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03/03/2020 | FRANCE | N°17/01561

France | France, Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 03 mars 2020, 17/01561


3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N° 124



N° RG 17/01561



N° Portalis DBVL-V-B7B-NX5M













M. [W] [C]

Mme [K] [H] épouse [C]

M. [L] [F]

Mme [X] [C] épouse [S]

Mme [O] [C] épouse [V]

SARL CORYPHENE INFORMATIQUE



C/



M. [Z] [C]















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée







Copie exécutoire

délivrée



le :



à : Me Lhermitte

Me Chupin

Me Bernier











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 MARS 2020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE...

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N° 124

N° RG 17/01561

N° Portalis DBVL-V-B7B-NX5M

M. [W] [C]

Mme [K] [H] épouse [C]

M. [L] [F]

Mme [X] [C] épouse [S]

Mme [O] [C] épouse [V]

SARL CORYPHENE INFORMATIQUE

C/

M. [Z] [C]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Lhermitte

Me Chupin

Me Bernier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 MARS 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Isabelle GESLIN OMNES, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 Janvier 2020

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 03 Mars 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [W] [C]

né le [Date naissance 5] 1945 à [Localité 16], de nationalité française

[Adresse 13]

[Localité 9]

Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SCP LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Alexandra ILLIAQUER, plaidant, avocat au barreau de NANTES

Madame [K] [H] épouse [C]

née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 9], de nationalité française

[Adresse 13]

[Localité 9]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Alexandra ILLIAQUER, plaidant, avocat au barreau de NANTES

Madame [X] [C] épouse [S]

née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 9], de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 15]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Alexandra ILLIAQUER, plaidant, avocat au barreau de NANTES

Madame [O] [C] épouse [V]

née le [Date naissance 7] 1976 à [Localité 9], de nationalité française

[Adresse 8]

[Localité 14]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Alexandra ILLIAQUER, plaidant, avocat au barreau de NANTES

Monsieur [L] [F]

né le [Date naissance 6] 1950 à [Localité 17], de nationalité française

[Adresse 11]

[Localité 10]

Représenté par Me Vincent CHUPIN de la SELARL PUBLI-JURIS, plaidant/postulant, avocat au barreau de NANTES

SARL CORYPHENE INFORMATIQUE inscrite au RCS de NANTES sous le numéro 438 824 948, prise en la personne de son représentant légal.

[Adresse 11]

[Localité 10]

Représentée par Me Vincent CHUPIN de la SELARL PUBLI-JURIS, plaidant/postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉ :

Monsieur [Z] [C]

né le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 9]

[Adresse 12]

[Localité 9]

Représenté par Me Joachim BERNIER de la SELARL CLARENCE, plaidant/postulant, avocat au barreau de NANTES

FAITS ET PROCEDURE :

Les actions de la société [C] Immobilier étaient détenues par M. [W] [C], son épouse, ses trois enfants, [X], [Z] et [O], et M. [T] [M].

Le 11 juillet 2011, M. [W] [C], président directeur général et principal actionnaire de la [C] Immobilier, a signé une promesse de vente de 100% des parts sociales de cette société au profit de M. [L] [F]. M. [W] [C] s'est porté fort de ses coactionnaires. M. [F] agissait en son nom personnel ainsi qu'au nom de toute société qu'il pourrait se substituer à l'occasion de la réitération.

La vente ainsi projetée prévoyait une clause de révision du prix sur la base des comptes sociaux au 30 septembre 2011, ainsi qu'une garantie d'actif et de passif. La réitération des actes devait être réalisée au plus tard le 15 octobre 2011, M. [W] [C] s'engageant à accepter un contrat d'agent commercial avec la société [C] immobilier prenant effet au lendemain de la cession et pour une période ferme d'un an.

L'acte réitératif a été signé le 28 octobre 2011 entre le cédant et les cessionnaires, M. [L] [F] et la société Coryphène informatique, étant précisé que M. [T] [M] avait préalablement cédé sa participation à M. [W] [C]. Dans cet acte, M. [W] [C] a agi en son nom et comme mandataire de ses enfants. Un contrat de garantie d'actif et de passif a également été signé ce même jour entre, d'une part, M. [W] [C] et son épouse et, d'autre part, la société Coryphène informatique.

Estimant avoir découvert de nouveaux éléments sur la situation de la société après la signature de l'acte, les acheteurs ont obtenu, comme prévu au contrat, la désignation d'un expert-comptable, arbitre unique, avec pour mission :

- d'entendre contradictoirement les désaccords des parties sur l'arrêté des comptes de référence au 30 septembre 2011,

- trancher et, par suite, arrêter les dits comptes,

- déterminer, en conséquence le prix définitif des actions.

La sentence arbitrale a été rendue le 28 décembre 2012, concluant à une minoration du prix de cession de 9.633,05 euros.

Le 28 octobre 2015, la société [C] immobilier a été placée en liquidation judiciaire.

M. [F] et la société Coryphène informatique ont assigné M. [W] [C], Mme [K] [H] épouse [C], Mme [X] [C] épouse [S], M. [Z] [C] et Mme [O] [C] épouse [V] en annulation de la vente pour dol.

Par jugement du 28 décembre 2016, le tribunal de commerce de Nantes a :

' Débouté M. [L] [F] et la société Coryphène informatique de leur demande d'annulation de la vente sur le fondement du dol et de leurs demandes visant à condamner solidairement les cédants à leur reverser le prix de vente provisoire de 676.000 euros, les droits d'enregistrement et timbre fiscal de 18.936 euros ainsi que les honoraires versés à l'occasion de la cession de 11.506,72 euros,

- Débouté M. [L] [F] et la société Coryphène informatique de leur demande d'expertise aux fins de déterminer la valeur des actions au jour de la cession,

- Condamné M. [W] [C] à verser à M. [L] [F] et la société Coryphène informatique une somme limitée à 20.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'utilisation de la marque «[C]»,

- Condamné M. [W] [C] à payer M. [L] [F] et la société Coryphène informatique une somme de 100.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des déficiences dans la gestion des autorisations professionnelles des agents commerciaux,

' Condamné M. [W] [C] à payer à M. [L] [F] et la société Coryphène informatique une somme de 80.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'interruption prématurée de son contrat d'agent commercial et du fait de ses agissements déloyaux,

' Débouté M. [W] [C] et les consorts [C] de leur demande reconventionnelle.

' Débouté les parties de leurs autres demandes fins et conclusions,

' Condamné M. [W] [C] Mme [K] [H] épouse [C], Mme [X] [C] épouse [S], Mme [O] [C], épouse [V], succombants in solidum à payer en équité la somme de 10.000 euros, à M. [L] [F] et la société Coryphène informatique,

' Ordonné l'exécution provisoire de la décision,

' Condamné M. [W] [C], Mme [K] [H] épouse [C], Mme [X] [C] épouse [S], Mme [O] [C], épouse [V], aux dépens.

M. [W] [C], Mme [K] [C] née [H], Mme [X] [S] née [C] et Mme [O] [V] née [C] ont interjeté appel le 25 janvier 2017 et M. [F] et la société Coryphène informatique le 3 mars 2017.

Les dernières conclusions de M. [W] [C], Mme [K] [C] née [H], Mme [X] [S] née [C] et Mme [O] [V] née [C] sont en date du 15 janvier 2020. Les dernières conclusions de M. [L] [F] et de la société Coryphène informatique sont en date du 7 janvier 2020. Les dernières conclusions de M. [Z] [C] sont en date du 17 décembre 2019.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2020.

Le 27 janvier 2020, une note en délibéré a été demandé aux parties :

Il semble que l'action individuelle d'un associé ne soit recevable que si le préjudice invoqué est distinct du préjudice subi par la société et que des fautes qui ont eu pour effet de dévaloriser la valeur des parts de l'associé n'auraient qu'un effet indirect sur le patrimoine de ce dernier.

Il est donc demandé aux parties, pour le 12 février 2020 au plus tard, de faire valoir leurs observations sur la recevabilité des demandes subsidiaires de M. [F] et de la société Coryphène informatique, pris en leurs qualités d'associés de la société acquise, au titre des préjudices résultant de la valeur moindre des actions, du préjudice financier résultant de l'engagement de leurs ressources financières personnelles et du manque à gagner et de leur préjudice moral.

Les parties ont fait valoir leurs observations en réponse dans les délais requis.

PRETENTIONS ET MOYENS :

M. [W] [C], Mme [K] [C] née [H], Mme [X] [S] née [C] et Mme [O] [V] née [C] demandent à la cour de :

- Recevoir les consorts [C] dans leurs écritures,

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nantes en date du 28 décembre 2016 en ce qu'il a débouté les demandeurs de leur demande d'annulation de la vente sur le fondement du dol et de leurs demandes visant à condamner solidairement les cédants à leur reverser le prix de vente provisoire de 676.000 euros, les droits d'enregistrement et le timbre fiscal de 18.936 euros ainsi que les honoraires versés à l'occasion de la cession de 11.506,72 euros,

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nantes en date du 28 décembre 2016 en ce qu'il a débouté les demandeurs de leur demande d'expertise aux fins de déterminer la valeur des actions au jour de la cession,

' Réformer le jugement du tribunal de commerce de Nantes en date du 28 décembre 2016 en ce qu'il a :

' Condamné M. [W] [C] à verser à M. [L] [F] et la société Coryphène informatique une somme limitée à 20.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'utilisation de la marque «[C]»,

' Condamné M. [W] [C] à payer M. [L] [F] et la société Coryphène informatique une somme de 100.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des déficiences dans la gestion des autorisations professionnelles des agents commerciaux,

' Condamné M. [W] [C] à payer à M. [L] [F] et la Société Coryphène Informatique une somme de 80.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'interruption prématurée de son contrat d'agent commercial et du fait de ses agissements déloyaux,

' Condamné les consorts [C] à verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Débouté M. [W] [C] et les consorts [C] de leur demande reconventionnelle,

Et statuant à nouveau :

- Débouter la société Coryphène informatique et M. [F] de l'ensemble de leurs demandes fins et prétentions,

- Débouter la société Coryphène informatique et M. [F] de leur demande de dommages-intérêts à hauteur de 165.000 euros en réparation de leur préjudice financier et 70.000 euros au titre de leur préjudice moral,

- Débouter la société Coryphène informatique et M. [F] de leur demande de dommages-intérêts :

- 166.000 euros de dommages et intérêts au titre de la valeur moindre des actions du fait de la dissimulation d'opérations faussant la situation nette de la société,

- 135.200 euros de dommages et intérêts au titre de la valeur moindre des actions du fait de leurs déclarations mensongères concernant la dénomination «[C] Immobilier»,

- 220.000 euros de dommages et intérêts au titre de la valeur moindre des actions du fait du détournement et de l'interruption prématurée du contrat d'agent commercial de M. [C],

- 37.000 euros de dommages et intérêts au titre de la valeur moindre des actions du fait du non remboursement de son compte courant d'associé par M. [C] et du non règlement de la minoration du prix provisoire,

- 165.000 euros au titre de leur demande de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier,

- 70.000 euros au titre de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

A titre reconventionnel :

- Faire droit à la demande reconventionnelle et condamner la société Coryphène informatique à payer aux consorts [C] la somme de 64.023 euros au titre du reliquat du prix de cession,

- Condamner la société Coryphène informatique et M. [F] au paiement solidaire d'une somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [F] et la société Coryphène Informatique demandent à la cour de :

A titre principal :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [L] [F] et la société Coryphène informatique de leur demande d'annulation de la vente sur le fondement du dol et de leurs demandes visant à condamner solidairement les cédants à leur reverser le prix de vente provisoire de 676.000 euros, les droits d'enregistrement et timbre fiscal de 18.936 euros ainsi que les honoraires versés à l'occasion de la cession de 11.506,72 euros,

Statuant de nouveau :

- Prononcer la nullité de la cession des actions de la société [C] immobilier intervenue le 28 octobre 2011 entre les parties suivantes :

- Cédants : M. [W] [C], Mme [K] [H] épouse [C], Mme [X] [C] épouse [S], M. [Z] [C] et Mme [O] [C] épouse [V],

- Acquéreurs : M. [L] [F] et la société Coryphène informatique,

- Condamner solidairement ou à défaut in solidum les cédants tels qu'identifiés ci-dessus à reverser à M. [L] [F] et à la société Coryphène informatique le prix de vente provisoire (676.000 euros), les droits d'enregistrement et timbre fiscal (18.936 euros) ainsi que les honoraires versés à l'occasion de la cession (11.506,72 euros), avec intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2011 et avec anatocisme dans les conditions de l'ancien article 1154 du code civil (aujourd'hui article 1343-2),

- Si une expertise était ordonnée aux fins de déterminer la valeur des actions au jour de la cession, mettre les frais d'expertise à la charge des cédants, dire et juger que les acquéreurs avanceront ces frais d'expertise et condamner les cédants à rembourser aux acquéreurs lesdites dépenses sur présentation des justificatifs de règlement,

- Condamner solidairement ou à défaut in solidum les cédants tels qu'identifiés ci-dessus à payer aux acquéreurs 165.000 euros de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier du fait de l'engagement de leurs ressources financières personnelles, sauf à avoir ordonné le paiement d'intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2011 avec anatocisme dans les conditions de l'ancien article 1154 du code civil (aujourd'hui article 1343-2),

- Condamner in solidum les cédants tels qu'identifiés ci-dessus à verser à M. [L] [F] et à la Société Coryphène Informatique 70.000 euros de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,

A défaut, à titre subsidiaire :

- Infirmer le jugement en ce qu'il n'a condamné que M. [W] [C] seul à payer à M. [L] [F] et à la société Coryphène informatique des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a limité ces indemnisations à :

- 20.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'utilisation de la marque «[C]»,

- 100.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des déficiences dans la gestion des autorisations professionnelles des agents commerciaux,

- 80.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'interruption prématurée de son contrat d'agent commercial et du fait de ses agissements déloyaux.

Statuant de nouveau sur ces préjudices :

- Condamner solidairement ou à défaut in solidum les cédants tels qu'identifiés ci-dessus à verser à M. [L] [F] et à la société Coryphène informatique,

- 166.000 euros de dommages et intérêts au titre la valeur moindre des actions du fait de la dissimulation d'opérations faussant la situation nette de la société,

- 135.200 euros de dommages et intérêts au titre de la valeur moindre des actions du fait de leurs déclarations mensongères concernant la dénomination «[C] Immobilier»,

- 220.000 euros de dommages et intérêts au titre de la valeur moindre des actions du fait de leur responsabilité dans les défections des agents commerciaux,

- 220.000 euros de dommages et intérêts en raison de la valeur moindre des actions du fait du détournement et de l'interruption prématurée du contrat d'agent commercial de M. [W] [C],

- 37.000 euros de dommages et intérêts en raison de la valeur moindre des actions du fait du non remboursement de son compte-courant d'associé par M. [W] [C] et du non règlement de la minoration du prix provisoire,

- 165.000 euros de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier du fait de l'engagement de leurs ressources financières personnelles et du manque à gagner induit,

- 70.000 euros de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,

En toute hypothèse :

- Confirmer le jugement rendu le 28 décembre 2016 par le tribunal de commerce de Nantes en ce qu'il a alloué à M. [L] [F] et à la société Coryphène informatique une indemnité de 10.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non répétibles de première instance,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum les cédants aux dépens de première instance,

- Condamner solidairement ou à défaut in solidum les cédants tels qu'identifiés ci-dessus à verser à M. [L] [F] et à la société Coryphène informatique une indemnité de 15.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non répétibles d'appel,

- Condamner solidairement ou à défaut in solidum les cédants tels qu'identifiés ci-dessus aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- Déclarer irrecevable l'appel incident de M. [Z] [C] pour défaut de droit d'agir,

- Déclarer irrecevable la demande de M. [W] [C], Mme [K] [H] épouse [C], Mme [X] [C] épouse [S] et Mme [O] [C] épouse [V] tendant à la condamnation de la société Coryphène Informatique à leur verser 64.023 euros, si mieux n'aime les en débouter,

- Débouter M. [W] [C], Mme [K] [H] épouse [C], Mme [X] [C] épouse [S], Mme [O] [C] épouse [V], et M. [Z] [C] de l'intégralité de leurs demandes, écrits, fins et conclusions plus amples ou contraires.

M. [Z] [C] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [L] [F] et la société Coryphène Informatique de leur demande d'annulation de la cession des actions de la société [C] Immobilier,

Infirmer le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau :

- Débouter M. [L] [F] et la société Coryphène informatique de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Condamner in solidum M. [L] [F] et la société Coryphène informatique à payer à M. [Z] [C] la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur la recevabilité de l'appel incident de M. [Z] [C] :

M. [Z] [C] demande la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la vente et l'infirmation pour le surplus. Etant lui même l'un des vendeurs, il a intérêt à intervenir en appel en défense aux demandes d'infirmation du jugement présentées par M. [F] et la société Coryphène Informatique. Cependant, il n'a pas fait l'objet des condamnations prononcées par le tribunal. Son appel incident est donc irrecevable en ce qu'il demande l'infirmation du jugement.

Sur le dol :

Le dol est une cause de nullité de la convention. Il se caractérise par des man'uvres d'une partie sans lesquelles l'autre partie n'aurait pas contracté. Le dol a ainsi une composante matérielle et un composante intentionnelle.

Article 1116 du code civil (rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016) :

Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

M. [L] [F] et la société Coryphène informatique font valoir que leur consentement aurait été vicié par un dol.

L'acte de vente définitif a été passé le 28 octobre 2011 et c'est à cette date qu'il convient de se placer pour déterminer si le consentement des acquéreurs a été vicié par des man'uvres antérieures des cédants.

L'acte du 28 octobre 2011 renvoie à la promesse du 11 juillet 2011, avec laquelle il fait donc corps, et précise qu'elle n'est aucunement modifiée et continue à s'appliquer dans toutes ses dispositions, à quelques exceptions détaillées, le prix de cession provisoire étant révisé à la somme de 676.000 euros. L'article 6.1 de la promesse du 11 juillet 2011 indiquait que le promettant déclarait que la société ne se trouvait impliquée, ou en passe de l'être, dans aucune action judiciaire ou enquête administrative, à l'exception du litige [A] exposé dans le projet de garantie.

Une convention de garantie d'actif et de passif a été passée le 28 octobre 2011 entre M. [W] [C] et Mme [K] [C] et la société Coryphène informatique. L'article 4.20. de cette convetion, intitulé «Litiges», précisait qu'un litige avec un ex-agent commercial, litige [A], était en cours de traitement judiciaire, qu'une provision comptable de 100.000 euros avait été constituée dans les comptes au 30 septembre 2010, la décision du tribunal étant en délibéré en octobre 2011. Les garants ajoutaient qu'aucun autre litige n'était engagé à l'encontre de la société, qu'ils n'avaient connaissance d'aucune instance susceptible d'être intentée contre la société devant une quelconque juridiction.

Il apparaît cependant que la société [C] immobilier avait été assignée le 15 juin 2010 par les consorts [N] et qu'une audience de mise en état avait eu lieu le 19 octobre 2011. De même, la société [C] immobilier avait bénéficié d'un jugement en sa faveur le 8 juin 2010 à l'encontre de la société Paris Properties et avait obtenu à ce titre le paiement de la somme de 25.000 euros. Cette décision avait fait l'objet d'une requête en omission de statuer, objet d'un jugement du 9 septembre 2011, et d'un appel de ce dernier le 28 septembre 2011. Même si l'appel n'a été signifié à la société [C] Immobilier que le 2 décembre 2011, le jugement dont appel n'était pas définitif à la date de la cession des parts sociales. La société [C] Immobilier avait également assigné la société D'Ampi le 22 septembre 2009, qui avait été condamnée par jugement du 8 novembre 2010 à lui payer la somme de près de 40.000 euros. La société D'Ampi avait interjeté appel le 23 décembre 2010 et l'appel était en cours à la date de la cession, la société [C] immobilier concluant le 24 août 2011.

Ces trois procédures correspondaient à des litiges engagés à l'encontre de la société [C] Immobilier au sens de la garantie ou du moins l'impliquant au sens de la promesse reprise à l'acte réitératif. Les cédants ne pouvaient en ignorer l'existence et auraient du en faire part lors de la cession. Cependant, le prix convenu entre les parties n'était que provisoire et les risques financiers résultant de l'existence de ces litiges étaient couverts par la procédure de révision de prix permettant d'en tenir compte. C'est d'ailleurs du fait de l'existence de ces litiges que la procédure d'arbitrage a abouti à une baisse de prix de 9.633 euros. L'existence de ces litiges n'avait donc pas d'incidence sur le consentement des acquéreurs.

La société [C] immobilier a été assignée en garantie par acte du 16 février 2012 par M. [D]. Cet appel en garantie faisait suite à l'assignation dont avait fait l'objet M. [D] le 2 septembre 2011. Il n'est pas établi que la société [C] immobilier ait été avertie, avant la date de cession des parts sociales, de cette mise en cause de M. [D] devant une juridiction. Il n'est donc pas établi que les garants avaient connaissance que cette instance était susceptible d'être intentée contre la société [C] immobilier.

Le contrat de cession du 28 octobre 2011, reprenant la promesse du 11 juillet 2011, indiquait que le cédant déclarait que la société engageait huit agents commerciaux, en renvoyant sur ce point au projet de garantie. Il en résulte que cet acte renvoyait explicitement au contenu du projet de garantie, repris par l'acte de garantie du 28 octobre 2011. Ce dernier mentionnait le nom des six agents commerciaux alors engagés, dont les sociétés Restimmo Conseils, représentée par M. [J], et [Y], représentée par M. [R]. Le garant déclarait qu'aucune restriction de leur capacité à honorer leur contrat d'agent ne lui avait été signalé.

Il résulte des lettres de M. [F] en date des 29 août 2011, 30 septembre 2011 et 14 octobre 2011 qu'il était particulièrement attentif à la situation des agents commerciaux, précisant ainsi qu'il lui paraissait indispensable que soit validée la pleine capacité de chacun des agents commerciaux à remplir ses obligations nées du contrat et qu'il souhaitait que le contrat de garantie comporte une déclaration comme quoi le cédant s'en était assuré. C'est d'ailleurs en se sens que les acquéreurs ont obenu de M. [W] [C] qu'il consente lui-même un contrat d'agent commercial.

Le contrat d'agent commercial concernant M. [R] visait la société [Y], pris en la personne de M. [R], et le contrat d'agent commercial concernant M. [J] avait été transféré à sa société, la société Restimmo Conseils, par avenant du 19 octobre 2009. Il n'est pas justifié que les sociétés [Y] ou Restimmo Conseils n'aient pas été à jour des déclarations et autorisations nécessaires à la poursuite des contrats d'agents commerciaux les liant à la société [C] Immobilier. Le manquement allégué par les acheteurs n'est pas établi.

M. [M], autre agent commercial, avait rompu son contrat avant la cession et ce départ était connu des acheteurs. Il n'est pas justifié que d'éventuels manquements afférents à la situation de M. [M] avant la cession aient eu des effets sur la situation financière de la société [C] Immobilier.

Le fait que M. [W] [C] n'ait pas poursuivi son contrat d'agent commercial est postérieur à la signature de l'acte du 28 octobre 2011 et n'était pas prévisible à cette date. Il ne peut constituer l'élément constitutif d'un dol.

Les éventuelles irrégularités dans la facturation d'une commission pour M. [I] pour la somme de 6.000 euros ne sont pas directement imputables aux cédants. Elles ne sont pas non plus le signe d'une gestion irrégulière de la société [C] Immobilier mettant en cause l'appréciation que pouvait en avoir les acquéreurs.

Les éventuelles difficultés de mise en oeuvre de la garantie sont postérieures à la date de la cession. Elles ne peuvent constituer un dol.

Les relevés du compte courant de M. [W] [C] dans la société [C] Immobilier font état d'un virement à son profit de 10.000 euros le 21 octobre 2011 et de chèques à lui même les 26 et 27 octobre 2011 pour 2.800 et 27.462,05 euros. Par lettre de début d'année 2012, M. [W] [C] a donné son accord sur le calcul faisant ressortir une somme due de 26.317,24 euros.

Il n'explique pas comment, la veille du jour de la cession, il a pu prélever sur la société cédée une somme dépassant ce qu'il lui était du pour près de 26.000 euros. Le fait qu'il ai pu régulariser par la suite cette dette est sans effet sur la gravité de la manoeuvre consistant à prélever des sommes indues la veille du jour de la signature de l'acte de cession.

Le contrat de garantie du 28 octobre 2011 indique que la société est titulaire de la dénomination «[C] Immobilier» dont l'usage ne peut lui être contesté par quiconque, car il ne porte pas atteinte aux droits de tiers, et n'est ni antériorisé par une marque, ni par un quelconque droit de premier usage d'une autre personne morale et que son utilisation ne donne lieu au versement d'aucune indemnité ou redevance au profit de quiconque.

Le contrat précisait également qu'aucun des droits de propriété intellectuelle de la société n'a ou ne fait l'objet d'une contrefaçon ou d'une atteinte quelconque par un tiers et qu'aucun des garants, mandataires sociaux, salariés ou collaborateurs extérieur de la société ne détenait, directement ou indirecteement, en tout ou partie, un droit de propriété intellectuelle, nécessaire à l'exploitation des activités de la société.

Il apparaît que le 22 février 2011 la société IMCO 2CI a déposé les marques «[C] Immobilier», «[C]» et «[C] commerce». M. [Z] [C] est gérant de la société IMCO 2CI, il a été salarié de la société [C] Immobilier d'octobre 2000 au 24 septembre 2007 et il est l'un des cédants des parts sociales.

Les mentions du contrat de garantie du 28 octobre 2011 portant sur la dénomination «[C] Immobilier» sont donc erronées. La convention de cession du 28 octobre 2011 faisait mention de la signature concomitante du contrat de garantie qui était donc un élément déterminant du consentement des acquéreurs. Le fait que le nom même de la société cédée fasse l'objet d'un dépôt de marque, marque qui n'était pas inclue dans la cession, et que l'existence de cette marque, détenue par une société gérée par l'un des cédants, ait été dissimulée aux acquéreurs n'a pu qu'affecter leur consentement.

Il ne peut être utilement prétendu que les cédants n'avaient pas connaissance de ce que l'un d'entre eux détenait, même indirectement, la marque portant le nom de la société cédée.

La société [C] Immobilier était connue pour son activité sous ce nom. Cette notoriété était une des composantes déterminantes de sa valeur même. En tout état de cause, le fait que cette marque ait été déposée le 22 février 2011, soit seulement quelques mois avant la signature de la promesse de vente, était le signe de difficultés à venir résultant d'un risque d'utilisation du nom de la société par un concurrent potentiel. Même si ce dépôt de marque a par la suite été rapporté par son titulaire, il n'en demeure pas moins que M. [Z] [C] a, par la suite, poursuivi une activité dans le domaine de la vente immobilière sous son nom. Le fait qu'il ait fait déposé la marque [C] Immobilier peu de temps avant la cession aurait, s'il avait été connu des acheteurs, averti ces derniers de ce risque important de création sous un nom très proche d'une activité de transaction immobilière pouvant venir en concurrence.

Il apparaît que ces manoeuvres de détournement de sommes d'argent la veille de la cession et de dissimulation du dépôt d'une marque pouvant nuire à l'exploitation de la société ont vicié le consentement des acquéreurs. Sans ces maneuvres, ils n'auraient à l'évidence pas contracté. Il y a donc lieu d'annuler la cession des parts sociales du 28 octobre 2011.

Du fait de cette annulation, la demande de paiement du solde du prix de cession est sans objet.

La société [C] Immobilier est en liquidation judiciaire. Cette procédure n'a pas été clôturée et la société n'a donc pas pris fin. La restitution des parts sociales est donc possible.

Il y a donc lieu de condamner les vendeurs à restituer le prix de la cession, soit la somme de 676.000 euros outre les droits d'enregistrement et de timbre fiscal pour 18.936 euros et les honorares payés à l'occasion de la cession pour 11.506,72 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2011 et capitalisation des intérêts dus pour une année. Il y a lieu de condamner les acquéreurs à restituer les parts sociales acquises.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner M. [W] [C], Mme [K] [C] née [H], Mme [X] [S] née [C],Mme [O] [V] née [C] et M. [Z] [C] aux dépens d'appel et de rejeter les nouvelles demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Déclare l'appel irrecevable l'appel incident relevé par M. [Z] [C],

- Confirme le jugement en ce qu'il a condamné M. [W] [C], Mme [K] [H], épouse [C], Mme [X] [C], épouse [S], Mme [O] [C], épouse [V], à payer en équité la somme de 10.000 euros, à M. [L] [F] et la société Coryphène informatique ainsi qu'aux dépens,

- Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau :

- Annule la cession des parts sociales de la société [C] Immobilier intervenue le 28 octobre 2011 entre, d'une part, M. [W] [C], Mme [K] [C] née [H], Mme [X] [S] née [C],Mme [O] [V] née [C] et M. [Z] [C] et, d'autre part, M. [L] [F] et la société Coryphène Informatique,

- Condamne solidairement M. [W] [C], Mme [K] [C] née [H], Mme [X] [S] née [C], Mme [O] [V] née [C] et M. [Z] [C] à payer à M. [L] [F] et la société Coryphène Informatique les sommes de 676.000 euros, 18.936 euros et 11.506,72 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2011 et capitalisation des intérêts dus pour une année,

- Rejette les autres demandes des parties,

- Condamne M. [W] [C], Mme [K] [C] née [H], Mme [X] [S] née [C], Mme [O] [V] née [C] et M. [Z] [C] aux dépens d'appel qui seront recouvrés en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 3ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17/01561
Date de la décision : 03/03/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 02, arrêt n°17/01561 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-03;17.01561 ?
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