2ème Chambre
ARRÊT N°252
N° RG 17/00054
N° Portalis DBVL-V-B7B- NTCI
M. [O] [Y]
Madame [X] [Y]
C/
M. [S] [Z]
M. [B] [M]
M. [R] [I]
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DES COTES D'ARMOR DES COTES D'ARMOR
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Eric DEMIDOFF
Me Bruno SEVESTRE
Me Paul-Olivier RAULT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 22 MAI 2020
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre, rédacteur,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Régis ZIEGLER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 mars 2020
ARRÊT :
Rendu par défaut, prononcé publiquement le 22 mai 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [O] [Y]
né le [Date naissance 7] 1966 à [Localité 12]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Madame [X] [Y]
née le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 14]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN-DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentés par Me Hervé DARDY, de la SELARL LRDL, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
INTIMÉS :
Monsieur [S] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représenté par Me Bruno SEVESTRE de la SELARL SEVESTRE AVOCATS, avocat au barreau de RENNES
Monsieur [B] [M]
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représenté par Me Paul-Olivier RAULT, avocat au barreau de RENNES
Monsieur [R] [I]
[Adresse 10]
[Localité 11]
Assigné par acte d'huissier en date du 24 août 2017, délivré en l'étude, n'ayant pas constitué
La société coopérative à capital et personnels variables CAISSE RÉGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DES COTES D'ARMOR
dont le siège social est [Adresse 13]
[Localité 5]
Représentée par Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE
MM. [M] et [Y] ont créé en 2001 et 2004 les sociétés [M]-[Y] Immobilier et Demeures de Bretagne, exerçant une activité de marchand de biens et de gestion immobilière.
Par jugement du 21 décembre 2009, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de ces sociétés.
Par jugement du 22 décembre 2010, cette juridiction a converti la procédure en redressement judiciaire puis, par décision du 22 juin 2011, a arrêté un plan de redressement par continuation.
Selon promesse synallagmatique du 12 mars 2012, MM. [M] et [Y] ont, moyennant le prix d'un euro, cédé à MM. [I] et [Z] les parts des sociétés [M]-[Y] Immobilier et Demeures de Bretagne, les bénéficiaires s'engageant à se substituer aux promettants dans le règlement des sommes qui leur seraient réclamées dans la limite de 700 000 euros au plus tard le 19 mars 2012, faute de quoi ils seraient redevables d'une pénalité de 50 000 euros.
Enfin, par jugement du 30 janvier 2013, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a prononcé la résolution du plan et la liquidation judiciaire des sociétés [M]-[Y] Immobilier et Demeures de Bretagne.
Au cours de leur activité, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Côtes d'Armor (le Crédit agricole) avait consenti à la société Demeures de Bretagne :
par contrat du 18 septembre 2004 et avenant du 31 juillet 2009, un prêt n° 801 de 12 000 euros au taux de 3,5 % d'une durée de 84 mois, ainsi qu'un prêt n° 802 de 48 000 euros au taux de 4 % d'une durée de 84 mois, garantis par le cautionnement solidaire de M. [M] et des époux [Y], dans la limite de 60 000 euros,
par contrat du 22 mars 2005 et avenant du 31 juillet 2009, un prêt n° 803 de 74 000 euros au taux de 2,95 % d'une durée de 84 mois, ainsi qu'un prêt n° 804 de 74 000 euros au taux de 3,8 % d'une durée de 84 mois, garantis par le cautionnement solidaire de MM. [M] et [Y] dans la limite de 148 000 euros,
par contrat du 6 février 2008 et avenant du 31 juillet 2009, un prêt n° 863 de 130 000 euros à taux révisable d'une durée de 61 mois, garanti le cautionnement solidaire de MM. [M] et [Y] dans la limite de 23 000 euros,
par contrat du 11 juillet 2009, un prêt n° 071 de 104 000 euros au taux de 2,716 % d'une durée de 18 mois, garanti par le cautionnement solidaire de MM. [M] et [Y] dans la limite de 20 800 euros.
D'autre part, le Crédit agricole avait consenti à la société [M]-[Y] Immobilier :
par contrat du 31 mars 2003, un prêt n° 807 de 76 000 euros au taux de 4 % d'une durée de 84 mois, garanti par le cautionnement solidaire de MM. [M] et [Y], alors cogérants de la société emprunteuse dans la limite de 20 000 euros. par contrat du 8 août 2003 et avenant du 31 juillet 2009, un prêt n° 809 de 76 000 euros au taux de 3,9 % d'une durée de 84 mois, garanti par le cautionnement solidaire de MM. [M] et [Y] dans la limite de 76 000 euros,
par contrat du 3 février 2004 et avenant du 31 juillet 2009, un prêt n° 810 de 122 000 euros au taux de 4,2 % d'une durée de 84 mois, garanti par le cautionnement solidaire de MM. [M] et [Y] dans la limite de 122 000 euros,
par contrat du 6 février 2008 réaménagé à compter du 5 avril 2009, un prêt n° 321 de 170 000 euros à taux révisable fixé initialement à 4,85 % d'une durée de 61 mois, garanti par le cautionnement solidaire de MM. [M] et [Y] dans la limite de 28 000 euros.
Après la mise en liquidation judiciaire, le Crédit agricole a déclaré ses créances par courrier du 11 mars 2013, et, par lettres recommandées avec accusé de réception de même date, a vainement mis M. [M] et les époux [Y] en demeure d'honorer leurs engagements de caution.
Puis, par actes des 25 mars et 4 avril 2014, le Crédit agricole a fait assigner M. [M] et les époux [Y] devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc en paiement des sommes dues en leur qualité de cautions solidaires des prêts consentis à la société [M]-[Y] Immobilier.
Et, par actes des17 et 25 avril 2014, il les a fait assigner devant la même juridiction en paiement des sommes dues en leur qualité de cautions solidaires des prêts consentis à la société Demeures de Bretagne.
Les cautions ont essentiellement invoqué la nullité de certains de leurs engagements, la disproportion de ceux-ci et la déchéance du droit du prêteur aux intérêts pour manquement de celui-ci à son obligation d'information annuelle.
Ils ont en outre, par actes du 17 octobre 2014, appelé en intervention forcée MM. [I] et [Z] afin d'obtenir leur garantie ainsi que le paiement de la pénalité contractuelle.
Par jugement du 8 novembre 2016, les premiers juges ont :
ordonné la jonction des procédures,
débouté M. [M] et les époux [Y] de tous leurs moyens de défense, à l'exception de celui tiré de la disproportion de l'engagement de caution souscrit par M. [M] le 11 juillet 2009 à hauteur de 20 800 euros à l'occasion de l'octroi à la société Demeures de Bretagne du prêt n° 071 d'un montant de 104 000 euros,
condamné solidairement MM. [M] et [Y] à payer au Crédit agricole la somme de 48 184,92 euros outre les intérêts au taux contractuel de 4,2 % à compter du 14 janvier 2014, au titre du prêt n° 810,
condamné solidairement MM. [M] et [Y] à payer au Crédit agricole la somme de 24446,58 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 4,95 % à compter du 14 janvier 2014, au titre du prêt n° 809,
condamné solidairement MM. [M] et [Y] à payer au Crédit agricole la somme de 15 708,26 euros outre tous intérêts de droit au taux contractuel de 4,45 % à compter du 14 janvier 2014 , au titre du prêt n° 807,
condamné MM. [M] et [Y], chacun, à payer au Crédit agricole la somme de 28 000 euros outre les intérêts au taux contractuel de 4,2 % à compter du 14 janvier 2014, au titre du prêt n° 321,
condamné MM. [M] et [Y], chacun, à payer au Crédit agricole la somme de 23 000 euros en leur qualité de cautions, au titre du prêt n° 863,
condamné M. [Y] à payer au Crédit agricole la somme de 20 800 euros en sa qualité de caution, au titre du prêt n° 071,
condamné solidairement MM. [M] et [Y] à payer au Crédit agricole les sommes de 48 015,24 euros au titre du prêt n° 804 et 45 706,70 euros au titre du prêt n° 803, outre, pour chacune de ces condamnations, les intérêts au taux conventionnel à compter du 6 mars 2014,
condamné solidairement les époux [Y] et M. [M] à payer au Crédit agricole les sommes de 26 820,60 euros et de 6 528,47 euros, outre, pour chacune de ces condamnations, les intérêts au taux conventionnel à compter du 6 mars 2014, en leur qualité de cautions des prêts n° 802 et 801,
débouté MM. [I] et [Z] de leur demande de nullité de l'acte de cession de parts sociales du 12 mars 2012,
condamné solidairement MM. [I] et [Z] à garantir les époux [Y] et M. [M] de l'intégralité des condamnations prononcées à l'encontre de ces derniers à la requête du Crédit agricole,
condamné solidairement MM. [I] et [Z] à payer aux époux [Y] une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts,
condamné solidairement MM. [I] et [Z] à payer à M. [M] une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,
condamné solidairement les époux [Y] et M. [M] aux dépens de l'instance principale et à payer au Crédit agricole la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné solidairement MM. [I] et [Z] à garantir les époux [Y] et M. [M] de ces condamnations,
condamné solidairement MM. [I] et [Z] aux dépens de leur appel en intervention forcée et à payer la somme de 2 000 euros aux époux [Y] et de 2 000 euros à M. [M] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
débouté les parties de leurs autres demandes.
Les époux [Y] ont relevé appel principal de cette décision le 3 janvier 2017, en intimant M. [M] et le Crédit agricole.
M. [Z] a également relevé appel de cette décision le 13 juillet 2017, en intimant l'ensemble des parties à la procédure de première instance.
Ces procédures ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 janvier 2018.
Prétendant que le compromis de cession de parts sociales 12 mars 2012 ne lui serait pas opposable, M. [Z] demande à la cour de :
débouter M. [M], les époux [Y] et le Crédit agricole de leurs demandes,
condamner in solidum M. [M], les époux [Y] et le Crédit agricole au paiement d'une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Les époux [Y] demandent quant à eux à la cour de :
déclarer nuls leurs engagements de caution garantissant tous les prêts consentis à la société Demeures de Bretagne ainsi que les prêts n° 321, 810 et 809 consentis à la société [M]-[Y] Immobilier,
subsidiairement, déclarer leurs engagements de caution disproportionnés et décharger les époux [Y] de leurs obligations,
condamner le Crédit agricole au paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel,
plus subsidiairement, déchoir le Crédit agricole de son droit aux intérêts, frais et accessoires,
ordonner à la banque de produire un décompte de sa créance expurgé, avec réimputation des règlements opérés par le débiteur principal sur le capital, et réserver les dépens,
confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné M. [Z] à les garantir de leurs condamnations avec M. [I],
condamner M. [Z] à payer aux époux [Y] une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Ayant formé appel incident, M. [M] demande à la cour de :
déclarer nuls les engagements de caution souscrits en garantie des prêts consentis à la société Demeures de Bretagne et à la société [M]-[Y] Immobilier,
subsidiairement, décharger M. [M] de ses obligations en raison de la disproportion manifeste de ses engagements de caution,
débouter le Crédit agricole de ses demandes,
très subsidiairement, déchoir le Crédit agricole de son droit de percevoir les intérêts, frais et accessoires au titre des créances qu'elle a déclarées au passif du débiteur principal,
ordonner à la banque de produire un décompte de sa créance expurgé, avec réimputation des règlements opérés par le débiteur principal sur le capital,
en toute hypothèse, condamner le Crédit agricole à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné solidairement MM. [I] et [Z] à garantir M. [M] de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre, y compris celles au titre des dépens et des frais irrépétibles,
confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné solidairement MM. [I] et [Z] à lui payer les sommes de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts et de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de leur appel en intervention forcée,
en toute hypothèse, condamner tout succombant à payer à M. [M] une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Le Crédit agricole conclut quant à lui à la confirmation de la décision attaquée, sauf en ce qu'elle a retenu la disproportion de l'engagement de caution souscrit par M. [M] au titre du prêt n° 071.
Il demande à cet égard à la cour de condamner M. [M] et M. [Y] au paiement, chacun, de la somme de 20 800 euros en leur qualité de cautions du prêt n° 071.
Il sollicite enfin la condamnation solidaire de MM. [M], [Z] et des époux [Y] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour M. [Z] le 28 octobre 2017, pour les époux [Y] le 2 janvier 2020, pour M. [M] le 16 janvier 2020 et pour le Crédit agricole le 16 janvier 2020, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 13 février 2020.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Sur la nullité des cautionnements
Au soutien de leurs demandes d'annulation de leurs cautionnements, les époux [Y] et M. [M] soutiennent :
s'agissant de ceux garantissant les prêts n° 801, 802, 803, 804, 863, 321, 809 et 810, ayant fait l'objet d'avenants du 31 juillet 2009 et, pour le prêt n° 321, d'un réaménagement du 5 avril 2009, que ces avenants emporteraient novation des créances garanties et que, partant, leurs engagements auraient dû faire l'objet d'une réitération par mentions manuscrites conformes aux dispositions de l'article L. 341-2 devenu L. 331-1 du code de la consommation,
s'agissant de celui garantissant les prêts n° 803 et 804, que, se rapportant à deux créances distinctes, il aurait dû être régularisé sous la forme de deux mentions manuscrites distinctes propres à chacun des deux prêts,
s'agissant de ceux garantissant les prêts n° 801 et 802, que la mention manuscrite n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 341-2 devenu L. 331-1 du code de la consommation, en ce qu'il n'est pas indiqué qu'ils s'engageaient à rembourser au prêteur les sommes dues si la société Demeures de Bretagne ou si la société [M]-[Y] Immobilier n'y satisfaisait pas elle-même.
Le Crédit agricole prétend quant à lui à tort que ces demandes de nullité seraient irrecevables comme prescrites en application de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, aux termes desquelles les actions en nullité d'une convention se prescrivent par cinq ans à compter de la découverte du vice qui, en l'occurrence, était visible dès la signature des contrats.
En effet, les engagements de caution n'ayant pas été exécutés, les époux [Y] et M. [M] peuvent invoquer leur nullité par voie d'exception sans que la prescription puisse leur être opposée.
En revanche, les cautions soutiennent à tort que leurs engagements garantissant les prêts n° 801, 802, 803, 804, 863, 321, 809 et 810 seraient nuls faute d'avoir été renouvelés par une mention manuscrite conforme aux dispositions de l'article L. 341-2 devenu L. 331-1 du code de la consommation, à la suite des avenants du 31 juillet 2009 et, pour le prêt n° 321, du réaménagement du 5 avril 2009 emportant novation des créances initiales.
En effet, s'il est de principe que la novation emporte extinction des sûretés, sauf les hypothèses dans lesquelles la caution les renouvelle pour garantir la nouvelle dette, encore faut-il, pour que la caution soit libérée, que les conditions de la novation soient remplies, c'est à dire qu'il y ait eu un changement suffisant de l'obligation garantie et que le créancier ait manifesté la volonté d'éteindre l'ancienne obligation par la création d'une nouvelle.
Or, à l'exception du prêt n° 863, les modifications des conditions initiales ne portaient que sur un rééchelonnement des échéances de remboursement, sans modification du montant du prêt et de son taux.
En outre, si la modification du prêt n° 863 portait aussi sur le passage d'un taux variable à un taux fixe, il ressort du contrat de prêt du 6 février 2008 que le taux avait été initialement fixé à 4,85 % et que le passage du taux variable au taux fixe constituait une option prévue par les conditions générales du contrat, de sorte que l'avenant du 31 juillet 2009, stipulant de surcroît un taux inchangé de 4,85 % devenu fixe, ne saurait être regardé comme ayant modifié substantiellement l'objet du contrat.
En toute hypothèse, les avenants comportaient une clause par laquelle les parties déclaraient qu'il n'était 'apporté aucune autre modification au contrat de prêt initialement signé hormis celles du présent avenant, (de sorte que) à ce titre, celui-ci ne peut en aucun cas porter novation'.
Il s'en évince que le Crédit agricole n'a jamais accepté de nover les prêts initiaux et que les cautions ne peuvent invoquer l'extinction de leurs cautionnements par voie accessoire.
Dès lors, ces modifications des prêts par avenants du 31 juillet 2009, qui n'avaient pas donner lieu à l'établissement de nouveaux engagements de caution dans les formes de l'article L. 341-2 devenu L. 331-1 du code de la consommation, ne sauraient justifier leur annulation, leur défaut d'acceptation par les cautions n'étant sanctionnée que par l'inopposabilité de ces modifications en application de l'article 2292 du code civil.
Toutefois, en l'espèce, il sera observé que MM. [Y] et [M] ont, en leur qualité expresse de caution, apposé sur les avenants la mention 'acceptation de la modification des conditions dans les termes ci-dessus et confirmation de l'engagement initial', ce dont il résulte qu'elles leur sont opposables.
En revanche, les modifications des prêts n° 801 et 802 ne sont pas opposables à Madame [Y] qui ne les a jamais acceptées, de sorte qu'elle ne peut être tenue qu'au paiement des sommes dues conformément au contrat de prêt initial.
Il ressort à cet égard des avenants du 31 juillet 2009 qu'il a été facturé par la banque, pour chacun des deux prêts considérés, des frais de réaménagement de 130 euros qui devront être déduits de la condamnation prononcée contre Madame [Y], le surcoût d'intérêts généré par le rééchelonnement des prêts étant quant à lui sans effet sur la créance due par la caution en raison de la déchéance du droit du prêteur aux intérêts qui sera ultérieurement prononcée.
Par ailleurs, il n'est nullement interdit au créancier et à la caution de conclure un contrat de cautionnement unique garantissant plusieurs créances.
En outre, la mention manuscrite de l'article L. 341-2 devenu L. 331-1 du code de la consommation doit indiquer le montant limite de l'obligation de garantie de la caution en principal, intérêts et, le cas échéant, pénalités et intérêts de retard, sans qu'il y ait lieu de préciser le taux d'intérêts de chacune des créance garantie, de sorte qu'il n'y a pas matière à annulation de ces cautionnements pour ce motif.
Au surplus, MM. [Y] et [M] ne sauraient sérieusement soutenir avoir ignoré les caractéristiques de chacun des prêts n° 803 et 804, dès lors qu'ils sont intervenus à l'acte du 22 mars 2005 dont ils ont paraphé les pages en qualité de caution, en déclarant 'avoir pris connaissance des clauses et conditions du prêt'.
En revanche, ces derniers relèvent à juste titre que la mention manuscrite de leurs engagements de caution garantissant les prêts n° 801 et 802 n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 341-2 devenu L. 331-1 du code de la consommation.
Aux termes de ce texte, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : 'En me portant caution de [E]..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si [E]... n'y satisfait pas lui-même'.
Or, M. [Y] a déclaré se porter 'caution de la S.A.R.L. Demeures de Bretagne' tout en précisant qu'il s'engageait à rembourser au prêteur les sommes dues sur ses revenus et ses biens 'si Monsieur [B] [M] n'y satisfait pas lui-même'.
Et, inversement, M. [M] a déclaré se porter 'caution de la S.A.R.L. Demeures de Bretagne' tout en précisant qu'il s'engageait à rembourser au prêteur les sommes dues sur ses revenus et ses biens 'si Monsieur [Y] [O] n'y satisfait pas lui-même'.
Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, ces imperfections de la mention manuscrite affectent le sens et la portée des engagements des cautions en ce que, en contradiction avec l'indication initiale que le débiteur garanti est la société Demeures de Bretagne, MM. [M] et [Y] ont cru comprendre qu'ils ne s'engageaient qu'à se substituer à leur cofidéjusseur en cas de défaillance de celui-ci.
Il convient donc d'infirmer le jugement attaqué sur ce point et de prononcer la nullité des engagements de caution de MM. [M] et [Y] garantissant les prêts n° 801 et 802 du 18 septembre 2004.
Sur la disproportion
Aux termes de l'article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution ne lui permette de faire face à ses obligations au moment où elle est appelée.
Par d'exacts motifs que la cour adopte, les premiers juges ont cependant pertinemment considéré que les engagements de caution de M. [Y] n'étaient pas manifestement disproportionnés à ses biens et à ses revenus et que le Crédit agricole pouvait donc s'en prévaloir.
Devant la cour; il fait grief au jugement attaqué d'avoir omis de prendre en compte, au titre de son passif patrimonial, d'autres cautionnements par ailleurs consentis au profit de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère pour 300 000 euros, de la BPO pour 173 900 euros et du CIC pour 65 600 euros, portant ainsi, eu égard au montant des cautionnements consentis à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Côtes d'Armor objet du présent litige, son encours total de cautionnements à près de 1 100 000 euros.
Cependant, alors que les diverses fiches de renseignements, dont il a certifié l'exactitude et la sincérité en les signant, comportaient une rubrique 'cautionnements donnés', il s'est abstenu de la renseigner.
Il ne peut donc être reproché à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Côtes d'Armor, qui n'était pas, sauf anomalie apparente, tenue de vérifier l'exactitude des renseignements qui lui avaient été fournis par la caution, d'avoir ignoré l'existence d'engagements de caution souscrits auprès d'autres établissements de crédit, y compris auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère qui constitue une personne morale distincte puisque rien ne démontre que les sûretés prises en garantie du bon remboursement de ses concours pouvaient être connues des autres caisses régionales du groupe.
Le Crédit agricole n'a pas fait établir de fiche de renseignements patrimoniaux à Madame [Y].
Toutefois, alors qu'il lui incombe d'apporter la preuve de la disproportion de son engagement de caution consenti en garantie des prêts n° 801 et 802 du 18 septembre 2004 dans la limite de 60 000 euros, elle ne fournit aucun élément concret sur sa situation de fortune.
Il ressort en revanche de la fiche de renseignement établie par M. [Y] le 10 juin 2004 que les époux sont mariés sous le régime légal de communauté, que les revenus du couple étaient de 97 505 euros par an (74 046 + 23 459) et que leur actif patrimonial net ressortait à 365 080 euros.
D'autre part, les cautionnements consentis par M. [Y] au bénéfice de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère, de la BPO et du CIC sont tous postérieurs à l'engagement de caution du 18 septembre 2004, de sorte que, quand bien même ils grèveraient le passif de communauté, ils n'ont pas à être pris en compte dans l'appréciation de la proportionnalité des biens et revenus de Madame [Y] à son engagement donné dans la limite de 60 000 euros.
Il en résulte ce cautionnement n'est pas manifestement disproportionné et que la banque peut s'en prévaloir.
De même, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que les engagements de caution de M. [M] n'étaient pas davantage disproportionnés, à l'exception de l'engagement souscrit par M. [M] en garantie du prêt n° 071 du 11 juillet 2009.
En effet, s'ils ont à tort procédé à l'évaluation de son actif patrimonial en prenant en compte les actifs immobiliers mentionnés dans les fiches de renseignements patrimoniaux pour la totalité de leur valeur, alors qu'il ressortait de la fiche de renseignements du 16 juillet 2004 que M. [M] est marié sous le régime de la séparation des biens et que les immeubles ne sont pas des biens propres lui appartenant en totalité, il demeure, étant rappelé que l'engagement de caution garantissant dans la limite de 60 000 euros les prêts n° 801 et 802 du 18 septembre 2004 a été déclaré nul et qu'étant réputé ne jamais avoir existé, il ne doit pas être inclus dans l'encours des cautionnements, que les autres engagements consentis jusqu'au 6 février 2008 ne sont pas manifestement disproportionnés, notamment eu égard au niveau de revenus déclarés par l'intéressé ainsi qu'à la consistance de ses valeurs mobilières.
D'autre part, il a été précédemment souligné qu'il ne pouvait être reproché au Crédit agricole, qui n'était pas, sauf anomalie apparente, tenue de vérifier l'exactitude des renseignements qui lui avaient été fournis par la caution, d'avoir ignoré l'existence d'engagements de caution souscrits auprès d'autres établissements de crédit, y compris au près d'une autre Caisse régionale de crédit agricole.
Sur la déchéance du droit aux intérêts et les créances de la banque
Les époux [Y] et M. [M] font grief au Crédit agricole d'avoir manqué à son obligation d'information annuelle des cautions.
Il résulte à cet égard de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier invoqué par les cautions que les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise sous la condition d'un cautionnement sont tenus, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente, le défaut d'accomplissement de cette formalité emportant, dans les rapports entre la caution et le créancier, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information et les paiements effectués par le débiteur principal étant réputés affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
S'il est exact qu'il appartient au créancier d'apporter la preuve que ces courriers d'information ont bien été adressés aux cautions, le Crédit agricole produit en l'occurrence les copies des lettres adressées annuellement à MM. [Y] et [M] ainsi que des constats d'huissier dressés chaque année, ce qui atteste suffisamment, par rapprochement du fichier des cautions, du nombre d'enveloppes mises au départ du courrier, d'un contrôle par sondage d'une étendue significative du contenu de ces lettres, et du chargement de ces courriers dans le camion d'une entreprise de transport devant les acheminer au centre de tri postal, que le prêteur s'est bien acquitté de ses obligations à l'égard de ces deux cautions.
Leur demande de déchéance du droit du prêteur aux intérêts sera donc rejetée.
En revanche, la banque ne produit la copie d'aucune des lettres qu'elle était tenue d'adresser à compter de 2005 à Madame [Y], caution des prêts n° 801 et 802 du 18 septembre 2004.
Dans ses rapports avec cette dernière, elle sera donc déchue de son droit aux intérêts à compter de 2005, année du premier courrier manquant, avec réimputation des intérêts réglés par la société emprunteuse Demeures de Bretagne .
En revanche, Madame [Y] ne saurait, sur le fondement de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, obtenir par surcroît la déchéance du droit aux pénalités et frais, cette sanction étant propre à l'article L. 341-6 du code de la consommation non invoqué par l'appelante.
Au titre du prêt n° 801 échu en totalité au 5 octobre 2011, il était, selon la déclaration de créance, dû à la banque au jour du prononcé de la liquidation judiciaire du 30 janvier 2013 une somme de 4 626,17 euros représentant le capital des échéances impayées depuis le 5 janvier 2010.
Il ressort en outre des tableaux d'amortissement du prêt initial et de l'avenant que la société Demeures de Bretagne a réglé de 2005 à 2009 au cours de l'exécution du prêt des intérêts d'un montant total de 1 610 euros, et, étant rappelé que l'avenant du 31 juillet 2009 n'est pas opposable à la caution qui n'a pas consenti aux modifications opérées, les frais de réaménagement de 130 euros doivent également être déduits.
La créance du Crédit agricole est donc, dans ses rapports avec Madame [Y], de 2 886,17 euros (4 626,17 - 1 610 - 130).
Au titre du prêt n° 802 également échu en totalité au 5 octobre 2011, il était, selon la déclaration de créance, dû à la banque au jour du prononcé de la liquidation judiciaire du 30 janvier 2013 une somme de 18 701,53 euros représentant le capital des échéances impayées depuis le 5 janvier 2010.
Il ressort en outre des tableaux d'amortissement du prêt initial et de l'avenant que la société Demeures de Bretagne a réglé de 2005 à 2009 à au cours de l'exécution du prêt des intérêts d'un montant total de 7 403,95 euros, et, étant rappelé que l'avenant du 31 juillet 2009 n'est pas opposable à la caution qui n'y a pas consenti aux modifications opérées, les frais de réaménagement de 130 euros doivent également être déduits.
La créance du Crédit agricole ressort donc, dans ses rapports avec Madame [Y], à 11 167,58 euros (18 701,53 - 7 403,95 - 130).
Cette dernière sera donc, après réformation du jugement en ce sens, seule condamnée, au titre du cautionnement des prêts n° 801 et 802 et du fait de l'annulation des engagements de caution de MM. [Y] et [M], au paiement de la somme de 14 053,75 euros (2 886,17 + 11 167,58), avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 mars 2013.
Les autres dispositions prononçant condamnation contre MM. [Y] et [M] seront confirmées par adoption de motifs, sauf à préciser que, lorsque la condamnation est solidaire et que la créance d'intérêts contractuels de retard n'est pas arrêtée, elle doit s'entendre comme prononcée dans la limite de l'engagement de caution en principal et intérêts, soit :
pour le prêt n° 803, dans la limite de 148 000 euros,
pour le prêt n° 810, dans la limite de 122 000 euros,
pour le prêt n° 809, dans la limite de 76 000 euros,
pour le prêt n° 807, dans la limite de 20 000 euros.
Sur la garantie de MM. [Z] et [I]
Aux termes de la promesse synallagmatique de cession des parts sociales des sociétés Demeures de Bretagne et [M]-[Y] Immobilier ainsi que de diverses SCI du groupe, le bénéficiaire de la promesse s'est engagé à 'substituer MM. [B] [M] et [O] [Y] aux fins de régler les sommes qui leur seraient réclamées et ce dans la limite de 700 000 euros durant la totalité du plan (...) de 12 ans validé par le tribunal de commerce de Saint-Brieuc, et à le garantir au moyen de cautions financières au plu tard le 19 mars 2012'.
Il était en outre convenu que 'dans le cas où cette date du 30 mars 2012 ne serait pas respectée par le bénéficiaire, celui-ci sera redevable d'une pénalité d'un montant de 50 000 euros au profit de MM. [B] [M] et [O] [Y]'.
Si M. [I], défaillant en cause d'appel, ne critique pas les dispositions du jugement attaqué, il demeure que la cour est saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif des appels généraux interjetés par les époux [Y] et M. [Z], de sorte que, conformément aux dispositions de l'article 472 du code de procédure civile, elle ne doit faire droit aux demandes formées contre celui-ci que pour autant qu'elles soient régulières, recevables et bien fondées.
À cet égard, c'est par d'exacts motifs que la cour adopte que les premiers juges ont, en application de la clause ci-avant reproduite, pertinemment condamné M. [I] à garantir MM. [Y] et [M] de toutes condamnations prononcées à leur encontre dans la limite de 700 000 euros.
En revanche, c'est à tort qu'ils ont condamné M. [I] à payer à M. [Y] et à M. [M], chacun, la pénalité de 50 000 euros prévue par la convention.
En effet, s'il est exact que le cessionnaire des parts sociales a manqué à son obligation de fournir une garantie financière valable pendant toute la durée de 12 ans du plan de redressement judiciaire des sociétés cédées, il ressort des termes de la convention que les cédants ne peuvent réclamer le paiement distinct, à chacun d'eux, de la pénalité de 50 000 euros, celle-ci devant être allouée à MM. [Y] et [I] ensemble.
Au demeurant, ceux-ci ne peuvent sérieusement soutenir à la fois que la clause de l'acte de cession créerait une solidarité passive entre les cessionnaires, codébiteurs d'une créance de garantie de 700 000 euros, mais non une solidarité active entre les cédants, tant en ce qui concerne la créance de garantie que la pénalité.
En outre, c'est également à tort que M. [I] a été condamné à garantir Madame [Y] des condamnations prononcées à son encontre, la garantie n'ayant, aux termes de la clause litigieuse, été accordée que pour les sommes qui seraient réclamées à MM. [Y] et [M], seules parties à l'acte de cession de parts sociales comportant une clause de garantie sans mention d'une stipulation pour autrui.
Le jugement attaqué sera donc réformé en ce sens.
Au soutien de son appel, M. [Z] fait quant à lui valoir que l'acte de cession de parts sociales du 12 mars 2012 lui serait inopposable comme n'ayant pas été signé par lui mais, en son nom, par M. [I] qui n'avait pourtant aucun pouvoir pour le faire, et que, n'ayant pas davantage donné pouvoir à l'avocat de M. [I] pour le défendre en première instance, il serait resté dans l'ignorance de la procédure diligentée à son encontre jusqu'à la signification du jugement attaqué.
Les époux [Y], qui soulignent qu'il n'invoquait en première instance que le dol et un défaut d'information précontractuelle sans remettre en cause le mandat donné à M. [I] pour le représenter à l'acte, et qui font valoir que, par arrêt du 12 juin 2018, la cour d'appel de Rennes a déjà, dans un autre litige les opposant à MM. [Y] et [M] relativement au règlement du prix de cession des parts des SCI dépendant du groupe [M]-[Y] Immobilier, lui opposent le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui et l'autorité de chose jugée.
M. [M] soutient quant à lui que M. [I] avait en toute hypothèse mandat apparent pour régulariser la promesse de cession au nom de son beau-fils, M. [Z], qui se présentait même alors comme le fils de celui-ci.
Rien ne démontre que M. [Z] n'ait pas donné mandat à son avocat de première instance pour le représenter en justice, celui-ci étant présumé en application de l'article 416 alinéa deux du code de procédure civile.
M. [Z] indique en effet avoir saisi le bâtonnier de Paris de ce différend, mais, alors que cet avocat a, dans ses observations en défense, réfuté ces accusations, il ne produit aucune pièce de nature à établir l'existence d'un abus de pouvoir de celui-ci.
D'autre part, s'il y a bien une certaine incohérence à soutenir en première instance avoir été trompé par les cédants lors de la conclusion de la promesse de cession de parts sociales avant de prétendre devant la cour que l'autre cessionnaire des parts n'avait pas reçu mandat de sa part pour régulariser l'acte, il demeure que M. [Z] a toujours contester l'acte et ses effets, de sorte qu'il n'est résulté pour les parties adverses aucun grief de cette contradiction.
La fin de non-recevoir tirée de la règle selon laquelle nul ne peut se contredire au détriment d'autrui est donc inapplicable, et, au surplus, il sera rappelé qu'aux termes des articles 563 et 564 du code de procédure civile, un appelant est toujours recevable à invoquer devant la cour des moyens nouveaux au soutien de ses prétentions de première instance et même à lui soumettre de nouvelles prétentions lorsqu'elles ne tendent qu'à faire écarter une prétention adverse.
La fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée n'est pas davantage pertinente au regard des dispositions de l'article 1351 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause.
L'arrêt du 12 juin 2018 oppose en effet bien les mêmes parties que celles s'opposant dans la présente affaire, et le moyen du défaut de pouvoir de M. [I] pour régulariser l'acte du 12 mars 2012 y bien été débattu, mais les deux procédures n'ont pas le même objet, la première ayant trait au paiement du prix de cession de parts de SCI et la seconde à la garantie donnée par les cessionnaires aux cédants relativement aux engagements qu'ils ont pu prendre en faveur des sociétés cédées.
En revanche, à supposer même que M. [Z] n'ait pas donné mandat à M. [I] pour régulariser l'acte du 12 mars 2012 en son nom, il est suffisamment démontré que les cédants ont pu légitimement croire à l'existence de ce mandat dans des circonstances qui les autorisaient à ne pas en vérifier l'existence et les limites.
Il est d'abord établi que les cédants entretenaient, dans la période précédant la signature de l'acte, des relations d'affaire suivies avec MM. [I] et [Z], ce dernier étant présenté dans un document émanant de leur groupe comme le fils de son PDG, M. [I], chargé du développement, et ayant, dès novembre 2011, constitué avec M. [I] une société Immostart dans le but de reprendre les mandats de gestion immobilière détenus par le groupe de MM. [Y] et [M].
Il ressort en outre des attestations de l'expert-comptable Yver et de l'agent immobilier Pivert que les négociations en vue de la cession du contrôle des sociétés du groupe [M]-[Y] Immobilier ont été menées tant avec M. [I] qu'avec son fils, M. '[Z]-[I]', lequel 'faisait partie intégrante du projet de rachat et de développement de l'entreprise' et 'était totalement investi dans le projet puisqu'il était prévu qu'en cas de réalisation de cette reprise, il en serait le dirigeant'.
Enfin, M. [Z] produit lui-même deux actes de cession de parts sociales des SCI Iris Immobilier et [Adresse 15] qu'il a lui-même signés en les datant du 12 mars 2012, soit le jour même de la promesse de cession litigieuse qui portait précisément aussi sur ces SCI, étant par surcroît observé que la SCI Iris Immobilier était, avec MM. [Y] et [M], associée dans le capital des sociétés [M]-[Y] Immobilier et Demeures de Bretagne et que la parfaite réalisation de la cession totale de contrôle de ces dernières supposait donc la cession corrélative des parts de cette SCI.
Il s'évince de ce qui précède qu'au regard du lien de parenté affiché entre MM. [I] et [Z], de l'implication de M. [Z] dans la gestion du groupe précédemment constitué par M. [I] et dans les négociations ayant abouti à la cession du groupe [M]-[Y] Immobilier, et de la régularisation corrélative par M. [Z] lui-même d'actes réalisés en exécution de la promesse synallagmatique du 12 mars 2012, MM. [Y] et [M] ont pu légitimement croire à l'existence d'un mandat conféré par M. [Z] à M. [I] pour signer cette promesse en son nom, sans qu'il puisse leur être reproché de ne pas l'avoir vérifié.
Il convient donc de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné M. [Z], solidairement avec M. [I], à garantir MM. [Y] et [M] de l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre en faveur du Crédit agricole, mais, pour les motifs précédemment exposés, de l'infirmer en ce qu'il les a condamnés à garantir Madame [Y] et à payer deux pénalités de 50 000 euros à chacun des cédants.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge du Crédit agricole l'intégralité des frais exposés par lui à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Cette indemnité sera, ainsi que les dépens d'appel, à la charge de MM. [Y] et [M], sous la garantie de MM. [I] et [Z].
Les autres demandes d'application de l'article 700 du code de procédure civile seront, en toute équité, rejetées.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme le jugement rendu le 8 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc en ce qu'il a :
rejeté la demande d'annulation des engagements de caution consentis par MM. [Y] et [M] en garantie des prêts n° 801 et 802,
rejeté la demande de déchéance du droit du prêteur aux intérêts formée par Madame [Y] au titre des prêts n° 801 et 802,
condamné solidairement les époux [Y] et M. [M] à payer au Crédit agricole les sommes de 26 820,60 euros et de 6 528,47 euros en leur qualité de caution des prêts n° 802 et 801, outre les intérêts au taux conventionnel à compter du 6 mars 2014,
condamner MM. [I] et [Z] à garantir Madame [Y] de toutes les condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci,
condamné MM. [I] et [Z] à payer solidairement la somme de 50 000 euros chacun aux époux [Y], d'une part, et à M. [M], d'autre part ;
Prononce la nullité des engagements de caution consentis par MM. [Y] et [M] en garantie des prêts n° 801 et 802 du 18 septembre 2004 ;
Déchoit la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Côtes d'Armor de son droit aux intérêts à compter de 2005 dans ses rapports avec Madame [Y] ;
Condamne Madame [Y] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Côtes d'Armor la somme de 14 053,75 euros au titre du cautionnement des prêts n° 801 et 802, avec intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2013 ;
Déboute Madame [Y] de sa demande de garantie formée contre MM. [I] et [Z] ;
Condamne solidairement MM. [I] et [Z] à payer à MM. [Y] et [M], ensemble, une somme de 50 000 euros au titre de la pénalité contractuelle ;
Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions, sauf à préciser que les condamnations solidaires prononcées contre MM. [Y] et [M] en faveur de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Côtes d'Armor doivent s'entendre dans la limite de leurs engagements de caution en principal et intérêts, soit :
pour le prêt n° 803, dans la limite de 148 000 euros,
pour le prêt n° 810, dans la limite de 122 000 euros,
pour le prêt n° 809, dans la limite de 76 000 euros,
et pour le prêt n° 807, dans la limite de 20 000 euros ;
Condamne in solidum MM. [Y] et [M] aux dépens d'appel ;
Condamne in solidum MM. [Y] et [M] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Côtes d'Armor une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum MM. [I] et [Z] à garantir MM. [Y] et [M] de ces condamnations au titre des frais irrépétibles et des dépens d'appel ;
Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT