.
1ère Chambre
ARRÊT N°53/2020
N° RG 18/01159 - N° Portalis DBVL-V-B7C-OUAG
M. [S] [L]
C/
Mme [U] [L] épouse [O]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 11 FÉVRIER 2020
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,
Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère, entendue en son rapport
Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Décembre 2019
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Février 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [S] [L]
né le [Date naissance 6] 1977 à [Localité 21]
[Adresse 10]
[Localité 29]
Représenté par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN-DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Pierre-Bruno GENON-CATALOT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Madame [U] [L] épouse [O]
née le [Date naissance 4] 1952 à [Localité 21]
[Adresse 30]
[Localité 12]
Représentée par Me Basile CRENN de la SELARL SIAM CONSEIL, avocat au barreau de BREST
EXPOSÉ DU LITIGE
[Y] [L], divorcé de [Z] [C], est décédé le [Date décès 2] 1993, laissant pour lui succéder sa fille, Mme [U] [L] épouse [O], et son petit fils, M. [S] [L] venant par représentation de son père décédé le [Date décès 1] 1989. La contestation formée par M. [L] à l'encontre du testament partage olographe du 12 novembre 1990, portant répartition de biens immobiliers entre les deux héritiers, a été rejetée par jugement du [Cadastre 9] janvier 1999.
Le 11 juin 2003, le tribunal de grande instance de Brest, saisi par Mme [U] [O], a ordonné l'ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de [Y] [L], a désigné pour y procéder Me [N] et Me [B], notaires à [Localité 21], a ordonné l'inscription à la Conservation des Hypothèques d'un droit de priorité au profit de M. [S] [L] en cas de mise en vente de la maison du [Adresse 30] au prix correspondant à la valeur vénale de l'immeuble situé à [Adresse 22] et a débouté M. [S] [L] de ses demandes de licitation immédiate des terrains et de réduction pour atteinte à la réserve.
Les notaires ayant établi, le 17 mai 2011, un procès-verbal de carence, Mme [U] [O] a saisi le tribunal d'une demande d'homologation du projet d'acte de partage qu'ils avaient établi. Cependant, faute de signification à M. [S] [L] du jugement contradictoire du 11 juin 2003, le tribunal de grande instance a, le 15 mai 2013, déclaré irrecevable la demande de Mme [U] [O].
Me [A] et Me [D], notaires désignés en remplacement des notaires précédemment commis, ont soumis, le 21 août 2014, un projet de partage que M. [L] a refusé de signer de sorte qu'un procès -verbal de difficultés a été établi.
Le [Cadastre 16] mars 2015, Mme [U] [O] a assigné M. [S] [L] devant le tribunal de grande instance de Brest afin, au visa des articles 840 et suivants du code civil, d'homologation du projet d'acte de liquidation de la succession de [Y] [L] établi conjointement par Me [A] et Me [D] et d'attribution des biens conformément à ses propositions.
Le 17 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Brest a :
- débouté M. [S] [L] de ses demandes de rapport à la succession de sommes par Mme [U] [O] et d'application du recel successoral ;
- déclaré irrecevable la demande de Mme [U] [O] de rapport à la succession de la somme de 99 091,99 euros par M. [S] [L] ;
- déclaré irrecevable la demande de licitation des biens immobiliers et des parts de la société civile du tennis Omnes présentée par M. [S] [L] ;
- renvoyé Mme [U] [O] et M. [S] [L] devant Me [A] et Me [D] pour l'établissement de l'acte de partage conformément au projet de partage ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et dit les dépens frais privilégiés de partage.
M. [L] a relevé appel de ce jugement en ses dispositions contraires à ses prétentions. Il demande à la cour :
- à titre principal, de dire que Mme [U] [L], épouse [O], a reçu de feu [Y] [T] [G] [L] plusieurs libéralités dont le montant total s'établit à 116.586 euros ;
- dire qu'elle devra, par le mécanisme de la subrogation, rapporter à la succession la somme de 186.750 euros correspondant à la quote-part du prix de revente (1.750.000 : 266/86 )de la maison de [Localité 29], située [Adresse 24], acquise en partie avec la somme susvisée de 116.586 euros, ou à défaut, celle de 135.333 euros, et ce, conformément aux articles 843 et 860 du code civil ;
- pour le cas où la cour ne ferait pas application du mécanisme de la subrogation, dire que Mme [U] [L], épouse [O], devra rapporter à la succession de son père la somme de 116.586 euros ou, à défaut, celle de 85.067 euros ;
- dire qu'elle devra s'expliquer devant les notaires commis du remploi qu'elle a fait du prix de revente (1.750.000 Frs soit 266.786 euros) de la maison de [Localité 29], située [Adresse 24], et dire et juger que le montant du rapport dû par elle sera réévalué en considération de ce remploi ;
- subsidiairement, pour le cas où la cour estimerait que les libéralités ont été faites par le défunt conjointement aux époux [I] [O] - [U] [L], communs en biens, dire et juger que la somme de 186.750 euros ou, à défaut, celle de 116.586 euros ou, à défaut, celle de 85.067 euros, devra être réunie fictivement à la masse successorale pour le calcul de la quotité disponible et de la réserve, en application de l'article 922 du code civil, et que celle de 93.375 euros (136.750 euros/2) ou, à défaut, celle de 58.293 euros (116.586 /2) ou, à défaut, celle de 42.533 euros (85.067 euros/2)devra être rapportée par Mme [U] [L], épouse [O], à la succession de son père, en vertu des articles 843 ancien et 849, alinéa 2, du code civil ;
- en tout état de cause, dire Mme [U] [L], épouse [O], convaincue de recel successoral pour avoir occulté les libéralités susvisées dont elle a été gratifiée par son père et dire et juger en conséquence qu'elle sera privée de toute part dans la somme sujette à rapport successoral que la cour fixera, sans qu'il y ait à rechercher si elle excède ou non la mesure de la quotité disponible, conformément à I'ancien article 792 du code civil et à l'article 778 nouveau du même code ;
- la condamner à rendre à la succession du défunt les intérêts légaux courus sur la somme de 116.586 euros (cf. supra p.6) ou, à défaut, sur celle de 58.293 euros (116.536/ 2) ou, à défaut, sur celle de 42.533 euros (85.067/ 2) si la Cour estime que les sommes ont été données aux deux époux, à compter du 2l août 2014, date de leur appropriation frauduleuse par l'intimée ;
- dire que Mme [U] [L] épouse [O], ne pourra prétendre à aucune part dans lesdits intérêts légaux, et ce, sans égard à la quotité disponible, conformément aux mêmes textes légaux ;
- dire que les intérêts légaux seront capitalisés, conformément à l'article I 154 du code civil ;
- renvoyer les parties devant les notaires désignés par le tribunal avec mission pour eux d'établir un nouveau projet d'acte de liquidation et partage de la succession de feu [Y] [T] [G] [L] en tenant compte d'une part, du rapport des libéralités que la cour ordonnera et, d'autre part, des sanctions ci-dessus exposées encourues par Mme [U] [L] épouse [O], en conséquence de son recel successoral ;
- dire qu'il sera procédé à la licitation des biens mobiliers et immobiliers ci-après énumérés, selon les mises à prix ci-après proposées, à savoir :
garage sis à [Adresse 22], sur la mise à prix de 10.000 euros,
terrain sis à [Localité 27], au lieudit [Localité 31] cadastré section AB n° [Cadastre 11], la moitié indivise de la parcelle cadastrée section AB n° [Cadastre 3] et la moitié indivise de la parcelle cadastrée section AB n° [Cadastre 13] sur la mise à prix de 65.000 euros,
parcelle sise à [Localité 27], au lieudit [Localité 28], cadastrée section ZL n° [Cadastre 17], pour une contenance de 1 ha 13 a 80 ca sur la mise à prix de 800 euros,
parcelle sise à [Localité 27], au lieudit [Localité 26], cadastrée section ZK n° [Cadastre 16] pour une contenance de 80 a 50 ca sur la mise à prix de 800 euros ;
parcelle sise à [Localité 27], au lieudit [Localité 25], cadastrée section ZD n°[Cadastre 9] pour une contenance de l ha 66 a 20 ca sur la mise à prix de 500 euros,
parcelle sise à [Adresse 20], au lieudit [Localité 19], cadastrée section D n°[Cadastre 15] pour une contenance de 3a 19 ca sur la mise à prix de 50 euros,
garage sis à [Adresse 23] sur la mise à prix de10.000 euros ;
195 parts de la société civile du tennis Omnes, numérotées de [Cadastre 5] à [Cadastre 14] inclus sur la mise à prix de 1.500 euros ;
- pour le cas où la cour repousserait la demande de licitation, dire et juger y avoir lieu à tirage au sort sur l'attribution de chaque lot faisant l'objet d'une dissension entre les parties ;
- dire irrecevable en application des articles 1373 et 1374 du code de procédure civile ou, à défaut, mal fondée la demande de Mme [U] [L], épouse [O], de rapport à la succession de son père par M. [S] [L] de la somme de 99.091,99 euros (50.000 Frs + 600.000 Frs) ;
- la dire et juger mal fondée en toutes ses autres demandes principales et accessoires et l'en débouter ;
- la condamner à lui verser une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel.
En réponse, Mme [O] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [S] [L] de ses demandes de rapport par elle à la succession et de recel successoral, déclaré irrecevable la demande de licitation des biens immobiliers et des parts de la société civile du tennis Omnes et les a renvoyés devant Me [A] et Me [D] pour l'établissement de l'acte de partage, conformément au projet de partage ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a
déclaré irrecevable sa demande de rapport à la succession de la somme de 99.091,99 euros par M. [S] [L] ;
en conséquence, homologuer le projet d'acte de liquidation de la succession de [Y] [L] établi conjointement par Me [A] et [D] en exécution de leur mandat ;
dire et juger que les biens seront attribués de la façon suivante :
à elle, le garage sis à [Adresse 22], la moitié Sud du terrain sis à [Localité 27], lieudit « [Localité 31] » cadastrée section AB numéro [Cadastre 11], le quart indivis de la parcelle cadastrée section AB numéro [Cadastre 3] et le quart indivis de la parcelle cadastrée section AB numéro [Cadastre 13] et les 97 parts de la société civile du tennis Omnes, numérotées de [Cadastre 5] à [Cadastre 7] inclus, la parcelle sise à [Localité 27], au lieudit [Localité 28], cadastrée section ZL n° [Cadastre 17] pour une contenance de 1 ha 13 a 80 ca, la parcelle à [Adresse 20], au lieudit [Adresse 18], cadastrée section D n° [Cadastre 15] pour une contenance de 3 a 19 ca ;
à [S] [L], le garage sis à [Adresse 23], la moitié Nord du terrain situé à [Localité 27], lieudit « [Localité 31] », cadastrée section AB n° [Cadastre 11], le quart indivis de la parcelle cadastrée section AB n° [Cadastre 3] et le quart indivis de la parcelle cadastrée section AB n° [Cadastre 13], 98 parts de la société civile du tennis Omnes, numérotées de [Cadastre 8] à [Cadastre 14] inclus, la parcelle sise à [Localité 27], au lieudit « [Localité 26] » cadastrée section ZK n° [Cadastre 16] pour une contenance de 80 a 50 ca, la parcelle sise à [Localité 27], au lieudit « [Localité 25] » cadastrée section ZD n° [Cadastre 9] pour une contenance de 1 ha 66 a 20 ca ;
- à titre subsidiaire, condamner M. [S] [L] à rapporter à la succession de [Y] [L] les libéralités dont il a été gratifié comme venant aux droits de son père [J] [L] , à savoir le 24 septembre 1988,50.000 F et le 13 décembre 1988, 600.000 F avec intérêts au taux légal à compter de ces dates et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil ;
- renvoyer les parties devant les notaires désignés par le tribunal avec mission pour eux d'établir un nouveau projet d'acte de liquidation et partage de la succession de feu [Y] [L] en tenant compte des libéralités susvisées ;
- en tout état de cause, débouter M. [S] [L] de l'intégralité de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées le 4 octobre 2018 par M. [L] et le 14 novembre 2019 par Mme [O].
EXPOSÉ DES MOTIFS
Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, dès lors que la contestation présentée in extremis par M. [S] [L] était consignée de la manière suivante : 'Le projet de partage n'est pas sincère. Il manque des sommes importantes dans l'actif à partager' sans autre précision, remettant ainsi en cause l'équilibre précédemment trouvé, elle rend recevable toutes les demandes de rapport à la succession et non seulement celles qui lui bénéficient.
Sur le rapport réclamé à Mme [O]
M. [S] [L] se prévaut de recherches effectuées par sa mère sur les opérations bancaires de son grand-père mais il ne produit que partiellement les pièces obtenues. Ainsi, le 28 juin 1995, sa mère a reçu de son notaire copie de sept chèques émis par le de cujus. Or il ne communique que l'un de ces chèques d'un montant de 15 000 francs émis à l'ordre de [U] [O] le 28 avril 1988 alors que celle-ci justifie par la production de la comptabilité tenue par son père (parfaitement lisible sur l'exemplaire soumis à la cour) que concomitamment, un chèque du même montant avait été établi à l'ordre de [J] [L], père de [S] [L]. Ceci affaiblit la force probante des pièces sélectives dont se prévaut l'appelant d'autant qu'il n'a pas cru devoir justifier de sa bonne foi en produisant l'intégralité des chèques dont il détenait copie lorsque l'anomalie sus-examinée a été soulignée par son adversaire.
En toute hypothèse, M. [S] [L] ne démontre pas que sa tante était destinataire des remises dont il se prévaut page [Cadastre 16] de ses conclusions à l'exception du dit chèque du 28 avril 1988 et d'un chèque de 4 000 francs émis le 10 novembre 1989, qui apparaît dans le livre de comptes de [Y] [L] comme lui étant destiné. Dans cette liste figurent certes cinq opérations d'un total de 558 000 francs qui ont bénéficié à son conjoint, [I] [O], mais celles-ci ne sont pas rapportables en tant que telles à la succession.
Au contraire du livre de comptes de M. [Y] [L], il ressort que :
- le chèque BB 4637920 de 11 600 francs est renseigné comme correspondant à la construction d'un grillage,
- le chèque BB 4637923 de 10 000 francs est comptabilisé par le de cujus comme 'moi-même',
- le chèque BNP du 13 mai 1988 de 7 155 francs correspond à des charges '[Adresse 23]',
- le retrait du guichet de 20 000 francs ne peut être imputé à Mme [O],
- la somme de 100 000 francs du 14 novembre 1989 correspond à un achat d'actions.
Seules restent donc d'objet indéterminé quatre opérations d'un montant total de 39 000 francs. Mais M. [S] [L] ne démontrant pas que ces opérations ont profité à sa tante, sa prétention les concernant ne peut qu'être rejetée.
Parallèlement, le registre de compte tenu par [Y] [L] révèle un versement effectué concomitamment au profit de [J] [L] pour un montant identique à celui dont a bénéficié sa soeur (15 000 francs) et des versements ou cadeaux ayant bénéficié à [S] [L] (1 000 francs en août 89, 300 francs en août, 1 200 francs pour un voyage en août 1990, 1 438 francs pour un vélo, 800 francs pour une montre outre des remboursements de voyages en avion...). Plus encore, il est établi par ce livre de compte et le relevé du compte bancaire du défunt à la Banque de Bretagne, que le de cujus a effectué, le 10 juin 1992, un virement de 25 000 francs à son petit-fils [S]. Les sommes versées à [J] [L] et à son fils [S] sont donc établies pour un montant plus important que celles versées à sa fille [U]. Ceci révèle que le de cujus a gratifié tant sa fille que son fils, puis son petit-fils, en leur remettant des sommes ou en leur faisant des cadeaux qui au regard de l'importance de ses disponibilités, conservaient le caractère de cadeaux d'usage non rapportables à sa succession.
M. [S] [L] démontre que M. [I] [O] a été destinataire de trois virements, de respectivement 100 000 francs, 70 000 francs et 230 000 francs, les 2 juin, 22 juin et 26 juin 1988. Il a en outre bénéficié d'un chèque de 50.000 francs le 24 mai 1989 et d'un virement de 108 000 francs le 14 novembre 1989. M. [O] a donc reçu des fonds d'un montant total de 558 000 francs, soit 85.066,55 euros.
Ces versements ne peuvent être mis en relation avec l'achat par le couple [O], le 29 septembre 1988, d'une maison d'habitation à [Localité 29] au prix de 1.100.0000 francs dès lors qu'ils ne sont pas concomitants au paiement du prix de cette acquisition et qu'il est démontré que ce prix, pour sa partie versée au comptant, a été payé grâce à un prêt BNP de 420 000 francs et pour le surplus exigible le 5 juin 1989, par un prêt de 344 000 francs consenti le 27 mai 1989 complété par un prêt d'accession à la propriété de 36.000 francs et enfin par un apport personnel provenant de fonds d'une valeur de 300 000 francs donnés par la mère de Mme [O], la créance correspondante apparaissant à l'actif successoral dans la déclaration de succession. La demande de revalorisation des libéralités invoquées ne pourrait donc prospérer.
Mais de surcroît, les dons faits au conjoint d'un époux successible sont réputés faits avec dispense de rapport pour le tout, peu important le régime matrimonial des époux. Seule une action en réduction pour atteinte à la réserve aurait pu dès lors être intentée de ce chef. L'argumentation de M. [L] selon lequel ces remises constitueraient des donations rapportables déguisées faites en nom propre à Mme [O] ne repose sur aucune argumentation pertinente, étant fait remarquer que le de cujus lui-même a dénié avoir voulu gratifier sa fille. Le raisonnement tenu par M. [L], selon lequel [Y] [L] dissimulait ainsi des donations rapportables destinées à sa fille, n'est pas convaincant dès lors que rien ne l'empêchait de la gratifier par des donations dispensées de rapport et qu'il a au contraire manifesté une volonté d'égalité entre ses deux enfants, notamment par son souhait de dispenser de rapport les dons d'un montant plus important faits à la même époque à son fils (99.092 euros), dons qui auraient, à défaut, été non seulement rapportables mais encore revalorisables puisque destinés à l'achat d'un bien immobilier.
En effet, Mme [O] démontre que son père avait viré au bénéfice de son frère [J] les sommes de 50 000 francs le 24 septembre 1988 et de 600 000 francs le 13 décembre 1988. De la lettre que le de cujus écrivait à Me [E], notaire chargé de la succession de son fils, il ressort que la somme de 600 000 francs versée à [J] [L], provenant de la vente d'un appartement à [Localité 21], constituait un prêt destiné à permettre à son bénéficiaire d'acheter un appartement qui avait, d'après la déclaration de succession de [J] [L], une valeur de 685 000 francs. [Y] [L] indiquait dans le courrier sus-mentionné ne pas demander immédiatement le remboursement du prêt dont le nominal devrait être rapporté à la succession à son décès, aucun intérêt n'étant réclamé. Cependant ultérieurement dans sa lettre explicative de son testament, [Y] [L] précisait : 'Si aucun problème ne survient si ma succession se passe comme indiqué dans mon testament du 12 novembre 1990, je demande qu'on ne parle pas du prêt de 650 000 francs fait à [J] et qu'il ne soit pas rapporté à ma succession.'. Il en résultait, ainsi que l'analysait avec pertinence le notaire, que dans cette hypothèse qui s'est réalisée, le don manuel ne serait pas rapportable et donc consenti à titre préciputaire. En revanche, en cas d'exercice d'une action en réduction pour atteinte à la réserve, il devait être pris en compte pour le calcul de la quotité disponible conformément à l'article 922 du code civil.
En conséquence, il n'y a pas lieu à rapport des sommes versées à M. [O] et à [J] [L] pour des montants respectifs de 85 066,55 euros et de 99.091,86 euros.
M. [S] [L] qui connaissait déjà à cette date la donation de 650 000 francs faite à son père (rappelée en annexe du testament) ainsi que les ordres de virement d'un montant de 400 000 francs effectués au profit d'[I] [O] (transmission de copie de ces documents le 16 août 1995) de même que les deux libéralités postérieures ayant bénéficié à celui-ci (chèque de 50.000 francs le 24 mai 1989 et virement de 108 000 francs le 14 novembre 1989) a pris le parti de ne pas invoquer ces différentes libéralités dans le cadre de l'action en réduction des libéralités pour atteinte à sa réserve qu'il a exercée dans l'instance ayant abouti au jugement contradictoire mixte rendu le 11 juin 2003 qui l'a débouté de cette action. Ce jugement signifié le 19 juillet 2013 a acquis force de chose jugée, aucun appel n'ayant été formé à son encontre. En conséquence, sa nouvelle action, d'ailleurs peu explicite, de réduction des libéralités pour atteinte à sa réserve est irrecevable.
Il n'y a pas lieu à licitation des biens indivis, demande qui n'ayant pas été présentée lors de l'établissement du procès-verbal de difficulté, est irrecevable. En toute hypothèse, une telle demande devait être écartée dès lors que le partage en nature des biens est possible et beaucoup moins coûteux. A cet égard, les valeurs retenues par les notaires dans le procès-verbal de difficultés, non critiquées, seront entérinées. En revanche à défaut d'accord entre les parties sur les attributions proposées, il y aura lieu à attribution des deux lots constitués dans le procès-verbal par tirage au sort.
En équité, une somme de 3 000 euros sera mise à la charge de [S] [L] qui succombe et supportera en conséquence la charge des dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Confirme le jugement rendu le 17 janvier 2018 par le tribunal de grande instance de Brest en ce qu'il a :
- débouté M. [S] [L] de ses demandes de rapport par Mme [U] [O] à la succession de diverses sommes et d'application à son encontre de la sanction du recel successoral ;
- déclaré irrecevable la demande de licitation des biens immobiliers et des parts de la société civile du tennis Omnes présentée par M. [S] [L] ;
- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et dit les dépens frais privilégiés de partage ;
Le réformant pour le surplus et y ajoutant,
Déclare recevable mais non fondée la demande de rapport à la succession par [S] [L] de la somme de 99.091,86 euros ;
Déclare irrecevable la nouvelle action en réduction pour atteinte à sa réserve formée par M. [S] [L] ;
Dit que sauf meilleur accord des parties, le partage de la succession s'effectuera en nature sur la base des lots et des valeurs retenues par les notaires dans le projet d'état liquidatif joint au procès-verbal de difficultés, par tirage au sort des dits lots tels que figurant dans le projet annexé au procès-verbal de difficultés ;
Renvoie Mme [U] [O] et M. [S] [L] devant Me [A] et Me [D] pour l'établissement de l'acte de partage conformément au projet annexé au procès-verbal de difficultés sauf à procéder, à défaut de meilleur accord, à un tirage au sort des lots ;
Condamne M. [S] [L] à payer à Mme [U] [L] épouse [O] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne M. [S] [L] aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT