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06/03/2020 | FRANCE | N°17/08718

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 06 mars 2020, 17/08718


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°124



R.G : N° RG 17/08718 - N° Portalis DBVL-V-B7B-OO2P













M. [O] [F]



C/



SAS ST2S

















Infirmation partielle















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 MARS 2020








COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience p...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°124

R.G : N° RG 17/08718 - N° Portalis DBVL-V-B7B-OO2P

M. [O] [F]

C/

SAS ST2S

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 MARS 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Février 2020

En présence de Madame Pascale ROBERT-SANCHEZ, médiatrice

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Mars 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [O] [F]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 5] (56)

demeurant [Adresse 4]

[Localité 3]

comparant à l'audience et représenté par Me Louis-Georges BARRET de l'AARPI LIGERA AVOCATS, Avocat au Barreau de NANTES

INTIMEE :

La SAS ST2S prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Me Annaïg COMBE substituant à l'audience Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Nicolas LEGER (CABINET PROSKAUER ROSE LLP), Avocat plaidant du Barreau de PARIS

La société ST2S (transport public routier de personnes en situation de handicap) a été créée en 2007 par M. [O] [F] auquel étaient associés M. [D] et M. [T] sous la forme d'une SARL, avant d'adopter à compter de l'assemblée extraordinaire du 17 avril 2013, la forme sociale d'une SAS.

A l'issue de cette assemblée extraordinaire, la SAS ST2S a nommé la société holding 2BR représentée par M. [D] en qualité de président et M. [F] en qualité de Directeur général.

Le 25 avril 2013, M. [O] [F] a vendu l'ensemble de ses parts dans la SAS ST2S à la société holding 2BR et a été embauché par la société ST2S dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à effet au 2 mai 2013, en qualité de Directeur général, statut cadre, son mandat étant révocable "ad nutum et sans préavis" en application de l'article 12.1 des statuts de ST2S.

Le jour même, les sociétés ST2S, 2BR et J.L.I. appartenant toutes à M.[D] et M. [T] ont été cédées à la société holding 2BR Mobilité dont M. [F] devenait également membre du directoire.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la Convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport, M. [O] [F] percevait un salaire moyen de 12.129,47 € brut.

Le 20 janvier 2016, M. [F] a fait l'objet d'une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 29 janvier 2016, assortie d'une mise à pied conservatoire.

Le 20 janvier 2016, la société 2BR Mobilité a adressé un courrier à M. [F] par lequel elle le révoquait de son mandat de directeur général de la société ST2S.

Le 1er février 2016, l'assemblée générale de la société holding 2BR Mobilité a révoqué M. [F] de son mandat de membre du directoire de celle-ci.

M. [F] a été licencié par lettre du 5 février 2016.

Saisi à la requête de M. [F], le Conseil de prud'hommes de Nantes, en formation de référé a rejeté sa demande en jugeant que sa demande se heurtait à une contestation sérieuse par ordonnance du 26 avril 2016, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Rennes du 15 octobre 2016.

Le 21 mars 2016, M. [F] a saisi le Conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de voir juger illicite le cumul entre un contrat de travail et un mandat social et a présenté les chefs de demandes suivants à l'encontre de la SAS ST2S :

- 116.728,97 € brut de rappel au titre des heures supplémentaires,

- 11.672,89 € brut au titre des congés payés afférents,

- 70.214,32 € à titre d'indemnité pour perte de repos compensateur,

- 72.776,82 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales de travail,

- 10.293,59 € brut à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.029,35 € brut au titre des congés payés afférents,

- 12.993,49 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- Intérêts au taux légal et anatocisme,

- Régularisation des cotisations Pôle Emploi sous astreinte,

- Remise des documents sociaux sous astreinte,

- Exécution provisoire,

- Fixer le salaire mensuel brut de référence à la somme de 12.129,45 €,

- 7.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

A titre reconventionnel, la SAS ST2S a présenté les demandes suivantes à l'encontre de M. [F] :

' Constater que le cumul entre le contrat de travail et le mandat social de [F] n'était pas licite,

' Constater que le contrat de travail de M. [F] était suspendu pendant la durée du mandat social,

' Constater que le licenciement de M. [F] repose sur une cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire,

' Débouter M. [F] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre infiniment subsidiaire,

' Limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum prévu par l'article L. 1235-3 du Code du travail, soit 6 mois de salaires,

En tout état de cause,

' Constater que les demandes formulées par M. [F] relatives à la législation sur la durée du travail sont infondées,

' Débouter M. [F] du surplus de ses demandes,

' Condamner M. [F] à lui verser la somme de 1.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

' Condamner M. [F] aux entiers dépens,

' Condamner M. [F] au remboursement d'une somme de 29.847,72 € à titre d'indemnité légale de licenciement indûment versée.

La cour est saisie d'une appel régulièrement formé par M. [O] [F] le 13 décembre 2017 contre le jugement du 22 novembre 2017, notifié le 24 novembre 2017 par lequel le Conseil des prud'hommes de Nantes a :

' Dit que le licenciement de M. [F] est intervenu pour une cause réelle et sérieuse,

' Débouté M. [F] de l'intégralité de ses demandes,

' Condamné M. [F] à verser à la SAS ST2S les sommes suivantes :

- 26.732,37 € au titre du remboursement de l'indemnité de licenciement indûment versée,

- 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

' Condamné M. [F] aux dépens.

Vu l'avis fixant la clôture de la procédure au 21 janvier et l'audience de plaidoiries au 6 février 2020

Vu les écritures notifiées le 3 août 2018 par voie postale par lesquelles M. [F] demande à la cour de :

' Infirmer le jugement,

' Constater et reconnaître le caractère de salarié au sein la SAS ST2S depuis le 2 mai 2013,

' Condamner la SAS ST2S à lui verser :

- 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 116.728,97 € brut à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 11.672,89 € brut au titre des congés payés afférents,

- 70.214,32 € à titre d'indemnité pour perte de repos compensateur,

- 72.776,82 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales de travail,

- 10.293,59 € brut à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.029,35 € brut au titre des congés payés afférents,

- 12.993,49 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

' Condamner en outre la SAS ST2S à lui verser :

- la régularisation des cotisations qui auraient dû être versées à Pôle Emploi sur la période du 2 mai 2013 au 19 janvier 2016, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision à intervenir,

- les bulletins de salaire, le certificat de travail et une attestation Pôle Emploi, conforme sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision à intervenir.

Vu les écritures notifiées le 9 mai 2019 par voie électronique par lesquelles la SAS ST2S demande à la cour de :

'Confirmer intégralement le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité légale de licenciement à rembourser par M. [F] à 26.732,37 € au lieu de 29.847,72 €,

' Constater que le cumul entre le contrat de travail et le mandat social de [F] n'était pas licite,

' Constater que le contrat de travail de M. [F] était suspendu pendant la durée du mandat social,

' Constater que le licenciement de M. [F] repose sur une cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire,

' Débouter M. [F] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre infiniment subsidiaire,

' Limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum prévu par l'article L. 1235-3 du Code du travail, soit 6 mois de salaires,

En tout état de cause,

' Constater que les demandes formulées par M. [F] relatives à la législation sur la durée du travail sont infondées,

' Débouter M. [F] du surplus de ses demandes,

' Condamner M. [F] à lui verser la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

' Condamner M. [F] aux entiers dépens,

' Condamner M. [F] au remboursement d'une somme de 29.847,72 € à titre d'indemnité légale de licenciement indûment versée.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le cumul contrat de travail/mandat social :

Pour infirmation de la décision entreprise et effectivité de son contrat de travail salarié, M. [O] [F] fait essentiellement plaider que son mandat social a pris fin en avril 2013, à la date de la démission de la présidence de 2BR à l'occasion de la cession de la société, qu'il n'y a pas eu de cumul entre contrat de travail et mandat social, au demeurant lié au mandat de la présidence de 2BR, qu'à compter du 17 avril 2013, il n'a plus signé de procès-verbal d'AG mais un contrat de travail de Directeur de ST2S avec des fonctions restreintes, la fin de son mandat lui permettant de poursuivre son investissement en tant que salarié avec les garanties attachées, y compris en ce qui concerne le chômage, le titre n'ayant pour but que de conserver son crédit auprès des clients et des équipes.

M. [O] [F] soutient en outre qu'il n'a été ni associé ni informé de la modification des statuts de la SAS ST2S, accompagnée de la clôture de l'exercice au 30 avril 2013 puis de la fermeture et de la radiation de la société holding 2BR, qu'il lui était assuré que le titre de son contrat n'aurait aucune incidence sur son statut salarié, que le K-bis produit et qu'il a découvert n'est pas conforme à la réalité, qu'il n'a jamais donné son accord pour poursuivre son mandat aux côtés de la nouvelle entité, qu'il n'y a donc pas de cumul illicite, qu'il a seulement demandé la mise en conformité de son contrat de travail avec ce qui figurait sur le K-bis, qu'en réalité son contrat de travail n'a jamais été suspendu, qu'il produit des bulletins de salaire où il apparaît soumis à un horaire salarié, qu'il exerçait ses fonctions en étant soumis à un lien de subordination, qu'il lui était refusé d'exercer un pouvoir de sanction et contraint de demander l'autorisation de recruter du personnel qu'il devait rendre compte à sa hiérarchie au niveau du groupe et exerçait réellement des fonctions techniques distinctes de gestion de transport.

M. [O] [F] entend à cet égard relever que les termes des reproches contenus dans la lettre de licenciement qui revient sur l'intégralité du contrat sans distinguer les différentes périodes, démontrent qu'il était soumis à un lien de subordination, de même que le régime de fixation des congés payés incompatible avec le statut de mandataire social, de la réduction du secteur géographique d'activité de la société, des instructions et remarques sur le respect du à ses supérieurs hiérarchiques comme le contrôle exercé par le Groupe sur le recrutement de salariés et de la perte totale de toute autonomie, se traduisant notamment par une absence de pouvoir financier et de signature, du transfert du service parc auto et de son personnel à la holding.

Soulignant que depuis la perte de ses fonctions de Dirigeant mandataire, il exerçait en réalité les fonctions techniques de gestionnaire de transports de la SAS ST2S, outre celles de Directeur régional ou de Directeur d'agence, M. [O] [F] expose que M. [X] exerçait à son encontre un pouvoir de sanction et le traitait comme les autres salariés en ce qui concerne la notification de la période pendant laquelle, il ne pouvait prendre de congés, que la rémunération qu'il percevait était conforme à celle des autres cadres du groupe BR2 Mobilité, qu'il était traité comme tel s'agissant notamment du développement commercial, qu'en réalité il n'avait pas même la qualité de cadre dirigeant dans la mesure où lui était en outre opposé un refus de communication des documents légaux de la société et de toute information depuis le 25 avril 2013.

La SAS ST2S rétorque qu'après avoir créé la SAS ST2S le 21 mai 2007 et en avoir détenu une minorité de blocage jusqu'au 25 avril 2013, M. [F] en a été le gérant mandataire du 21 mai 2007 au 17 avril 2013, qu'il en est devenu le Directeur Général mandataire de sa transformation en SAS au 20 janvier 2016, en continuant à mener la direction de la société totalement indépendante des autres sociétés du Groupe, qu'à sa demande et en dépit des mises en garde, il a conclu un contrat de travail reprenant à l'identique les missions dévolues dans le cadre de son mandat social, qu'il n'a eu la qualité de salarié que du 20 janvier 2016 au 2 mai 2016.

La SAS ST2S entend préciser qu'en sa qualité de Directeur Général figurant à sa demande sur l'extrait K-Bis de la société, il représentait la société auprès des tiers, était le seul à disposer d'un chéquier et d'une carte bancaire de la société, il était en charge, notamment, du développement commercial et économique, de la gestion des ressources humaines et de la gestion financière et comptable de la Société et participait également à l'élaboration des décisions stratégiques de la société et était pleinement impliqué dans les décisions prises au niveau du Groupe, qu'il a occupé jusqu'au 1er février 2016 les fonctions de membre du Directoire de la société 2BR Mobilité dont il était actionnaire depuis le 25 avril 2013, qu'il était seul en charge de la mise en 'uvre des décisions arrêtées au niveau du Groupe au sein de la société dont les statuts ne prévoyaient aucune limitation de ses pouvoirs de Directeur Général,

La SAS ST2S ajoute qu'en dépit du fait qu'il lui appartient de démontrer la licéïté du cumul contrat de travail/mandat social dès lors que le contrat de travail est postérieur à sa nomination en qualité de mandataire social, M. [F] se borne à produire des bulletins de paie et des échanges de courriels ne faisant état d'aucune directive et ce, en trois ans d'activité, qu'en toute hypothèse aucune des trois circonstances susceptibles de caractériser la licéïté du cumul n'est établie, qu'il ne peut être soutenu qu'il exerçait des fonctions techniques distinctes de celles de son mandat social, qu'aucun lien de subordination n'est caractérisé dès lors qu'il détenait les pouvoirs les plus étendus au sein de la société, qu'un tel lien ne pouvait résulter des directives du conseil d'administration ou du contrôle exercé par les associés majoritaires, qu'il n'a jamais été soumis à un pouvoir disciplinaire au sens du droit du travail.

La SAS ST2S réfute les arguments développés par M. [O] [F] pour caractériser sa condition de salarié, tenant à la lettre de licenciement, au contrôle exercé par le Groupe sur le recrutement de salariés et la fixation des congés payés, à la modification du secteur commercial de la société par rapport aux autres sociétés du Groupe et à la réorganisation du service parc auto ou à l'absence alléguée de pouvoir financier et de signature.

En droit, le cumul mandat social et contrat de travail est possible dans une SAS à condition de respecter des conditions strictes :

- Le contrat de travail doit correspondre à un emploi effectif et par conséquent correspondre à des fonctions techniques nécessitant des compétences spécifiques distinctes de celles exercées dans le cadre des fonctions du mandat social,

- Les fonctions techniques exercées en tant que salarié doivent faire l'objet d'une rémunération distincte de celle prévue pour le mandat de dirigeant,

- Le dirigeant doit impérativement être placé dans un état de subordination à l'égard de la société, c'est-à-dire sous l'autorité et le contrôle de celle-ci.

Pour que le cumul soit valable, le contrat doit être soumis à un contrôle spécifique des actionnaires de la SAS.

Dans l'hypothèse où le cumul du mandat social et du contrat de travail est licite, le mandataire social est considéré comme un salarié pour les fonctions effectuées au titre de son contrat de travail. Il bénéficie alors d'une couverture sociale mais également du chômage en cas de licenciement ou de liquidation de la SAS.

A l'inverse, le mandat social et le contrat de travail ne peuvent être cumulés par un dirigeant de SAS dans le but de frauder la loi, c'est à dire de s'assurer une sécurité par l'intermédiaire d'un contrat de travail. Conclu uniquement dans ce but, le contrat de travail est illicite.

S'il a été conclu avant la prise de fonction du dirigeant, le contrat de travail est suspendu jusqu'à la fin du mandat social et à l'inverse, si la prise de fonction du dirigeant est déjà intervenue, le contrat ne peut être valablement conclu pendant la durée du mandat social.

En l'espèce, M. [F] a été nommé en qualité de Directeur général de la SAS ST2S à l'issue de l'assemblée extraordinaire du 17 avril 2013 et n'a été embauché par la société ST2S qu'à compter du 2 mai 2013 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée signé le 25 avril 2013, par conséquent postérieurement à sa désignation en qualité de Directeur Général de la société, de sorte que le contrat de travail signé dans ces conditions ne pouvait être licite.

Au surplus, il ressort des pièces produites et des écritures des parties que le contrat de travail a été conclu dans ces conditions, pour annihiler les conséquences d'une éventuelle révocation ad nutum du mandat social de Directeur général de la société ST2S, peu important que ce dernier soit attaché ainsi que l'invoque l'appelant, au mandat de président de cette société confié à la société 2BR.

A cet égard, la cinquième résolution du procès verbal des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du 17 avril 2013 de la société ST2S (pièce 26-1 de l'appelant) portant désignation de M. [O] [F] en qualité de Directeur général de la société pour une durée indéterminée, précise que l'intéressé n'aura qu'un rôle auxiliaire du Président auquel il restera subordonné, aura comme le Président le droit de représenter la société à l'égard des tiers et percevra en compensation de la responsabilité et de la charge attachées à ses fonctions, une rémunération équivalente à celle qu'il percevait en qualité de gérant de la société sous son ancienne forme mais ne précise à aucun moment que ces fonctions de mandataire social sont liées à l'exercice des fonctions de président par la société 2BR.

Il s'évince également de ce qui précède que M. [O] [F] n'est pas fondé à tirer argument de la relation de subordination ou du règlement d'une rémunération équivalente à celle perçue quand il était gérant, qu'il invoque pour soutenir qu'en réalité il n'exerçait pas effectivement des fonctions de mandataire social, la preuve n'étant pas de surcroît rapportée qu'il exerçait des fonctions techniques distinctes de celles de mandataire social.

Il y a lieu en conséquence de confirmer la décision entreprise et de débouter M. [O] [F] des prétentions formulées à ce titre.

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail :

En conséquence des développements qui précèdent établissant que M. [O] [F] n'avait pas la qualité de salarié pour la période antérieure au 6 janvier 2016, date de la révocation de son mandat de Directeur général de la société ST2S, il ne peut solliciter le versement de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents revendiqués, d'indemnités pour perte du repos compensateur, d'indemnité pour travail dissimulé ainsi que de dommages et intérêts pour non respect des durées maximales de travail et exécution déloyale du contrat de travail.

M. [O] [F] n'est pas plus fondé à solliciter les rappels de solde d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et d'indemnité de licenciement ou à réclamer qu'il soit procédé à la régularisation du paiement des cotisations chômage à Pôle Emploi.

Il y a lieu en conséquence de confirmer la décision entreprise de ces chefs et de débouter M. [O] [F] des demandes formulées à ces titres.

Sur la rupture :

Pour infirmation et défaut de cause réelle et sérieuse de son licenciement, M. [O] [F] fait plaider en substance qu'il a fait l'objet d'un licenciement verbal résultant de l'annonce faite aux membres du groupe de son licenciement avant même l'entretien préalable et que pour l'essentiel, l'employeur lui reproche des griefs concernant la période prétendue de l'exercice de son mandat alors que le mandat allégué n'était plus en vigueur depuis la démission de la société 2BR de son mandat de président.

La SAS ST2S objecte qu'il ne peut être tiré argument de l'information adressée aux membres du groupe pour répondre aux interrogations des tiers concernant la révocation du mandat social de M. [O] [F] et que la jurisprudence la plus établie permet pour licencier un salarié après la révocation de son mandat social, de faire référence à ses carences dans l'exercice de ce mandat, caractérisées en l'espèce sur le plan commercial par la perte de clients historiques, le manque de prospection, des résultats insuffisants et un refus de coopérer avec les autres dirigeants du groupe, en particulier avec son président avec qui il partageait les mêmes pouvoirs de représentation, avec un comportement déplacé marqué par une attitude d'obstruction et des abus de langage compromettant les intérêts de la société, outre le multiplication des instances judiciaires.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Le licenciement est l'acte unilatéral par lequel l'employeur manifeste une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat, il appartient au salarié, qui invoque l'existence d'un licenciement verbal d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, il est établi que le 20 janvier 2016, M. [X] a adressé un courriel aux membres de la direction du Groupe ainsi qu'aux actionnaires, ainsi rédigé : "Je vous informe de la révocation avec effet immédiat de Monsieur [O] [F] en tant que Directeur Général de ST2S. Cette décision fait suite aux nombreux et profonds désaccords existants entre ce dernier et le Groupe 2BR Mobilité (')" et leur précise que le discours à tenir vis-à-vis des employés comme des tiers est très simple et général : vous avez "été informé que pour des raisons de désaccord sur la stratégie, Monsieur [F] ne fait plus partie de l'entreprise".

Nonobstant la révocation du mandat de M. [F] le jour même, la diffusion par le Président de la société d'un courriel par lequel il invite ses interlocuteurs, membres et actionnaires du groupe à indiquer aux tiers et par conséquent de rendre public le fait que M. [O] [F] n'est plus membre de la société, constitue à l'égard de ce dernier un licenciement verbal et ce, sans que sa mise à pied conservatoire et sa convocation concomitantes à un entretien préalable à son licenciement puissent justifier une publicité de cette nature, dans des termes évoquant de surcroît l'existence de désaccord sur la stratégie permettant de supposer sans ambiguïté que son départ n'était pas consenti et par conséquent que la décision était prise de rompre toute relation avec l'intéressé.

La société ayant poursuivi au delà du licenciement verbal, la procédure de licenciement de M. [F] pour cause réelle et sérieuse, même en se fondant sur des manquements liés à l'exercice de ses mandats sociaux, a de fait admis la formation d'un contrat de travail la liant à M. [F] postérieurement à la révocation du mandat.

Il y a lieu en conséquence de réformer le jugement entrepris et de juger que le licenciement M. [O] [F] est dénué de cause réelle et sérieuse.

La rupture du contrat de travail de M. [O] [F] étant intervenue le jour même de la révocation du mandat de Directeur général de la SAS ST2S, l'intéressé ne disposait à la date de la rupture d'aucune ancienneté en tant que salarié de cette société, de sorte qu'il ne peut pas prétendre au versement d'une indemnité de licenciement.

En revanche, compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise et de l'absence de perte d'ancienneté et en l'absence d'information sur la situation de l'intéressé postérieurement à la rupture, seules les conséquences morales de la rupture à son égard peuvent être appréciées et ce, indépendamment des conditions antérieures de la cession de la société.

En conséquence et compte tenu des circonstances de la rupture, postérieurement justifiée par l'employeur par des manquements relatifs à l'exécution de ses mandats sociaux, il y a lieu d'allouer à M. [F], en application de l'article L. 1235-5 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 une somme de 25.000 € à titre de dommages-intérêts correspondant à deux mois de salaire, la décision entreprise étant réformée de ce chef ;

Sur la demande reconventionnelle relative à l'indemnité compensatrice de préavis :

Ni M. [O] [F] ni la SAS ST2S ne font valoir en cause d'appel aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause la décision rendue par les premiers juges au terme d'une analyse approfondie des faits et d'une exacte application du droit par des motifs pertinents que la cour adopte ; il y a lieu par conséquent de confirmer la décision entreprise de ce chef.

Sur la remise des documents sociaux :

La demande de remise de documents sociaux conformes est fondée ; il y sera fait droit dans les termes du dispositif ci-dessous sans qu'il y ait lieu à astreinte ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile, de sorte qu'elles doivent être déboutées de leur demande formulée à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

DÉCLARE abusif le licenciement de M. [O] [F],

CONDAMNE la SAS ST2S à payer à M. [O] [F] la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

CONDAMNE la SAS ST2S à remettre à M. [O] [F] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification

CONFIRME la décision entreprise pour le surplus,

CONDAMNE la SAS ST2S aux entiers dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 17/08718
Date de la décision : 06/03/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 08, arrêt n°17/08718 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-06;17.08718 ?
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