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26/06/2020 | FRANCE | N°17/00237

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 26 juin 2020, 17/00237


2ème Chambre





ARRÊT N° 350



N° RG 17/00237

N° Portalis DBVL-V-B7B-NTXZ













Mme [V] [O]



C/



Société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE



















Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :



à : Me KERMEUR

Me

LECLERCQ











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JUIN 2020







COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre, rédacteur,

Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Madame Marie-Odile GELOT-BARBI...

2ème Chambre

ARRÊT N° 350

N° RG 17/00237

N° Portalis DBVL-V-B7B-NTXZ

Mme [V] [O]

C/

Société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me KERMEUR

Me LECLERCQ

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JUIN 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre, rédacteur,

Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Madame Marie-Odile GELOT-BARBIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marlène ANGER,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Juin 2020 par mise à disposition au greffe

****

APPELANTE :

Madame [V] [O]

née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Yohann KERMEUR de la SELARL KERMEUR AVOCAT, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

La BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de BANQUE SOLFEA

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Erwan LECLERCQ de la SCP LECLERCQ, CASTRES, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

À la suite d'un démarchage à domicile, Mme [O] a, selon bon de commande du 8 août 2012, commandé à la société Kotherm la fourniture et l'installation de panneaux photovoltaïques, d'une éolienne et d'un ballon thermodynamique moyennant le prix de 30 000 euros TTC.

En vue de financer cette opération, la société Banque Solfea (la société Solfea) a, selon offre acceptée le même jour, consenti à Mme [O] un prêt de 30 000 euros au taux de 5,79 % l'an, remboursable en 169 mensualités de 275 euros, hors assurance emprunteur, après un différé de remboursement de 12 mois.

Prétendant que les échéances de remboursement n'étaient plus honorées, le prêteur s'est, après vaine mise en demeure de régulariser l'arriéré par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 novembre 2015, prévalu de la déchéance du terme par courrier recommandé du 8 mars 2016, puis, par acte du 10 mai 2016, a fait assigner Mme [O] en paiement devant le tribunal d'instance de Saint-Nazaire.

Prétendant de son côté avoir été victime de manoeuvres dolosives de la part du démarcheur, et soutenant que le bon de commande était irrégulier, que le prêteur s'était dessaisi des fonds entre les mains du fournisseur sans s'assurer de la totale exécution des travaux et qu'il avait au surplus manqué à plusieurs de ses obligations lors de l'octroi du crédit, Mme [O] a sollicité l'annulation des contrats de vente et de crédit et le paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 8 décembre 2016, le premier juge a :

constaté la nullité du contrat de prêt en raison du déblocage fautif des fonds par le prêteur,

rejeté les demandes de la société Solfea,

condamné Mme [O] à restituer le capital emprunté déduction faite des échéances payées, soit la somme du 23 532 euros,

ordonné la radiation de Mme [O] du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) dans les 15 jours suivant la signification de la décision, sous astreinte de 20 euros par jours de retard pendant 6 mois,

condamné la société Solfea au paiement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Solfea aux dépens,

rejeté le surplus des demandes de Mme [O],

dit n'y avoir lieu exécution provisoire, sauf en ce qui concerne la radiation du FICP et l'astreinte prononcé à ce titre.

Mme [O] a relevé appel de cette décision le 11 janvier 2017.

La société BNP Paribas Personal Finance (la BNP) est intervenue volontairement à l'instance d'appel en déclarant venir aux droits de la société Solfea en vertu d'un acte de cession de créances du 28 février 2017.

Mme [O] demande à la cour de :

infirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à restituer à la société Solfea la somme de 23 532 euros,

débouter la BNP de sa demande de restitution des fonds,

à titre subsidiaire, prononcer la déchéance du droit du prêteur aux intérêts,

en tout état de cause, condamner la BNP à la restitution des sommes versées en exécution du prêt, soit 6 468 euros, sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

ordonner à la BNP de procéder à sa radiation du FICP, sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

condamner la BNP au paiement d'une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

dire qu'en cas d'exécution forcée, les droits de recouvrement et d'encaissement de l'huissier seront supportés par le créancier.

Ayant relevé appel incident, la BNP demande quant à elle à la cour de :

débouter Mme [O] de ses demandes d'annulation des contrats de vente et de crédit,

condamner Mme [O] au paiement de la somme de 33 080,01 euros, avec intérêts au taux de 5,95 % sur le principal de 30 876,04 euros à compter de la déchéance du terme du 8 mars 2016,

dire que Mme [O] devra être réinscrite au FICP,

en cas d'annulation du contrat de prêt, condamner Mme [O] à restituer le capital emprunté de 30 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et capitalisation de ceux-ci par années, sauf à déduire les échéances versées,

en toute hypothèse, condamner Mme [O] au paiement d'une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour Mme [O] le 22 janvier 2020 et pour la BNP le 23 janvier 2020, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 13 février 2020.

En application de l'article 778 alinéa cinq du code de procédure civile, dont la mise en oeuvre a, vu les circonstances exceptionnelles résultant de la situation sanitaire du pays, été proposée aux avocats qui ont été avisés de la composition de la cour et de la date du délibéré, l'affaire a, sans opposition des parties, été mise en délibéré sans débats.

En raison de l'entrée en vigueur, postérieure à ces avis, de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale ouvrant aux parties un délai de quinze jours pour s'opposer à la procédure sans débat, il leur a été adressé un nouvel avis les informant qu'elles pouvaient solliciter dans ce délai la réouverture des débats et le renvoi de l'affaire, ce qu'elles n'ont pas fait.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La BNP soutient en premier lieu que Mme [O] serait irrecevable à invoquer la nullité du contrat de vente faute d'avoir fait appeler le vendeur à la cause.

Cependant, si la BNP souligne avec raison que le juge ne peut, conformément aux dispositions de l'article 14 du code de procédure civile, prononcer la nullité du contrat principal sans que le vendeur ait été appelé à la cause, la cour ne peut qu'observer que Mme [O] ne sollicite pas l'annulation de ce contrat, mais se borne à solliciter, par confirmation de ce chef du jugement attaqué, l'annulation du contrat de prêt, notamment au motif que le prêteur se serait fautivement dessaisi des fonds sans vérifier la régularité du bon de commande.

Il résulte en effet de l'article L. 311-31 devenu L. 312-48 du code de la consommation que les obligations de l'emprunteur ne prennent pas effet que lorsque le prêteur s'est dessaisi des fonds entre les mains du vendeur après avoir vérifié la régularité et l'exécution du contrat principal.

À cet égard, si la pertinence des griefs de Mme [O] relatifs à l'irrégularité du bordereau de rétractation du bon de commande ne peuvent être vérifiés à l'examen de la copie incomplète et tronquée qu'elle a versée aux débats, il est exact qu'en violation des articles L.121-23 et L. 121-24 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur lors de la conclusion du contrat litigieux, le bon de commande ne comporte ni le nom du démarcheur, ni l'indication des délais d'exécution de la prestation accessoire d'installation de l'éolienne et des panneaux photovoltaïques, seuls les délais de livraison étant mentionnés, ni l'indication de la marque des panneaux et de l'éolienne, alors pourtant que, s'agissant d'une installation à haut niveau de développement technologique destinée à produire de l'énergie, la marque, dont la fonction est de garantir l'origine d'un produit commercialisé, est une caractéristique essentielle pour le consommateur démarché qui doit ainsi pouvoir identifier le fabricant garant de la qualité, de la pérennité et de la sécurité de ses produits, et qui doit aussi pouvoir procéder utilement à des comparaisons de prix tenant compte de la technologie mise en oeuvre durant le délai de rétractation qui lui est ouvert par la loi.

Il est aussi exact que l'attestation de livraison du 21 août 2012, dont l'authenticité est au surplus mise en doute par Mme [O], certifiait la réalisation et l'achèvement conformément au devis des travaux financés, mais à l'exclusion du raccordement au réseau et des autorisations administratives alors que le bon de commande mettait expressément à la charge de la société Kotherm le 'raccordement au réseau ERDF' ainsi que les 'démarches administratives'.

Cependant, si le prêteur a ainsi commis une faute en se dessaisissant des fonds empruntés entre les mains du fournisseur sans déceler ces irrégularités formelles pourtant apparentes à la simple lecture du contrat de vente, et sans s'assurer que la prestation accessoire de pose et de mise en service, incluant les démarches auprès de l'administration et le raccordement au réseau public, était totalement exécutée, ce manquement ne saurait entraîner la nullité du contrat de prêt comme l'a décidé à tort le premier juge, mais seulement, s'agissant d'un crédit affecté et comme l'énonce l'article L. 311-31 devenu L. 312-48 précité, la suspension des obligations de l'emprunteur jusqu'à la confirmation du contrat irrégulier et l'achèvement total de la prestation.

Dès lors que Mme [O] se borne à solliciter l'annulation du contrat de prêt, et, en conséquence des restitutions de part et d'autre conséquemment à cette nullité, la restitution des échéances payées et la dispense de remboursement du capital au prêteur, ses prétentions, mal fondées, ne pourront qu'être rejetées.

Au surplus, il sera observé que, quand bien même la prestation de la société Kotherm n'était pas achevée au moment du déblocage des fonds entre ses mains, elle l'a été ultérieurement, puisque l'arrêté municipal de non-opposition à déclaration préalable de travaux constatant la fourniture des dernières pièces nécessaires le 3 septembre 2012, est en date du 20 septembre 2012 et que Mme [O] ne conteste pas que, comme le soutient la BNP en se référant aux termes d'un courriel de l'emprunteuse, le raccordement de l'installation au réseau a bien été effectué.

En outre, et toujours surabondamment, il sera relevé que, si l'attestation de fin de travaux du 21 août 2012 ne porte à proprement parler que sur des travaux de nature 'photovoltaïque', les trois factures de la société Kotherm en date du 24 août 2012, que Mme [O] produit elle-même et dont elle ne conteste pas la sincérité, portent bien sur la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques, d'une éolienne et d'un ballon thermodynamique.

Au soutien de sa demande d'annulation du contrat de prêt, voire, comme cela résulte du dispositif de ses conclusions, de déchéance du droit du prêteur aux intérêts, Mme [O] fait encore valoir que l'offre de crédit aurait été irrégulièrement datée par le démarcheur et que la BNP ne démontre pas que ce dernier, par l'intermédiaire duquel elle a fait présenter son offre, était formé à la distribution du crédit et à la prévention du surendettement.

Il sera cependant observé que, s'il résulte de l'article L. 121-24 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause que tous les exemplaires du contrat conclu par démarchage à domicile doivent, à peine de nullité, être datés de la main du client, ces dispositions ne s'appliquent qu'au contrat principal, et non à l'offre de crédit lié, laquelle obéit à des règles de protection de l'emprunteur qui lui sont propres.

D'autre part, si l'article L. 311-8 devenu L. 314-25 dispose que les personnes chargées de fournir à l'emprunteur les explications sur les prêts sont formées à la distribution du crédit à la consommation et à la prévention du surendettement, aucun texte n'impose que l'attestation de formation de ces personnes, qui doit être établie par l'un quelconque des prêteurs dont les crédits sont proposés ou par un organisme de formation habilité, et qui doit être conservée par son employeur, soit remise à l'emprunteur.

Au surplus, aucun texte ne sanctionne l'absence d'attestation de formation de la nullité du contrat de prêt, ni même, en tous cas depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 1er juillet 2016, de la déchéance du droit du prêteur aux intérêts.

Il convient donc d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a annulé le contrat de prêt.

Il ressort par ailleurs de l'offre, du tableau d'amortissement et du décompte de créance qu'il restait dû à la BNP au jour de la déchéance du terme du 8 mars 2016 :

3 326,40 euros au titre des échéances échues impayées de mai 2015 à mars 2016,

27 549,64 euros au titre du capital restant dû,

2 203,97 euros au titre de l'indemnité de défaillance égale à 8 % du capital restant dû,

soit, au total, 33 080,01 euros, avec intérêts au taux de 5,79 % (et non au TEG de 5,95 % comme le réclame à tort la BNP) à compter du 8 mars 2016 sur le principal de 30 876,04 euros.

Mme [O] sera condamnée au paiement de cette somme et, ayant été jugée défaillante dans le remboursement du prêt, la BNP sera autorisée à procéder à sa réinscription au FICP conformément aux règles applicables.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la BNP l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 1 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;

Déboute Mme [O] de ses demandes d'annulation du contrat de prêt et de déchéance du droit du prêteur aux intérêts ;

Condamne Mme [O] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme 33 080,01 euros en exécution du contrat de prêt, avec intérêts au taux de 5,79 % à compter du 8 mars 2016 sur le principal de 30 876,04 euros ;

Autorise la société BNP Paribas Personal Finance à accomplir les diligences nécessaires à la réinscription de Mme [O] au FICP selon les règles applicables ;

Condamne Mme [O] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance une somme de 1 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [O] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17/00237
Date de la décision : 26/06/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 1B, arrêt n°17/00237 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-26;17.00237 ?
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