La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/05/2020 | FRANCE | N°17/08438

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 15 mai 2020, 17/08438


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°140



R.G : N° RG 17/08438 - N° Portalis DBVL-V-B7B-ON5V













SA PRODWARE



C/



M. [P] [S]

















Infirmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 MAI 2020

r>


COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique du 28 Fé...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°140

R.G : N° RG 17/08438 - N° Portalis DBVL-V-B7B-ON5V

SA PRODWARE

C/

M. [P] [S]

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 MAI 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 Février 2020

devant Monsieur Emmanuel ROCHARD, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame Laurence APPEL, médiatrice

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Mai 2020 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 27 mars précédent

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SA PRODWARE prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :

[Adresse 5]

[Localité 6]

représentée par Me Erwan LECLERCQ de la SCP LECLERCQ, CASTRES, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Laurent MAYER, Avocat plaidant du Barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur [P] [S]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]

comparant à l'audience et représenté par Me Aude STEPHAN, Avocat au Barreau de SAINT-NAZAIRE

M. [P] [S] a été engagé en contrat à durée indéterminée par la SA PRODWARE à compter du 29 décembre 2008 en qualité de consultant/chef de projet, statut cadre, les relations de travail étant régies par la convention collective 'Syntec'.

Le 19 janvier 2016, M. [S] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement tenu le 1er février 2016 avant d'être licencié pour motif disciplinaire par lettre du 11 février 2016.

M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes le 28 juin 2016 aux fins de voir juger son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et condamner la SA PRODWARE à lui payer :

- 100.000 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 50.000 € net à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

- 80.675,60 € brut à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 8.067,56 € brut au titre des congés payés afférents,

- 44.882,70 € net à titre de dommages-intérêts du fait du défaut d'information au titre des repos compensateurs,

- 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour est régulièrement saisie d'un appel formé le 1er décembre 2017 par la SA PRODWARE à l'encontre du jugement prononcé le 6 novembre 2017 par lequel le conseil de prud'hommes de Nantes a :

' Dit que le licenciement de M. [S] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

' Condamné la SA PRODWARE à verser à M. [S] les sommes suivantes avec intérêts de droit et anatocisme :

- 50.000 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 80.675,60 € brut à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 8.067,56 € brut au titre des congés payés afférents,

- 44.882,70 € net à titre de dommages-intérêts du fait du défaut d'information au titre des repos compensateurs,

- 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Limité l'exécution provisoire du jugement à celle de droit et fixé à 8.322,82 € brut le salaire mensuel moyen de référence,

' Débouté M. [S] du surplus de ses demandes,

' Débouté la SA PRODWARE de ses demandes reconventionnelles,

' Condamné en outre la SA PRODWARE à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M. [S] dans la limite de 3 mois d'indemnités,

' Condamné la SA PRODWARE aux dépens éventuels.

Vu les écritures notifiées le 17 février 2020 par voie électronique suivant lesquelles la SA PRODWARE demande à la cour d'infirmer le jugement et :

' Déclarer M. [S] mal fondée en ses demandes,

' Dire et juger que le licenciement notifié le 11 février 2016 à M. [S] a bien une cause réelle et sérieuse,

' Dire et juger que les faits invoqués à l'appui de son licenciement ne sont pas prescrits et n'ont pas déjà été sanctionnés,

' Débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires,

' Débouter M. [S] de son appel incident,

' Débouter M. [S] de sa demande au titre des heures supplémentaires,

En tout état de cause,

' Dire et juger prescrites les heures supplémentaires accomplies avant le 28 juin 2013,

' Débouter M. [S] de sa demande d'indemnité compensant les déplacements,

' Débouter M. [S] de sa demande de dommages-intérêts pour défaut d'information sur le repos compensateur,

' Débouter M. [S] de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

' Condamner M. [S] au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées le 24 février 2020 par voie électronique suivant lesquelles M. [S] demande à la cour de :

' Débouter la SA PRODWARE de toutes ses demandes,

' Confirmer le jugement dans toutes ses dispositions sauf sur le quantum des heures supplémentaires et des dommages-intérêts pour défaut d'information sur le repos compensateur et en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé au visa de l'article L.8223-1 du code du travail,

' Condamner la SA PRODWARE à lui verser les sommes suivantes :

- 84.097,28€ brut à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 8.409,73 € brut au titre des congés payés afférents,

- 39.725,75 € net à titre de dommages-intérêts du fait du défaut d'information au titre des repos compensateurs,

- 15.000 € net à titre d'indemnité compensant les déplacements au visa de l'article L.3121-4 du code du travail,

- 50.931,30 € net à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

- 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamner la SA PRODWARE à lui remettre, sous astreinte de 50 € par jour de retard courant à compter du 30ème jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir et par document, un bulletin de paie récapitulatif du montant des condamnations et une attestation d'employeur destinée à Pôle Emploi rectifiée,

' Condamner la SA PRODWARE aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est datée du 28 février 2020.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées par voie électronique.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les heures supplémentaires

Pour infirmation à ce titre, la SA PRODWARE soutient que M. [S] organisait son temps de travail de manière autonome sans contrôle de l'employeur, gérait ses horaires comme il le souhaitait, n'a jamais sollicité auprès de son employeur l'autorisation de réaliser des heures supplémentaires et n'a formé aucune réclamation durant l'exécution du contrat de travail ; qu'il ne justifie pas de la réalité des heures supplémentaires prétendument effectuées, sa demande n'étant étayée par aucune pièce justificative et en particulier par aucun décompte précis, justifié, circonstancié, établi au jour le jour en fonction du temps de travail réellement effectué ; qu'il procède par approximations et extrapolations quant au volume d'heures dont il demande le règlement ; qu'enfin, sa demande est prescrite s'agissant des heures supplémentaires au titre des années 2011 à 2013.

Pour réformation du montant retenu par les premiers juges, M. [S] soutient principalement que sa demande n'est pas prescrite ; que le forfait sans référence horaire revendiqué par l'employeur est contraire aux dispositions légales et conventionnelles et doit être considéré comme nul ; qu'il a produit des tableaux complets et récapitulatifs de ses heures de travail pour les années 2014 et 2015, l'employeur n'ayant produit en retour aucun élément.

* Quant à la prescription :

Aux termes de l'article L.3245-1 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

En l'espèce, le contrat de travail ayant été rompu à la date du 11 février 2016, la demande de rappel de salaire formée par M. [S] suivant sa saisine du conseil de prud'hommes effectuée le 28 juin 2016 et portant uniquement, selon ses dernières écritures, sur une période postérieure au 11 février 2013 soit dans les trois années précédant la rupture du contrat de travail n'est pas prescrite.

* Quant à l'existence d'un forfait :

Toute convention de forfait en jours ou en heures requiert l'acceptation du salarié et doit faire l'objet d'une convention individuelle de forfait.

En l'espèce, selon le contrat à durée indéterminée signé le 18 décembre 2008 (pièce n°2 du salarié), M. [S], engagé en qualité de consultant / chef de projet avec le statut de cadre, devait travailler à raison de '35 heures hebdomadaires' avec la mention additionnelle que 'l'horaire de travail est l'horaire collectif en vigueur dans l'établissement, en considération de l'accord d'entreprise formalisant la durée du temps de travail de manière annualisé' [sic], sans aucune autre précision relative aux horaires de travail effectifs prévus ou à l'organisation d'heures supplémentaires.

Les avenants du 30 janvier 2014 et du 30 janvier 2015 n'ont pas modifié le contrat en ce qui concerne la durée du travail de M. [S], celui-ci ayant toujours été rémunéré pour 151,67 heures par mois soit 35 heures par semaine au vu des bulletins de paie produits ne mentionnant aucune heure supplémentaire.

D'autre part, aucune convention individuelle organisant un forfait en jours ou en heures n'a été établie par écrit entre l'employeur et le salarié.

Il en résulte que M. [S] devait travailler 35 heures par semaine conformément aux termes du contrat de travail, les heures supplémentaires à ce volume horaire devant en conséquence lui être réglées.

* Quant au volume d'heures supplémentaires :

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures supplémentaires, d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire.

En l'espèce, à l'appui de sa demande, M. [S] qui n'a été réglé d'aucune heure supplémentaire sur la durée du contrat de travail au vu de ses bulletins de paie, a produit un décompte récapitulatif complet (pièce n°13) de la quantité d'heures de travail supplémentaires qu'il déclare avoir effectuées sur l'ensemble de la période, faisant état du volume d'heures de travail effectuées chaque semaine.

M. [S] demande en conséquence à être réglé d'un total de 1.830 heures supplémentaires sur la période du 13 mai 2013 au 11 février 2016 selon ses dernières écritures, soit 976 heures majorées à 25 % et 854 heures majorées à 50 % en prenant en considération une moyenne de 50 heures travaillées par semaine.

Ce décompte est étayé par plusieurs pièces justificatives incluant la reproduction de nombreux courriels expédiés par M. [S] à des heures dépassant l'horaire de travail habituel, soit avant 9 h ou après 18 h (pièces n°18.1 à 18.42) ainsi qu'un tableau récapitulatif de déplacements effectués chez des clients (pièce n°18 bis).

Si la SA PRODWARE conteste les tableaux et calculs produits par le salarié en faisant notamment observer que ceux-ci incluraient des heures de déplacement ne correspondant pas à un temps de travail effectif, que M. [S] aurait 'gonflé' artificiellement le calcul de ses heures supplémentaires et d'autre part, qu'il ne lui était pas demandé d'expédier des courriels en dehors des horaires de travail habituels, force est de constater qu'elle ne produit en retour aucun élément relatif aux horaires de travail de M. [S] et n'apporte ainsi aucune information vérifiable contraire aux tableaux détaillés suffisamment complets et précis produits par le salarié ou à ses pièces justificatives des heures supplémentaires effectuées.

Au vu de l'ensemble des éléments ainsi produits et compte tenu de la rémunération contractuelle de M. [S], sa demande au titre des heures supplémentaires est ainsi bien fondée à hauteur de 84.097,28 € brut sur l'ensemble de la période visée soit du 13 mai 2013 au 11 février 2016.

La SA PRODWARE sera donc condamnée à lui régler cette somme, outre 8.409,73 € brut au titre des congés afférents.

Le jugement entrepris sera en conséquence réformé sur les montants alloués.

Sur le droit à repos compensateur

Pour infirmation à ce titre et en complément de sa contestation relative aux heures supplémentaires, la SA PRODWARE fait observer que le contingent annuel de 130 heures prévu par la convention collective ne s'applique pas aux cadres.

M. [S] rétorque qu'il n'a pas été informé de son droit à repos compensateur pour les heures supplémentaires travaillées au-delà du contingent légal annuel. Il produit un calcul actualisé sur la base d'un contingent annuel de 220 heures.

Aux termes de l'article L.3121-21 du code du travail, en sa rédaction applicable au litige:

'Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l'ensemble des conditions d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l'article L. 3121-22. Cette convention ou cet accord collectif peut également prévoir qu'une contrepartie en repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent.

A défaut d'accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.

A défaut de détermination du contingent annuel d'heures supplémentaires par voie conventionnelle, les modalités de son utilisation et de son éventuel dépassement donnent lieu au moins une fois par an à une consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe.'

Aux termes de l'article L.3121-24 du même code :

'Une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations prévues à l'article L. 3121-22, par un repos compensateur équivalent.

Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical non assujetties à l'obligation annuelle de négocier prévue à l'article L. 2242-1, ce remplacement peut être mis en place par l'employeur à condition que le comité d'entreprise ou les délégués du personnel, s'ils existent, ne s'y opposent pas.

La convention ou l'accord d'entreprise ou le texte soumis à l'avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel peut adapter les conditions et les modalités d'attribution et de prise du repos compensateur de remplacement à l'entreprise.'

Selon l'article D.3171-11 du même code :

'A défaut de précision conventionnelle contraire, les salariés sont informés du nombre d'heures de repos compensateur de remplacement et de contrepartie obligatoire en repos portés à leur crédit par un document annexé au bulletin de paie. Dès que ce nombre atteint sept heures, ce document comporte une mention notifiant l'ouverture du droit à repos et l'obligation de le prendre dans un délai maximum de deux mois après son ouverture.'

L'employeur est fondé à faire observer que l'article 33 de la convention collective 'Syntec' prévoyant un contingent annuel de 130 heures n'est pas applicable à M. [S] en sa qualité de cadre.

A défaut d'autre accord collectif, le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu à l'article L. 3121-11 est fixé à 220 heures conformément à l'article D.3121-14-1 en sa rédaction applicable au litige.

Le salarié a produit un décompte des sommes réclamées prenant en compte son taux de rémunération horaire et le nombre d'heures concernées du 13 mai 2013 au 11 février 2016, résultant des pièces précédemment examinées, déduisant de celles-ci le contingent légal annuel de 220 heures.

L'employeur ne justifiant d'aucune mesure pour s'acquitter de ses obligations légales et réglementaires, M. [S] qui n'a donc pas été mis en situation d'exercer l'option prévue par les dispositions susvisées, a droit à l'indemnisation du préjudice correspondant.

Au vu des éléments ainsi produits, cette demande de M. [S] est justifiée pour un montant total de 39.725,75 € net.

Le jugement entrepris sera donc réformé sur ce montant.

Sur les déplacements professionnels

Cette demande n'était pas mentionnée par le jugement entrepris.

A ce titre, M. [S] se fonde sur l'article L.3121-4 du code du travail et fait observer qu'il justifie de 166 jours de déplacement entre mai 2013 et février 2016 dont la majeure partie s'effectuaient de [Localité 7] à [Localité 8], entraînant des journées d'une amplitude de 15 heures dont après exclusion d'1 h 30 pour déjeuner et dîner, il reste selon lui à compenser 3 h 30 par jour de déplacement au-delà de 10 heures de travail effectif.

La SA PRODWARE rétorque pour l'essentiel que M. [S] ne démontre ni la réalité, ni la fréquence des déplacements évoqués, qu'il n'apporte aucune information de nature à vérifier que ceux-ci excédaient les temps normaux de trajet domicile-travail, qu'il ne prouve pas qu'au cours de ses prétendus déplacements, il est demeuré constamment à la disposition de l'employeur.

Aux termes de l'article L.3121-4 du code du travail en sa rédaction applicable au litige et visé par le salarié :

'Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.'

En l'espèce, si M. [S] a produit (pièce n°13 bis) une copie d'agenda de ses journées de déplacement ainsi que diverses notes de frais (pièces n°14 à 14-29), son estimation d'un temps de déplacement fixé systématiquement à 3 h 30 reste insuffisamment étayée en l'absence d'un tableau des horaires de déplacement et des destinations concernées. En effet, l'affirmation du salarié selon laquelle la 'majeure partie' des déplacements visés auraient été de [Localité 7] à [Localité 8] est insuffisante pour justifier à elle seule sa méthode de calcul alors que l'agenda produit ne précise ni les horaires de trajet, ni les destinations, les notes de frais n'apportant à cet égard que des informations partielles.

Au vu des éléments ainsi produits, M. [S] doit ainsi être débouté de sa demande, par ajout au jugement entrepris.

Sur le travail dissimulé

Pour infirmation à ce titre, M. [S] soutient que toute la hiérarchie était parfaitement informée du fait qu'il ne pouvait pas respecter le temps de travail convenu et accomplissait, de façon permanente, de très nombreuses heures supplémentaires.

En réplique, la SA PRODWARE soutient, outre sa contestation relative aux heures supplémentaires, qu'elle n'a jamais eu l'intention de commettre une quelconque dissimulation d'activité et que M. [S] ne démontre pas une quelconque intention frauduleuse de sa part.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Selon l'article L.8221-5 du même code en sa rédaction applicable au présent litige, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l'espèce, compte tenu des développements qui précèdent, le volume particulièrement important d'heures supplémentaires effectuées par M. [S], non réglées et non déclarées sur près de trois années, ne pouvait être ignoré par l'employeur, l'amplitude des horaires de travail du salarié n'ayant fait l'objet d'aucune définition précise entre les parties ni d'aucune mesure de contrôle par la société qui ne réglait au salarié aucune heure supplémentaire.

Ces éléments caractérisent un manquement intentionnel de l'employeur aux dispositions légales précitées, de telle sorte que l'infraction de travail dissimulé est constituée.

Le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé à ce titre.

Le salaire de référence s'élève à 8.488,85 € brut par mois au vu des bulletins de paie versés aux débats et en tenant compte des heures supplémentaires selon le montant alloué au salarié ; le jugement entrepris sera réformé sur ce point.

Par application des dispositions légales précitées, M. [S] a ainsi droit à une indemnité forfaitaire qu'il conviendra de fixer à 50.931,30 € conformément à sa demande.

Sur la rupture du contrat de travail

Pour infirmation à ce titre, la SA PRODWARE soutient que le licenciement est justifié, les faits mentionnés dans la lettre de licenciement étant établis.

M. [S] rétorque qu'il adhère à la majeure partie de la motivation retenue par les premiers juges, les faits rapportés n'établissant pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Par application de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En l'espèce, la lettre du licenciement datée du 11 février 2016 (pièce n°8 du salarié), qui fixe les termes du litige, est ainsi motivée :

« Nous faisons suite à notre entretien qui s'est déroulé le 1er février 2016 à 14 heures en notre siège social [Adresse 4].

Par la présente, nous avons le regret de vous notifier votre licenciement pour faute pour la raison suivante:

Inexécution de vos obligations contractuelles : Défaut de savoir-être auprès des clients de la société Prodware entraînant une dégradation des relations avec ces derniers.

Nous vous rappelons que vous avez intégré notre personnel en décembre 2008 et occupez actuellement un poste de Chef de projet.

Lors de notre entretien, nous vous avons préalablement rappelé que les missions d'un chef de projet étaient, notamment les suivantes :

- Dirige les tests des fonctions avec le développeur et le client,

- Collabore avec les utilisateurs clés du client pour garantir une compréhension totale des implications sur les processus métiers,

- Rédige la documentation (notice, mode opératoire, support, document technique ')

- Assure et anime des formations clients et/ou interne.

A ce titre, des qualités de savoir-être sont indispensables à la réalisation de vos missions :

' Capacité à convaincre,

' Respect des intérêts de l'entreprise,

' Professionnalisme et savoir-être (relationnel, respect des intérêts de l'entreprise, présentation ')

' Animation des réunions, formation.

Puisque vous êtes le vecteur de l'image de la Société Prodware vis à vis de ses clients.

Or nous sommes aujourd'hui au regret de constater que tu ne réponds pas aux exigences relationnelles de ton poste de travail auprès, non pas d'un client en particulier, mais auprès de plusieurs clients ce qui impacte l'image de la Société, met en difficulté le service auquel tu appartiens puisque des clients indiquent clairement le souhait de ne plus te voir intervenir chez eux. De manière très factuelle, les récentes problématiques rencontrées concernent :

Le 08 janvier dernier, le client TEXA, par l'intermédiaire de Madame [M] [E], Responsable comptable, a indiqué formellement sa volonté de ne plus vous intervenir auprès de son entreprise en raison de difficultés relationnelles avec 4 collaborateurs de la société. Après avoir détaillé les propos que vous avez tenus auprès de chacun des interlocuteurs, Madame [M] [E] a résumé le ressenti de ses collaborateurs comme suit :

- « Humiliations devant les collègues,

- Sentiment d'être nulle/bonne à rien (lève les yeux au ciel)

- Rabaissée,

- Impatience,

- Il manque de pédagogie, d'empathie, ne se met pas à notre place en tant qu'utilisateur qui ne connaissons pas l'outil.

Attitude de maître d'école autoritaire et non de prestataire de services qui consiste normalement à un accompagnement et non à une agression verbale dans le ton. Ce comportement génère une réticence à poser des questions lors des ateliers et freine la prise en main de l'outil.

Compte tenu des éléments ci-après nous exigeons le retrait de [P] [S] du dossier, la situation est devenue intolérable et l'équipe projet ne souhaite plus son intervention. »

Il s'agit du dernier exemple en date mais l'historique des dernières semaines démontrent votre incapacité à mener à bien vos missions sur l'aspect relationnel avec nos clients alors que cela est essentiel tant pour l'image de la Société que pour la réussite des projets clients. Comme indiqué par le client TEXA votre attitude freine à la prise en main de l'outil pour les clients.

D'autres clients nous ont fait part de leur refus de vous voir intervenir auprès d'eux :

' SYNALIA

' Roux Service

' [Z]

Lorsque nous vous avons exposé ces faits lors de l'entretien préalable, vous avez justifié une situation tendue avec le client TEXA car le déploiement du projet avait été reporté à l'initiative de la Société Prodware. Or, comme nous vous l'avons fait constater : une situation tendue liée au déploiement projet ne peut justifier les propos que vous avez tenus vis-à-vis des collaborateurs du client TEXA qui traduisent un manque de respect et de professionnalisme.

Vous comprendrez dès lors qu'il nous est, dans ces conditions, impossible de vous conserver au sein de notre effectif.

Nous sommes donc au regret de vous notifier par la présente votre licenciement.

Vous avez un préavis de 3 mois à effectuer à compter de la date de première présentation de cette lettre recommandée à votre domicile.'

A l'appui de l'unique grief ainsi formulé tenant, selon les termes de cette lettre, à un manquement de M. [S] aux 'exigences relationnelles' de son poste de travail, la SA PRODWARE s'appuie uniquement sur le courriel qui lui a été adressé le 8 janvier 2016 par un responsable du client TEXA, ainsi rédigé (pièce n°7 de l'employeur) :

'Ci-dessous nos commentaires concernant [P] [S].

Cordialement.

[M] et Marjorie

Lors de l'atelier du 17/12/2015, nous avons demandé s'il était possible de revoir la génération des virements au prochain atelier soit le 06/01/2016 (en effet les personnes concernées n'étaient pas présentes) et [P] [S] nous a répondu : « Je voudrais éviter d'avoir à venir, car intellectuellement ça ne m'apporte rien»

Lors de l'atelier du 17/12/2015, nous avons demandé à refaire un point sur la reprise de données sur la partie TVA à 16H45, [P] [S] a estimé qu'il était trop tard pour aborder ce sujet, nous avons tout de même parlé de la reprise de balance en solde, nous lui avons dit que pour les répartitions annuelles sa proposition n'était pas simple, ce qui à eu pour effet de l'énerver et de nous dire que « nous n'étions jamais contentes » et ensuite il nous dit « Puisque je ne suis pas à la hauteur de vos compétences, je vais demander à ce qu'on me retire le dossier car je ne veux plus venir »

[O]

Lors d'un atelier, [P] m'a demandé de prendre la main sur l'outil AX pour faire les tests, il m'a demandé d'aller sur le menu et comme à son habitude il faut aller vite !! aller à gauche, aller à droite etc' moi je n'ai pas suivi !! il m'a dit « si vous n'écoutez pas je vous laisse tomber » « petit bonhomme » dans quel contexte, je ne sais plus ! Mais il l'a dit à l'époque et je n'ai pas relevé.

Lors d'un atelier où je n'étais pas invité, [P] m'a demandé les sujets que nous devions aborder, j'ai répondu que je ne les connaissais pas ! il m'a dit « qu'est-ce que vous faites là alors »

Une après-midi en atelier, je devais paramétrer les PRELEV, j'ai demandé à plusieurs reprises une aide sur des points que je ne comprenais pas, [P] a répondu qu'il fallait suivre le MOP, à 16h30 je suis parti. Il m'a totalement ignoré pendant une après-midi, « en me disant suivez le MOP »

Nathalie GUILPAIN

Nous sommes en atelier, je suis à mon poste et lui demande de venir pour m'expliquer un point sur AX, il refuse « non je ne viens pas, expliquez-nous à haute voix ».

« J'ai le sentiment que vous ne comprenez rien », « vous dites oui, oui, mais vous ne comprenez rien » : lors de l'atelier règles de gestion devant les collègues, j'ai eu l'impression à ce moment-là d'être une moins que rien

Il me demande les règles de gestion analytiques, je lui transmets un premier fichier, pas de retour de sa part, puis en atelier, on reprend façon AX la manière de le rédiger : « c'était juste ce que j'attendais depuis 2 mois »

« la couronne » : même si le côté comique ressort, on se sent quand même humilié «

Madame [E] a ainsi résumé le ressenti des collaborateurs de la manière suivante :

Ressenti Général :

- Humiliation devant les collègues

- Sentiment d'être nulle/ « bonne à rien » (lève les yeux au ciel)

- Rabaissée

- Impatience

- Il manque de pédagogie, d'empathie, ne se met pas à notre place en tant qu'utilisateur qui ne connaissons pas l'outil

- Attitude de maître d'école autoritaire et non de prestataire de services qui consiste normalement à un accompagnement et non à une agression verbale dans le ton. Ce comportement génère une réticence à poser des questions lors des ateliers et freine la prise en main de l'outil.

Compte tenu des éléments ci-après [sic] nous exigeons le retrait de [P] [S] du dossier, las situation est devenue intolérable et l'équipe projet ne souhaite plus son intervention.

Vous remerciant, (...)'

Il résulte des pièces produites par les parties qu'à la date de ce courriel, M. [S] avait déjà été remplacé par un autre consultant pour la poursuite du projet TEXA.

M. [S] justifie en effet avoir lui-même proposé à sa hiérarchie, dès le 17 décembre 2015 (pièce n°6 du salarié), de le remplacer sur ce projet en raison de l'insatisfaction manifestée par le client :

'Face à la déception manifestée par les KU sur les propositions et options fonctionnelles, ou à la manifestation d'une charge de travail trop importante, et donc sensible à ces différences de points de vue, je propose de ne pas poursuivre, car je ne semble pas donner satisfaction. Chacune des réponses semble disconvenir ou ne pas répondre à l'attente des clients.'

Le 21 décembre 2015, le responsable hiérarchique de M. [S] lui confirmait que le client ne souhaitait plus le voir intervenir sur le projet, précisant (pièce n°15 du salarié) :

'Je suis donc dans l'obligation de te sortir du projet et de te remplacer par un autre consultant, ce qui ne m'arrange pas du tout'.

Il n'est pas discuté que la nécessité pour la SA PRODWARE de remplacer en urgence M. [S] a suscité une perturbation dans l'organisation de l'entreprise, même si son effectif lui a permis de trouver à bref délai une solution de remplacement assurant la continuité du projet.

S'agissant plus particulièrement de la teneur des propos et des comportements reprochés à M. [S] par le responsable de la société TEXA selon son courriel du 8 janvier 2016, les pièces produites ne permettent aucune vérification. Selon ses écritures, M. [S] admet du moins avoir pu exprimer auprès du client 'un certain agacement quant au retard pris dans le projet', précisant notamment qu'il était amené au cours du mois de décembre 2015 à travailler très tardivement sur ledit projet (pièces n°19.49 à 19.52 concernant des courriels tardifs).

Le grief n'en reste pas moins établi en ce qu'il vise un manque de retenue de la part de M. [S] dans son expression auprès du client TEXA.

En revanche, la SA PRODWARE n'apporte pas d'autre élément de nature à caractériser un préjudice, même d'image, consécutif aux faits visés et ne produit par ailleurs aucune pièce relative à son affirmation contestée par M. [S], selon laquelle d'autres clients auraient également refusé de le voir intervenir auprès d'eux.

A l'inverse, M. [S] justifie de la 'très grande satisfaction' exprimée en février 2013 par un autre client (ASTRIUM SERVICES) s'agissant de son travail et de sa qualité d'écoute (pièce n°5 du salarié).

Il n'est pas fait état d'autres difficultés particulières concernant la qualité habituelle des prestations de M. [S] dans l'exercice de ses fonctions, aucun compte-rendu d'entretien d'évaluation n'étant versé aux débats.

S'agissant d'un salarié exerçant ses fonctions dans l'entreprise depuis 7 ans sans antécédent disciplinaire selon les pièces communiquées, le licenciement prononcé par l'employeur pour les faits visés constitue dès lors une sanction disproportionnée.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement prononcé dans ces circonstances est sans cause réelle et sérieuse.

Par application de l'article L.1235-3 du code du travail selon sa rédaction applicable au présent litige, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Ces dispositions sont applicables en raison de l'ancienneté de M. [S] supérieure à deux ans et de l'effectif de la SA PRODWARE supérieur à dix salariés.

Agé de 54 ans à la date du licenciement, M. [S] avait une ancienneté de 7 ans dans l'entreprise. Il souligne avoir subi un préjudice moral particulier dans les circonstances de la rupture du contrat, sans autres pièces justificatives à cet égard. Par ailleurs, il admet avoir retrouvé rapidement un emploi, sans préciser sa nouvelle rémunération et sans pièce justificative relative à sa situation économique ou personnelle postérieure à la rupture du contrat de travail.

Compte tenu d'un salaire de référence s'élevant à 8.488,85 € par mois, de la perte d'une ancienneté de 7 ans ainsi que des conséquences morales et financières de la rupture du contrat intervenue dans les circonstances rapportées, il conviendra de confirmer ainsi que le sollicite M. [S] et dans la limite de sa demande le jugement entrepris en ce qu'il lui a alloué une somme de 50.000 € net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la remise des documents sociaux rectifiés

Cette demande étant bien fondée sans toutefois qu'il y ait lieu à astreinte, il conviendra d'y faire droit ainsi qu'il est dit au dispositif.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Par application combinée des articles L.1235-3 et L.1235-4 du code du travail, lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Sur ce fondement, il y a lieu de condamner la SA PRODWARE à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées, le cas échéant, à M. [S] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois d'indemnités. Le jugement déféré doit être réformé en ce qu'il a limité ce remboursement à trois mois d'indemnités.

Sur les frais irrépétibles

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la SA PRODWARE, qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser l'intimée des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer pour assurer sa défense.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

CONDAMNE la SA PRODWARE à payer à M. [P] [S] :

- 84.097,28€ brut à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 8.409,73 € brut au titre des congés payés afférents,

- 39.725,75 € net à titre de dommages-intérêts pour défaut d'information relative au repos compensateur,

- 50.931,30 € net à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

FIXE le salaire moyen de référence à 8.488,85 € brut par mois ;

CONDAMNE la SA PRODWARE à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées à M. [P] [S] dans la limite de six mois d'indemnités ;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE M. [P] [S] de sa demande au titre des frais de déplacement ;

CONDAMNE la SA PRODWARE à remettre à M. [P] [S] un bulletin de paie récapitulatif et d'une attestation destinée à Pôle Emploi conformes à la présente décision;

CONDAMNE la SA PRODWARE à payer à M. [P] [S] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

DÉBOUTE la SA PRODWARE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA PRODWARE aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 17/08438
Date de la décision : 15/05/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 08, arrêt n°17/08438 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-15;17.08438 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award