La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/01/2020 | FRANCE | N°17/00867

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 29 janvier 2020, 17/00867


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°



N° RG 17/00867 - N° Portalis DBVL-V-B7B-NV2R













SAS SOFEMAT



C/



M. [Z] [F]

















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPL

E FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 29 JANVIER 2020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant ...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°

N° RG 17/00867 - N° Portalis DBVL-V-B7B-NV2R

SAS SOFEMAT

C/

M. [Z] [F]

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 29 JANVIER 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

GREFFIER :

Monsieur Pierre DANTON, lors des débats, et Monsieur Michael JACOTEZ, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 Novembre 2019

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 29 Janvier 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SAS SOFEMAT

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-yves SIMON de la SELARL LES CONSEILS D' ENTREPRISES, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉ :

Monsieur [Z] [F]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Bruno LOUVEL de la SELARL PHENIX, avocat au barreau de RENNES

M. [Z] [I] [F] a constitué, le 20 mars 1999, une société dénommée EMAX et dont l'objet était la commercialisation d'une presse à balles, servant au conditionnement de matériaux recyclés, fabriquée en Slovénie. Il était en outre, en parallèle, gérant associé de la SARL EUROP TECH' avec M. [U], entreprise spécialisée dans la commercialisation de machines de la marque HARRIS, et notamment de presses à balles de cette marque.

Le 9 septembre 2002, M. [F] a été engagé par la société TMP DISTRIBUTION HOLDING dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de Commercial-responsable Clientèle liée à l'environnement, niveau 5, échelon 3, coefficient 365. Il a ensuite fait l'objet d'un transfert, le 12 avril 2004, au sein de la société SOFEMAR, entreprise de 95 salariés spécialisée dans le domaine du négoce des machines de travaux publics.

M. [F] avait notamment pour mission de développer le Pôle Environnement et la commercialisation de presses à balles E-max, distribuées par la société slovène ANIS TREND.

Le contrat de travail de M. [F] ne comportait pas de clause d'exclusivité.

Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective SDLM du 30 octobre 1969 et ses avenants.

Par courrier du 11 avril 2007, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, convocation assortie d'une mise à pied conservatoire. L'entretien préalable s'est déroulé le 18 avril 2007.

Le 23 avril 2007, son licenciement pour faute lourde lui a été notifié en ses termes :

'Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute lourde.

En effet, depuis de nombreux mois, vous avez utilisé votre fonction de commercial au sein de la SOFEMAT et profité de vos relations commerciales pour exercer en votre nom propre une activité faisant concurrence à la notre.

La société E-max dont vous êtes actuellement l'unique dirigeant a une activité de négoce sur du matériel dont vous deviez développer les ventes au nom de SOFEMAT.

En outre, vous avez admis lors de l'entretien du 18 avril 2007 avoir créé un poste sur E-Max pour assurer le service après-vente du matériel vendu au nom de SOFEMAT.

Vous n'êtes pas sans savoir qu'il s'agit là de l'activité principale de notre société.

Nous vous reprochons d'avoir usé en toute déloyauté de vos fonctions de la société SOFEMAT pour tirer profit de cette situation pour votre compte personnel. Cette conduite est préjudiciable aux intérêts de l'entreprise et met en cause la bonne marche du service. Les explications recueillies auprès de vous, au cours de notre entretien du 18 avril 2007, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation sur le sujet.

Nous vous informons que nous avons en conséquence décidé de vous licencier pour faute . Compte tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, le licenciement prenant effet à la date de présentation de cette lettre, sans indemnité de préavis ni de licenciement ni de congés payés'.

Le 2 août 2007, la société SOFEMAT a déposé plainte devant le procureur de la République de Quimper à l'encontre de M. [F] pour abus de confiance, faux et usage de faux et escroquerie. Le juge d'instruction a, le 30 septembre 2014, prononcé une ordonnance de non-lieu, confirmée par arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes en date du 9 octobre 2015.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. [F] a saisi le Conseil de prud'hommes de Rennes en date du 20 juin 2007, aux fins de voir, dans le dernier état de ses demandes :

- fixer la moyenne mensuelle de son salaire à 4 529,58€,

- condamner la SAS SOFEMAT à lui payer les sommes suivantes :

* 54 355 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 14 947,61 € à titre d'indemnité de préavis y compris les congés payés afférents,

*3 472,68€ à titre d'indemnité de licenciement,

* 1 708,78 € à titre de rappel de salaires y compris les congés payés afférents,

* 6 588,48€ à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 823,56 € au titre des jours RTT dus (4 jours),

- ordonner à la SAS SOFEMAT de lui remettre l'attestation Pôle Emploi rectifiée, le certificat de travail, les bulletins de salaire rendant compte du règlement précité des sommes à caractère salarial ainsi que des indemnités de rupture, le tout sous astreinte de 50,00€ par jour de retard,

- condamner la SAS SOFEMAT à lui verser la somme de 3 000,00€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- ordonner l'exécution provisoire.

La SAS SOFEMAT a demandé au conseil de rejeter l'ensemble des demandes de M. [F] et de condamner ce dernier à lui payer la somme de 5 000,00€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par Jugement en date du 9 janvier 2017, le Conseil de prud'hommes de Rennes a :

- dit le licenciement de M. [F] sans cause réelle et sérieuse,

- fixé la moyenne mensuelle du salaire à 4 529,58 €,

- condamné, en conséquence, la SAS SOFEMAT à payer à M. [F] les sommes suivantes :

* 28 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 14 947,61 € à titre d'indemnité de préavis et congés payés afférents,

* 3 472,68€ au titre de l'indemnité de licenciement,

* 1 708,78€ au titre des rappels de salaires et congés payés afférents pendant la période de mise à pied,

* 6 588,84€ au titre des indemnités compensatrices de congés payés,

* 823,56 € au titre des jours RTT,

* 1 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la remise de l'attestation rectifiée de Pôle Emploi, du certificat de travail et des bulletins de salaires faisant apparaître les règlements précités ainsi que les indemnités de rupture,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- mis les dépens à la charge de la SAS SOFEMAT.

La SAS SOFEMAT a régulièrement interjeté appel de cette décision le 6 février 2017.

En l'état de ses dernières conclusions postées par son conseil le 29 octobre et reçues le 30 octobre 2019, la SAS SOFEMAT demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter M. [F] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 3 juillet 2017, M. [F] demande à la cour de :

- ordonner le rejet des pièces 1 à 101 de la SAS SOFEMAT,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner la SAS SOFEMAT à lui payer la somme de 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS SOFEMAT aux entiers dépens

La clôture de l'instruction a été ordonnée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 1er octobre 2019 .

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [F] demande le rejet des pièces 1 à 101 produites par la partie appelante en faisant valoir que, les mails provenant d'une adresse mail personnelle, l'employeur a porté atteinte à sa vie privée en les consultant, la société réplique qu'il ne s'agissait pas d'une adresse mail privée mais d'une adresse professionnelle et ajoute que l'intimé n'a pas interjeté appel du jugement du conseil des prud'hommes du 1 er septembre 2008 qui, ordonnant par ailleurs un sursis à statuer dans l'attente d'une décision dans la procédure pénale évoquée supra, a définitivement tranché la question en admettant la recevabilité de ces pièces.

Si M. [F] justifie qu'il avait à titre personnel un abonnement wanadoo, les factures produites aux débats n'établissent pas qu'il avait dans ce cadre pour son usage privé l'adresse [Courriel 6], alors qu'il est établi que cette adresse était l'adresse utilisée à titre professionnel entre les parties, que l'employeur payait les connexions internet et que d'autres adresses de salariés au sein de la société étaient des adresses wanadoo, et il n'est pas établi non plus que cette adresse ait été utilisée, à partir de l'ordinateur confié par l'employeur, pour un usage privé, aucune atteinte à la vie privée du salarié n'est donc caractérisée et il n'y a pas lieu d'écarter des débats les pièces 1 à 101 de l'appelante.

L'arrêt de non lieu à poursuites au plan pénal, de la chambre de l'instruction, dépourvu de l'autorité de la chose jugée, est sans incidence sur le litige.

Aucune des pièces versées aux débats n'établit la connaissance par l'employeur de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié avant la réception de la facture téléphonique dont il indique que le montant a attiré son attention et constitué pour lui une alerte, établie le 4 mars 2007, ce qui l'a déterminé à consulter le site des annonces légales le 30 mars 2007 (sa pièce 124). En effet, les pièces dont M. [F] se prévaut ne permettent pas d'établir cette connaissance puisque les déclarations de sous traitants, adressées le 28 février 2007 et datées du 15 janvier 2007 portent une signature que le simple examen visuel permet d'attribuer à M. [F] lui-même, la déclaration concernant la proposition d'agrément de la société EMAX produite n'est pas signée, le courrier de la communauté d'agglomérations Limoges Métropole du 1 er août 2008 est postérieur à la mise à pied alors qu'il est établi que le salarié avait un pouvoir de signature, la prise en charge des frais de publicité par la société E-Max est du 22 avril 2017, sur facturation du 23 mars 2007, le logo EMAX sur le document concernant une presse COMDEC (pièce 22 de l'intimé) et sur des documents publicitaires, ne renvoient pas à l'identification de la société EMAX dont l'adresse et le N° de RCS ne sont pas mentionnés, mais peuvent se rapporter simplement au produit EMAX distribué par la société Sofemat Environnement. L'employeur rapporte la preuve, au vu des pièces produites, qu'il a donc bien engagé la procédure de licenciement dans le délai de deux mois à partir de la connaissance des faits, conformément à l'article L1332-4 du CT.

Même si le contrat de travail ne comporte pas de clause d'exclusivité, l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail interdit au salarié de se livrer à une activité concurrente de celle de son employeur.

M. [F] a admis, dans le cadre des auditions menées aux différentes phases de l'enquête pénale versées aux débats par l'employeur, au vu des documents découverts sur son ordinateur (les pièces de la société appelante cotées 1 à 101 notamment dans le cadre de la présente instance) et après confrontation avec le gérant de la société plaignante, qu'il s'était engagé verbalement lors de son embauche à mettre en sommeil sa société EMAX, après avoir réglé des affaires en cours ce qui prenait du temps, il a admis, ce qu'il développe également dans ses écritures, avoir exercé une activité technique dans le cadre de prestations facturées par sa société EMAX mais il explique qu'il avait dû suppléer aux difficultés de la Sofemat à assurer l'installation et la maintenance du matériel vendu par elle après achat auprès d'Anis Trend, ce qui l'avait conduit à développer une activité de sous traitant pour la société SOFEMAT, et que, s'il a négocié des affaires, pour la société EUROPTECH, notamment des ventes de presses à balles HARRIS, les commissions étant perçues par sa société EMAX, il ne s'agissait pas d'une activité concurrente à celle de son employeur. S'agissant d'un échange avec la société Anis Trend à qui il demande de lui fournir une adresse d'un de ses clients à l'étranger pour l'établissement d'une facture, ce à quoi son interlocuteur répond que c'est un peu dangereux, qu'il n'y a rien d'illégal mais que SOFEMAT ne doit pas savoir, il explique qu'il était le sous traitant de Anis Trend et qu'Anis Trend et lui se posaient la question de savoir si SOFEMAT devait être informé ou pas que c'était EMAX qui faisait la prestation, sur les factures.

La société établit, par les pièces qu'elle verse citées plus haut : - que M. [F] entretenait de nombreux échanges pendant son temps de travail avec son ex co gérant M. [U], de la société EUROPTECH, en qualité de responsable commercial, qu'il a même effectué des déplacements des jours de semaine, alors qu'il travaillait à temps plein pour la société SOFEMAT, dans le cadre de cette activité, qui est concurrente à celle de l'employeur puisque des prospects et auteurs d'appel d'offres sont dans les deux cas des collectivités intéressées par des solutions de recyclage de déchets, la presse HARRIS étant vantée par M. [F] comme 'la plus efficace pour la mise en balle des ordures ménagères', 'le meilleur score pour la densité des balles', - que M. [F] ne lui a jamais adressé, ce qui n'est pas contesté par celui-ci mais reste sans explication de sa part, de factures de sous traitance, et que, si tant est qu'il était effectivement le sous traitant d'Anis Trend pour des prestations techniques, il le lui a caché. L'ensemble de ces faits constituent une violation de l'obligation de loyauté qui ne permettaient pas son maintien dans l'entreprise, sans toutefois que l'employeur ne démontre d'intention de nuire à la société SOFEMAT, de sorte que le licenciement repose sur une faute grave, mais non une faute lourde. M. [F] doit donc être débouté de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé en ce qu'il y a fait droit.

La société SOFEMAT ne critique pas expressément la disposition du jugement qui l'a condamnée à payer à M. [F] la somme de 823,56 € au titre de jours ARTT et ne justifie pas en cause d'appel qu'elle avait rempli le salarié de ses droits à ce titre, le jugement doit donc être confirmé sur ce point.

L'équité et la situation respective des parties ne justifient pas l'application de l'article 700 du CPC en cause d'appel.

M. [F] , qui succombe principalement, doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

DIT n'y avoir lieu à écarter des débats les pièces 1 à 101 de la société SOFEMAT,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société SOFEMAT à payer à M. [Z] [F] la somme de 823,56 € au titre de jours ARTT,

L'INFIRME en ses autres dispositions,

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DEBOUTE M. [Z] [F] du surplus de ses demandes,

DEBOUTE la société SOFEMAT de sa demande au titre de l'article 700 du CPC,

CONDAMNE M. [Z] [F] aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 17/00867
Date de la décision : 29/01/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 05, arrêt n°17/00867 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-29;17.00867 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award