La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/03/2020 | FRANCE | N°16/04338

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 18 mars 2020, 16/04338


9ème Ch Sécurité Sociale








ARRET N° 237





N° RG 16/04338 - N° Portalis DBVL-V-B7A-NA5K























Mme Y... D..., ès qualités d'ayant droit de son frère, H... D...





C/





AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT (représentant le Ministère de la Défense)


























Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions

, à l'égard de toutes les parties au recours

















Copie exécutoire délivrée


le :





à :

















Copie certifiée conforme délivrée


le:





à:


REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE RENNES


ARRÊT DU 18 MARS 2020





COMPOSITION DE LA C...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRET N° 237

N° RG 16/04338 - N° Portalis DBVL-V-B7A-NA5K

Mme Y... D..., ès qualités d'ayant droit de son frère, H... D...

C/

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT (représentant le Ministère de la Défense)

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 MARS 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Y... SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Hélène CADIET, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Loeiza ROGER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Février 2020, devant Madame Véronique PUJES, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Mars 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 04 Mai 2016

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des affaires de sécurité sociale du Finistère

****

APPELANTS :

Madame Y... D..., ès qualités d'ayant droit de H... D..., son frère, décédé le 22 mai 2017

[...]

[...]

représentée par Me François LAFFORGUE de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Cécile LABRUNIE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT (représentant le Ministère de la Défense)

Bureau 2A - Télédoc. 353

[...]

[...]

représentée par Me Philippe BILLAUD, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Eglantine PEILLER, avocat au barreau de QUIMPER

EXPOSE DU LITIGE :

H... D... a travaillé à la Direction des Constructions Navales de Brest à compter du 8 avril 1980. Il a été affecté au centre de pyrotechnie de l'Ile Longue du 1er octobre 1981 au 31 mai 1997.

Il a ensuite été muté dans les états-majors de la P... à compter du 1erjuin1997 puis à la base navale de Brest du 11 mars 2002 au 1erfévrier2010, date de sa radiation des contrôles pour invalidité.

Il a complété une déclaration de maladie professionnelle le 18 mai 2011 en joignant un certificat médical initial du 4 mai 2011 mentionnant un 'lymphome du manteau'.

Le 19 octobre 2011, le ministre de la défense a fait connaître à H... D... qu'une première étude des éléments d'appréciation qui lui avaient été adressés dans le cadre de l'instruction de son dossier, l'avait conduit à solliciter un avis médical dont les conclusions ne lui étaient pas encore parvenues ; que, faute de disposer des éléments médicaux nécessaires avant l'expiration du délai d'instruction, il ne pouvait prendre en charge son dossier au titre du livre IV du code de la sécurité sociale. H... D... a contesté cette décision le 27 octobre 2011.

Le 6 janvier 2012, le ministère a indiqué à H... D... que le médecin conseil de l'administration centrale avait estimé que la maladie mentionnée dans le certificat médical initial ne se rattachait à aucun tableau de maladie professionnelle et avait conclu à un taux d'incapacité permanente partielle supérieur à 25%.

Le service gestionnaire a donc soumis le dossier de H... D... au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Bretagne (le CRRMP), lequel a émis un avis défavorable le 21 juin 2012 en indiquant qu'il ne pouvait établir une relation directe et essentielle entre la pathologie présentée par H... D... et l'activité professionnelle de celui-ci.

Après refus de prise en charge par le service des pensions des armées, H... D... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest le 5septembre 2012.

Par jugement du 6 septembre 2013, ce tribunal a désigné pour avis le CRRMP de Normandie, lequel a émis un avis défavorable le 28septembre2015.

Par jugement du 4 mai 2016, le tribunal a débouté H... D... de toutes ses demandes.

H... D..., qui avait interjeté appel de cette décision le 19 mai 2016, est décédé le 22 mai 2017; sa soeur, Mme Y... D..., a repris l'instance.

Par arrêt du 11 avril 2018, la cour, considérant que les deux comités s'étaient bornés à viser l'exposition de H... D... aux rayons ionisants et n'avaient pas analysé l'exposition aux fibres d'amiante et aux gaz d'échappement ni l'incidence d'une poly-exposition, a sollicité l'avis d'un 3ème CRRMP, en l'occurrence celui des Pays de la Loire, sur la question de savoir s'il existait un lien direct et essentiel entre la pathologie de l'intéressé et le travail habituel de ce dernier.

Par courrier du 18 octobre 2019, le comité, considérant que la demande de la cour ne s'inscrivait pas dans le cadre réglementaire défini par le code de la sécurité sociale, a indiqué qu'il ne pouvait pas y apporter de réponse favorable.

Prenant acte de cette position, Mme D..., par conclusions auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris,

- de dire et juger que le lymphome déclaré par son frère et dont il est décédé, est en lien direct et essentiel avec son exposition professionnelle habituelle à plusieurs agents cancérogènes et doit être pris en charge au titre de l'article L.461-1 alinéa 4 du code de la sécurité sociale,

- de renvoyer l'examen du dossier au service des pensions des armées afin de procéder au calcul des arrérages de la rente d'incapacité qui seront versés au titre de l'action successorale à compter du 16 avril 2010,

- de dire que ces arriérés de rente seront majorés des intérêts de droit à compter du 16 avril 2010, avec capitalisation des intérêts échus à compter de cette date,

- de condamner l'agent judiciaire de l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, l'agent judiciaire de l'Etat demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de condamner Mme D..., en sa qualité d'ayant-droit de son frère, à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il résulte des dispositions de l'article L.461-1 alinéa 4 du code de la sécurité sociale que peut être reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime (et entraîne une incapacité permanente partielle au moins égale à 25%), après avis motivé d'un CCRMP.

H... D... a travaillé comme appareilleur au sein de la pyrotechnie de l'Ile Longue, qui stocke, contrôle et prépare les têtes nucléaires des missiles avent leur embarquement dans les sous-marins.

Selon ses déclarations:

- il participait à l'acheminement des missiles équipés de têtes nucléaires entre l'atelier d'assemblage et les sous-marins jusqu'à la mise en tube à bord et l'acheminement inverse lors des débarquements de missiles;

- il participait également aux opérations de stockage /destockage des têtes nucléaires,

- il procédait, sur le pont, à la mise en place de la membrane au-dessus des têtes et l'enlevait lors des débarquements.

Le CRRMP de Bretagne précise, dans son avis défavorable du 21 juin 2012, qu'il ne peut pas établir une relation directe et certaine entre la pathologie de H... D... et son activité professionnelle après avoir pris en compte la maladie dont l'intéressé était atteint, ses fonctions d'appareilleur, le fait qu'il n'a jamais été classé dans la catégorie des personnels directement exposés au risque avec une dose cumulée à 21,52 mSv pour ses 16 années passées à l'Ile Longue, ainsi que les études bibliographiques effectuées.

Le CRRMP de Normandie motive son avis de rejet en indiquant que si l'activité professionnelle d'appareilleur exercée par H... D... de 1981 à 1997 a pu l'exposer à des rayonnements ionisants, bien qu'il n'ait jamais été classé dans la catégorie des personnels directement exposés au risque, il n'en reste pas moins que 'l'analyse de la littérature scientifique concernant les lymphomes non hodgkinien ne met pas en évidence d'augmentation significative du risque relatif concernant ce type de pathologie et l'exposition aux rayons ionisants (comme le confirme une étude de cohorte internationale publiée en 2005 : étude INWORKS, Lancet haematology)'.

Dans leurs avis concordants, clairs, précis et suffisamment motivés, ces deux CRRMP ne retiennent donc pas de rapport de causalité directe et essentielle entre la pathologie de H... D... et les rayonnements ionisants auxquels l'un au moins des deux comités reconnaît qu'il a pu être exposé.

Les documents communiqués aux débats par Mme D... ( attestations de collègues de travail, articles de presse, extraits d'études diverses) ne permettent pas d'écarter les avis concordants précités fondés sur la littérature scientifique ; l'inscription en 2014 du lymphome non hodgkinien sur la liste des affections ouvrant droit à indemnisation pour les victimes des essais nucléaires français, effectivement non évoquée par les deux CRRMP, dont l'un a émis son avis avant cette date, n'est pas pertinente pour caractériser le lien certain, direct et essentiel s'agissant de H... D..., dont le contexte d'exposition n'est pas celui des essais nucléaires.

Les deux CRRMP ont émis leurs avis respectifs au regard de l'exposition alléguée aux rayons ionisants mais n'ont pas évoqué l'incidence d'une éventuelle exposition à l'amiante, aux gaz d'échappement et aux solvants, voire à une poly-exposition.

La cour observe sur ce point que H... D... n'avait jamais lui-même évoqué ces expositions lorsqu'il a demandé la reconnaissance de sa pathologie, qu'il imputait aux rayons ionisants émis selon lui par les têtes nucléaires des missiles.

Mme D... verse aux débats une attestation d'exposition aux poussières d'amiante établie par la DCN le 14 juin 2004 dont il ressort que son frère a été exposé à l'amiante de 1981 à 1997. Pour autant, l'intéressée ne rapporte pas la preuve d'un lien direct et essentiel entre cette exposition et le lymphome non hodgkinien dont H... D... était atteint.

En outre, à supposer que ce dernier ait été exposé aux solvants tels le trichloréthylène, ou aux gaz d'échappement, ce qui n'est pas démontré, la preuve du lien direct et essentiel avec le lymphome non hodgkinien dont il était atteint n'est pas rapportée, qu'il s'agisse d'une exposition exclusive ou associée avec d'autres.

Enfin, comme le souligne Mme S... dans une note versée par Mme D..., les mécanismes de cancérogenèse du LNH sont complexes ; or, il ne s'agit pas de considérer, comme le fait Mme S... en conclusion de sa note, 'qu'aucune preuve ne peut être apportée de l'absence d'influence de ces expositions sur le processus de cancerogenèse subi par le patient', mais, au contraire, de déterminer l'existence d'un lien certain, direct et essentiel entre l'activité professionnelle de H... D... et le LNH dont il était atteint; du reste, la cour relève que Mme S... conclut sa note en utilisant le conditionnel ' Monsieur H...D... devrait pouvoir...'.

Dans ces conditions, au regard de l'ensemble des éléments de preuve soumis à la cour, il n'est pas établi que le lymphome non hodgkinien dont était atteint H... D... est en lien certain, direct et essentiel avec son activité professionnelle, peu important que son employeur n'ait pas mis en oeuvre au cours de ses années d'affectation un suivi radio biologique qui aurait permis de mesurer de façon précise et certaine les doses reçues, estimées en ce qui le concerne, à 21,52 mSv en cumulé sur ses seize années d'activité.

Mme D... sera par conséquent déboutée de ses demandes, y compris celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas de faire droit à la demande de l'agent judiciaire de l'Etat fondée sur ce texte.

S'agissant des dépens, si la procédure était, en application de l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale gratuite et sans frais, l'article R.142-1-1 II, pris en application du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale, dispose que les demandes sont formées, instruites et jugées selon les dispositions du code de procédure civile, de sorte que les dépens sont régis désormais par les règles de droit commun conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31décembre 2018 seront laissés à la charge de Mme D....

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest du 4 mai 2016 ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;

Condamne Mme D... aux dépens, pour ceux postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 16/04338
Date de la décision : 18/03/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes SS, arrêt n°16/04338 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-18;16.04338 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award