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17/03/2020 | FRANCE | N°18/00228

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 17 mars 2020, 18/00228


1ère Chambre





ARRÊT N°96/2020



N° RG 18/00228 - N° Portalis DBVL-V-B7C-OQ6O













SCCV SOLVEO



C/



M. [W] [P]

Mme [Q] [P]



















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 MARS 2020





COMPOSIT

ION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Andrée GEORGEAULT, Conseillère



GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du ...

1ère Chambre

ARRÊT N°96/2020

N° RG 18/00228 - N° Portalis DBVL-V-B7C-OQ6O

SCCV SOLVEO

C/

M. [W] [P]

Mme [Q] [P]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 MARS 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Andrée GEORGEAULT, Conseillère

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 Janvier 2020, tenue en double rapporteur avec l'accord des parties, par Mme Françoise COCCHIELLO, présidente de chambre et Mme Brigitte ANDRÉ, conseillère entendue en son rapport

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Mars 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

La SCCV SOLVEO, Société Civile de Construction Vente, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jean-Christophe SIEBERT de la SELARL PALLIER, BARDOUL & ASSOCIES, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉS :

Monsieur [W] [P]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Olivier MECHINAUD de la SCP MECHINAUD, avocat au barreau de NANTES

Madame [Q] [P]

née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Olivier MECHINAUD de la SCP MECHINAUD, avocat au barreau de NANTES

EXPOSÉ DU LITIGE

En 2004, les époux [P] ont fait édifier une maison d'habitation à l'adresse [Adresse 2], sur une parcelle de lotissement contiguë à la zone d'aménagement concerté de la Solvadière dont le règlement avait été approuvé le 16 octobre 1988. En 2011, la SCCV Solveo a fait construire, sur la parcelle contiguë dépendant de la ZAC de la Solvadière, un immeuble collectif d'habitation d'une hauteur de dix mètres. Se plaignant d'une perte d'ensoleillement consécutive à la construction de cet immeuble, les époux [P] ont obtenu, par ordonnance de référé du 13 mai 2015, la désignation de M. [Z] [U] en qualité d'expert judiciaire. Celui-ci a déposé son rapport le 8 février 2016.

Le 9 juin 2016, les époux [P] ont fait assigner la SCCV Solveo devant le tribunal de grande instance de Nantes en réparation d'un trouble anormal de voisinage résultant de la perte d'ensoleillement et de luminosité de leur pièce de séjour.

Par jugement du 19 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Nantes a condamné la SCCV Solveo à payer aux époux [P] les sommes de 15 000 euros en réparation de leur préjudice et de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCCV Solveo a relevé appel de ce jugement, demandant à la cour de l'infirmer et de :

- juger que la perte d'ensoleillement consécutive à la construction de l'immeuble collectif de logements est limitée et n'a pas la gravité caractérisant un trouble anormal de voisinage ;

- juger que les règles d'urbanisation de la ZAC de la Solvadière étaient connues en 2004 et donc prévisibles pour M. et Mme [P] ; 

- dire qu'il n'existe pas de trouble anormal de voisinage lié à une perte d'ensoleillement ;

- condamner les époux [P] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Les époux [P] concluent à la confirmation du jugement et sollicitent la condamnation de la SCCV Solveo à leur payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par l'appelant le 9 mars 2018 et par les époux [P] le 9 avril 2018.

EXPOSÉ DES MOTIFS

En application de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. Toutefois ce droit est limité par le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage.

En zone urbaine, si le trouble de voisinage résultant de constructions nouvelles régulièrement autorisées peut parfois être admis, l'appréciation du caractère anormal du trouble doit tenir compte du milieu existant, nul n'étant assuré, à défaut de bénéficier d'une servitude non aedificandi, de conserver un environnement totalement dégagé dans une zone dédiée à l'urbanisation. Il en résulte que l'ensoleillement d'un immeuble ne peut pas, en ville, être immuable et faire l'objet d'une sorte de droit acquis au bénéfice de propriétaires d'immeubles déjà construits, lesquels ne sont pas fondés à arguer de tels troubles dès lors que leur propriété se situe dans une zone d'habitat continu, rendant prévisible, notamment du fait de l'existence d'un plan d'urbanisme, l'édification de nouvelles constructions.

En l'espèce, le salon-séjour de la maison de M. et Mme [P], seule pièce souffrant de la perte d'ensoleillement consécutive à la construction édifiée sur la parcelle voisine, est largement éclairé par trois baies vitrées, l'une à l'Est, la seconde au Sud et la troisième à l'Ouest. La baie vitrée ouverte sur le pignon Sud, implanté à une distance comprise entre 2,98 mètres et 4,24 mètres de la limite séparative des fonds, est en milieu de journée, du fait de l'ombre portée par la construction voisine, totalement privée d'ensoleillement direct pendant la période comprise entre le 16 octobre et le 24 février et partiellement privée de cet ensoleillement au début du mois d'octobre et jusque vers la mi-mars. Les époux [P] en déduisent l'existence d'un trouble anormal de voisinage.

Mais en implantant leur maison en milieu urbain, quasiment à la distance minimale de la limite de propriété imposée par le règlement d'urbanisme (3 mètres), alors qu'ils savaient que la parcelle voisine était également destinée à être occupée par une construction soumise à des règles d'urbanisme comparables qu'ils avaient déjà la possibilité de connaître, à savoir une construction d'une hauteur d'environ 11 mètres implantée à 3 mètres de la limite séparative des fonds, les époux [P] savaient que l'ensoleillement provenant de la baie ouvrant sur le pignon Sud serait à bref délai limité au moins pendant certaines périodes de l'année. Or, l'expert a démontré que le volume de l'immeuble réalisé par la SCCV Solveo est bien inférieur à ce qu'autorisait le règlement d'urbanisme, tant en terme de recul par rapport à la limite séparative des fonds que de hauteur de l'immeuble, notamment en raison de la construction du dernier étage en attique. Il en résulte que la perte d'ensoleillement résultant de cette construction est nettement moindre que ce à quoi les époux [P] s'exposaient et ne caractérise pas un trouble anormal de voisinage.

En outre, le trouble mis en évidence par l'expert est limité en durée, tant dans la journée que dans l'année, et n'a pas d'impact significatif sur les conditions d'habitabilité de l' immeuble, ni même de la pièce impactée par cette perte relative de luminosité de sorte qu'il n'excède pas non plus à ce titre, les inconvénients normaux de voisinage dans un secteur urbanisé. Le jugement critiqué sera en conséquence infirmé.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 19 décembre 2017 par le tribunal de grande instance de Nantes ;

Statuant à nouveau,

Déboute les époux [P] de leurs demandes ;

Condamne les époux [P] à payer à la SCCV Solveo la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne les époux [P] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18/00228
Date de la décision : 17/03/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°18/00228 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-17;18.00228 ?
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