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05/05/2020 | FRANCE | N°18/03090

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 05 mai 2020, 18/03090


1ère Chambre





ARRÊT N°118/2020



N° RG 18/03090 - N° Portalis DBVL-V-B7C-O2NW













Mme [T] [A] épouse [S]

M. [G] [S]



C/



Mme [J] [K] épouse [P]















Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 mai 2020





COMPOSITION DE LA

COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience p...

1ère Chambre

ARRÊT N°118/2020

N° RG 18/03090 - N° Portalis DBVL-V-B7C-O2NW

Mme [T] [A] épouse [S]

M. [G] [S]

C/

Mme [J] [K] épouse [P]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 mai 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Février 2020 devant Madame Françoise COCCHIELLO, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 mai 2020 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré initialement annoncé au 7 avril 2020, date indiquée à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Madame [T] [A] épouse [S]

née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me François-Xavier GOSSELIN de la SCP CABINET GOSSELIN, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [G] [S]

né le [Date naissance 2] 1943 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me François-Xavier GOSSELIN de la SCP CABINET GOSSELIN, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

Madame [J] [K] épouse [P]

née le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Karine TRUONG, avocat au barreau de NANTES

Par acte du 12 décembre 1995, les époux [G] [S] et [T] [A] ont acquis la propriété d'une parcelle cadastrée CA [Cadastre 1] à [Localité 3]. Pour y accéder, ils passent sur une partie de la parcelle CA [Cadastre 2] dont ils estiment être propriétaires indivis avec Mme [K] épouse [P], alors que celle-ci estime qu'elle est propriétaire exclusive de la parcelle CA [Cadastre 2] et que son fonds ne sert aucune servitude de passage.

Par acte du 3 novembre 2015, les époux [S] ont assigné Mme [P] devant le tribunal de grande instance de Nantes.

Par jugement du 22 février 2018, le tribunal de grande instance de Nantes a :

-débouté les époux [S] de leurs demandes,

-constaté la persistance d'une servitude de passage sur la parcelle CA [Cadastre 2] appartenant à Mme [K] épouse [P] au profit de la parcelle CA [Cadastre 1] propriété des époux [S] sur une largeur de 4,24 mètres sur toute la longueur de la parcelle CA [Cadastre 2] jusqu'au débouché de la rue du Docteur [R],

-condamné les époux [S] à payer à Mme [K] épouse [P] la somme de 3000 Euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles,

-débouté les parties du surplus de leurs demandes,

-condamné les époux [S] aux dépens.

Les époux [S] ont interjeté appel de cette décision.

Par conclusions du 8 décembre 2018, les époux [S] demandent à la cour de :

-Les déclarer recevables en leur appel,

-Débouter Mme [P] de son appel incident et de toutes ses demandes,

-Les y déclarer bien fondés,

Y faisant droit

Réformer le jugement,

Vu l'article 711 du Code civil,

Vu l'article 685 du Code civil,

-Réformer le jugement,

-Juger que les époux [S] sont propriétaires indivis d'une partie de la parcelle cadastrée section CA numéro [Cadastre 2] destinée à servir d'allée commune aux deux propriétaires,

-Juger que l'emprise de l'allée, propriété indivise des époux [S] et de Mme [P], ressort de la situation actuelle des lieux et se trouve matérialisé à l'Est par le mur de pierres et à l'Ouest par la clôture faite de plaques de ciment surmontées d'un grillage,

-Juger que sur l'emprise du passage correspondant à la surface de la propriété indivise, il ne peut être effectué aucun stationnement de véhicules, le passage devant être libre en tout temps pour assurer sa fonction,

Subsidiairement, si la Cour jugeait que la parcelle n'est pas indivise :

-Confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu l'existence d'une servitude de passage,

-Réformer le jugement sur l'assiette de la servitude en ce qu'il mentionne la largeur de l'allée de 4,24 m (qui est celle de la largeur du portail) alors qu'elle est de 6 mètres,

-Juger que l'arrêt à intervenir sera annexé à tout acte de vente à intervenir des parcelles cadastrées section CA numéro [Cadastre 1] propriété des époux [S] et cadastrée CA numéro [Cadastre 2] propriété de Mme [P],

-Débouter Mme [J] [P] de son appel incident, de l'intégralité de ses demandes, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

-Condamner Mme [P] à payer aux époux [S] par application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 2000 € ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Les époux [S] exposent que les titres de 1937 et 1938 qui ont opéré la division d'une parcelle en deux parcelles actuellement cadastrées CA [Cadastre 1](enclavée) et CA [Cadastre 2], précisent que la partie de la parcelle CA [Cadastre 2] est indivise, ce que Mme [P] a reconnu dans un courrier du 12 septembre 2014, que l'indivision ainsi constituée est nécessaire et indispensable pour leur garantir un accès de leur fonds à la voie publique alors qu'ils n'en disposent pas, que cette indivision est perpétuelle. Ils ajoutent que Mme[P] n'a pas acquis par prescription la pleine propriété de la parcelle CA [Cadastre 2].

Subsidiairement, ils soutiennent que la servitude existe, que son assiette est, selon l'article 685 du Code civil, déterminée par l'usage continu pendant trente ans du passage sur six mètres.

Par conclusions du 18 octobre 2018, Mme [P] demande à la cour de :

Vu l'article 2272 du Code Civil,

Vu les pièces,

-Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Nantes en date du 22 février 2018 en ce qu'il a débouté les époux [S] de l'ensemble de leurs demandes et en conséquence,

-Débouter les époux [S] de leur demande de voir juger qu'ils sont propriétaires indivis d'une partie de la parcelle cadastrée section CA n°[Cadastre 2] destinée à servir d'allée commune aux deux propriétaires,

-Débouter les époux [S] de leur demande de voir juger que l'emprise de l'allée indivise est matérialisée à l'Est par le mur de pierres et à l'Ouest par la clôture en ciment et grillage,

-Débouter les époux [S] de leur demande de voir juger qu'aucun stationnement de véhicules ne peut y être effectué, le passage devant rester libre,

- Constater en tout état de cause que le titre de propriété de Mme [P] sur la parcelle [Cadastre 2] est en date du 27 octobre 1983 et qu'il ne peut plus être contesté,

Vu l'article 706 du Code civil,

Vu les pièces,

-Réformer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Nantes en date du 22 février 2018 en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande de voir constater l'extinction de la servitude de passage par le non usage trentenaire et en conséquence, dire et juger que la servitude de passage sur la parcelle [Cadastre 2] au profit de la parcelle [Cadastre 1] s`est éteinte par le non-usage trentenaire,

A titre subsidiaire

Vu l'article 683 du Code civil,

Vu les pièces,

-Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nantes en date du 22 février 2018 en ce qu'il a constaté la persistance d'une servitude de passage sur la parcelle CA [Cadastre 2], propriété de Mme [P] au profit de la parcelle CA [Cadastre 1], propriété des époux [S], sur une largeur de 4,24 mètres sur toute la longueur de la parcelle CA [Cadastre 2] jusqu'au débouché sur la rue du Docteur [R],

En tout état de cause,

-Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nantes en date du 22 février 2018 en ce qu'il a condamné les époux [S] solidairement à payer à Mme [P] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais de l'instance ainsi qu'aux entiers dépens,

Y Additant

-Condamner solidairement les époux [S] en une somme de 4000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Mme [P] précise que les époux [S] omettent de dire qu'ils sont également nu- propriétaires ayant usage à titre de commodat de la parcelle CA [Cadastre 3] (anciennement AI [Cadastre 4], [Adresse 3]) laquelle jouxte leur parcelle CA [Cadastre 1] (composée de trois parcelles jadis cadastrées AI [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7]), de sorte qu'ils ont un accès à la voie publique par la rue Maurice Daniel.

Elle expose que son titre et celui des époux [S] ne font pas mention d'une propriété indivise de l'allée mais précisent qu'il existe une servitude de passage que la volonté commune de leurs auteurs après les titres de 1937 ont clairement établie. Elle rappelle qu'elle paie seule les taxes foncières afférentes à cette parcelle CA [Cadastre 2] et en assure l'entretien, contrairement à ce que tentent de soutenir les époux [S]. Elle rappelle que la parcelle CA [Cadastre 1] a un accès à la voie publique.

Elle explique qu'en application de l'article 706 du Code civil, la servitude s'est éteinte par le non usage trentenaire et qu'elle est inutile dès lors que la parcelle CA [Cadastre 1] n'est pas enclavée.

Enfin, si la servitude est maintenue, le passage doit être limité à ce qui est nécessaire à l'accès de la parcelle CA [Cadastre 1], soit une largeur de quatre mètres.

MOTIFS

Selon les titres versés aux débats, il apparaît que les époux [C] ont divisé une grande parcelle dont ils étaient propriétaires : ils en ont vendu une partie par acte authentique du 23 mars 1937 ( désormais parcelle n° CA [Cadastre 2]) aux époux [K], et par acte authentique du 26 mars 1938 une autre partie (actuellement parcelle CA [Cadastre 1]) aux époux [H] ( aux droits desquels se trouvent les époux [S]), cette dernière parcelle se trouvant alors enclavée.

Les deux actes authentiques précisaient :

-acte de 1937 : 'à l'Est, une allée conduisant à la propriété [H], la moitié indivise de ladite allée est comprise dans la vente'

-l'acte de 1938 : ' à l'Ouest : [K] ' ; ' allée commune avec [K] dont la moitié indivise est comprise dans la présente vente....' ' les frais d'entretien de l'allée commune seront supportés par moitié entre les acquéreurs et [K]'.

L'acte authentique par lequel les époux [S] ont acquis les parcelles de la SCI le Moulin reprend les mentions insérées dans deux actes du 25 janvier 1946 et du 31 décembre 1952 : dans un chapitre ' rappel de servitudes', l'acte du 25 janvier 1946 précise : ' allée commune avec [K] dont la moitié indivise est comprise dans la présente vente ; .. les frais d'entretien de l'allée commune seront supportés par moitié entre l'acquéreur et [K]' ; l'acte du 31 décembre 1952 rappelle ' les frais d'entretien de l'allée commune avec les consorts [H] seront supportés par moitié' ;

Mme [K] épouse [P] tient ses droits d'une donation partage anticipée du 29 décembre 2004 que lui a consentie son père, M. [E] [K], lequel tenait les siens d'une donation partage consentie par sa mère, Mme [U] Veuve [K] en date du 27 octobre 1956. Ce dernier acte rappelait l'acte authentique du 20 novembre 1937.

Si les actes translatifs de propriété des parcelles créées en 1937 et 1938 font référence à une allée commune, et indiquent dans la partie des actes ' rappel de servitudes' qu'il s'agit d'une servitude, rien toutefois ne permet d'en déduire qu'une servitude de passage existe : aucun acte n'est versé aux débats qui l'a constituée, et la servitude de passage ne peut résulter de la seule mention de l'allée commune dans le chapitre 'rappel des servitudes'. A cet égard, le courrier émanant de Mme [P] en date du 12 septembre 2014 dans lequel elle reconnaît que le titre de 1937 fait mention d' 'une allée commune' mais rappelle qu'il s'agit d'une servitude de passage, n'est d'aucune utilité.

Il apparaît que lors de création des parcelles désormais cadastrées CA [Cadastre 1] et [Cadastre 2], les auteurs des parties ont eu la volonté non équivoque, pour faire face à l'état d'enclave de la parcelle devenue CA [Cadastre 1], de créer une indivision du sol sur lequel se trouve 'l'allée commune' ; cette indivision, nécessaire dans la mesure où elle porte sur une chose destinée au service commun de plusieurs propriétés, est perpétuelle.

L'indivision perpétuelle ne peut cesser que par la volonté commune de tous les propriétaires indivis. Or, en l'espèce , elle n'est nullement établie : elle ne peut résulter du fait que dans les actes translatifs des parcelles ultérieurement à leur création, la participation des propriétaires indivis ait été omise.

En outre, contrairement à ce qu'affirme Mme [P], la disparition de l'état d'enclave de la parcelle CA [Cadastre 1], à la supposer établie, ne saurait avoir pour effet de supprimer l'indivision perpétuelle créée par les époux [C] en 1937 et 1938 dont la disparition suppose l'accord de tous les co-indivisaires.

Enfin, une telle indivision exclut toute appropriation par usucapion, que Mme [P] se soit ou non comportée comme propriétaire à titre exclusif (par le paiement des impôts fonciers, par exemple), sinon par son entretien exclusif que contestent les époux [S].

Le jugement sera infirmé.

Les actes de 1937 et 1938 précisaient que la desserte était une ' allée', les actes de 1956 et 1983 faisaient état d'un passage ' charretier' ; la portion indivise a pour objet de desservir la parcelle CA [Cadastre 1] par un véhicule de gabarit normal. Par ailleurs, les actes précisent aussi que l'allée se trouve entre, à l'Ouest un mur de pierres et à l'Est, des plaques de ciment surmontées d'un grillage servant de délimitation. Ces éléments relèvent de la délimitation de la partie indivise ; il y a lieu pour les parties de prévoir un bornage après la publication de la décision.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement,

Dit que M. [G] [S] et Mme [T] [A] épouse [S] sont propriétaires indivis d'une partie de la parcelle cadastrée section CA [Cadastre 2] destinée à servir d'allée commune aux deux propriétaires, les époux [S] et Mme [K] épouse [P],

Dit que l'emprise de l'allée commune se trouve matérialisé à l'Est par le mur de pierres et à l'Ouest par la clôture faite de plaques en ciment surmontées d'un grillage,

Dit que l'allée doit rester libre en tous temps pour exercer sa fonction de passage,

Condamne Mme [J] [K] [P] à payer aux époux [G] [S] et [T] [A] la somme de 2000 Euros au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles d'appel,

Condamne Mme [J] [K] épouse [P] en tous dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18/03090
Date de la décision : 05/05/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°18/03090 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-05;18.03090 ?
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