La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/05/2020 | FRANCE | N°19/03969

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 12 mai 2020, 19/03969


1ère Chambre





ARRÊT N°146/2020



N° RG 19/03969 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P3NO













SAS PROLASER



C/



ADMINISTRATION DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS

DIRECTEUR RÉGIONAL DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS DES

M. LE RECEVEUR RÉGIONAL DES DOUANES



















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 MAI 2020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseil...

1ère Chambre

ARRÊT N°146/2020

N° RG 19/03969 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P3NO

SAS PROLASER

C/

ADMINISTRATION DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS

DIRECTEUR RÉGIONAL DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS DES

M. LE RECEVEUR RÉGIONAL DES DOUANES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 MAI 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère, entendue en son rapport

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 Février 2020

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 12 Mai 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

La société PROLASER, représentée par son Président en exercice domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Stéphane CHASSELOUP de la SELAS KPMG AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

INTIMÉS :

L'ADMINISTRATION DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS, représentée par son Directeur général en exercice, agissant par Monsieur le Directeur Régional des Douanes et droits indirects de Pays de Loire

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Anne-Claire MOYEN NEVOUET de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Monsieur le Directeur RÉGIONAL des douanes et droits indirects des Pays de la Loire

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Anne-Claire MOYEN NEVOUET de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Monsieur le receveur RÉGIONAL des douanes

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Anne-Claire MOYEN NEVOUET de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

La SAS Prolaser exerce une activité de collecte et recyclage de cartouches d'imprimantes usagées. En complément, elle importe des cartouches d'encre neuves compatibles ou remanufacturées, pour imprimantes, traceurs, machines à affranchir.

Ces cartouches d'encre importées ont été déclarées jusqu'au mois de février 2012 à la position tarifaire 3215900090 (ci-après ' 3215 "), relative aux encres d'imprimerie, taxées à 6,5 %.

A compter du mois de février 2012, la SAS Prolaser a déclaré ces cartouches d'encre importées à la position tarifaire 844399000 (ci-après '8443'), en tant que parties et accessoires d'imprimantes exemptées de droits de douane.

Au cours du premier trimestre de l'année 2014, la cellule de contrôle de la législation au Havre et le bureau des douanes de [Localité 3] ont notifié à l'encontre, respectivement, de la SAS Prolaser et de la société Herport pour le compte de la SAS Prolaser, des infractions douanières qualifiées de fausses déclarations d'espèce au titre d'importations de cartouches d'encre déclarées à tort à la position tarifaire 8443 et reconnues à la position 3215. A chaque fois, la SAS Prolaser a acquitté les droits et taxes supplémentaires liés au changement de position tarifaire.

Entre septembre et décembre 2014, le service régional d'enquête des Pays-de-la-Loire a notifié à la SAS Prolaser cinq nouveaux procès-verbaux de constat et a adressé à ladite société, le 9 janvier 2015, un avis de résultat de l'enquête, faisant notamment état d'une irrégularité sur le classement tarifaire.

Par procès-verbal en date du 13 mars 2015, le service régional d'enquête des Pays-de-la-Loire a notifié à la SAS Prolaser des infractions douanières de fausses déclarations d'espèce, d'origine et de valeur concernant l'importation de cartouches d'encre entre 2011 et 2014, ayant permis d'éluder le paiement de la somme de 186 582 euros.

Le 24 mars 2015, un avis de recouvrement portant sur un montant de 186 582 euros a été notifié à la SAS Prolaser. Cet avis a été contesté partiellement par lettre du 18 mai 2015. Par cette lettre, la SAS Prolaser a sollicité également le non recouvrement des droits.

Le 12 février 2016, l'administration des douanes a rejeté la contestation et la demande de remise de droits.

Par exploit du 14 avril 2016, la SAS Prolaser a fait assigner l'administration des douanes, le directeur régional des douanes et droits indirects des Pays-de-la-Loire et le receveur régional des douanes devant le tribunal de grande instance de Nantes aux fins de voir annuler l'avis de mise en recouvrement du 24 mars 2015 et la décision de rejet du 12 février 2016.

Par jugement du 27 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Nantes a :

-débouté la SAS Prolaser de l'intégralité de ses demandes ;

-confirmé la validité de l'avis de recouvrement n° 0941/2015/DNA/44 du 24 mars 2015 ;

-condamné la SAS Prolaser à verser à la direction régionale des douanes et droits indirects des Pays-de-la-Loire la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-dit n'y avoir lieu à dépens.

La SAS Prolaser a interjeté appel de ce jugement par lettre recommandée postée le 14 juin 2019 et reçue à la cour le 17 juin 2019.

Vu les conclusions du 5 février 2020, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de la SAS Prolaser qui demande à la cour de :

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

*débouté la SAS Prolaser de l'intégralité de ses demandes ;

*confirmé la validité de l'avis de recouvrement n° 0941/2015/DNA/44 du 24 mars 2015 ;

*condamné la SAS Prolaser à verser à la direction régionale des douanes et droits indirects des Pays-de-la-Loire la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence,

-déclarer la SAS Prolaser recevable et bien fondée en ses demandes ;

A titre principal,

-constater que les cartouches d'imprimantes importées par la SAS Prolaser ne peuvent qu'être classées à la position tarifaire 8443 qui reprend les parties d'imprimantes et non pas à la position tarifaire de l'encre comme le voudrait l'administration ;

-en conséquence, annuler l'avis de mise en recouvrement du 24 mars 2015 ainsi que la décision de rejet du 12 février 2016 ;

Subsidiairement,

-constater que l'administration a induit la SAS Prolaser en erreur en contrôlant des importations de cartouches et en validant leur classement tarifaire ;

-en conséquence, déclarer y avoir lieu à non-recouvrement des droits par l'administration et annuler consécutivement l'avis de mise en recouvrement du 24 mars 2015 ;

En toute hypothèse :

-condamner l'administration des douanes à payer à la SAS Prolaser la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-dire n'y avoir lieu à condamnation aux dépens.

Vu les conclusions du 27 janvier 2020, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de l'administration des douanes et droits indirects, du directeur régional des douanes et droits indirects des Pays-de-la-Loire et du Receveur régional des douanes qui demandent à la cour de :

-confirmer le jugement rendu le 27 septembre 2018 par le tribunal de grande instance de Nantes ;

En conséquence,

-débouter la SAS Prolaser de l'ensemble de ses demandes ;

-confirmer la validité de mise en recouvrement du 24 mars 2015 ;

-condamner la SAS Prolaser au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-dire n'y avoir lieu à dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le classement applicable à la marchandise :

Le Système Harmonisé de désignation et de codification des marchandises a été élaboré par l'Organisation Mondiale des Douanes et institué par la convention internationale sur le Système Harmonisé de désignation et de codification des marchandises, conclue à Bruxelles le 14 juin 1983. La convention a ensuite été approuvée, avec son protocole d'amendement du 24 juin 1986, au nom de la Communauté Economique Européenne, par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987.

Dans l'Union européenne, le classement des marchandises importées est régi par le règlement CEE n°2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun.

L'article 28 du code des douanes national stipule que l'espèce des marchandises est la dénomination qui leur est attribuée par le tarif douanier commun, renvoyant ainsi à la législation communautaire.

Pour classer les marchandises, l'opérateur fait application des «Règles Générales pour l'interprétation de la nomenclature combinée» (RGI), qui figurent en tête des dispositions préliminaires du Tarif et qui constituent des règles de classement. Il s'appuie également sur les Notes explicatives du Système Harmonisé, les notes explicatives de la Nomenclature Combinée, ainsi que les avis de classement publiés par l'Organisation Mondiale des Douanes et les règlements de classement votés par la commission européenne. Les notes explicatives n'ont pas de valeur contraignante mais fournissent, en tant qu'instruments importants aux fins d'assurer une application uniforme du Tarif Douanier Commun, des éléments valables pour son interprétation.

Les Renseignements Tarifaires Contraignants délivrés par les autorités nationales douanières dans l'Union européenne à la demande des opérateurs économiques ne sont pas opposables à un autre opérateur que le titulaire mais peuvent être invoqués par un tiers pour conforter sa position. Il sera précisé à cet égard que Les RTC délivrés en janvier 2015 à la société Prolaser ne sont pas applicables rétroactivement aux importations litigieuses.

La société Prolaser soutient que les cartouches litigieuses relèvent de la sous-position 8443 99 90 pour les raisons suivantes :

*en application de la règle n°3b de la Règle Générale pour l'Interprétation de la Nomenclature Combinée (RGI),les caractéristiques techniques du produit doivent conduire à un classement dans la position 8443 (critère du caractère essentiel) ;

*dans l'hypothèse où le caractère essentiel du produit ne serait pas déterminable, en application de la règle n°'3c de la RGI, la position à privilégier est la dernière dans l'ordre de numérotation ;

*la commission européenne et l'Organisation mondiale des Douanes ont reconnu ce classement ;

*les Renseignements Tarifaires Contraignants (RTC) invoqués par l'administration au soutien de ses prétentions ne sont pas applicables à la société Prolaser ;

*le classement 8443 soutenu par la société Prolaser a été confirmé par la modification de la Nomenclature Combinée de l'Union Européenne à compter du 1er juillet 2016.

L'administration des douanes soutient que les cartouches d'encre importées par la société Prolaser relèvent de la position 3215 pour les raisons suivantes :

*la CUJE, dans ses arrêts «Turbon» du 7 février 2002 et du 26 octobre 2006 a considéré qu'une cartouche d'encre sans tête d'impression, même pourvue d'un dispositif élaboré assurant un flux contrôlé de l'encre lors du processus d'impression, doit être classé dans la position 3215, la fonction essentielle de la cartouche consistant à contenir l'encre et à en alimenter l'imprimante.

*le produit litigieux est composé de matières différentes et aucune des deux sous positions (3215 90 80 et 8473 30 90) n'étant plus spécifique l'une que l'autre, la seule disposition à laquelle on peut avoir recours en vue du classement est la règle générale 3b. Contrairement à ce que soutient la société Prolaser, la puce électronique n'est pas un élément essentiel, il ne s'agit que d'une technologie supplémentaire qui vient perfectionner le fonctionnement de l'imprimante.

*le règlement d'exécution (UE) 2016/1354 de la commission du 5 août 2016 relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée n'a pas d'effet rétroactif.

*l'avis de classement de l'OMD ne pourra être qu'écarté, le produit étant une cartouche d'encre et non un toner.

*les renseignements tarifaires contraignants (RTC) sur lesquels elle s'appuie, s'ils ne sont pas directement opposables à la société Prolaser, confortent la position de l'administration quant aux classement à la nomenclature 3215.

Ceci étant exposé :

La marchandise litigieuse est un modèle de cartouche d'encre, sans tête d'impression, munie d'une puce électronique destinée à contrôler le niveau d'encre et à bloquer l'impression lorsque ce niveau est insuffisant. Depuis le 1er Juillet 2016, le règlement UE 2016/1047 du 28 juin 2016 modifiant l'annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun a remplacé les dispositions antérieures de la nomenclature par une exemption des droits de douanes pour les cartouches d'encre sans tête d'impression intégrée, destinées à être insérées dans les appareils relevant des sous-positions 8443 31, 8443 32 ou 8443 39 et incluant des composants mécaniques ou électriques. Ce règlement n'a pas d'effet rétroactif et ne s'applique pas aux décisions critiquées par la société Prolaser, étant intervenu postérieurement.

Dès lors, le classement des cartouches litigieuses ayant fait l'objet de l'avis de recouvrement du 24 mars 2015, doit être examiné au regard des Règles Générales pour l'interprétation du Système Harmonisé.

Il ressort de ces règles que :

Le classement des marchandises dans la Nomenclature est effectué conformément aux principes ci-après :

1.)Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n'ayant qu'une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes des dites positions et Notes, d'après les Règles suivantes.

2.(...)Le classement de ces produits mélangés ou articles composites est effectué suivant les principes énoncés dans la Règle 3.

3.Lorsque des marchandises paraissent devoir être classées sous deux ou plusieurs positions par application de la Règle 2 b) ou dans tout autre cas, le classement s'opère comme suit :

a) La position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d'une portée plus générale.

Toutefois, lorsque deux ou plusieurs positions se rapportent chacune à une partie seulement des matières constituant un produit mélangé ou un article composite ou à une partie seulement des articles dans le cas de marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, ces positions sont à considérer, au regard de ce produit ou de cet article, comme également spécifiques même si l'une d'elles en donne par ailleurs une description plus précise ou plus complète.

b) Les produits mélangés, les ouvrages composés de matières différentes ou constitués par l'assemblage d'articles différents et les marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, dont le classement ne peut être effectué en application de la Règle 3 a),sont classés d'après la matière ou l'article qui leur confère leur caractère essentiel lorsqu'il est possible d'opérer cette détermination.

c) Dans le cas où les Règles 3 a) et 3 b) ne permettent pas d'effectuer le classement, la marchandise est classée dans la position placée la dernière par ordre de numérotation parmi celles susceptibles d'être valablement prises en considération.

Le produit litigieux étant composé de matières différentes, son classement doit être effectué selon la règle 3b qui impose de rechercher la matière ou l'article qui lui confère son caractère essentiel.

A l'occasion des arrêts «Turbon' (CJUE, 07/02/2002 et CJUE 26/10/2006)»,la CJUE a été amenée à se prononcer sur le classement des cartouches d'encre sans tête d'impression.

Dans le premier de ces arrêts, la cour a rappelé les termes de la note explicative du SH relative à la position 8473 : «les accessoires de cette position peuvent consister soit en organes d'équipement interchangeables permettant d'adapter les machines à un travail particulier, soit en mécanismes qui leur confèrent des possibilités supplémentaires, soit encore en dispositifs de nature à assurer un service particulier en corrélation avec la fonction principale de la machine.»

A l'issue de son raisonnement, elle a classé les cartouches d'encre sans tête d'impression de la société Turbon dans la position 3215 en application de la règle 3b aux motifs que : ' au sens de la position 8473 de la NC, le terme «partie» implique la présence d'un ensemble pour le fonctionnement duquel celle-ci est indispensable ('.), ce qui n'est pas le cas de la cartouche en cause au principal. S'il est vrai qu'une imprimante sans cartouche d'encre n'est pas en mesure de répondre aux besoins auxquels elle est destinée, il n'en reste pas moins que, en soi, le fonctionnement mécanique et électronique de l'imprimante ne dépend nullement de la présence d'une telle cartouche. En effet, si, en l'absence d'une cartouche d'encre, l'imprimante ne permet pas la transcription sur papier d'un travail réalisé sur ordinateur, un tel effet ne résulte pas d'un dysfonctionnement de ladite imprimante, mais provient de l'absence d'encre.

Pour ces motifs, une cartouche d'encre, telle que celle en cause au principal, qui, eu égard aux caractéristiques de cette marchandise, telles que décrites par Turbon International (...), ne joue aucun rôle particulier dans le fonctionnement mécanique proprement dit de l'imprimante, ne peut pas être qualifiée de «partie» d'une imprimante au sens de la position 8473 de la NC.

Une telle cartouche ne pourrait pas non plus être classée dans ladite position en tant qu'«accessoire» des imprimantes en question. En effet, si elles sont bien interchangeables, les cartouches ne permettent pas d'adapter lesdites imprimantes à un travail particulier, pas plus qu'elles ne leur confèrent des possibilités supplémentaires ou qu'elles ne les mettent en mesure d'assurer un service particulier en corrélation avec la fonction principale de la machine, au sens de la note explicative du SH relative à la position 8473.

Lesdites cartouches permettent seulement aux imprimantes ESC de remplir leur fonction normale, à savoir assurer la transcription sur papier d'un travail réalisé sur ordinateur.'

Dans le second de ces arrêts, la CJUE était saisie de la question préjudicielle suivante : «'Contrairement à la décision prise par la Cour dans son arrêt [Turbon International, précité,], selon laquelle l'annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 [...], telle que modifiée par le règlement (CE) n° 1734/96 [...], doit être interprétée en ce sens qu'une cartouche d'encre sans tête d'impression intégrée, comprenant un boîtier en plastique, de la mousse, une grille métallique, des joints d'étanchéité, une feuille à cacheter, une étiquette, de l'encre et du matériel d'emballage, laquelle, en ce qui concerne tant la cartouche que l'encre, peut uniquement être utilisée dans une imprimante ayant les mêmes caractéristiques que les imprimantes à jet d'encre de la marque Epson Stylus Color, doit être classée dans la sous-position 3215 90 80 de la [NC], ne convient-il pas plus exactement de classer la cartouche d'encre susmentionnée dans la position 8473 de la NC comme partie ou accessoire d'une imprimante, dans la mesure où le fonctionnement électronique et mécanique de l'imprimante dépend de la présence d'une telle cartouche''»

La cour a répondu que :' ''(...)' 'même si une cartouche d'encre, telle que celle en cause au principal, est construite d'une façon telle que l'imprimante ne fonctionne pas en l'absence de ladite cartouche, il n'en reste pas moins que l'encre contenue dans la cartouche est d'une importance prépondérante en vue de l'utilisation de la marchandise en cause. En effet, la cartouche d'encre est insérée dans l'imprimante, non pas afin de faire fonctionner l'imprimante en tant que telle, mais précisément en vue de l'alimenter en encre. Il s'ensuit que l'encre doit être considérée comme conférant à une cartouche d'encre, telle que celle en cause au principal, son caractère essentiel.'»

'(') «'Il y a donc lieu de répondre à la question posée que l'annexe I du règlement n° 2658/87, telle que modifiée par le règlement n° 1734/96, doit être interprétée en ce sens qu'une cartouche d'encre sans tête d'impression intégrée, comprenant un boîtier en plastique, de la mousse, une grille métallique, des joints d'étanchéité, une feuille à cacheter, une étiquette, de l'encre et du matériel d'emballage, laquelle, en ce qui concerne tant la cartouche que l'encre, peut uniquement être utilisée dans une imprimante ayant les mêmes caractéristiques que les imprimantes à jet d'encre de la marque Epson Stylus Color, doit être classée dans la sous-position 3215 90 80 de la NC'»

Il est exact que la cartouche importée par Prolaser diffère de la cartouche Turbon en ce qu'elle est dotée d'un système qui gère le niveau d'encre dans la cartouche et bloque l'imprimante lorsque le nombre théorique maximum d'impression est atteint en fonction de la capacité de la cartouche. Mais ce système n'est qu'un perfectionnement de la cartouche, qui permet d'alerter l'utilisateur sur la nécessité de remplacer le consommable (encre), et non un mécanisme indispensable au fonctionnement de l'imprimante.

Il résulte de tout ce qui précède, qu'au regard du critère constitué de la matière essentielle, appréciée par rapport à l'utilité et à la fonction attendue du produit, la cartouche d'encre litigieuse doit être classée à la position 3215 du règlement (CEE) no 2658/87 dans sa rédaction alors applicable.

Cette analyse n'est pas utilement contredite par l'avis de l'OMD qui a classé à la position 8443 les cartouches d'encre en poudre, et par le règlement d'exécution (UE) 2016/1354 relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée qui a classé à la position 8443 des cartouches sans tête d'impression, car outre l'absence d'effet rétroactif du règlement UE 2016/1354, les produits concernés sont des cartouches d'encre en poudre (toner). Ces produits sont sensiblement différents de la cartouche litigieuse, à encre liquide, dont il n'est pas justifié que sa spécificité est indispensable au fonctionnement de l'imprimante.

En revanche, le classement à la position 3215 est corroborée par les six renseignements tarifaires contraignants (RTC), délivrés par l'administration des douanes françaises à un tiers antérieurement aux importations litigieuses et produits aux débats. Il ressort de ces RTC, que la cartouche de Toner a été classée à la position 8443 les 17 novembre 2010, 4 juin 2013, alors que la cartouche contenant un liquide noir pour imprimante jet d'encre a été classé à la position 3215 le 9 janvier 2013. La société Prolaser se prévaut d'un RTC du 28 septembre 2012 qui a classé à la position 844399 la «'cartouche d'encre liquide bleue équipée d'une puce électronique destinée à être utilisée sur des imprimante jets d'encre et sur numérisateur copieur'». Mais la comparaison des mots clés sur cette RTC et celle du 9 janvier 2013 fait apparaître que la différence de classement ne tient pas à la présence d'une puce électronique, qui est présente dans les deux modèles, mais à ce que la cartouche classée 844399 est destinée à être installée sur des appareils de type imprimante numérisateur copieur. Ainsi, ce RTC concerne un produit différent de celui importé par Prolaser et ne contredit pas l'analyse faite par l'administration à partir des arrêts «Turbon».

Sur le non recouvrement des droits par l'administration :

Il résulte des dispositions de l'article 220 2.b du code des douanes communautaire que, hormis les cas visés à l'article 217 paragraphe 1 deuxième et troisième alinéas, il n'est pas procédé à une prise en compte a posteriori, lorsque le montant des droits légalement dus n'avait pas été pris en compte par suite d'une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane.

La société Prolaser soutient que :

*En 2013, la Cellule des Contrôles de la législation (CCL) du Havre a initié un contrôle à son encontre, à l'issue de ce contrôle, le classement à la position 8443 des cartouches litigieuses n'a pas été contesté ; les services du Havre ont ainsi validé la position tarifaire choisie par la société Prolaser, dans l'hypothèse où cette position est incorrecte, ils ont commis une erreur active ;

*la société a agi de bonne foi, le changement de déclaration opéré en 2012 résulte du changement de déclarant en douane : Calberson Géodis a été remplacé par Herport qui a procédé à la modification sur la base du RTC du 28 septembre 2012, produit aux débats ;

*au vu des hésitations des douanes, de l'avis de classement de l'OMD, des discussions au sein du comité des douanes, l'administration ne peut soutenir de bonne foi que l'erreur commises par les services spécialises du Havre était décelable pour la société Prolaser.

L'administration des douanes répond que :

*les éléments fournis par la société Prolaser aux services du Havre n'étaient pas de nature, au vu de la complexité des produits en cause, à permettre à l'autorité douanière, en l'absence de vérification des marchandises, de constater que la position tarifaire déclarée par le redevable était erronée. Dès lors, le fait de n'avoir pas remis en cause la position tarifaire choisie par la société Prolaser ne saurait constituer une erreur imputable à l'administration ;

*la société Prolaser est un professionnel expérimenté qui pouvait déceler l'erreur de l'administration ;

*la société Prolaser ne peut prétendre être de bonne foi dès lors qu'elle déclarait le produit litigieux à la position 3215 jusqu'en février 2012 et qu'à la suite du contrôle effectué par les services du havre, elle a fait le choix de classer à nouveau une partie des cartouches dédouanées à la position 8443 à la position 3215 ;

*en ne sollicitant pas un RTC pour se protéger, la société Prolaser n'a pas agi de manière diligente.

Ceci étant exposé :

Sur l'erreur de l'administration :

Il ressort de l'avis de résultat d'enquête notifié par le CCL des douanes du Havre que le contrôle a porté sur des cartouches d'imprimantes sans tête d'impression classées à la position 8443. Rappelant l'analyse de l'arrêt «Turbon» de 2006, les services douaniers ont observé que la réglementation n'avait pas été observée et qu'auraient dû être classées à la position 3215 les «'références qui ne possèdent pas de tête d'impression mais un simple levier mécanique permettant la détection de niveau d'encre dans les cartouches'» Les services précisent qu'ils ont examiné «'la documentation fournie par Madame [J]'» qui comprenait «'les photos de certaines références'» et «'un tableau de correspondance entre les différences(sic) références'».

Ainsi, contrairement à ce que soutient l'administration, c'est après avoir été mise en possession d'éléments de nature à vérifier la marchandise que le CCL des douanes du havre a déclaré que «'les autres références sont conformes'», ces références comprenant les cartouches munies d'une puce électronique.

Il en résulte que le montant des droits n'a pas été pris en compte à la suite d'une erreur active de l'administration.

Sur l'erreur décelable par la société Prolaser :

Pour déterminer si l'erreur commise par les autorités douanières pouvait ou non être raisonnablement décelée par la personne redevable, il importe de tenir compte de la nature de cette erreur au regard notamment de la complexité de la législation applicable, de l'expérience professionnelle de l'opérateur concerné et du degré de diligence dont il a fait preuve.

La diligence de l'opérateur s'apprécie au regard des doutes qu'il a pu avoir sur l'application de la réglementation douanière en cause et, dans l'affirmative, au regard des recherches auxquelles il a ou non procédé afin de connaître et de respecter cette réglementation.

Il ressort de l'avis de résultat d'enquête que jusqu'en février 2012, le classement tarifaire des cartouches litigieuse était déclaré au sous chapitre 3215 par le déclarant Calberson Geodis ; qu'en février 2012, la société Prolaser ayant désormais le déclarant Herport, ces marchandises ont été déclarées au sous-chapitre 8843, voire 8473 exonérées de droits de douane. La société Prolaser a fait valoir que la société Herport avait mis en oeuvre ce changement de classement au vu de la présence d'une puce électronique sur les cartouches et l'existence de RTC avec classement au 8843 pour des produits dont la description pouvait apparaître similaire aux produits importés.

Ainsi qu'il a été exposé plus haut, le RTC du 28 septembre 2012, dont se prévaut la société Prolaser, classe à la position 8443 une cartouche d'encre liquide équipée d'une puce électronique destinée à être utilisée sur des imprimantes jet d'encre et sur des appareils multifonctions de type imprimante numérisateur copieur. La société Prolaser, professionnel en matière de cartouches d'encre, pouvait comprendre à la lecture de ce RTC, que la présence d'une puce n'était pas à elle seule suffisante pour justifier le classement à la position 8443. Dès lors, elle pouvait avoir des doutes sur l'application de la réglementation douanière. En s'abstenant de déposer une demande de RTC avant le mois de juin 2014, alors que seule la réponse de l'administration à cette demande aurait été de nature à la renseigner sans équivoque possible, elle n'a pas procédé aux recherches nécessaires afin de connaître et respecter la réglementation.

A défaut d'avoir effectué cette diligence, elle ne peut se prévaloir utilement de sa bonne foi, et ne peut bénéficier des dispositions de l'article 220 2b du code des douanes communautaire, et ceci même si la complexité de la législation applicable n'est pas contestable et que la société Prolaser n'est pas un professionnel de l'import, activité pour laquelle elle a recours au déclarant Herport.

Il résulte de tout ceci que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a confirmé la validité de l'avis de recouvrement numéro 0941/2015/DNA/44 du 24 mars 2015. Complétant le dispositif du jugement entrepris, il sera ajouté que la décision de rejet du 12 février 2016 est également confirmée.

En application des dispositions de l'article 367 du code des douanes, il n'y a pas lieu à dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Le complétant ;

Confirme la décision de rejet du 12 février 2016 ;

Y ajoutant

Dit n'y avoir lieu à dépens ;

Déboute l'Administration des douanes et droits indirects, le Directeur régional des douanes et droits indirects des Pays de la Loire, et le Receveur régional des douanes de leur demande au titre des frais irrépétibles.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19/03969
Date de la décision : 12/05/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°19/03969 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-12;19.03969 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award