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17/03/2020 | FRANCE | N°18/02551

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 17 mars 2020, 18/02551


1ère Chambre





ARRÊT N°101/2020



N° RG 18/02551 - N° Portalis DBVL-V-B7C-OYU3













M. [B] [I]



C/



Mme [Y] [I] divorcée [V]

Mme [O] [I] épouse [U]





















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 MARS 2

020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère, entendue en son rapport





GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des dé...

1ère Chambre

ARRÊT N°101/2020

N° RG 18/02551 - N° Portalis DBVL-V-B7C-OYU3

M. [B] [I]

C/

Mme [Y] [I] divorcée [V]

Mme [O] [I] épouse [U]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 MARS 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère, entendue en son rapport

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 Janvier 2020

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Mars 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [B] [I]

né le [Date naissance 5] 1960 à [Localité 14] (35)

[N]

[Localité 10]

Représenté par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉES :

Madame [Y] [I] divorcée [V]

née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 14]

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée par Me Denise LAURENT-CALLAME de la SELARL CABINET LAURENT-CALLAME & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO

Représentée par Me Pierre SAINT MARC GIRARDIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Madame [O] [I] épouse [U]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 14]

[Adresse 7]

[Localité 11]

Représentée par Me Denise LAURENT-CALLAME de la SELARL CABINET LAURENT-CALLAME & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO

Représentée par Me Pierre SAINT MARC GIRARDIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Madame [E] [F] et Monsieur [J] [I] se sont mariés le [Date mariage 12] 1958. Ils ont eu trois enfants : [B], [Y] et [O] [I].

Le 24 décembre 1998, il ont fait donation de divers biens à leurs enfants, chacun ayant été alloti à hauteur de 862 000 francs.

Monsieur [I] est décédé le [Date décès 9] 2005, Madame [I] est décédée le [Date décès 6] 2010.

Le règlement de la succession a été confié à Me [K], notaire à [Localité 13]. Me [K] a établi un premier procès-verbal de dire le 26 septembre 2011, puis un deuxième le 13 février 2012. Monsieur [B] [I] a diligenté une première instance en justice à l'encontre de ses soeurs dont il s'est ensuite désisté.

Par assignations des 5 décembre 2014 et 20 mai 2015, Monsieur [B] [I] a assigné Mesdames [O] et [Y] [I] devant le tribunal de grande instance de Saint Malo.

Par jugement du 17 janvier 2018, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :

-ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation-partage de la succession de Madame [E], [C] [F] veuve [I] ;

-désigné pour y procéder Maître [D] [K], Notaire à Dinard, et Monsieur [G] [A] Président, ou à défaut tout autre Juge du siège notamment du Tribunal pour surveiller lesdites opérations (') ;

-dit que la donation d'un montant de 92.000 euros en date du 28 juillet 2018 par Madame [E] [I] au bénéfice de sa fille, Madame [Y] [I], a été faite hors part successorale ;

-dit que la donation d'un montant total de 21.900 euros entre juillet 2007 et 2010 par Madame [E] [I] au bénéfice de sa fille, Madame [O] [I] a été faite hors part successorale ;

-débouté Monsieur [B] [I] de sa demande de rapport à la succession de ces sommes et de l'application des règles du recel ;

-dit que les parties devront apporter au notaire désigné les justificatifs nécessaires concernant les sommes suivantes :

*Pour Madame [Y] [I] : sur le virement à son profit de 2.500 euros en septembre 2009, sur la somme totale de 5.241,54 FF (799,06 euros) dont elle a bénéficié en 1995 et 1996 ;

*Pour Madame [O] [I]: sur la somme totale de 15.880 FF (2.420,89 euros) dont elle a bénéficié en 1989, 1990 et 1996.

-dit qu'à défaut il appartiendra au notaire de calculer le ou les rapports à la succession :

*Pour Monsieur [B] [I] : sur le remboursement de la somme de 581 FF en novembre 1982 et celle d'un montant total de 10.141 euros dont il a bénéficié entre 1982 et 1984.

-dit qu'à défaut Monsieur [B] [I] devra en faire rapport à la succession ;

-débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles;

-débouté les parties de l'ensemble de leurs autres demandes;

-renvoyé les parties devant le notaire afin qu'il dresse un état liquidatif conformément aux dispositions du jugement;

-dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Monsieur [B] [I] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 16 avril 2018.

Vu les conclusions du 6 janvier 2020 auxquelles il est renvoyé pour examen des moyens et arguments de Monsieur [B] [I] qui demande à la cour de :

-réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

*qualifié de préciputaire la donation de 92.000 euros en date du 28 juillet 2008 par Madame [E] [I] au bénéfice de sa fille, Madame [Y] [I] ;

*dit que la donation d'un montant de 21.900 euros entre juillet 2007 et 2010 par Madame [E] [I] au bénéfice de sa fille, Madame [O] [I], a été faite hors part successorale ;

*débouté Monsieur [B] [I] de sa demande tendant à obtenir le rapport à la succession d'une somme reçue par [Y] [I] de 94.500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2012, d'une somme de 799,06 euros reçue par Madame [Y] [I] avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente assignation ;

*débouté Monsieur [I] de sa demande tendant à obtenir la condamnation de Madame [O] [I] à rapporter à la succession de sa mère les sommes suivantes : 21.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2012 et 2.880,29 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation ;

*débouté Monsieur [B] [I] de sa demande tendant à ce qu'il soit fait application sur ces sommes des règles du recel ;

*débouté Monsieur [B] [I] de sa demande tendant à obtenir la condamnation de [Y] et [O] [I] à ce qu'elles soient privées de tous droits sur les sommes au rapport desquelles elles seront condamnées dans la succession de leur mère ;

*débouté Monsieur [B] [I] de sa demande tendant à obtenir la condamnation in solidum de ses deux s'urs au versement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par voie de conséquence :

-condamner Madame [Y] divorcée [V] née [I] à rapporter à la succession de sa mère une somme de 94.500 euros et ce, avec intérêt au taux légal à compter du 13 février 2012 ;

-condamner Madame [O] [U] née [I] à rapporter à la succession de sa mère une somme de 21.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2012 ;

-faire application des règles du recel ;

-dire que Madame [Y] [I] et Madame [O] [U] seront privées de tous droits sur les sommes au rapport desquelles elles seront condamnées dans la succession de leur mère ;

-condamner in solidum Mesdames [O] [U] et [Y] [I] au versement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de Monsieur [B] [I] en première instance ;

-condamner Mesdames [O] [U] et [Y] [I] aux entiers dépens de première instance, dont distraction au profit de la SELARL ARES ;

-débouter les intimées de leur appel incident ;

-le dire infondé ;

-les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

-additer au jugement ;

-condamner in solidum Mesdames [O] [U] et [Y] [I] au versement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur [B] [I] ;

-les condamner aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SELARL ARES.

Vu les conclusions du 19 décembre 2019 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de [O] et [Y] [I] qui demandent à la cour de :

-dire recevable mais mal fondé l'appel principal interjeté par Monsieur [B] [I] à l'encontre du jugement rendu le 17 janvier 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Saint Malo ;

-dire recevable et bien-fondé l'appel incident formé par Mesdames [Y] et [O] [I] à l'encontre du jugement rendu le 17 janvier 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Saint Malo ;

-désigner Monsieur [L] [X], Notaire à [Localité 13], aux fins de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Madame [F] aux lieu et place de Monsieur [K], Notaire, décédé le [Date décès 8] 2018 ;

-réformer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Mesdames [Y] et [O] [I] de leurs demandes relatives au rapport successoral dû par Monsieur [B] [I].

Statuant à nouveau :

-dire Monsieur [B] [I] doit rapport à la succession a concurrence de 43.073,77 euros avant toute réévaluation ;

-dire que cette somme devra être réévaluée par le Notaire ;

-dire qu'il appartiendra au Notaire commis de tenir compte de l'ensemble des sommes reçues par Monsieur [B] [I] de ses parents ou versées par ces derniers pour son compte et à son profit ;

-dire qu'il sera fait application des règles relatives au recel successoral à propos de cette somme réévaluée ;

-dire que Monsieur [B] [I] ne pourra prétendre à aucune part dans les fonds recelés par lui ;

-condamner Monsieur [B] [I] à verser à Madame [Y] [I] et à Madame [O] [I] la somme de 2.000 euros chacune au titre de la procédure devant le Tribunal et la somme de 1.500 euros chacune au titre de la procédure devant la Cour, soit un total de 7.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

-condamner Monsieur [B] [I] au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile, dont distraction au profit de Denise Laurent- Callame, avocat aux offres de droit ;

-confirmer la décision entreprise en ses autres dispositions.

L'ordonnance de clôture à été rendue le 7 janvier 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les rapports :

Au préalable, Monsieur [I] avait demandé au premier juge de condamner : Madame [Y] [I] au rapport des sommes de 94 500 € et 799,06 € ;

Madame [O] [I] au rapport des sommes de 21 000 € et 2 881,29 €.

Il demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à ses demandes

Enonçant ses prétentions, Monsieur [I] demande à la cour de condamner Madame [Y] [I] au paiement de 94 500 € et Madame [O] [I] au paiement d'une somme de 21 000 €.

Il résulte des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. En l'absence de demande de rapport des sommes de 799,06 € et 2881,29 €, la cour ne statuera que sur les demandes de rapport de 94 500 € et 21 000 €.

Aux termes de l'article 843 du code civil : «'Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant'»

Sur les demandes à l'encontre de Madame [Y] [I] :

Aux termes de l'acte de donation partage du 24 décembre 1998, les époux [T] ont donné à chacun de leurs enfants un tiers de la valeur de leurs biens, chaque lot étant estimé à 862 000 francs. Le lot attribué à Madame [Y] [I] comprend des parts sociales à hauteur de 62 000 € et un appartement à [Localité 15] avec deux parkings d'une valeur en pleine propriété de 800 000 francs. L'acte stipule que la donataire n'aura la jouissance de ce bien qu'au jour du décès du survivant des donateurs, qui s'en réservent l'usufruit viager, et lui fait interdiction d'aliéner ou d'hypothéquer.

Mesdames [E] et [Y] [I] ont vendu cet immeuble le 25 juillet 2008, au prix de 310 000 € . Madame [E] [I] a reçu la somme de 93 000 € correspondant à la valeur de son usufruit (30% du prix de vente) Elle a déposé la somme de 92 351,72 € sur son compte de dépôt à vue, somme qui a été utilisée pour faire quatre chèques de 23 000 € chacun (total 92 000 €) au profit de la fille [Y].

Monsieur [B] [I] soutient que sa soeur a reconnu chez le notaire son obligation au rapport de la somme de 92 000 €, qu'elle a ainsi pris un engagement unilatéral qui doit recevoir exécution ; que de plus cette déclaration est un aveu de son obligation à rapport. Il soutient ensuite qu'il n'est pas rapporté la preuve que la donataire a effectué ce don hors part successorale ; que la somme de 217 000 € qu'elle a reçu lors de la vente du bien qui était dans son lot, était supérieure à celle de 862 000 francs actée dans la donation partage.

Madame [Y] [I] soutient qu'elle a reçu dans la donation partage la pleine propriété du bien ; qu'elle avait donc vocation à recevoir la totalité du prix de vente; que la somme de 92 000 € n'avait pour but que de rétablir cet équilibre au regard de son frère qui avait eu la jouissance immédiate de son lot ; que dès lors aucun rapport n'est dû sur cette somme.

Ceci étant exposé :

Il ressort de l'acte de donation partage qu'avant de constituer les lots, les donateurs ont procédé à la valorisation de biens de nature différente : parts sociales, immeubles et donation faite à [B] [I] le 4 juillet 1980. Après avoir ajouté les différentes valeurs, ils ont entendu attribuer le tiers à chacun des donataires, soit la somme de 862 000 francs. Ils ont ensuite procédé à la constitution des lots, composés de parts sociales, pour chacun des enfants, d'immeubles pour Mesdames [O] et [Y] [I] et de l'incorporation de la précédente donation pour Monsieur [B] [I]. En procédant ainsi, les donataires ont entendu faire une donation en valeur et dispenser chacun de leurs enfants du rapport à concurrence de 862 000 francs.

La somme de 862 000 francs correspond à la somme de 131 411 € .

Au moment de la vente du bien grevé d'usufruit, Madame [Y] [I] a perçu la somme de 217 000 € (310 000 € - 93 000 €). En conséquence elle n'a pas subi, du fait de l'usufruit du donateur et de la vente du bien avant le décès de l'usufruitier, l'effet d'un déséquilibre de la donation au regard du lot attribué à son frère. Dès lors, la somme de 92 000 € ne peut être considérée comme ayant été donnée pour respecter les termes de la donation partage.

A défaut de stipulation expresse de donation hors part successorale, de la somme de 92 000 € qui a entraîné un appauvrissement de la donatrice est une libéralité rapportable.

En ce qui concerne la somme de 2 500 €, Madame [I] a reconnu au procès-verbal de dires, dressé le 13 février 2012 par Me [K], qu'elle avait reçu cette somme de sa mère en septembre 2009, et qu'elle en devait le rapport. Ce dire ne vaut pas engagement sur le rapport mais rapporte la preuve de la donation de 2 500 €. A défaut pour Madame [Y] [I] de justifier d'une contrepartie à ce versement ou qu'il correspond à un don d'usage, ce versement est une libéralité soumise au rapport.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [I] de sa demande de rapport de la somme de 94 500 € et Madame [Y] [I] sera condamnée au rapport de cette somme, outre intérêts au taux légal à compter du 13 février 2012, date du procès verbal établi par Me [K].

Sur les demandes à l'encontre de Madame [O] [I] :

Le lot attribué à Madame [O] [I] dans la donation partage du 24 décembre 1998 comprend, des parts sociales à hauteur de 62 000 € et une maison d'habitation à l'Hermitage d'une valeur en pleine propriété de 800 000 francs. L'acte stipule que la donataire n'aura la jouissance de ce bien qu'au jour du décès du survivant des donateurs, qui s'en réservent l'usufruit viager, et lui fait interdiction d'aliéner ou d'hypothéquer.

Le bien a été vendu le 12 mai 2009 au prix de 210 000 €. Le courrier de Me [S], conseil de Monsieur [B] [I], repris littéralement dans le procès-verbal de dires du 13 février 2012, est confus sur la somme qui est alors revenue à Madame [E] [I]. Il y est fait état d'une somme de 64 650 € le 14 août 2008, qui ne peut résulter de la vente intervenue postérieurement. En tout état de cause, il n'est pas contesté que Madame [E] [I] a perçu la somme correspondant à son usufruit, évalué à 30% du prix de vente, que Madame [O] [I] a perçu le solde de 147 000 €.

En plus de cette somme, Madame [O] [I] a reçu de sa mère, par chèques, les sommes suivantes ( copies des chèques, pièce 23 de Monsieur [I]) :

10 juillet 2007 : 1000 €

16 septembre 2007 : 3 500 €

15 juin 2008 : 2 500 €

2 août 2008 : 2 500 €

25 novembre 2008 : 1 000 €

30 novembre 2009: 1 200 €

2 décembre 2009 : 10 000 €.

total : 21 700 €.

Elle soutient que ces différents versements n'avaient que pour objet

de rétablir l'égalité de la donation partage.

Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, Monsieur et Madame [I] avaient décidé par une donation partage, de dispenser leurs enfants du rapport à hauteur d'une somme de 862 000 francs, équivalent à 131 411 €.

Madame [O] [I] a reçu lors de la vente du bien qui lui avait été attribué 70% du prix de vente soit la somme de 147 000 €. En conséquence elle n'a pas subi, du fait de l'usufruit du donateur et de la vente du bien avant le décès de l'usufruitier, l'effet d'un déséquilibre de la donation au regard du lot attribué à son frère. Au surplus les versements effectués avant la vente de l'immeuble n'ont pu être faits pour respecter les termes de la donation partage, puisque Madame [O] [I] avait alors vocation à recevoir la pleine propriété de l'immeuble au décès de sa mère.

Monsieur [B] [I] demande que le rapport soit de 21 000 €. A défaut de stipulation expresse de donation hors part successorale, ces versements successifs qui ont entraîné un appauvrissement de la donatrice sont des libéralités rapportables.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [I] de sa demande et Madame [O] [I] devra rapporter à la succession la somme de 21 000 €. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 13 février 2012.

Sur les demandes à l'encontre de Monsieur [B] [I] :

Le 4 juillet 1980, Monsieur [I] a acheté un bien immobilier au lieudit [Adresse 16], au prix de 312 000 francs, donc 275 000 francs net vendeur. L'acte de vente précise que le prix a été payé comptant.

Il a financé son achat au moyen d'une donation de 187 000 francs du 4 juillet 1980 et réincorporée dans son lot à la donation partage du 24 décembre 2018 et d'une somme de 123 000 francs, provenant de ses parents, soit un total de 343 521,08 francs.

Monsieur [I] soutient qu'il a remboursé la somme de 123 000 francs ; et qu'à supposer que la preuve de ce remboursement ne soit pas rapportée, la dette est prescrite au décès de Madame [E] [I], plus de trente années s'étant écoulées entre le mois de juillet 1980 et le décès de Madame [F].

Mesdames [I] soutiennent que la preuve de ce remboursement n'est pas rapportée. Elles soutiennent, qu'outre les sommes dont il est fait état ci-dessus, leur frère a bénéficié de plusieurs chèques et virements de son père et de la prise en charge par ses parents de travaux et taxes dans sa maison.

Ceci étant exposé :

En premier lieu, Mesdames [I] produisent en pièces n°5, deux récapitulatifs de comptes, écrits par leur père, dont il ressort que leur frère, a reçu deux versements de 1 000 francs le 28 juillet 1977 (et non 1978 comme indiqué dans les conclusions de Mesdames [I]) et le 3 septembre 1976. Monsieur [B] [I], né le [Date naissance 5] 1960 était mineur lorsqu'il a reçu ces deux sommes, qui eu égard à leur modicité, doivent être regardées comme des dons d'usage non soumis au rapport.

En deuxième lieu, Mesdames [I] produisent des copies de talons de chèques de leur père, des pièces comptables, des factures d'artisans. Outre la donation de 187 000 €, il ressort de ces pièces que Monsieur et

Madame [I] ont versé à leur fils les sommes suivantes :

En juillet 1980 : 90 000 francs par chèque pour l'achat du bien de [N] ;

Le 12 septembre 1980: 1 500 francs par virement ;

Le 27 juillet 1981 : 65 000 francs par chèque portant la mention «'acompte pour [N]'» ;

En septembre 1981 : 17 000 francs par chèque portant la mention «'Rembt pour [N]'» ;

Le 30 septembre 1982 : 20 000 francs par chèque portant la mention «'Prêt [B]'»

Le 14 novembre 1982 : 581 francs par chèque portant la mention «'impôt foncier [B]'» ;

Le 25 novembre 1983 : 3 000 francs par chèque portant la mention «'P.[I]'» ;

Le 3 décembre 1983: 8 290 francs par chèque portant la mention «'Cpte [B] intérêt'» ;

En décembre 1983 : 3 000 francs par chèque ;

Le 15 septembre 1984 : 21 230 francs par virement.

Ces versements appellent les observations suivantes :

L'acte de donation partage n'incorpore pour la valeur de 532 400 francs aucune autre dette que celle de 187 000 francs

Il ressort des documents comptables produits par ces soeurs que Monsieur [B] [I] a reçu de ses parents, outre la somme de 187 000 francs, différents versements pour un montant total de 226 601 francs. Si la somme de 90 000 francs a assurément été employée pour l'achat de l'immeuble, les autres versements sont postérieurs à cet achat. Nonobstant les explications de Monsieur [I], confuses sur ce point, il ressort des dates et des montants des chèques et virements que s'ils ont constitué une aide alors que Monsieur [I], étudiant sans ressources, achetait un bien immobilier, il n'est pas justifié qu'ils ont été directement employés pour l'achat du bien.

Le seul prêt qui apparaît de ces documents est celui d'une somme de 20 000 francs en 1982. Monsieur [B] [I] ne fait valoir aucun moyen de prescription concernant cette dette.

Monsieur [I] produit la copie d'un talon de chèque n°6741410 du 10 octobre 1980, d'un montant de 123 000 francs et portant la mention [I] [J] emprunt placement, son extrait de compte bancaire où ce chèque est débité le 13 octobre 1980 et le contrat de prêt qu'il a souscrit auprès du Crédit Agricole le 23 septembre 1980 pour un montant de 130 000 francs. Il justifie, par ces pièces de dates concordantes, avoir versé à ses parents la somme de 123 000 francs, après avoir reçu les fonds d'un établissement bancaire. Ce paiement rapporte la preuve du remboursement des sommes de 90 000 francs ( juillet 1980) et 1 500 francs (12 septembre 1980). Monsieur [I] sera dispensé de ces rapports. En revanche, Monsieur [I] ne rapporte pas la preuve d'un remboursement des sommes qui lui ont été versées par ses parents à compter de 1981.

Monsieur [B] [I], né le [Date naissance 5] 1960, était âgé de 23 ans en 1983, il justifie qu'il suivait alors des études, de sorte que les sommes de 3 000 francs reçues le 25 novembre et en décembre 1983 doivent s'analyser en une contribution à son entretien, dispensée du rapport. Il n'est pas démontré que la somme de 581 francs (180,60 €) versée par Monsieur [I] au titre des impôts fonciers de son fils ait entraîné un appauvrissement de Monsieur et Madame [I]. Monsieur [I] sera dispensé du rapport de cette aide d'un faible montant.

Les sommes suivantes, eu égard à leur importance qui a entraîné un

appauvrissement du donateur et eu égard aux indications portées par le donateur sur les talons de chèques, ne peuvent être considérées comme des cadeaux d'usage ou une contribution à l'entretien: 65 000 francs (9 909,18 ) ; 17 000 francs ( 2 591,63 €) ;20 000 francs ( 3048,98 €) ; 8 290 francs (1263,80 €) ; 21 230 francs (3236 €). Ces sommes constituent des libéralités rapportables à hauteur de 20 049,59 €.

En troisième lieu, il ressort des pièces comptables que des travaux de toiture sur la propriété de Monsieur [B] [I] ont été payés par son père à hauteur de 29 400 francs (4 482 €) le 12 février 1981 et 23 544,47 francs (3 589,26 €) le 20 février 1981. Ces sommes constituent des avantages indirects qui, par leur montant, ont entraîné un appauvrissement des donateurs. Il s'agit en conséquence de libéralités soumises au rapport pour un total de 8 071,26 €.

Il résulte de tout ceci que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a différé l'obligation éventuelle au rapport de Monsieur [I].

Monsieur [B] [I] sera condamné à rapporter la somme de 28 120,85 €, outre intérêts au taux légal à compter du 13 février 2012. Cette somme n'ayant pas servi à l'acquisition d'un bien, Mesdames [I] seront déboutées de leur demande de réévaluation ultérieure par le notaire.

Sur le recel

Aux termes de l'article 778 du code civil : «Sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession.'»

Sur les rapports dus par Mesdames [I] :

S'il ressort des différentes lettres adressées au notaire par le conseil de Monsieur [B] [I] que Mesdames [O] et [Y] [I] n'ont pas fait état spontanément des sommes soumises au rapport, elles ont pu, du fait de la complexité de l'acte de donation partage et de la part de prix de vente conservée par le donateur, se méprendre sur l'étendue de leur droit. Leur déclaration lors de la réunion du 13 février 2012 ne vaut pas engagement à rapporter ces sommes et elles ont pu penser, de bonne foi, que le notaire qui intervenait dans le cadre du partage amiable avait fait une erreur d'appréciation.

A défaut pour Monsieur [B] [I] de démontrer l'existence d'un élément intentionnel visant à détourner les règles du partage, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande tendant à appliquer les règles du recel.

Sur le rapport dû par Monsieur [B] [I] :

Confronté à la liquidation d'une succession complexe, dans laquelle

il avait reçu une donation de 187 000 francs réévaluée en 1998 à 532 400 francs, Monsieur [I] a pu de bonne foi, penser qu'il n'avait pas à déclarer à la succession la totalité des versements qu'il a perçus entre 1981 et 1984. A défaut pour Mesdames [I] de démontrer l'existence d'un élément intentionnel visant à détourner les règles du partage, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il les a déboutées de leur demande tendant à l'application des règles du recel.

Sur la désignation du notaire :

Monsieur [I] a présenté au juge chargé de contrôler les opérations d'expertise une requête aux fins de remplacer Me [K], dans l'impossibilité d'exercer, par Me [X]. Il précise dans ses conclusions que le magistrat n'a pas répondu à sa requête. Ce changement est également demandé par Mesdames [I], il convient d'y faire droit.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

Désigné Me [K], notaire associé à [Localité 13], pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage ;

-dit que la donation d'un montant total de 92 000 € en date du 28 juillet 2008 par Madame [E] [I] au bénéfice de sa fille Madame [Y] [I] a été faite hors part successorale;

-dit que la donation d'un montant total de 21.900 euros entre juillet 2007 et 2010 par Madame [E] [I] au bénéfice de sa fille, Madame [O] [I] a été faite hors part successorale ;

-débouté Monsieur [B] [I] de sa demande de rapport à la succession de ces sommes ;

-dit que Monsieur [B] [I] devra apporter au notaire désigné les justificatifs nécessaires concernant les sommes suivantes :

* le remboursement de la somme de 581 FF en novembre 1982 et celle d'un montant total de 10.141 euros dont il a bénéficié entre 1982 et 1984.

-dit qu'à défaut Monsieur [B] [I] devra en faire rapport à la succession ;

Statuant à nouveau :

Désigne Me [X], notaire à [Localité 13], aux lieu et place de Me [K] pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage ;

Condamne Madame [Y] [I] à rapporter à la succession la somme de 94 500 € outre intérêt au taux légal à compter du 13 février 2012 ;

Condamne Madame [O] [I] à rapporter à la succession la somme de 21 000 € outre intérêts au taux légal à compter du 13 février 2012 ;

Condamne Monsieur [B] [I] à rapporter à la succession la somme de 28 120,85 € outre intérêts au taux légal à compter du 13 février 2012 ;

Déboute Mesdames [I] de leur demande de réévaluation par le notaire du montant de la somme rapportée par Monsieur [B] [I] ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage, et déboute les parties de leurs demandes d'application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles;

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18/02551
Date de la décision : 17/03/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°18/02551 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-17;18.02551 ?
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