généralisation du désordre sur l'ensemble des murs pare-feu et a procédé à leur confortation après que le maître d'oeuvre lui a enjoint de remédier 'à ces défauts de ferraillages' par courrier du 1er décembre 2015.

L'appelante fait grief au tribunal de ne pas avoir retenu la responsabilité de la société Art et Construction qui devait livrer un ouvrage exempt de vices et conforme aux règles de l'art. Elle reproche au sous-traitant d'avoir mis en oeuvre des aciers 2 HA 10 dans les raidisseurs ce qui n'était pas adapté au regard de leurs espacements de 2,46m.

La société Art et Construction fait valoir qu'il n'est pas justifié de ce que la mise en oeuvre de chaînage avec des aciers 2 HA 10 n'est pas conforme aux règles de l'art.

Le sous-traitant est tenu envers l'entrepreneur principal d'une obligation de résultat. Sa responsabilité est engagée dès lors que les travaux ne sont pas correctement exécutés sauf à démontrer l'existence d'une cause étrangère.

Selon l'eurocode 6, pour le calcul des ouvrages en maçonnerie, 'le dimensionnement des murs coupe- feu justifie un espacement de 2,46 m entre chaînage verticaux avec une section de 4 HA 10.'

Cette disposition associée aux calculs du bureau d'étude structures et aux schémas des plans de ferraillage démontre que, compte tenu des espacements entre les raidisseurs, seuls des aciers 4 HA 10 pouvaient être mis en oeuvre. L'intimée n'apporte aucun élément technique pour le contester.

La société Art et Construction expose que son devis du 23 septembre 2015, approuvé par l'appelante, prévoit des chaînages verticaux en acier 2HA 10. Elle reproche à la société Entreprise Guillerm de ne pas avoir conclu d'avenant au contrat visant la modification du type d'acier.

Il résulte du dossier que la société Entreprise Guillerm, spécialiste en matière de béton, a sous-traité le travail de maçonnerie des murs coupe-feu qui ne fait pas partie de son champ de compétence.

Il a été vu que, compte tenu des espacement entre les raidisseurs, les règles de l'art imposaient l'utilisation d'un acier différent de celui visé au devis.

L'article 6 du contrat de sous-traitance précise que le sous-traitant doit se conformer aux règles de l'art et exécuter les ordres du maître d'oeuvre ou des représentants qualifiés transmis par l'intermédiaire de la société Entreprise Guillerm.

Le bureau d'étude et de structures Sirius ingénierie a établi un plan béton numéroté 13 avec carnet de ferraillage comprenant les schémas des ferraillages à mettre en oeuvre avec des aciers 4 HA 10.

La société Art et Construction devait se conformer aux préconisations du bureau d'étude structure et les exécuter sans qu'il n'y ait lieu à nouveau devis ou avenant au contrat.

Le sous-traitant prétend que la société Entreprise Guillerm ne lui a pas envoyé le mail contenant les directives du bureau d'études structures.

Il résulte des courriels versés aux débats que le bureau d'études de structures Sirius a envoyé le 7 septembre 2015 le plan n°13 'carnet de ferraillage du PH RDC' à la société Entreprise Guillerm qui l'a retransmis le même jour à la société Art et Construction (pièce 29).

L'envoi du mail est confirmé par une attestation du conducteur de travaux de la société Entreprise Guillerm qui témoigne l'avoir envoyé le 7 septembre 2015 par mail et avoir remis en main propre le carnet de ferraillage le lendemain au sous-traitant.

La société Art et Construction assure encore que le plan figurant en pièce jointe du courriel du 7 septembre 2015 ne correspond pas à celui contenant le cahier de ferraillage. Elle affirme avoir reçu un plan numéroté 13 le 19 février 2016 intitulé 'élévation des murs' et soutient que le carnet de ferraillage était inséré au plan numéroté 15 mis à jour le 19 novembre 2015 reçu avec cachet de la société entreprise Guillerm du 23 novembre 2015 après l'effondrement du mur.

Il est toutefois attesté par l'ingénieur du bureau d'études de structures que 'le numéro du plan 'PH RDC-carnet de ferraillage'ref EXE-14-0079, a été modifié au passage de l'indice A du 19/11/15, du numéro 13 au numéro 15.'

Il est ainsi établi que le carnet de ferraillage était annexé au plan béton n°13 avec pièce jointe intitulée 'carnet de ferraillage du PH RDC' envoyé au sous traitant par la société Entreprise Guillerm le 7 septembre 2015 et que le numéro du plan a été modifié de 13 en 15 lors du modificatif du 19 novembre 2015.

La société Art et Construction soutient, enfin, qu'elle a réalisé les travaux sous le contrôle de la société Entreprise Guillerm, comme le prévoit l'article 5 du contrat de sous-traitance, et qu'il appartenait à l'entrepreneur de signaler l'éventuel manquement aux règles de l'art.

La société Entreprise Guillerm a sous-traité la construction des portes coupe feu qui répondent à des techniques et à des normes particulières. La nécessité de calculs préalables du bureau d'études structures pour l'édification des murs démontrent la spécificité du travail attendu. Le sous-traitant avait reçu les instructions nécessaires à l'édification des murs coupe-feu et est responsable de l'exécution de ses travaux.

Il résulte de ce qui précède que la société Art et Construction avait reçu des directives précises du bureau d'études structure et devait les mettre en oeuvre et que la société Entreprise Guillerm n'a commis aucune faute.

Sa responsabilité contractuelle est engagée.

Le jugement est infirmé.

Sur l'indemnisation

La société Entreprise Guillerm a chiffré à 60 957,42 euros le coût des travaux de reprise réalisés entre le 8 et 30 décembre 2015. Elle justifie avoir eu recours à des intérimaires pour renforcer son équipe, loué des nacelles, acheté des matières premières, fait procéder à des encoffrements par la société Sopi pour 18 000 euros outre le rebouchage de joints reprises d'enduit et de peinture.

La société Art et Construction ne formule aucune critique sur ces travaux. L'argument selon lequel elle n'a pas été convoquée à la réunion du 2 décembre 2015 lors de laquelle la solution réparatoire a été adoptée est inopérante.

Le jugement est infirmé.

Sur la compensation

Il est admis par les parties que la société Entreprise Guillerm n'a pas réglé à la société Art et Construction la somme de 60 957,42 euros HT correspondant au solde du marché du sous-traitant.

Il convient de procéder à la compensation du solde du marché dû avec la somme due au titre des travaux réparatoires.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

Succombant à la procédure, la société Art et Construction sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le jugement est confirmé.

Sur les autres demandes

La société Art et Construction qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Elle sera condamnée à payer à la société Guillerm la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire :

INFIRME le jugement déféré,

Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Art et Construction à payer à la société Entreprise Guillerm la somme de 60 957,42 euros au titre des travaux de reprise,

CONDAMNE la société Entreprise Guillerm à payer à la société Art et Construction la somme de 60 957,42 euros au titre du solde du marché,

ORDONNE la compensation entre ces deux sommes,

DEBOUTE la société Art et Construction de sa demande de dommages et intérêts,

CONDAMNE la société Art et Construction à payer à la société Entreprise Guillerm la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

CONDAMNE la société Art et Construction aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière,La Présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18/02217
Date de la décision : 02/07/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 04, arrêt n°18/02217 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-07-02;18.02217 ?
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