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03/03/2020 | FRANCE | N°18/01494

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 03 mars 2020, 18/01494


1ère Chambre





ARRÊT N°88/2020



N° RG 18/01494 - N° Portalis DBVL-V-B7C-OVEJ













M. [E] [I]



C/



CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE LOIRE ATLANTIQUE

Mme [O] [G] épouse [I]

















Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 MARS 2020


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COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,





GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé





D...

1ère Chambre

ARRÊT N°88/2020

N° RG 18/01494 - N° Portalis DBVL-V-B7C-OVEJ

M. [E] [I]

C/

CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE LOIRE ATLANTIQUE

Mme [O] [G] épouse [I]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 MARS 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Janvier 2020 devant Madame Christine GROS, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Mars 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [E] [I]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représenté par Me Alice LE BLAY de la SCP ROBET-LEDUC-LE BLAY, avocat au barreau de NANTES

INTERVENANTE VOLONTAIRE EN CAUSE D'APPEL :

Madame [O] [G] épouse [I]

née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 9]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représentée par Me Alice LE BLAY de la SCP ROBET-LEDUC-LE BLAY, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉ :

Le CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE LOIRE ATLANTIQUE, représenté par son Président en exercice domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 9]

Représentée par Me Vincent BERTHAULT de la SELARL ABC, avocat au barreau de RENNES

M. [I] est propriétaire d'une parcelle cadastrée NY [Cadastre 3] et [Cadastre 5] [Adresse 10], sur laquelle est construite sa maison d'habitation. La parcelle voisine, n°[Cadastre 4] est la propriété du Conseil Départemental de Loire Atlantique. Le 24 septembre 2010, M. [I] a mis en demeure le Conseil Départemental d'abattre les arbres en bordure de propriété. Cette demande s'est heurtée à un refus implicite de l'administration. Le 16 décembre 2011, deux épicéas se sont abattus sur la propriété de M. [I] à la suite d'une forte tempête.

L'assureur du Conseil Départemental de Loire Atlantique a indemnisé M. [I] à hauteur de 1 138,83 € correspondant au débitage de l'épicéa encore sur la propriété de M. [I] lors de l'expertise contradictoire, et à la moitié de la réparation du mur mitoyen. Quelques mois plus tard, l'assureur, ayant appris que son assuré avait procédé au règlement total de la réfection du mur, il a demandé à M. [I] de lui reverser un trop perçu de 612,18 €.

Le 21 février 2012, le Conseil Départemental de Loire Atlantique a fait diligenter une expertise des deux pins laricio situés sur sa propriété. Aux termes de son rapport, l'Office Nationale des Forêts (ONF) a conclu à l'existence de plusieurs nids d'hiver de chenilles rendant leur éradication souhaitable.

M. [I] a saisi la juridiction administrative d'une requête tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du 24 septembre 2010. Il a demandé également une indemnisation du préjudice résultant pour lui de la présence de ces arbres et qu'il soit fait injonction à l'administration de procéder à leur abattage.

Par jugement du 15 novembre 2016, le tribunal administratif de Nantes s'est déclaré incompétent et à renvoyer M. [I] à mieux se pourvoir.

M. [I] a assigné le Conseil Départemental de Loire Atlantique devant le tribunal de grande instance de Nantes, par acte du 24 mars 2017.

Par jugement du 11 janvier 2018, le tribunal a :

-débouté M. [I] de l'intégralité de ses demandes ;

-débouté le Conseil départemental de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné M. [I] aux dépens.

M. [I] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 28 février 2018.

Vu les conclusions du 16 décembre 2019 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de M. et Mme [I] qui demandent à la cour de :

-réformer le jugement entrepris.

A titre principal,

-constater que la présence des pins Laricio constitue une atteinte à la sécurité des biens et des personnes et sera qualifiée de trouble de voisinage,

-condamner le Conseil Départemental à faire procéder à l'abattage des deux pins Laricio implantés sur la parcelle [Cadastre 4] lui appartenant, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.

Très subsidiairement,

-ordonner sous la même astreinte, l'élagage des pins Laricio litigieux au droit de la propriété [I] ainsi que l'éradication totale des nids de chenilles processionnaires qui s'y trouvent.

En toutes hypothèses,

Condamner le Conseil Départemental à payer à M. et Mme [I] :

- Au titre du solde du préjudice résultant de la chute des deux sapins épicéas le 16 décembre 2011 la somme de 3 636,44 €,

- Au titre du trouble de jouissance résultant des chutes d'aiguilles, de pommes de pin et de branches sur les toitures de la propriété la somme de 10 000 €,

- Au titre de la présence des nids de chenilles processionnaires non traités la somme de 10 000 €,

- Sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 5 000 €,

- Condamner le Conseil Départemental en tous les dépens de première instance et d'appel, y compris les frais de constats d'huissier de justice des 23 avril 2018 et du 1er février 2013.

Vu les conclusions du 23 août 2019 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments du Conseil départemental 44 qui demande à la cour de :

-déclarer l'intervention de Mme [I] irrecevable en cause d'appel,

-débouter M. [I] de l'intégralité de ses demandes,

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y additant,

-condamner M. [I] à verser au Conseil Départemental de Loire Atlantique une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner M. [I] aux entiers dépens dont distraction au profit de Vincent Berthault, avocat aux offres de droit.

L'ordonnance de clôture était rendue le 17 décembre 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'intervention de Mme [I] en cause d'appel :

Mme [I], propriétaire avec son époux de la parcelle cadastrée NY [Cadastre 3] et [Cadastre 5] [Adresse 10] dispose d'un intérêt à intervenir en cause d'appel.

Sur l'abattage des pins Laricio :

Dès lors que M. [I] ne conteste pas la régularité de l'implantation des arbres par rapport à la limite de propriété, le moyen de la prescription trentenaire, opposé par l'administration à la demande d'abattage des arbres, est inopérant.

M. et Mme [I] soutiennent que le rapport d'expertise conforte leurs doléances, tant en matière de chute que de nuisances diverses ; que les aiguilles de ces pins, des pommes de pin et des branches cassées viennent se déposer sur leur toiture, leur causant un trouble anormal de voisinage ; qu'il en est de même de la présence des nids de chenilles qui peuvent à tout moment choir sur leur propriété. M. [I] justifie, par une lettre du 30 juillet 2007 du Conseil Départemental, qu'il avait subi un premier sinistre sur sa toiture en raison de la chute de branches, à défaut d'élagage. Le Conseil Départemental s'était engagé à prendre en charge les réparations de toiture consécutives à ce sinistre. Il produit un constat d'huissier réalisé le 23 avril 2018 dont il ressort que les toits et les abords de la maison sont recouverts d'une abondante couche d'épines et de nombreuses pommes de pin ; que des ardoises sont brisées sur la toiture au niveau du chenil et du garage, et qu'une importante branche de pin se situe sur la toiture du chenil, au niveau des ardoises fendues ou brisées.

Ceci étant exposé :

Au termes de l'article L113-1 du code de l'urbanisme : «Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements.»

Il résulte des dispositions de l'article L130-1 du même code, en vigueur lors de l'élaboration du PLU de la ville de [Localité 9], et reprises désormais à l'article R421-23 : «Doivent être précédés d'une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivants :

(...)

g) Les coupes et abattages d'arbres dans les bois, forêts ou parcs situés sur le territoire de communes où l'établissement d'un plan local d'urbanisme a été prescrit, ainsi que dans tout espace boisé classé en application de l'article L 11361 (...)».

Le Conseil Départemental de Loire Atlantique produit le PLU de la ville de [Localité 9]. Il est stipulé à l'article 13.2 de ce plan que «'les espaces boisés classés figurant au plans de zonage, sont soumis aux dispositions des article L130-1 et suivants du code de l'urbanisme'. Le Conseil Départemental produit les plans de zonage. Il ressort des plans annexés au PLU que les arbres litigieux sont implantés dans un espace boisé classé, ce qui est confirmé par le rapport d'expertise de l'ONF. Par voie de conséquence, il ne peut être procédé à l'abattage de ces arbres sans déclaration préalable.

Surabondamment, il ressort de l'expertise réalisée en 2012 par l'ONF que les deux épicéas sont respectivement de 25 mètres et 29 mètres de hauteur, qu'ils sont plantés à une distance de 15 mètres de l'habitation de M. [I] et 4 mètres des annexes, le houppier de l'un d'entre eux (arbre n°1) surplombant les annexes ; que dans des conditions météorologiques normales, leur renversement est improbable. Le rédacteur du rapport a observé plusieurs nids de chenilles processionnaires.

Le rapport ne préconise pas l'abattage ni même l'élagage de l'arbre n°2. Pour l'arbre n°1, il préconise une taille de réduction en aplomb de la propriété riveraine côté habitation et une éclaircie sur l'ensemble du houppier. Pour lutter contre les chenilles, il préconise un échenillage avec brûlage et pose d'écopièges.

Il ressort d'un rapport de diagnostic sanitaire effectué en juin 2019 par l'ONF que des pièges à chenilles ont été posés, que la dangerosité des arbres n°1 et 2 est faible et qu'aucune intervention n'est à réaliser en l'absence de cibles potentielles concernant les bois morts.

Il ressort du diagnostic le plus récent que le danger pour la sécurité des personnes et du fonds voisin est faible, les arbres plantés à 15 mètres de l'habitation de M. [I], faisant l'objet d'un entretien. Les chutes d'aiguilles et pommes de pin, même si elles constituent une contrainte, ne sont pas, en secteur boisé, et au surplus classé, un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [I] de ses demandes d'abattage et d'élagage.

M. [I] ne démontre pas davantage que les chenilles processionnaires qui nichent dans ces arbres prolifèrent jusqu'à constituer une menace pour son fonds ou pour les personnes. Il ressort du dernier diagnostic que des mesures ont été prises pour les éradiquer. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande tendant à enjoindre au Conseil Départemental d'éradiquer les nids de chenilles.

Sur les demandes indemnitaires:

M. [I] soutient que le préjudice résultant de la chute des deux épicéas le 16 décembre 2011 a été évalué contradictoirement à la somme de 4 775,27 € ; qu'il subit un trouble de jouissance depuis l'année 2010 résultant de la chute d'aiguilles, de pommes de pin et de branches sur sa toiture et des chenilles non traitées.

Le Conseil Départemental répond que l'expertise contradictoire de 2011 n'a pas constaté les dégâts invoqués sur le cupressus arizona du requérant, qu'il a été diligent lors de la tempête du 16 décembre 2011.

Ceci étant exposé :

En premier lieu, le constat d'huissier produit par M. [I] n'est pas suffisant pour démontrer que les dommages de toitures constatés sont survenus après le sinistre de 2007, du fait de chutes de branches. Dès lors que les chutes d'aiguilles ou de pommes de pin sont dans ce secteur, un inconvénient normal, et que les nids de chenilles sont traités, M. [I] ne peut qu'être débouté des ses demandes indemnitaires au titre des préjudices de jouissance qu'il invoque.

En second lieu, le 2 juillet 2012, il a été procédé à une réunion d'expertise contradictoire de l'évaluation des dommages dus au titre du sinistre de 2011, en présence des parties et des représentants de chaque compagnie d'assurance. Le procès-verbal précise qu'il n'a pour but que de donner aux assureurs les éléments objectifs nécessaires à la gestion du sinistre et qu'il n'implique pas la prise en charge par tel ou tel assureur les indemnités qui lui seront réclamées. Il a été noté au procès-verbal contradictoire de constatations les évaluations suivantes :

'débitage du bois de l'arbre tombé sur la propriété de M. [I] et abattage et débitage du cupressus arizona appartenant à M. [I] : 1 643,09 € TTC ;

Valeur de remplacement du cupressus arizona : 2 520 € TTC ;

Réparation du mur d'enceinte de la propriété, 50% : 612,18 € TTC.

Total : 4775,27 €'

Il est ajouté au procès-verbal que les dommages au cupressus de M. [I] n'ont pas été observés contradictoirement, cet arbre ayant été débité et évacué avant la réunion d'expertise.

Le conseil Départemental ayant procédé à la réfection totale du mur d'enceinte, M. [I] a été indemnisé uniquement de l'évacuation de l'arbre tombé sur sa propriété.

Contrairement à ce que soutient M. [I], les dommages causés à son cupressus arizona n'ont pas été constatés contradictoirement et l'évaluation n'en a été faite que sur ses déclarations. Par ailleurs, il ressort des termes du procès-verbal que celui-ci ne constitue pas un engagement de réparation à hauteur des évaluations qu'il contient. Dès lors, M. [I] ne peut, sans justifier d'un préjudice supplémentaire, demander un solde indemnitaire au regard de ce seul constat.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [I] de ses demandes indemnitaires.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire ;

Reçoit l'intervention de Mme [O] [I] en cause d'appel ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Condamne M. [E] [I] aux dépens en cause d'appel ;

Déboute le Conseil Départemental de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18/01494
Date de la décision : 03/03/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°18/01494 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-03;18.01494 ?
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